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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1541/2012

ATA/49/2013 du 29.01.2013 ( DELIB ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 13.03.2013, rendu le 01.11.2013, REJETE, 1C_259/2013
Recours TF déposé le 08.03.2013, rendu le 01.11.2013, REJETE, 1C_259/2013
Descripteurs : ; AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; PLAN D'AFFECTATION ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE ; GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ
Normes : LExt.15Ass ; Cst.26 ; Cst.27 ; Cst.36
Parties : CHAMBRE GENEVOISE IMMOBILIERE ET AUTRES, UNION SUISSE DES PROFESSIONNELS DE L'IMMOBILIER - GENEVE, FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES, CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE GENEVE, FEDERATION DU COMMERCE GENEVOIS, WICHT Guy, NAEF IMMOBILIER GENEVE SA / CONSEIL D'ETAT, VILLE DE GENEVE
Résumé : Admission partielle d'un recours contre une modification du règlement relatif aux plans d'utilisation du sol de la ville de Genève (RPUS). Examen de l'atteinte à la garantie de la propriété et à la liberté économique par la disposition du règlement prévoyant les différents lieux d'animations tels que les cafés, restaurants, tea-rooms, théâtres, cinémas, musées, salles de concert, de spectacles, de conférences, ainsi que les magasins d'alimentation, situés au centre-ville ou en bordure des rues commerçantes de quartier selon la carte annexée au RPUS, conservent en règle générale leur catégorie d'activité. Cette disposition a été jugée conforme aux conditions des restrictions des droits fondamentaux. En revanche, une autre mesure visant au maintien de la diversité de l'offre de commerces a été jugée incompatible avec la liberté économique car n'étant pas neutre sur le plan économique et faussant la concurrence, elle devait être qualifiée de mesure de politique économique.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1541/2012-DELIB ATA/49/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 janvier 2013

 

dans la cause

 

CHAMBRE GENEVOISE IMMOBILIèRE
CHAMBRE DE COMMERCE, D’INDUSTRIE et des services DE GENèVE
FéDéRATION DES ENTREPRISES ROMANDES genève
FéDéRATION DU COMMERCE GENEVOIS
NAEF IMMOBILIER GENèVE s.a.
UNION SUISSE DES PROFESSIONNELS DE L’IMMOBILIER de GENèVE
Monsieur Guy WICHT
représentés par Me Jean-Marc Siegrist, avocat

contre

VILLE DE GENèVE

et

CONSEIL D'éTAT

 



EN FAIT

1) Par délibération du 28 juin 2011, le Conseil municipal de la Ville de Genève (ci-après : la ville) a adopté une modification du règlement général relatif aux plans d’utilisation du sol de la Ville de Genève du 20 février 2007, entré en vigueur le 27 février 2010 (RPUS - LC 21.211).

Cette modification portait principalement sur l’art. 9 al. 1 à 7 RPUS intitulé « règles applicables aux activités contribuant à l’animation des quartiers ».

2) Par arrêté du 18 avril 2012, le Conseil d’Etat a approuvé la modification du 28 juin 2011 du RPUS sous réserve des art. 9 al. 6 et al. 7, 2ème phrase et art. 16 (concernant les « vitrines mortes »). Dit arrêté a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 24 avril 2012.

Les modification suivantes du RPUS étaient approuvées :

A l’art. 1, l’al. 2 let. b), RPUS, indique que le règlement « définit l’affectation et la destination des constructions existantes dans les cas où les dispositions du présent règlement leur sont directement applicables ».

L’art. 3 al. 6 : « Par bâtiment d’activités, il faut entendre tout bâtiment comportant des locaux qui, par leur destination, leur aménagement et leur distribution, sont destinés à des activités telles que les services de prestations ou administratifs, les diverses catégories de magasins, les cafés, les restaurants, les tea-rooms, les théâtres, les cinémas, les musées, les salles de concert, de spectacles, de conférences, ou les lieux de loisirs ».

« L’art. 9 al. 1. Activités accessibles au public

1.1 Afin de développer l’animation et l’attractivité des quartiers dans les secteurs 1 à 3, en maintenant et en favorisant l’implantation des activités de manière harmonieuse, diversifiée et équilibrée, les surfaces au rez-de-chaussée des bâtiments, doivent, pour la nette majorité de chaque surface, être destinées ou rester destinées à des activités accessibles au public, lorsqu’elles donnent sur des lieux de passage ouverts au public.

1.2 Cette règle ne s’applique pas lorsqu’une construction nouvelle ne se situe pas en continuité avec des bâtiments dont les rez-de-chaussée sont affectés à des locaux ouverts au public.

 

 

Art. 9 al. 2. Définitions

2.1 Par activités accessibles au public, il faut entendre les locaux ouverts au public, les arcades ou les bâtiments accessibles depuis le rez-de-chaussée, quels que soient les étages ouverts au public, notamment destinés au commerce, à l’artisanat, aux loisirs, aux activités sociales ou culturelles, à l’exclusion des locaux fermés au public.

2.2 Par locaux fermés au public, on entend des locaux inoccupés par des personnes ou des locaux occupés essentiellement par des personnes de l’entreprise ou qui sont destinés à une clientèle accueillie dans des conditions de confidentialité, notamment des bureaux, cabinets médicaux, études d’avocats, de notaires, fiduciaires, experts-comptables, agents immobiliers, etc.

Art. 9 al. 3. Maintien des activités d’animation

Les cafés, restaurants, tea-rooms, théâtres, cinémas, musées, salles de concert, de spectacles, de conférences, de lieux de loisirs et d’animations divers, notamment sur le plan social, culturel et récréatif, ainsi que les magasins d’alimentation, situés tout particulièrement au centre-ville (secteur A) ou en bordure des rues commerçantes de quartier (secteur B) selon la carte annexée, conservent en règle générale leur catégorie d’activité en cours d’exploitation ou leur dernière exploitation, s’il s’agit de locaux vacants.

Art. 9 al. 4. Maintien de la diversité de l’offre de commerces

Les commerces et les diverses catégories de magasins ouverts au public, au centre-ville (secteur A), conservent ou changent, selon, leur activité, afin d’améliorer et développer la diversité de l’offre, le commerce de proximité et l’animation au centre-ville.

Art. 9 al. 5. Exceptions

S’il est démontré que l’exploitation des activités, citées aux alinéas 3 et 4, exercées dans un ou des locaux, ne peut pas être poursuive, pour d’autres motifs qu’une majoration de loyer excessive ou un prix d’acquisition disproportionné du bien immobilier ou du fonds de commerce, une dérogation au sens de l’article 14 peut être octroyée.

Art. 9 al. 6. Procédures

Les changements de destination de surfaces de plancher, au sens du présent article, seront soumis à l’autorisation du Département des constructions et des technologies de l’information, même en l’absence de travaux, en application de l’article 1, alinéa 2, lettre b) de la loi sur les constructions et installations diverses. »

« Article 15 - Entrée en vigueur »

1. La présente modification du règlement général relatif aux plans d’utilisation du sol de la ville de Genève, adopté le 20 février 2007, ainsi que son annexe relative au plan sectoriel entrent en vigueur le jour du lendemain de la publication, dans la Feuille d’avis officielle, de l’arrêté d’approbation du Conseil d’Etat.

2. Les nouvelles dispositions du règlement général s’appliquent aux demandes d’autorisation ou de dérogation en cours d’instruction au jour de leur entrée en vigueur. Elles s’appliquent également aux demandes qui ne sont pas encore été entrées en force, en cas de recours.

3. Le présent règlement devra faire l’objet, dans un délai de deux ans après son entrée en vigueur, d’un rapport du Conseil administratif au Conseil municipal évaluant les effets du règlement, notamment au regard des critères suivants : nombre de commerces impactés par les plans d’utilisation du sol, nombre d’arcades vides dans le périmètre concerné, amélioration de l’animation et de la diversité des commerces, impact sur la liberté de commerce et d’industrie, ainsi que sur le droit de propriétés foncières ».

Sur le plan annexé au RPUS figurent notamment, sous la dénomination « rues commerçantes de quartier - secteur B », des tronçons des boulevards Carl-Vogt, de St-Georges et du Pont-d’Arve, des rues de Carouge, des Charmilles, des Eaux-Vives, de Montchoisy, de Lyon et de la Servette.

3) Le 21 mai 2012, la Chambre genevoise immobilière (ci-après : la CGI), l’Union suisse des professionnels de l’immobilier de Genève (ci-après : l’USPI), la Fédération des entreprises romandes Genève (ci-après : la FER), la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (ci-après : la CCIG), Naef immobilier Genève S.A. (ci-après : Naef) et Monsieur Guy Wicht ont recouru ensemble auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l’arrêté précité du Conseil d’Etat du 18 avril 2012 en concluant à son annulation ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

a. M. Wicht était copropriétaire d’un immeuble sis 87, rue de Carouge à Genève, dans lequel se trouvaient deux arcades commerciales au rez-de-chaussée, exploitées comme droguerie et établissement de restauration rapide.

Naef était une société qui avait pour but social la gestion d’immeubles et de copropriétés, de courtage immobilier et de promotion immobilière. Elle avait ouvert en octobre 2010 une agence dans une arcade sise 75, route de Florissant à Genève qui avait pour principale activité la vente de biens immobiliers, alors qu’autrefois cette surface était exploitée comme vidéoclub.

La CGI, l’USPI et la CCIG se vouaient par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire. La CGI, l’USPI, la FER, la CCIG et FCG étaient constituées comme des associations qui avaient pour but la défense des intérêts de leurs membres, dont la grande majorité exploitait ou possédait un commerce en ville de Genève. M. Wicht et Naef étaient également touchés, de par leur position de propriétaires ou d’occupants d’arcades dans la Ville de Genève, par le projet de modifications du RPUS, dans la mesure où il s’appliquait à l’ensemble des commerces.

b. L’élaboration du RPUS n’avait pas respecté l’exigence de participation démocratique découlant de la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40).

Le dossier tel qu’il avait été mis à l’enquête publique ne comportait pas la moindre donnée relative à des évaluations globales, de détails de la situation et d’éventuelles mesures à prendre. Il ne contenait pas non plus le moindre rapport d’enquête ni la moindre conclusion d’expert. Alors que le RPUS avait été adopté il y avait à peine cinq ans, une planification raisonnable aurait nécessité de le faire évaluer pour, le cas échéant, décider ensuite des moyens susceptibles de l’améliorer.

Ils avaient fait parvenir des observations dans le cadre de l’enquête publique, le 2 mai 2011. Ils dénonçaient la violation de la liberté économique des exploitants des commerces et de la garantie de la propriété des personnes concernées par la modification du RPUS, l’incompatibilité des normes proposées avec les dispositions fédérales relatives au droit du bail et, diverses irrégularités dans la procédure visant l’adoption des modifications. Le Conseil municipal avait adopté les modifications du RPUS sans se prononcer sur leurs observations ni même en accuser réception.

Les observations avaient été réitérées auprès du Conseil d’Etat le 4 août 2011 en lui demandant de ne pas approuver les modifications. Le 18 avril 2012, le Conseil d’Etat avait indiqué approuver les modifications sous réserve des dispositions concernant les « vitrines mortes » et joignait un courrier de la Ville de Genève du 7 décembre 2011 répondant à certaines des questions soulevées dans les observations.

L’exigence de soin tout particulier avec lequel les différents intérêts en présence devaient être recensés et évalués dans le cadre d’une mesure d’aménagement du territoire n’avait pas été respectée. En approuvant les modifications, le Conseil d’Etat avait violé l’art. 15D let. c LExt.

c. Le RPUS excédait le cadre de la délégation législative figurant dans la LExt.

Les plans d’utilisation du sol (PUS) avaient pour but de répartir les terrains à bâtir en différents secteurs (intérêt public, habitation ou logements, travail ou emplois) ; les règlements d’application étaient censés fixer les taux de répartition dans les différents secteurs, afin d’assurer un équilibre entre l’habitat et l’artisanat, le commerce, l’administration et les secteurs de détente. Le nouvel art. 9 al. 3 RPUS ne se bornait pas à répartir diverses affectations en fonction de secteurs. Il figeait l’ensemble des activités qualifiées « d’animation ». De plus, ce mécanisme intervenait, que le commerce soit en cours d’exploitation ou en faillite. De même, l’art. 9 al. 4 RPUS figeait, lui aussi, l’affectation de locaux. Cette réglementation extrêmement stricte ne connaissait qu’une possibilité de dérogation qui obligeait le propriétaire ou l’exploitant à démontrer que l’activité en question ne pouvait pas être poursuivie pour d’autres motifs qu’une majoration de loyer excessive ou un prix d’acquisition disproportionné du bien immobilier ou du fonds de commerce. Une telle intervention dans l’économie cantonale excédait manifestement la délégation législative figurant aux art. 15A et ss. LExt.

d. Les choix et les moyens retenus par le RPUS étaient gravement inopportuns.

Aucun expert n’avait été consulté dans l’élaboration des modifications apportées au RPUS. Il était contraire à l’économie de marché de figer par un décret politique le type d’activités dorénavant autorisées dans le périmètre de la Ville de Genève. En outre, la sélection des activités apparaissait pour le moins arbitraire.

Par exemple, l’Apple store à proximité du carrefour de Rive apportait plus d’animation que ne le faisait l’ancien cinéma qu’il avait remplacé. Ce changement aurait été impossible avec le nouveau RPUS.

Une régie immobilière était susceptible de contribuer davantage à l’animation d’un quartier qu’un magasin où personne ne se rendait, comme cela avait été le cas pour la reprise par Naef d’une arcade occupée par un vidéo club ayant dû fermer ses portes par manque d’activité. Cette reprise aurait été impossible en application des dispositions contestées du RPUS.

e. Le RPUS violait le principe de la primauté du droit fédéral inscrit à l’art. 49 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

L’art. 9 al. 5 RPUS attribuait aux autorités cantonales une nouvelle prérogative, à savoir le contrôle de la juste valeur des loyers, respectivement de la juste valeur des fonds de commerce. Cette réglementation était manifestement contraire au droit fédéral. Il était unanimement admis que le législateur fédéral avait épuisé la compétence de la Confédération en matière de droit privé, notamment s’agissant du caractère abusif des loyers. Une loi cantonale pouvait certes subsister si elle ne poursuivait pas le même but que la loi fédérale. Or, l’art. 9 al. 5 RPUS était un instrument déguisé de lutte contre les hausses abusives de loyers.

f. Le RPUS violait la garantie de la propriété instituée par l’art. 26 Cst.

Les art. 9 al. 3 et al. 4 RPUS avaient précisément pour effet de maintenir l’affectation d’un bâtiment et d’obliger le propriétaire à poursuivre une activité déterminée même contre son gré. Les principes en matière de classement des bâtiments devaient trouver application puisque cette mesure produisait concrètement le même effet, voire était plus sévère. Une aide de l’Etat devait accompagner l’interdiction du changement d’affectation.

La technique législative appliquée, à savoir l’utilisation de notions juridiques indéterminées, permettait une extension à l’envi du règlement. Les mesures n’étaient manifestement pas aptes à atteindre le but visé. Ce choix avait pour effet principal de privilégier des activités existantes par rapport à des activités nouvelles. Ainsi, le RPUS aurait par exemple pour effet d’imposer le maintien de cinémas et de vidéo clubs déficitaires, alors que l’établissement de magasins de produits et de régies immobilières générerait davantage d’animation de quartier. Si un commerce faisait faillite, c’était parce que la clientèle l’avait déserté et son impact sur l’animation du quartier ne pouvait qu’être négligeable, voire contreproductif.

g. Le RPUS violait la liberté économique telle que garantie par l’art. 27 Cst, ainsi que la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02).

La liberté économique comprenait notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative et son libre exercice. Les cantons n’étaient pas autorisés à adopter des mesures dites de politique économique qui avaient pour but d’entraver la libre concurrence, d’avantager certaines entreprises ou certaines formes d’entreprises et qui tendaient à diriger la vie économique selon un plan déterminé. En outre, les mesures des art. 9 al. 3 et al. 4 RPUS ne respectaient pas le principe de l’égalité entre concurrents.

4) Le 4 juillet 2012, la ville a déposé ses observations en concluant au rejet du recours.

a. Le projet d’arrêté demandant la modification de l’art. 9 RPUS relatif aux activités aux rez-de-chaussée des immeubles (PA-78) avait été renvoyé en commission de l’aménagement lors de la séance du Conseil municipal du 16 septembre 2008. Selon l'exposé des motifs, certaines arcades du centre-ville étaient en voie de disparition par fermeture ou menace de fermeture. Certains cafés ou cinémas disparaissaient au profit d’activités telles que la joaillerie et les montres de luxe. Il s’ensuivait une explosion des loyers que certains types de commerces ne pouvaient assumer et une diminution de la fréquentation de certains quartiers. Des espaces créant de l’animation au centre-ville disparaissaient.

La CGI, la FCG ainsi que la société des Cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève avaient notamment été entendues par la commission d'aménagement. Le magistrat en charge du département compétent pour les questions d’aménagement du territoire avait également été entendu et le projet adapté aux préoccupations de différents locataires. En outre, le service d’urbanisme de la Ville de Genève avait été reçu à plusieurs reprises par la commission d'aménagement du Conseil municipal.

Les alinéas 1 et 2 de l’art. 9 ne modifiaient pas le contenu de l’art. 9 RPUS qui visait déjà à maintenir des activités ouvertes au public au rez-de-chaussée des bâtiments. L’al. 3 nouveau visait le maintien de certaines activités citées. L’alinéa 4 nouveau permettait de garantir une offre diversifiée dans un secteur bien délimité, évitant ainsi la concentration de certaines activités au centre-ville et l’alinéa 5 nouveau réglait le régime des exceptions en reprenant les exigences déclarées compatibles avec le droit constitutionnel par le Tribunal fédéral pour le changement d’affectation des hôtels.

Les observations des recourants avaient été transmises à la ville et traitées par la commission de l’aménagement. Lors de sa séance du 10 mai 2011, la commission avait auditionné la juriste du département des constructions et des technologies de l'information au sujet des griefs soulevés à l’encontre du projet d’arrêté. Celle-ci avait déclaré que les observations reprenaient des remarques déjà formulées sous forme d’opposition au RPUS qui avaient déjà été traitées dans les recours déposés à l’époque de l’adoption de celui-là.

Le juriste de l’office de l’urbanisme avait exposé à la commission que le Conseil d’Etat examinerait la légalité des mesures adoptées mais non leur opportunité. La question des vitrines mortes posait problème ainsi que la compétence de la ville en la matière. Suite à ces auditions, le projet n’avait pas été modifié mais adopté en troisième débat par le Conseil municipal.

Le rapport de conformité au droit supérieur fondé sur l’art. 47 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1.) rédigé par le Conseil administratif de la ville avait été remis au Conseil d’Etat le 7 décembre 2011.

b. Un projet de modification de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) avait été élaboré en juillet 2008 portant sur l’opposition au changement d’affectation des établissements publics, restaurants et cafés, notamment (nouvel art. 14A LCI). Le Conseil d’Etat, se fondant sur un avis de droit daté du 8 avril 2008 rédigé par le professeur Michel Hottelier, était arrivé à la conclusion que cette disposition apportait certes des restrictions à la garantie de la propriété et à la liberté économique mais reposait sur une base légale suffisante, était motivée par un intérêt public prépondérant et respectait le principe de proportionnalité. Le Conseil d’Etat avait toutefois considéré que le projet de modification du RPUS était plus adéquat pour atteindre les objectifs fixés et avait renoncé à déposer son projet de loi devant le Grand Conseil.

c. La FER, la CCIG et la FCG n’avaient pas produit la liste des membres de leur association ni même démontré qu’une majorité d’entre eux serait touchée de manière individuelle par le règlement tel que modifié. Dans la mesure où ces modifications concernaient des mesures prises dans les secteurs A et B d’un plan annexé au règlement, il fallait que la majorité des membres de ces associations exerce une activité dans ces deux secteurs. A défaut d’éléments probants, il y avait lieu de considérer que la FER, la CCIG et la FCG n’avaient pas la qualité pour recourir.

d. Le Conseil municipal avait procédé à la pesée globale des intérêts et avait auditionné les personnes adéquates pour que ses membres puissent voter en connaissance de cause les mesures qu’il souhaitait. Le travail en commission avait duré près de trois ans et deux rapports avaient été remis au Conseil municipal. Il n’était pas indispensable de mandater des tiers, experts ou non, ou de demander des rapports d’enquête si les informations fournies au Conseil municipal étaient suffisantes. Aucun droit politique n’avait été violé.

e. Le RPUS se fondait sur une délégation de compétence contenue à l’art. 15A al. 1 LExt en matière d’aménagement du territoire en faveur des communes. Les modifications apportées au RPUS visaient à l’établissement des activités de façon harmonieuse et équilibrée en conformité avec le but des PUS, au sens de l’art. 15A LExt. Si certains grands axes faisaient l’objet de dispositions spécifiques, c’était pour rétablir une harmonie. La ville avait constaté que ces lieux de rencontre et d’animation du centre-ville qui demeuraient ouverts après les horaires administratifs, tendaient à disparaître au profit de commerces dont l’activité ne s’étendait pas au-delà de 18h30. Par ailleurs, les commerces d’alimentation se faisaient rares au centre-ville et ceux-ci étaient nécessaires pour assurer l’approvisionnement de la population. Ces mesures permettaient de maintenir de l’animation et la population au centre-ville, évitant ainsi les déplacements pendulaires. Toutes ces mesures demeuraient dans le cadre législatif fixé par la LExt. Il n’y avait pas de volonté de figer l’affectation actuelle des locaux situés aux rez-de-chaussée des bâtiments. Les changements d’affectation pouvaient intervenir mais dans un cadre bien délimité et ce, uniquement dans les secteurs circonscrits par le plan annexé au RPUS. Il s’agissait de la mise en œuvre de l’équilibre des activités prévu par l’art. 15A LExt.

S’agissant de la dérogation prévue, la fermeture d’une arcade pouvait avoir de multiples causes. La simple cessation d’une activité, déficitaire ou non, ne devrait pas systématiquement conduire à l’octroi d’une dérogation. Les circonstances d’une fermeture devaient s’apprécier au cas par cas en tenant compte de la situation de l’arcade, de ce qui l’entourait, d’éventuelles modifications conjoncturelles et des motifs réels qui avaient conduit à un changement de destination.

f. Les mesures prises dans le RPUS étaient opportunes car fondées sur un intérêt public et elles pouvaient avoir une interprétation conforme à la Cst.

g. Les nouvelles dispositions du RPUS ne violaient pas le principe de la primauté du droit fédéral. Même si elles faisaient intervenir les notions de « majoration de loyer excessive » et de « prix d’acquisition disproportionné du bien immobilier ou du fonds de commerce » qui semblaient renvoyer aux dispositions du droit du bail, celles-ci n’étaient pas concernées. Le Conseil municipal n’entendait nullement instaurer un quelconque contrôle des loyers ou imposer des baisses de ceux-ci ou se mêler des autres transactions immobilières. Les autorisations municipales n’avaient pas d'incidence sur le montant du loyer.

Les dispositions d’aménagement du territoire avaient toujours une incidence économique.

h. La restriction au droit de propriété était fondée sur une base légale suffisante, poursuivait un intérêt public, respectait le principe de proportionnalité et ne portait pas atteinte au noyau intangible du droit.

La seule mesure apte à enrayer les fermetures d’arcades qui contribuaient très largement à l’animation du centre-ville était l’obligation du maintien de l’affectation. En outre pour assurer la diversité de l’offre dans tous les quartiers, il était indispensable de restreindre les changements d’affectation pour contraindre éventuellement un propriétaire à ouvrir une arcade qui assurerait une diversité de l’offre des services à la population.

Les mesures étaient limitées à des secteurs clés du territoire municipal. Il était tout à fait possible d’octroyer une dérogation, au sens de l’art. 9 al. 5 ou 14 RPUS. La dérogation de l’art. 9 al. 5 RPUS reprenait la même exigence que celle relative au changement d’affectation des hôtels qui avait été jugée conforme au droit constitutionnel.

i. Les restrictions à la liberté économique respectaient l’art. 36 Cst. dans la mesure où elles se fondaient sur une base légale formelle, poursuivaient un intérêt public, étaient proportionnées ne touchaient pas au noyau intangible.

Il s’agissait de mesures de politique sociale qui, sans viser des activités véritablement dangereuses, cherchaient à améliorer les conditions de vie ou accroître le bien être de la population. Le Tribunal fédéral avait jugé qu’il était important tant du point de vue de l’aménagement du territoire que de la politique sociale, que le centre des villes ne soit pas vidé de ses habitants et qu’un équilibre entre les activités économiques et l’habitat soit garanti. Le RPUS n’imposait pas l’exercice d’une activité économique spécifique.

5) Le 25 juillet 2012, le département de l’urbanisme a présenté des observations pour le Conseil d’Etat en concluant au rejet du recours.

a. Il avait été constaté une tendance à la disparition d’arcades et à la fermeture de cafés, restaurants, cinémas, ainsi que d’autres lieux contribuant à l’animation du centre-ville. Tant le RPUS transitoire de 1988 que le RPUS de 2007 ne parvenaient pas à éradiquer ni à stabiliser ce phénomène touchant particulièrement les rez-de-chaussée et la modification du RPUS litigieuse avait pour objectif d’y remédier.

Le RPUS tendait à maintenir certaines activités spécifiques dans deux secteurs de la ville et à garantir une offre diversifiée dans des secteurs bien délimités, évitant ainsi la concentration de certaines activités dans un même secteur. Afin d’assouplir la mise en œuvre de ces deux mesures, un régime dérogatoire était prévu.

b. Du fait des restrictions géographiques et de l’impact limité à certains types de commerces uniquement et en raison des possibilités offertes par les termes employés et les clauses dérogatoires, le RPUS ne présentait pas un caractère disproportionné dans ses atteintes à la garantie de la propriété et à la liberté économique.

Pour le surplus, il a repris en substance l’argumentation développée par la ville.

6) Le 3 août 2012, le juge délégué à fixé aux parties un délai au 3 septembre 2012 pour émettre des requêtes complémentaires et les a informées que la cause serait gardée à juger passé ce délai.

7) Le 3 septembre 2012, le département a informé la chambre administrative qu’il n’avait pas de requête complémentaire à formuler.

8) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sur ces points (art. 15F LExt ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La qualité pour recourir en matière de plans d’utilisation du sol appartient à quiconque est atteint par le plan ou le règlement d’application et a un intérêt digne de protection à ce qu’il soit annulé ou modifié. Les communes et les associations d’importance cantonale qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement, des monuments, de la nature et des sites ont qualité pour recourir. Ont également qualité pour recourir les associations qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal au moins depuis trois ans à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement, des monuments, de la nature et des sites (art. 15 F al. 2 LExt).

De jurisprudence constante, une association peut recourir soit pour la défense de ses propres intérêts, soit pour la défense des intérêts de ses membres, si ses statuts prévoient un tel but et si la majorité, ou tout au moins un grand nombre de ses membres ont eux-mêmes, à titre individuel, la qualité pour agir (ATF 130 II 519 ; 130 I 85 ; ATA/35/2002 du 15 janvier 2002, confirmé par ATF 1A.47/2002 du 16 avril 2002).

En l’espèce, aucune des associations recourantes ne peut fonder sa qualité pour agir sur un recours corporatif. Il n’est, en effet, pas démontré que la majorité de leurs membres serait touchée par l’application des mesures prévues qui ne s’appliquent qu’à certains secteurs de la Ville de Genève.

En revanche, comme l'a déjà jugé la chambre de céans, la CGI a qualité pour recourir contre un plan d’utilisation du sol de la ville, puisqu’elle se voue par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire et cela depuis plus de trois ans. Elle est en outre d’importance cantonale (art. 2 statuts CGI du 15 mai 2007 ; ATA/251/2009 du 19 mai 2009). Cela étant, la qualité pour recourir de l’USPI, de la FER, de la CCIG, de Naef et de M. Wicht, peut rester indécise.

Au vu de ce qui précède, le recours est recevable.

3) Les recourants invoquent en premier lieu une violation de l’exigence de participation démocratique prévue pour l’adoption de nouvelles dispositions du RPUS à l’art. 15D let. c LExt.

Tout projet de PUS et son règlement d’application doivent obligatoirement être soumis à une enquête publique aussi large que possible menée conformément à l’art. 5 al. 1 et 2 LExt, à l’approbation du conseil municipal de la commune intéressée, à l’approbation du Conseil d’Etat qui vérifie notamment leur conformité aux plans de zones, ainsi qu’au plan directeur cantonal et aux plans directeurs localisés (art. 15 LExt).

La procédure d’adoption du RPUS a été suivie tant par le conseil municipal que par le Conseil d’Etat. En particulier, l’exigence de soin particulier mis au recensement et à l’évaluation des différents intérêts en présence, que les recourants fondent sur cette disposition, a notamment été remplie par les différentes auditions auxquelles a procédé la commission compétente du conseil municipal, dont des représentants des recourants, ainsi que par les observations qu’ils ont pu déposer dans le cadre de l’enquête publique puis devant le Conseil d’Etat. En outre, le Tribunal fédéral a déjà précisé que les exigences de motivation dans le cadre de l’adoption d’un PUS sont moins strictes que dans le cas d’une décision. Ainsi, le rapport exigé par l’art. 47 OAT suffit à cet égard (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_317/2009 du 15 janvier 2010).

Partant, ce grief est infondé.

4) Les recourants invoquent une atteinte disproportionnée à leur liberté économique et une violation de la garantie de la propriété par l’obligation faite de maintenir l’affectation d’un bâtiment et celle de poursuivre une activité déterminée. Les mesures choisies n’étaient pas aptes à atteindre le but visé et, en l’absence d’une aide financière de l’Etat, elles violaient la Constitution.

a. Aux termes de l’article 36 alinéa 1 Cst. toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale ; les restrictions graves doivent être prévues par une loi ; les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés. Toute restriction d’un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (art. 36 al. 2 Cst.) et proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). L’essence des droits fondamentaux est inviolable (art. 36 al. 4 Cst.).

b. Outre la défense des droits individuels et celle de la valeur des biens mobiliers ou immobiliers, la garantie de la propriété énoncée par l’article 26 Cst. comprend la faculté d’accéder librement à l’état de propriétaire, dans une perspective aussi bien privée que commerciale. Pour être admissible, une restriction à cette garantie doit également répondre aux exigences de l’article 36 Cst., à savoir reposer sur une base légale, répondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (J.-F. AUBERT/P. MAHON, Petit Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich 2003, p. 225 et 241).

c. Selon l’article 27 alinéa 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 128 I 19 consid. 4c.aa p. 29 ; Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss p. 176). Elle peut être invoquée aussi bien par les personnes physiques que par les personnes morales (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.162/2002 du 11 novembre 2002, consid. 3.1 ; 2P.38/2001 du 30 août 2002, consid. 3.2 ; FF 1997 I 1 ss p. 179).

Les restrictions à la liberté économique peuvent prendre la forme de prescriptions cantonales instaurant des mesures de police proprement dites, mais également d’autres mesures d’intérêt général tendant à procurer du bien-être à l’ensemble ou à une grande partie des citoyens ou à accroître ce bien-être, telles que les mesures sociales ou de politique sociale. Ces restrictions cantonales doivent reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant et, selon le principe de la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation des buts d’intérêt public poursuivis.

d. Les restrictions cantonales à la liberté économique ne peuvent toutefois se fonder sur des motifs de politique économique à moins que cela ne soit prévu par une disposition constitutionnelle spéciale (ATF 128 I 3, consid. 3a et b p. 9 ; ATF 125 I 209 consid. 10a p. 221 et la jurisprudence citée ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.162/2002 du 11 novembre 2002, consid. 3.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.38/2001 du 30 août 2002, consid. 3.2). Ainsi, une mesure d’un plan d’affectation est en principe compatible avec la liberté économique lorsqu’elle met en œuvre les principes de l’aménagement du territoire conformément au mandat constitutionnel de l’art. 75 Cst., même si elle entraîne certains effets de politique économique, pour autant qu’elle ne la supprime pas entièrement (ATF 111 Ia 93 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_453/2007 du 10 mars 2008 consid. 8.a ; 1P.500/2002 du 9 janvier 2003 consid. 5.2). Sont dès lors incompatibles avec la Constitution les mesures qui interviennent dans le jeu de la libre concurrence pour assurer ou favoriser certaines branches de l’activité lucrative ou certaines formes d’exploitation et qui tendent à diriger l’activité économique selon un certain plan ; il s’agit là de mesures de politique économique camouflées (ATF 120 Ia 67 consid 2a ; 111 Ia 23 consid. 4a).

e. Le principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) se compose traditionnellement des règles d’aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et sur le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 130 II 425 consid. 5.2 ; ATF 125 I 474 consid. 3 et la jurisprudence citée).

5) L’art. 9 al. 3 RPUS, intitulé « maintien des activités d’animation », prévoit que les différents lieux d’animation recensés ainsi que les magasins d’alimentation conservent, en règle générale, leur catégorie d’activité, sauf exception prévue à l’al. 5, soit s’il est démontré que l’exploitation des activités citées ne peut être poursuivie pour d’autres motifs qu’une majoration de loyer excessive ou un prix d’acquisition disproportionné du bien immobilier ou du fonds de commerce. Le RPUS contient également une disposition dérogatoire plus générale. Le Conseil d'Etat ou le département du territoire peuvent exceptionnellement, avec l'accord du conseil municipal dans le cadre de plans d'affectation, ou du conseil administratif en matière d'autorisation de construire, déroger aux dispositions du règlement lorsqu'une utilisation plus judicieuse du sol ou des bâtiments l'exige impérieusement (art. 14 al. 1 RPUS).

Il convient d’examiner séparément d’une part les affectations dites d’animations diverses et d’autre part, le maintien des magasins d’alimentation.

6) L’obligation de maintien, sauf exception, des affectations d’animations diverses notamment sur le plan social, culturel et récréatif prévu par la disposition litigieuse a pour but de conserver l’animation du centre-ville et des rues de quartier visées par le plan annexé au règlement.

Dans un arrêt concernant une disposition contenue dans la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), le Tribunal fédéral a jugé que l'interdiction générale, sur tout le territoire cantonal, de transformer en locaux commerciaux des hôtels destinés à l'hébergement d'une clientèle de passage, constituait une mesure de politique économique visant à favoriser le tourisme à Genève et n'était de ce fait pas couverte par les buts de la loi, soit de combattre la pénurie des logements qui répondent par leur catégorie et leur prix aux besoins prépondérants de la population. En revanche, en ne ciblant que les résidences meublées et hôtels s’adressant à une clientèle hôtelière « atypique », la disposition litigieuse était conforme à la Constitution car elle visait à satisfaire les « besoins prépondérants de la population » (ATF 111 Ia 29 - SJ 1985 p. 552 consid. 4).

Le Tribunal fédéral a aussi été amené à juger de la conformité d'une disposition prévoyant le maintien de l’affectation hôtelière des bâtiments visés par le plan de site de la rade de Genève, avec la garantie de la propriété et la liberté économique. Il a relevé que les restrictions à la liberté économique ne violaient pas cette dernière aussi longtemps qu'elles étaient nécessaires à l'aménagement en question. Le but poursuivi était différent de celui de la LDTR, notamment parce que la protection du site de la rade englobait celle des établissements prestigieux. Un tel plan pouvait, sans violer la Constitution, imposer le maintien de l'affectation hôtelière et imposer une quote-part de logements en cas de transformation de ces bâtiments car la règle n'avait pas pour but de favoriser le tourisme comme branche de l'économie, mais de maintenir aux abords de la rade l'activité hôtelière comme l'un des éléments essentiels de la vie et de l'animation du quartier. Il soulignait qu'il s'agissait là du seul moyen pour atteindre l'objectif fixé (ATF 126 I 219 - SJ 1995 p. 85).

Dans un arrêt concernant notamment une disposition du RPUS portant sur le principe du maintien de l’affectation hôtelière des bâtiments d’un secteur donné de la ville, en cas de transformation ou de démolition-reconstruction sous réserve qu’il ne soit démontré que l’exploitation hôtelière ne puisse être poursuivie, pour d’autres motifs qu’un prix d’acquisition excessif de l’immeuble (art. 11 RPUS), le Tribunal fédéral a confirmé que cette disposition avait pour vocation de prévoir une implantation des activités qui soit harmonieuse et équilibrée, au sens de la LExt, et qu’elle n’excédait pas le cadre des art. 15A ss Lext. La disposition litigieuse respectait en outre le principe de la proportionnalité dans la mesure où elle octroyait une dispense au principe du maintien des activités hôtelières pour les cas où il était établi que l’exploitation ne pouvait pas être poursuivie. Cette mesure n’empêchait ainsi pas les propriétaires de disposer de leurs biens, puisqu’ils avaient la possibilité de changer d’affectation s’ils démontraient que leur établissement n’était pas viable pour d’autres motifs qu’un prix d’acquisition excessif de l’immeuble. La marge d’appréciation laissée à l’autorité pour apprécier si cette dernière condition était remplie pouvait être revue par l’autorité judiciaire en cas d’abus. La disposition respectait les principes de la légalité, de l’intérêt public et de la proportionnalité (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_229/2009 du 15 janvier 2010).

7) En l’espèce, les mesures prévues ont pour objectif de maintenir une animation au centre-ville et dans certaines rues commerçantes des quartiers urbains. En cela elles poursuivent un intérêt public reconnu (Arrêt du Tribunal fédéral, 2ème Cour civile du 4 juillet 1994 M. c. L. - SJ 1995 p. 89) et conforme aux objectifs de l’art. 15 al. 1 LExt qui sont de favoriser une implantation des activités qui soit harmonieuse et équilibrée, tout en garantissant le mieux possible l’espace habitable.

Les mesures limitant le changement d’affectation des établissements susceptibles de préserver et de développer l’animation du centre-ville sont aptes à atteindre le but visé. En effet, une partie des établissements auxquels se réfère la disposition litigieuse contribue aussi à l’animation en dehors des heures d’ouverture des bureaux et des commerces et participe ainsi à l’animation nocturne et dominicale. Il s’agit notamment des cafés, restaurants, théâtres, cinémas, salles de concert, de spectacles, etc., ce que les recourants ne prennent pas en compte lorsqu’ils tentent de démontrer que certaines activités, telles celles de régies immobilières ou encore certains types de commerces, contribuent plus à l’animation du centre-ville que ceux visés par l’art. 9 al. 3 RPUS.

S’agissant encore de la proportionnalité au sens étroit de la mesure, la viabilité des établissements concernés est prise en compte dans l'application de l'obligation du maintien de l'affectation. En outre, par l’utilisation des termes : « en règle générale », la disposition laisse à l'autorité d'application une certaine marge d'appréciation. A cela s'ajoute qu'une clause dérogatoire générale existe dans le règlement et qu'elle n'est pas manifestement inapplicable (ATA/191/2009 du 21 avril 2009). De plus, ces mesures ne s’appliquent que dans le centre-ville (secteur A) de même que certains tronçons des rue commerçantes de quartier (secteur B), et non pas à tous les bâtiments de la ville.

8) Les recourants estiment qu’en l’absence d’aide de l’Etat, l’atteinte à leurs droits est inconstitutionnelle, la mesure prévue étant plus sévère qu’un classement.

Selon la jurisprudence rendue en matière de classement, ce dernier est proportionné, partant compatible avec les droits constitutionnels, s’il garantit au propriétaire un rendement acceptable du bâtiment concerné. Celui-ci peut soit résulter de la continuation de l’activité économique antérieure, soit d’une reconversion totale ou partielle. L’Etat doit renoncer à la mesure de classement envisagée, ou en réduire la portée, ou encore la maintenir, mais à la condition, dans ce dernier cas, de prêter son concours, y compris financier, au changement d’affectation nécessaire, voire à l’exploitation future du bâtiment (ATF 126 I 219 consid. 2h). Ainsi, la notion de privation d’une faculté essentielle découlant du droit de propriété n’est, en particulier, pas considérée comme réalisée dans le cas de mesures de conservation ou de protection du patrimoine bâti lorsque le propriétaire peut continuer à faire de son immeuble un usage conforme à sa destination et économiquement rationnel (ATF 123 II 481 ; 117 Ib 262).

En l’espèce, contrairement à ce que soutiennent les recourants, le système d’exception prévu par le RPUS permet justement de tenir compte du rendement des locaux concernés par une mesure de maintien d’affectation. En effet, le RPUS prévoit que s’il est démontré que l’activité n’est pas viable, une dérogation au maintien de l’affectation peut être octroyée (art. 9 al. 5 RPUS).

En conséquence, ce grief est infondé.

9) Finalement, les recourants estiment que le RPUS instaure un contrôle des loyers contraire à la primauté du droit fédéral.

Le dispositif mis en place par le RPUS prévoit qu’un changement d’affectation étant exceptionnel, il requiert la preuve que l’activité ne peut être poursuivie pour des motifs autres qu’une majoration de loyer excessive ou un prix d’acquisition disproportionné. Ce mécanisme est analogue à celui prévu pour les hôtels à l’art. 11 RPUS dont la conformité au droit supérieur a déjà été jugée par le Tribunal fédéral A cet égard, ce dernier a dit que la disposition querellée n’empêchait pas les propriétaires de disposer de leur bien et que la marge d’appréciation laissée à l’administration pour vérifier que les conditions de la dérogation étaient remplies pouvait certes mener à des abus mais qu'il appartenait, cas échéant, à l’autorité judiciaire de les sanctionner (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_229/2009 du 15 janvier 2010 consid. 4.4).

En conséquence, tous les griefs invoqués à l’encontre de l’art. 9 al. 3 RPUS en tant qu’il prévoit le maintien de l’affectation d’animations diverses s’avèrent infondés.

10) Le maintien de l’affectation des magasins d’alimentation au centre-ville et en bordure des rues commerçantes de quartier, également prévue à l’art. 9 al. 3 RPUS, répond principalement à un autre objectif que le maintien de l’animation, soit celui d’assurer l’approvisionnement de la population en maintenant les rares commerces d’alimentation existants encore au centre-ville. Cette disposition institue elle aussi une restriction à la liberté économique et à la garantie de la propriété dont il convient d’examiner les conditions.

S’agissant de l’intérêt public dans lequel cette mesure est établie, il correspond à un intérêt reconnu et admissible. L’aménagement du territoire concerne également les conditions d’un approvisionnement suffisant en biens et services (art. 1 al. 1 let. d et art. 3 al. 3 let. d. de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 - LAT - RS 700).

Le Tribunal fédéral a notamment jugé que la limitation de la construction de centres commerciaux pouvait être justifiée par le risque de disparition des magasins de proximité. Des mesures prises dans le but de lutter contre une décentralisation de l’offre d’approvisionnement en biens de consommation étaient conformes à la Cst. même si elles avaient aussi pour effet une certaine protection des établissements existants. En revanche, le but social et d’approvisionnement devait être aisément reconnaissable. Le maintien ou la recréation d’un centre-ville fonctionnel était un but légitime de l’aménagement du territoire (ATF 110 Ia 167 ; 109 Ia 264, consid. 4a ; 102 Ia 104 consid 5b et 6c).

En l’espèce, le maintien au centre-ville et dans les rues commerçantes des quartiers de magasins d’alimentation n’est pas assimilable à une mesure de politique économique. La mesure, bien que restreignant la liberté économique et ayant des effets sur la concurrence, a pour but de préserver et de favoriser les conditions d’un approvisionnement suffisant.

S’agissant de la proportionnalité de la mesure, le développement fait ci-dessus concernant le maintien de l’affectation des activités d’animation trouve également application ici.

En conséquence, les griefs visant cette disposition sont infondés.

11) L’art. 9 al. 4 RPUS, intitulé « maintien de la diversité de l’offre de commerces », est également contesté par les recourants.

Il prévoit que « les commerces et les diverses catégories de magasins ouverts au public conservent ou changent, selon, leur activité, afin d’améliorer et développer la diversité de l’offre, le commerce de proximité et l’animation au centre-ville (secteur A) ».

Cette disposition dont l’objectif ne couvre qu'en partie celui de l’al. 3 examiné ci-dessus, vise également d’autre buts, soit le développement, l’amélioration de la diversité de l’offre et du commerce de proximité.

Ainsi, en cas de demande de changement d’affectation d’une arcade, un examen de la diversité de l’offre et du commerce de proximité devra être fait par le département compétent pour délivrer l’autorisation de changement d’affectation dans le secteur couvert par la disposition, soit le centre-ville.

Cet examen suppose donc que l’autorité prévoie quel type de commerce serait, cas échéant, manquant dans l’offre existante ou encore lesquels seraient pléthoriques. Cette mesure, difficilement applicable, voire inapplicable, n’est à l’évidence pas neutre sur le plan économique et fausse la concurrence. Elle doit être qualifiée de mesure de politique économique. En tant que telle, elle n’est pas compatible avec la liberté économique (ATF 132 I 97 consid. 3).

En conséquence, le recours sera admis sur ce point et l’art. 9 al. 4 RPUS doit être annulé.

12) Vu l’admission partielle du recours, un émolument réduit de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- leur sera allouée à la charge conjointe de l’Etat de Genève et de la Ville de Genève.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

 

admet partiellement le recours interjeté le 21 mai 2012 par la Chambre genevoise immobilière, l’Union suisse des professionnels de l’immobilier de Genève, la Fédération des entreprises romandes Genève, la Fédération du commerce genevois, la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève, Naef immobilier Genève S.A. et Monsieur Guy Wicht contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 18 avril 2012, en tant qu'il est recevable ;

annule l'art. 9 al. 4 RPUS approuvé par l'arrêté du Conseil d'Etat du 18 avril 2012 ;

confirme ledit arrêté pour le surplus ;

met à la charge de la Chambre genevoise immobilière, de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier de Genève, de la Fédération des entreprises romandes Genève, de la Fédération du commerce genevois, de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève, de Naef immobilier Genève S.A. et de Monsieur Guy Wicht pris conjointement et solidairement un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue aux recourants une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l’Etat de Genève et du Conseil municipal de la Ville de Genève pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Marc Siegrist, avocat des recourants, au Conseil d'Etat, ainsi qu'au Conseil municipal de la Ville de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :