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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/787/2012

ATA/300/2012 du 15.05.2012 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; CALCUL DU DÉLAI ; DÉLAI DE GARDE ; OPPOSITION(PROCÉDURE) ; SUSPENSION DU DÉLAI
Normes : LIASI.51.al1 ; LPA.17.al1 ; LPA.63
Résumé : La suspension des délais en droit administratif, introduite dans la LPA le 1er janvier 2011 figurait dans un premier temps sous le titre relatif à la procédure de recours. La disposition topique a ensuite été déplacée le 27 septembre 2011 sous le titre relatif aux règles générales de procédure. L'intervalle très bref entre l'entrée en vigueur de ces deux dispositions témoigne de la volonté claire du législateur de faire bénéficier les parties d'une suspension des délais à tous les stades de la procédure administrative. Il faut dès lors considérer que le recourant bénéficiait de la suspension des délais dans le cadre de la procédure d'opposition et que son opposition n'était pas tardive, même si la période concernée précède le 27 septembre 2011.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/787/2012-AIDSO ATA/300/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 mai 2012

 

 

dans la cause

 

Madame M______ S______ et Monsieur S______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1. Madame M______ S______ et Monsieur S______ (ci-après : les époux S______), domiciliés à Genève, ont été bénéficiaires de prestations de l’hospice général (ci-après : l’hospice) du 1er janvier au 31 mars 2010.

2. Par décision du 9 juin 2011, l’hospice a demandé à M. S______ le remboursement de CHF 6'626,20 à titre de prestations indûment perçues durant la période susmentionnée.

Cette décision leur a été adressée par plis simple et recommandé. Le second a été remis à l’office postal le 9 juin 2011, placé en poste restante le 10 juin 2011 et distribué le 21 juin 2011.

3. Par courrier recommandé daté du 20 juillet 2011 mais mis à la poste le 21 juillet 2011, les époux S______ ont fait opposition à la décision susmentionnée auprès de la direction générale de l’hospice (ci-après : la direction).

4. Le 7 février 2012, la direction a déclaré l’opposition irrecevable pour cause de tardiveté. Le délai d’opposition avait commencé à courir le 17 juin 2011 et était arrivé à échéance le 18 juillet 2011. L’opposition avait été postée le 21 juillet 2011, au-delà de cette échéance.

5. Par acte du 9 mars 2012, les époux S______ ont recouru contre la décision susmentionnée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation, à l’admission de l’opposition et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’hospice pour nouvelle décision.

L’hospice n’avait pas tenu compte de la suspension de délai intervenant entre le 15 juillet et le 15 août. Par ailleurs, en tout état, l’opposition avait été faite en temps utile, puisque la demande de remboursement avait été gardée en poste restante et distribuée seulement le 21 juin 2011. Enfin, l’hospice n’avait pas statué sur l’opposition dans les deux mois dans lesquels il devait le faire et ne les avait pas informés des motifs de ce retard.

6. Le 16 avril 2012, l’hospice a conclu au rejet du recours. L’opposition avait été faite hors délai, la prolongation du délai de garde par la poste ne modifiant pas la fiction de la notification le dernier jour du délai de garde d’un envoi recommandé et la suspension de délais du 15 juillet au 15 août n’étant en vigueur que depuis le 27 septembre 2011.

7. Le 19 avril 2012, la détermination de l’hospice a été transmise aux époux S______ et les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 51 al. 1 de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) les décisions de l’hospice peuvent faire l’objet d’une opposition écrite, adressée à la direction dans un délai de trente jours.

Le délai a commencé à courir dès le lendemain de la notification de la décision (art. 17 al. 1 LPA). S’agissant d’un acte soumis à réception, telle une décision ou une communication de procédure, la notification est réputée parfaite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, Berne 2002, p. 302/303 n. 2.2.8.3). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 118 II 42 consid. 3b p. 44 ; 115 Ia 12 consid. 3b p. 17 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 ; 2A.54/2000 du 23 juin 2000 consid. 2a).

3. a. Lorsque la décision n’est remise que contre la signature du destinataire ou d’un tiers habilité, elle est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (art. 62 al. 4 LPA). Cette disposition légale entrée en vigueur le 1er janvier 2009 ne fait que reprendre la jurisprudence constante du Tribunal fédéral sur ce sujet, selon laquelle un envoi recommandé qui n’a pas pu être distribué est réputé notifié le dernier jour du délai de garde de sept jours suivant la remise de l’avis d’arrivée dans la boîte aux lettres ou la case postale de son destinataire (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399 ; ATF 127 I 31 consid. 2a/aa p. 34 rés. in SJ 2001 I 193 c. 2a/aa pp. 195-196 ; ATF 123 III 492 consid. 1 p. 493 ; ATF 119 V 89 consid. 4b/aa p. 94, et les arrêts cités).

b. Lorsque le destinataire donne l’ordre au bureau de poste de conserver son courrier, l’envoi recommandé est réputé notifié au plus tard le dernier jour du délai de garde, qui compte sept jours (ATF 127 I 31 précité). L’ordre de garder le courrier n’emporte, par conséquent, aucune dérogation aux principes généraux sur la notification des décisions sous pli recommandé (ATF 123 III 492 c.1 pp. 493-494 ; 113 Ib 87 c. 2b p. 89-90; arrêt non publié de la 1ère Cour de droit public dans la cause 1P.250/1995 c. 2b/cc ; SJ 2001 I 573 c. 5 p. 582).

c. D’autres arrangements particuliers avec la poste ne peuvent repousser l’échéance de la notification (ATF 127 I 31 précité). Lorsque le recourant a choisi de retenir les envois qui lui sont adressés en « poste restante », ce qui lui permet de les faire conserver pendant un mois selon les facilités que la poste procure, l’acte est également réputé notifié le dernier jour du délai de garde de sept jours et non point le dernier jour du délai de garde d’un mois (ATF 113 Ib 87 consid. 2b pp. 89- 90).

d. La fiction de la notification constitue une règle claire, simple et avant tout uniforme (ATF 123 III 492 c. 1 pp. 493-494, et les références jurisprudentielles citées). Cela est également important pour l’autorité prenant la décision, d’éventuelles parties au litige et l’autorité de recours. La poste jouit aujourd’hui de la même liberté qu’une entreprise et ses employés ne sont plus liés comme des fonctionnaires aux principes de l’activité étatique. Dès lors, la date de la notification ne doit pas dépendre d’un comportement favorable aux clients ou d’une prolongation par inadvertance du délai de garde. Dans ce domaine, il n’est pas excessivement formaliste de toujours considérer la notification comme réalisée après l’écoulement de sept jours suivant la tentative de notification, indépendamment du délai concret de retrait octroyé par la poste. Le moment de la notification fictive est toujours déterminable, puisque les sept jours débutent avec la tentative de remise de l’envoi, dont la date figure sur l’avis de retrait (SJ 2001 I 193 c. 2b pp. 196-197).

4. Par ailleurs, les délais en jours et en mois fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 17A al. 1 let. b LPA). Cette suspension de délai a été introduite le 27 septembre 2011 (L 10761). A cette date, elle a abrogé l’art. 63 LPA, entré en vigueur le 1er janvier 2011 (L 10462), et dont la teneur était identique. Alors placée dans le chapitre I « Recours » du Titre IV « Procédure de recours en général », cette disposition donnait à penser, comme l’a fait l’autorité intimée, que le législateur avait voulu restreindre à la seule prise du recours les effets d’une suspension de délai. Il résulte toutefois des travaux préparatoires relatifs tant à la L 10462 qu’à la L 10761, que tel n’était pas le cas. Le rapport de la commission chargée d’examiner le PL10462 mentionne en effet que l’art. 63 LPA a été introduit sur proposition d’un commissaire car la suspension des délais constituait la norme dans la plupart des branches du droit, procédure administrative fédérale comprise, la procédure administrative genevoise faisant exception (Rapport PL10462-A p. 63). Or, les procédures fédérales connaissant de telles suspensions les placent dans les dispositions générales. L’art. 145 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) figure ainsi dans le chapitre 3 « Délais, défaut et restitution » du Titre 9 « conduite du procès, acte de procédure et délais » de la première partie « Disposition générales » du CPC ; l’art. 22a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) fait quant à lui partie du chapitre II « Règles générales de procédure » de la PA. Dans le rapport de la même commission, concernant cette fois le PL10761, il est mentionné, à propos de l’art. 17A LPA, qu’un commissaire « propose de corriger une erreur remontant à la réforme de la procédure administrative. A l’époque, la commission a introduit une disposition relative à la suspension des délais. Curieusement, elle a placé cette disposition dans le chapitre relatif aux recours. C’est inadéquat, car la nécessité de préserver les droits des parties peut également se poser devant l’administration » (Rapport PL - 10761 A p. 50). A la suite de cela, le contenu de l’art. 63 LPA fut déplacé dans un nouvel art. 17 A LPA, sous Titre II « Règles générales de procédure », chapitre II « Délais ». Eu égard aux quelques mois seulement écoulés entre l’entrée en vigueur successive de ces deux dispositions, on ne peut faire abstraction de la volonté claire, inadéquatement traduite initialement dans la systématique légale mais rapidement transcrite à la bonne place, de faire bénéficier les parties d’une suspension des délais à tous les stades de la procédure (ATF 131 I 394 I 394 consid. 3.2 p. 396). Il y a donc lieu d’admettre que nonobstant sa place, l’art. 63 LPA s’appliquait d’une manière générale, et donc à la procédure d’opposition.

5. En l’espèce, la décision du 9 juin 2011 est arrivée à l’office de poste le lendemain. Le délai de garde de sept jours est ainsi arrivé à échéance le vendredi 17 juin 2011. Le délai de recours a commencé à courir le 18 juin 2011 jusqu’au 14 juillet 2011. A cette date, il n’était pas échu et il restait encore trois jours utiles, dont le décompte n’a repris que le 16 août 2011 pour s’achever le jour du 18 août 2011.

Expédiée le 21 juillet 2011, l’opposition des recourants a été ainsi formée en temps utile et l’hospice aurait dû la déclarer recevable.

6. Selon l’art. 51 al. 2 LIASI, les décisions sur opposition doivent être rendues dans un délai de soixante jours. Il s’agit d’un délai d’ordre, la loi ne prévoyant aucune conséquence, en particulier pas l’admission de l’opposition au fond, en cas de non-respect de ce délai. Ce grief sera écarté.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la cause renvoyée à l’hospice pour qu’il statue sur le fond de l’opposition.

Nonobstant l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des parties. Aucune indemnité ne sera allouée aux recourants, qui agissent en personne et n’exposent pas avoir encouru de frais pour assurer leur défense (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2012 par Madame M______ S______ et Monsieur S______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 7 février 2012  ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision sur opposition du 7 février 2012 ;

renvoie la cause à l’hospice général pour nouvelle décision ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame M______ S______ et à Monsieur S______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :