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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2016/2011

ATA/531/2012 du 21.08.2012 sur JTAPI/1022/2011 ( LDTR ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.10.2012, rendu le 12.02.2013, REJETE, 1C_496/2012
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2016/2011-LDTR ATA/531/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 août 2012

 

 

dans la cause

 

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE X______ S.A.
représentée par Me Philippe Grumbach, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'URBANISME

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 septembre 2011 (JTAPI/1022/2011)


EN FAIT

1. La Société immobilière X______ S.A. (ci-après : la SI), sise à Genève, est propriétaire de la parcelle n° ______ de la commune de Genève-Cité, correspondant à l'adresse X______ à Genève, dans le quartier dit des banques, sur laquelle est érigé un immeuble d’habitation construit vers 1895.

2. Le 7 novembre 2005, la SI a conclu avec Madame Y______ un contrat de bail portant sur un appartement de 4 pièces (n° 01) d'une surface de 116 m2 situé au 2ème étage de l'immeuble susmentionné.

3. Le même jour, la SI a notifié à Mme Y______ un avis de fixation du loyer initial. Le dernier loyer annuel payé par l'ancienne locataire s'élevait à CHF 12'228.- plus CHF 1'800.- de charges. Le loyer initial annuel dès le 1er novembre 2005 était fixé à CHF 45'600.- plus CHF 2'400.- de charges. Le loyer, conclu pour une durée initiale de cinq ans, était en outre indexé à l'indice suisse des prix à la consommation (ci-après : ISPC) au 31 octobre 2005, soit 105.70, l'indice de base (égal à 100) étant celui du mois de mai 2000. Le motif des prétentions était l'« adaptation des loyers à ceux usuels d'objets comparables dans la localité ou dans le quartier » au sens de l'art. 269a let. a de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220).

4. Les 15 mai 2007, 16 mai 2008 et 11 décembre 2009, la SI a indexé le loyer de Mme Y______ et lui a notifié des avis de majoration de loyer correspondants, les nouveaux loyers annuels se montant respectivement à CHF 45'984.-, 47'016.- et 47'148.-, en fonction de la variation de l’ISPC.

5. Le 25 mars 2010, l'avocate de Mme Y______ a écrit au département des constructions et des technologies de l'information, devenu depuis le département de l'urbanisme (ci-après : le département), pour lui demander si une autorisation de construire avait été délivrée pour les travaux entrepris en 2005 dans l'appartement de sa mandante, travaux qui étaient manifestement soumis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).

6. Le 26 mars 2010, Mme Y______ a introduit auprès de la juridiction compétente en matière de baux et loyers une demande tendant notamment à la réduction du loyer dès la fin de la période d'indexation de cinq ans.

7. Le 16 avril 2010, le département a écrit à la SI. Il avait été informé que d'importants travaux avaient été entrepris dans l'appartement loué à Mme Y______, soit une rénovation complète. En outre le loyer était passé de CHF 12'228.- à 45'600.- dès le 1er novembre 2005, soit une majoration de 273 % (recte : 373 %). Les travaux en question étaient susceptibles d'être assujettis à la LDTR et auraient cas échéant dû faire l'objet d'une requête en autorisation de construire, ce qui n'avait pas été le cas. La SI devait faire parvenir ses observations sous quinzaine, en joignant toutes pièces utiles permettant de déterminer précisément la nature et le coût des travaux, et indiquer à quand remontaient les précédents travaux d'entretien.

8. Le 6 mai 2010, la SI a répondu au département. L'appartement en question, très vétuste et occupé par sa précédente locataire de 1974 à 2005, avait bien fait l'objet de travaux avant d'être loué à la locataire actuelle. Ces travaux n'étaient pas soumis à la LDTR dès lors qu'il s'agissait de travaux d'entretien courant, soit le remplacement des meubles de la cuisine, la peinture dans toutes les pièces de l'appartement, la mise en conformité de l'électricité et la réparation des parquets.

9. Le 19 mai 2010, le département a répondu à la SI. Il avait pris note des travaux effectués en 2005. L'appartement n'avait vraisemblablement pas fait l'objet d'un entretien régulier dès lors qu'il était qualifié de très vétuste. La majoration de loyer entraînait un changement qualitatif de l'appartement en cause. Ainsi, au vu de leur importance et de leur incidence sur le loyer, les travaux exécutés en 2005 devaient être considérés comme des travaux de rénovation au sens de la LDTR. Ils étaient donc sujets à autorisation de construire.

En application de l'art. 129 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), le département a ordonné à la SI de déposer dans les trente jours une demande d'autorisation de construire y relative.

10. Le 15 juin 2010, la SI a indiqué au département que l'appartement en cause avait été occupé par l'ancienne locataire pendant trente-et-un ans, si bien qu'en 2005 il nécessitait plus que de menus travaux de peinture. Elle ferait parvenir prochainement, dès qu’elle aurait obtenu les documents y relatifs, une requête d'autorisation de construire portant sur les travaux réalisés. Elle demandait un délai supplémentaire pour remettre le dossier complet.

11. Le 5 juillet 2010, la SI a soumis au département une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée (ci-après : APA).

Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'office des autorisations de construire a émis une note technique au sujet du calcul du loyer après travaux. Ceux-ci ayant coûté au total CHF 86'704.- toutes taxes comprises, le loyer après travaux devait être de CHF 14'600.- au total, soit CHF 3'650.- la pièce l'an. Ce montant correspondait au plafond des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population en raison de la grande surface des pièces (la surface moyenne étant de 29 m2 par pièce).

12. Le 26 mai 2011, le département a accordé l'autorisation précitée (APA 33'399-3), qui a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 1er juin 2011.

Le ch. 5 de l'APA avait la teneur suivante : « Le loyer de l'appartement de 4 pièces rénové n'excèdera pas, après travaux, CHF 14'600.- l'an soit CHF 3'650.- la pièce l'an. Ce loyer sera appliqué pour une durée de trois ans avec effet rétroactif dès la date de prise d'effet du bail, soit dès le 1er novembre 2005 ».

13. Par décision du 26 mai 2011, le département a ordonné à la SI de rétablir dans un délai de trente jours une situation conforme au droit en établissant un nouveau contrat de bail à loyer dans le respect de la condition n° 5 de l'APA 33'399-3, en remboursant le trop-perçu à Mme Y______ et en produisant dans le même délai copie de tous documents et justificatifs établis en ce sens, notamment de l'avis de fixation du loyer initial conforme aux termes de l'autorisation de construire.

Au vu de l'infraction commise, une amende administrative de CHF 1'000.- était également infligée à la SI.

14. Le 29 juin 2011, la SI a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant à son annulation « et plus particulièrement » à celle concernant les injonctions de soumettre un nouveau contrat de bail et un nouvel avis de fixation du loyer initial, ainsi qu'à l'octroi de dépens comprenant une équitable indemnité au titre de participation à ses frais d'avocat.

15. Le même jour, elle a envoyé à Mme Y______ un avenant n° 1 au bail, selon lequel le loyer annuel pour la période allant du 1er novembre 2005 au 31 octobre 2008 était fixé à CHF 14'600.-, provisions de chauffage et d'eau chaude non comprises (art. 1), et, à partir du 1er novembre 2008, le loyer était celui fixé conformément à l'avis de fixation du loyer lors de la conclusion du bail le 7 novembre 2005 et aux avis de majoration de loyer des 15 mai 2007, 16 mai 2008 et 11 décembre 2009 (art. 2).

16. Le 27 septembre 2011, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. La SI a indiqué ne recourir contre la décision entreprise qu'en ce qui concernait l'obligation qui lui était faite d'établir un nouveau contrat de bail et de fournir copie des documents afférents, en particulier d'un avis de fixation du loyer initial conforme à l'APA. L'amende avait été payée et le remboursement du trop-perçu à la locataire effectué. Cette dernière s'acquittait désormais du loyer prévu par l'avis de majoration du 11 décembre 2009.

b. La représentante du département a maintenu la décision de celui-ci. Le département avait reçu l'avenant n° 1 au bail après le prononcé de la décision attaquée, mais cela n'était pas suffisant.

17. Par jugement du 27 septembre 2011, le TAPI a rejeté le recours.

En vertu de la LDTR, les loyers étaient soumis au contrôle de l'Etat pendant trois ans en cas de transformation et de rénovation. La jurisprudence fédérale avait avalisé un tel contrôle des loyers. Selon un arrêt rendu par le Tribunal fédéral en 2005, l'obligation de rectifier les baux initiaux n'avait pas pour effet de prolonger le contrôle étatique au-delà du délai légal, ni d'empêcher le propriétaire qui s'y estime fondé de majorer le loyer selon les règles du droit des obligations après la fin de la période de contrôle. Conformément à cette jurisprudence, et compte tenu des conséquences qu'entraînaient pour un locataire la fixation du loyer initial dans un formulaire officiel, c'était à juste titre que le département avait exigé de la SI de rétablir une situation conforme à l'APA en établissant un nouveau contrat de bail et un avis de fixation du loyer initial.

18. Par acte déposé le 31 octobre 2011, la SI a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à l'annulation de la décision du département du 26 mai 2011 (dans les mêmes termes que devant le TAPI), et à l'octroi de dépens comprenant une équitable indemnité au titre de participation à ses frais d'avocat.

Son droit d'être entendue avait été violé, dès lors que le TAPI n'avait pas motivé sa décision sur plusieurs griefs pertinents qu'elle avait soulevés au sujet de l'absence de base légale de la décision, du respect par elle-même de l'APA et de l'abus du pouvoir d'appréciation de la part du département.

Le jugement attaqué consacrait une appréciation arbitraire de l'art. 129 LCI. En effet, les exigences du département concernant le bail et l'avis de fixation du loyer ne relevaient pas de la remise en état au sens de cette disposition légale, qui ne visait que la remise en état du terrain, de la construction ou des installations.

Si l'art. 12 LDTR permettait à l'autorité compétente en matière de LDTR de fixer le montant maximum du loyer pendant la période de contrôle prévue, il était contraire au droit fédéral qu'elle intervienne dans les relations directes entre bailleur et locataire, exhaustivement réglées par le droit privé fédéral, ni qu'elle déborde du cadre temporel prévu par la LDTR. Or l'établissement d'un nouveau contrat de bail et la notification d'un avis de fixation du loyer initial relevaient du droit du bail. De plus, le TAPI avait réglé la question du loyer postérieurement au 31 octobre 2008 dès lors qu'il avait émis des considérations sur le montant du loyer après cette date.

Elle s'était conformée à l'APA en établissant un avenant au contrat de bail et en restituant à la locataire le trop-perçu. Il n'y avait dès lors plus place pour une décision d'exécution.

Enfin, la décision du département était manifestement inopportune et constitutive d'un excès et d'un abus (sic) du pouvoir d'appréciation. En effet, le bail dont l'établissement était demandé serait déjà échu au moment de son établissement. L'avis de fixation du loyer initial émis le 7 novembre 2005 mentionnait le loyer du locataire précédent, et aucune contestation du loyer initial n'avait été émise. Rien ne justifiait qu'un nouvel avis soit établi plus de cinq ans après l'entrée en vigueur du contrat de bail.

19. Le 9 décembre 2011, le département a conclu au rejet du recours.

Le TAPI avait analysé la question du pouvoir d'appréciation de l'autorité administrative et celles du respect de la proportionnalité et de la constatation des faits. La SI avait de plus pu exercer son droit d'être entendue au cours de la procédure, tant en première qu'en deuxième instance.

Le Tribunal administratif (ci-après : TA), remplacé par la chambre administrative, avait jugé à plusieurs reprises que les mesures visant les loyers constituaient une forme de remise en état au sens de l'art. 129 LCI.

S'agissant de l'immixtion dans les relations de droit privé, le contrôle des loyers prévus par la LDTR ne consacrait pas un tel empiètement prohibé par le droit fédéral. Dans la mesure où le loyer fixé par le département constituait la base de calcul des majorations subséquentes, c'était à juste titre qu'il avait été exigé un nouveau bail et un nouvel avis de fixation du loyer initial.

L'APA prévoyait un loyer maximum de CHF 14'600.- par an pour une durée de trois ans à partir du 1er novembre 2005. La SI ayant conclu un contrat de bail à des conditions de loyer supérieures à cette limite, cela justifiait l'ordre de rétablissement d'une situation conforme au droit.

Enfin, la question de l'excès ou de l'abus du pouvoir d'appréciation ne devait pas être traitée différemment de celle de la légalité de la décision.

20. Le 20 janvier 2012, la SI a persisté dans ses conclusions et dans ses précédentes écritures.

21. Le 2 mars 2012, le département en a fait de même.

22. Le 8 mars 2012, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 5 avril 2012 pour formuler toute requête complémentaire, après quoi la cause serait gardée à juger en l'état.

23. Seul le département s'est manifesté dans le délai, en indiquant n'avoir pas de requête complémentaire. La cause a donc été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La recourante se plaint, dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner liminairement (Arrêt du Tribunal fédéral 8C_449/2011 du 6 juin 2012 consid. 2.2.1), d'une violation de son droit d'être entendue, sous la forme d'une motivation déficiente de la décision attaquée.

3. a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient ; il suffit cependant que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 136 V 351 consid. 4.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 136 I 184 consid. 2.2.1 ; 135 III 670 consid. 3.3.1 ; 135 III 513 consid. 3.6.5 ; 134 I 83 consid. 4.1 ; ATA/460/2012 du 30 juillet 2012 consid. 7a ; ATA/724/2010 du 23 novembre 2010 consid. 3).

b. Le droit d'être entendu n'oblige pas l'autorité à discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; 126 I 97 consid. 2b p. 103).

4. En l'espèce, la motivation du TAPI fait référence à la jurisprudence de la chambre de céans au sujet de la base légale de la décision. Il a ensuite expliqué, en se fondant sur un arrêt du Tribunal fédéral ainsi que sur les conséquences pour le locataire de l'établissement d'un avis de fixation du loyer initial par hypothèse non conforme au droit pourquoi il estimait appropriées les exigences posées par la décision attaquée, et donc pourquoi il considérait comme insuffisantes les mesures prises par la recourante au titre de l'exécution de l'ordre de remise en état. C'est du reste pour les mêmes motifs qu'est - de manière implicite mais évidente - écarté tout excès ou abus du pouvoir d'appréciation, notion à laquelle le jugement se réfère du reste expressément.

La motivation du jugement entrepris était donc suffisante pour que la recourante comprenne les motifs ayant guidé le TAPI et puisse recourir en connaissance de cause, ce qu'elle a du reste fait. Il n'y a donc pas eu violation du droit d'être entendue de la recourante.

5. La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1er LDTR). La loi prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR). Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 9 al. 1er LDTR).

6. Lorsqu'il accorde une autorisation en cas de démolition ou de transformation d'un immeuble soumis à la LDTR, le département fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux (art. 10 1ère phr. LDTR).

7. a. Selon l’art. 44 LDTR, celui qui contrevient aux dispositions de la LDTR est passible des mesures et sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 LCI, sous réserves des peines plus élevées prévues par le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Le département notifie aux intéressés par lettre recommandée les mesures qu’il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution (art. 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par cette autorité (art. 131 LCI).

b. Parmi les mesures administratives à disposition de l’autorité compétente, figure l’ordre de remise en conformité (art. 129 let. e LCI). L’objectif d’une telle mesure est de rétablir une situation conforme au droit.

c. De jurisprudence constante, une mesure visant les loyers constitue une forme de remise en état au sens de l'art. 129 let. e LCI (ATA/269/2012 du 8 mai 2012 consid. 5 ; ATA/152/2010 du 9 mars 2010 consid. 5 ; ATA/567/2005 du 16 août 2005 consid. 26 ; ATA/774/1999 du 21 décembre 1999 ; ATA S.I. M.D. du 7 décembre 1993 = RDAF 1994 I 107 ; ATA S.I. B. du 5 octobre 1988).

d. Les arguments soulevés par la recourante, qui ne cherche pas à démontrer en quoi ces jurisprudences seraient infondées mais invoque uniquement un argument textuel pour contester l'applicabilité de l'art. 129 let. e LCI au cas d'espèce, ne sont pas suffisants pour renverser la pratique constante de la chambre de céans, si bien que le grief de contrariété à l'art. 129 LCI - au sujet duquel la recourante est pour le moins ambivalente, dès lors qu'elle a d'ores et déjà restitué le trop-perçu de loyer pourtant ordonné sur la même base - doit être écarté.

8. a. Le droit fédéral prime le droit cantonal dans les domaines placés dans la compétence de la Confédération et que celle-ci a effectivement réglementés (art. 49 al. 1 Cst.). Les règles cantonales qui seraient contraires au droit fédéral, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en œuvre, doivent ainsi céder le pas devant le droit fédéral. Ce principe n'exclut cependant toute réglementation cantonale que dans les matières que le législateur fédéral a réglées de façon exhaustive, les cantons restant au surplus compétents pour édicter, quand tel n'est pas le cas, des dispositions de droit public dont les buts et les moyens envisagés convergent avec ceux prévus par le droit fédéral (ATF 130 I 82 consid. 2.2, 169 consid. 2.1, 279 consid. 2.2, et les arrêts cités).

Si donc, dans les domaines régis en principe par le droit civil fédéral, les cantons conservent la compétence d'édicter des règles de droit public en vertu de l'art. 6 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CC - RS 210), c'est à condition que le législateur fédéral n'ait pas entendu régler une matière de façon exhaustive, que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (ATF 137 I 135 consid. 2.5.2 ; 135 I 106 consid. 2.1 ; 131 I 333 consid. 2.1 ; 130 I 169 consid. 2.1 ; 129 I 402 consid. 2 et les arrêts cités ; 129 I 330 consid. 3.1). En matière de législation sur le logement, il est interdit aux cantons d'intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail, réglés exhaustivement par le droit fédéral (ATF 117 Ia 328 consid. 2b ; 113 Ia 126 consid. 9d ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.20/2005 du 18 mars 2005 consid. 2.2).

Cela étant, les cantons demeurent libres d'édicter des mesures destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif, par exemple en soumettant à autorisation la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d'habitation (ATF 135 I 233 consid. 8.2 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.20/2005 du 18 mars 2005 consid. 2.2), étant précisé toutefois que les règles de droit cantonal se doivent non seulement d'être rédigées, mais aussi interprétées et appliquées de manière conforme au droit supérieur (ATF 137 I 167 consid. 3.4 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_222/2010 du 29 juillet 2010 consid. 3.3).

b. Selon la jurisprudence, la réglementation mise en place par la LDTR est en soi conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété (ATF 116 Ia 401 consid. 9 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_358/2010 du 18 janvier 2011 consid. 3.3). Ceci est également le cas du contrôle des loyers - jusqu'à dix ans du moins - en cas de rénovation (ATF 137 I 135 consid. 2.2 ; 131 I 333 consid. 2.2 ; 101 Ia 502 consid. 2d).

9. A teneur de l’art. 269d CO, le locataire peut contester le loyer initial dans les trente jours suivant la réception de la chose lorsque le bailleur a sensiblement augmenté le loyer initial pour le même objet, par rapport au précédent loyer (art. 270 al. 1 CO). En cas de pénurie de logements, les cantons peuvent exiger que, lors de la conclusion d’un nouveau bail, le propriétaire fasse usage d’une formule officielle de même teneur que celle mentionnée à l’art. 269d CO (art. 270 al. 2 CO). Il s’agit de celle prévue pour la notification des hausses de loyer en cours de bail. Dite formule est celle agréée par le canton. Toute situation de hausse de loyer impliquant l’utilisation de cette formule est nulle si elle n’est pas faite au moyen de celle-ci (art. 269d al. 1 CO).

Le canton de Genève a fait usage de cette faculté (art. 109 de la loi d’application du CC et autres lois fédérales en matière civile, du 28 novembre 2010 - LaCC - E 1 05) Cette dernière disposition est entrée en vigueur le 1er janvier 2011, mais cette règle existait déjà sous l’égide de l'aLaCC du 7 mai 1981, à l’art. 24 de celle-ci.

Si, conformément aux art. 3 et 9 LDTR, la recourante avait sollicité une autorisation de construire du département avant d’effectuer les travaux de transformation de l’appartement considéré, elle aurait dû, à teneur du droit fédéral et de la législation en vigueur à Genève à ce sujet, communiquer le 1er novembre 2005 à Mme Y______, en sus du bail, un exemplaire de la formule d’avis de fixation du loyer initial contenant les éléments cités à l’art. 24 aLaCC, et comportant un loyer compatible avec le loyer maximal calculé par cette autorité.

10. a. La jurisprudence a admis la licéité et la proportionnalité de l'obligation d'établir dans un tel cas un nouveau bail et/ou un nouvel avis de fixation du loyer initial (ATA/269/2012 du 8 mai 2012 consid. 5 ; ATA/152/2010 du 9 mars 2010 consid. 5 ; ATA/413/2008 du 26 août 2008 consid. 6 ; ATA/567/2005 du 16 août 2005 consid. 26 ; ATA/911/2004 du 23 novembre 2004 consid. 4 et 5).

b. Dans un arrêt de 2005, sur lequel se fonde le raisonnement du TAPI, et dans une espèce fort similaire à la présente, le Tribunal fédéral a émis le considérant suivant : « on ne voit pas pour quel motif le contrat n'indiquerait pas le loyer effectif, qui est un élément essentiel du contrat de bail (ATF 119 II 347). En outre, le procédé utilisé par la recourante n'est pas anodin. Pour majorer unilatéralement un loyer en effet, le bailleur ne devrait invoquer que des critères relatifs, et le juge appliquer la méthode relative. Exceptionnellement, la jurisprudence admet que le bailleur se prévale directement d'un facteur absolu et que le juge applique la méthode absolue pour examiner une majoration unilatérale du loyer. Cela s'explique par le fait que les dispositions concernant la contestation des loyers abusifs ne s'appliquent pas aux locaux d'habitation dont le loyer est soumis au contrôle d'une autorité (art. 253b al. 3 CO), d'une part, et parce que les modalités spécifiques auxquelles obéit la fixation du loyer par l'autorité administrative ne sont pas de nature à éveiller chez le locataire la confiance, propre à la méthode relative, quant au caractère suffisant du dernier loyer qu'il a payé, d'autre part (ATF 129 III 272 consid. 2.1 ; 123 III 171 consid. 6a ; 117 II 77 consid. 2). Ces principes dégagés en relation avec la législation cantonale de subventions à la construction de logements sociaux s'appliquent, mutatis mutandis, à la situation où comme en l'espèce, le loyer est fixé par l'autorité administrative pour vérifier que les loyers consécutifs à des travaux de rénovation correspondent aux besoins prépondérants de la population (art. 11 al. 2 LDTR). Il est dès lors conforme à l'intérêt public lié à la bonne foi en affaires et à l'objectif poursuivi par la loi qui est de préserver un parc locatif correspondant aux besoins de la population que le loyer pris en compte pour une éventuelle majoration après la fin du contrôle cantonal soit celui fixé par le Département cantonal (soit CHF 14'000.-) et non celui indiqué dans les contrats des 29 mars et 6 mai 1999 (soit CHF 19'800.- et CHF 19'440.-) Contrairement à ce que soutient la recourante, la solution retenue par le Tribunal administratif n'influe en rien sur la majoration ultérieure du loyer selon les principes qui viennent d'être rappelés. En particulier, l'obligation de rectifier les baux initiaux n'a pas pour effet de prolonger le contrôle étatique au-delà du délai légal, ni d'empêcher la recourante, si elle l'estime justifié, de majorer le loyer selon les règles du droit civil après la fin de la période de contrôle de trois ans » (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.20/2005 du 18 mars 2005 consid. 2.3.2).

c. En 2008, le Tribunal fédéral a confirmé que « le contrôle des loyers sous l'angle de l'art. 12 LDTR implique que le propriétaire doit rectifier les baux indiquant un loyer qui ne correspond pas à celui fixé par le département », en rappelant l'arrêt précité (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_468/2008 du 15 décembre 2008 consid. 2.2).

d. En revanche, en 2010, il a - sans nullement indiquer opérer un revirement de jurisprudence - tenu le raisonnement suivant : « l'obligation d'établir un nouveau bail conforme, en particulier dès le 1er mars 2002, date à laquelle le contrôle des loyers a cessé, va plus loin que le simple respect de l'autorisation de construire. Elle implique un nouvel accord entre les partenaires contractuels, avec la fixation éventuelle d'un nouveau loyer. La conclusion obligatoire d'un tel contrat heurte le principe de la liberté contractuelle, énoncé aux art. 1 et 19 CO et qui bénéficie de la protection assurée par le principe de primauté du droit fédéral (ATF 135 I 233 consid. 5.4). Certaines dérogations à cette liberté peuvent certes se justifier, notamment dans le domaine du logement (ATF 131 I 333 consid. 2.3 ; 113 Ia 126 consid. 8c p. 139). Cela suppose notamment l'existence d'une base légale (art. 36 al. 1 Cst.), laquelle fait défaut en l'espèce puisque la LDTR ne saurait s'appliquer à la fixation du montant du loyer après la période de contrôle. Il est certes vraisemblable que le loyer fixé à ce moment eût été inférieur si le loyer précédent avait été conforme à l'état locatif pris en compte dans l'autorisation de rénover. Cette question ne relève toutefois plus du droit public cantonal, mais du droit privé fédéral. L'arrêt attaqué le reconnaît d'ailleurs implicitement puisqu'il ne dit rien sur la question, essentielle, du montant du loyer qui devra être convenu après la fin du contrôle étatique. L'arrêt attaqué doit dès lors être annulé en tant qu'il confirme l'obligation d'établir un bail à partir du 4 janvier 2000 » (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_250/2010 du 26 août 2010 consid. 3.3).

11. Un changement de jurisprudence n'est pas annoncé dans cet arrêt, et les décisions antérieures n'y sont pas citées. Ce dernier a pour conséquence que le bailleur qui a fait exécuter des travaux sans autorisation et a augmenté indûment les loyers peut néanmoins compter sur une entrée en vigueur dudit loyer indu dès la fin de la période de contrôle, sans possibilité pour le locataire de le contester.

La chambre de céans considère dès lors que cet arrêt n’a pas opéré un changement de jurisprudence conformément aux exigences posées par le Tribunal fédéral lui-même (ATF 138 III 270 consid. 2.2.2 ; 136 III 6 consid. 3 ; 135 II 78 consid. 3.2). La jurisprudence plus ancienne, notamment l’arrêt précité de 2005, confirmé en 2008, doit donc continuer d'être appliquée, comme l'a fait du reste le TAPI dans le jugement querellé.

Ce dernier sera donc confirmé sur ce point, et le grief de violation de la primauté du droit fédéral écarté. Il en va de même du grief relatif au respect de l'autorisation de construire par la SI, dès lors que les mesures prises par celle-ci sont insuffisantes pour rétablir une situation conforme au droit.

12. La recourante allègue enfin que la décision du 26 mai 2011 serait manifestement inopportune et constitutive d'un excès et d'un abus (sic) du pouvoir d'appréciation, dans la mesure où le bail dont l'établissement était demandé était déjà échu au moment de son établissement.

13. Selon l'art. 61 al. 2 LPA, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi.

En l'absence d'une telle exception dans la LDTR comme dans la LCI, ni le TAPI ni la chambre de céans n'avaient à examiner l'opportunité de la décision du département.

14. Commet un excès positif de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l'exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d'appréciation dans le cas où l'excès de pouvoir est négatif, soit lorsque l'autorité considère qu'elle est liée, alors que la loi l'autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation. Il y a enfin abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 et les arrêts cités).

Ainsi qu'il résulte des définitions qui précèdent, les notions d'excès et d'abus du pouvoir d'appréciation sont mutuellement exclusives.

15. En outre, selon la jurisprudence, une remise en état peut être ordonnée jusqu'à trente ans après l'exécution des travaux litigieux, sauf dans certains cas où l'administré est de bonne foi (ATF 132 II 21 consid. 6.3 ; 107 Ia 121 = JdT 1983 I 299 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_478/2011 du 9 février 2012 consid. 2.4 ; ATA/152/2010 du 9 mars 2010 consid. 6c).

En l'espèce, la recourante ne peut se prévaloir de sa bonne foi ; elle n'a du reste pas contesté l'amende administrative qui lui a été infligée. En imposant une remise en conformité six ans après l'exécution illicite des travaux, le département n'a commis ni excès ni abus de son pouvoir d'appréciation, si bien que ce grief sera écarté.

16. Mal fondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 octobre 2011 par la Société immobilière X______ S.A. contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 septembre 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la Société immobilière X______ S.A. un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Grumbach, avocat de la recourante, au département de l’urbanisme ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Dentella Giauque

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :