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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/223/2011

ATA/640/2011 du 11.10.2011 ( LOGMT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ALLOCATION DE LOGEMENT; ÉTABLISSEMENT(DOMAINE SOCIAL); ÉTUDIANT; AIDE FINANCIÈRE; CHAMBRE; CHAMBRE MEUBLÉE; LOGEMENT; LACUNE(LÉGISLATION)
Normes : LGL.39A ; LGL.26.letc
Résumé : Comblement d'une lacune de l'arrêté du Conseil d'Etat fixant les conditions auxquelles un locataire a droit à une allocation logement. L'octroi d'une telle allocation à un étudiant louant une chambre individuelle dans un foyer d'étudiants est possible sous réserve qu'il remplisse les conditions personnelles d'octroi de l'allocation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/223/2011-LOGMT ATA/640/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 octobre 2011

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur J______
représenté par Mme Raphaëlle Vavassori, titulaire du brevet d’avocat

contre

OFFICE DU LOGEMENT

 



EN FAIT

1. Du 1er décembre 2009 jusqu’au 30 novembre 2010, Monsieur J______ était locataire d’une chambre non meublée dans un appartement de huit pièces, sis rue des A______ 12, Genève. Le loyer mensuel était de CHF 362.- charges non comprises.

L’immeuble en question, soumis au régime HLM est un foyer d’étudiants, propriété de La Ciguë, coopérative de logement pour les personnes en formation, sans but lucratif, autogérée et indépendante. Elle a pour but de développer des logements communautaires, bon marché et écologiques.

2. Le 30 septembre 2010, M J______ a sollicité une allocation de logement auprès de l'office du logement (ci-après : OLO).

3. Par décision du 19 novembre 2010, l’OLO a rejeté cette demande. Afin de bénéficier d’une allocation, le locataire devait répondre à des critères personnels et le logement satisfaire à des caractéristiques techniques et financières. La chambre de M. J______ ne revêtait pas les caractéristiques d’un logement subventionné, étant donné que la cuisine et la salle de bains faisaient partie des dépendances communes. Les qualités requises pour une homologation n’étaient pas réunies.

4. Le 17 décembre 2010, M. J______ a élevé réclamation. La chambre qu’il louait dans un immeuble subventionné répondait aux art. 25 et 26 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) et à l’art. 1 al. 3 du règlement d’exécution de la LGL du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01). L’allocation sollicitée devait lui être accordée.

5. Par décision du 22 décembre 2010, l’OLO a rejeté la réclamation en reprenant son argumentation et en se référant au bail de l’intéressé, selon lequel la cuisine, le salon, la salle de bains et la cave faisaient parties des dépendances. Les conditions personnelles n’avaient dès lors pas à être examinées.

6. Par acte posté le 25 janvier 2011, M. J______ a recouru contre la décision précitée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant principalement à l’annulation de celle-là. Une allocation de logement devait lui être octroyée dès le 1er octobre 2010. Subsidiairement, le dossier devait être renvoyé à l’OLO afin qu’il statue à nouveau.

L’immeuble, occupé en tant que foyer d’étudiants était de type HLM, et donc soumis à la LGL. Il n’y avait pas lieu d’examiner plus avant les caractéristiques techniques du logement. De plus, l’OLO n’avait pas respecté le délai de trente jours pour répondre à sa demande. La violation de l’art. 26 al. 1 RGL prescrivant ce délai constituait un déni de justice.

7. Le 15 mars 2011, l’OLO a conclu au rejet du recours. Les caractéristiques techniques ainsi que la catégorie de l’immeuble n’étaient plus contestées. L’arrêté du Conseil d’Etat portant sur l’immeuble en question prévoyait un état locatif comportant huit appartements, dont celui de huit pièces dans lequel vivait M. J______. Il s’agissait donc d’un seul logement occupé par six personnes et non de six chambres indépendantes les unes des autres. Il n’existait pas de bail commun aux occupants de l’appartement, chacun d’entre eux étant au bénéfice d’une convention de location partielle. L’examen de la demande d’allocation de logement devait porter sur l’ensemble de l’appartement et non sur une portion de ce dernier. Tous les habitants de ce logement devaient déposer une demande d’allocation. A défaut, M. J______ ne pouvait recevoir une telle allocation.

Dans l’hypothèse où la chambre administrative considérerait le logement de M. J______ comme étant la chambre et non l’appartement dans son ensemble, l’OLO ne serait pas en mesure de calculer le montant de l’allocation. En effet, l’art. 21 al. 2 RGL ne prévoyait pas une surface inférieure à 1,5 pièce pour le calcul du taux d’effort nécessaire au calcul du loyer théorique. Par conséquent, l’OLO ne pouvait calculer le montant de l’allocation au logement correspondant à la différence entre le loyer effectif et le loyer théorique.

Le délai fixé par l’art. 26 al. 1 RGL pour répondre à une demande d’allocation était un délai d’ordre. Le léger retard avec lequel il avait répondu n’était pas suffisant pour être constitutif d’un déni de justice.

8. Le 20 mai 2011, le juge délégué a entendu les parties lors d’une audience de comparution personnelle.

a. M. J______ a admis que dans son contrat de bail et dans les annexes à celui-ci ne figurait aucune disposition relative à une éventuelle allocation de logement. Il a précisé qu’ils étaient six à partager le logement. Il ne subissait aucune conséquence si l’un des locataires ne payait pas son loyer. Sa demande n’avait pas été chiffrée. Son mandataire a relevé que l’arrêté du Conseil d’Etat n’excluait pas le principe de l’allocation de logement pour les chambres individuelles de foyers d’étudiants, pour autant que le locataire satisfasse aux conditions de revenu fixées par la Ciguë à CHF 2’000.- par mois.

b. Le représentant de l’OLO a déclaré que le bail de M. J______ ne portait que sur une chambre de l’appartement. Le contrôle était exercé au regard du plan financier sur le loyer de la totalité de l’appartement. L’immeuble était soumis à la LGL et classé dans la catégorie HLM. Le chiffre 4.5 dudit contrat prévoyait qu’aucune surtaxe ne pouvait être réclamée tant que l’immeuble était exploité en tant que foyer d’étudiants. Aucune rubrique n’avait trait à une éventuelle allocation de logement. Certes, un locataire d’un appartement subventionné, remplissant les conditions de revenu pour obtenir un tel logement, pouvait bénéficier d’une allocation si les conditions légales étaient satisfaites. Dans le cas de M. J______, l’OLO ne serait pas en mesure de calculer le montant de l’allocation pour les raisons sus-exposées.

c. Si le logement de M. J______, composé d’une chambre et d’1/6ème des parties communes, était considéré comme un trois pièces, l’allocation de logement maximale était de CHF 1’000.- par pièce par an, soit en l’espèce CHF 3’000.- au plus.

9. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 131 et 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Pour qu’un recours soit recevable, il faut que les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée, et toute personne touchée par ladite décision, soient titulaires de la qualité pour recourir, c’est-à-dire soient touchées directement par celle-ci et qu’elles aient un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée et modifiée (art. 60 let. b LPA). Un tel intérêt suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; ATA/713/2010 du 19 octobre 2010).

L’intérêt du recourant n’est digne de protection que s’il est actuel, c’est-à-dire si la situation de fait ou de droit est susceptible d’être influencée par l’issue du recours. Son admission doit donc lui procurer un avantage ou supprimer un inconvénient de nature matérielle ou idéale (B. BOVAY, Procédure administrative, Berne, 2000, p. 351). Le juge ne se prononcera ainsi que sur des recours dont l’admission élimine véritablement un préjudice concret (P. MOOR, Droit administratif, tome II, Berne, 2002, p. 642).

La chambre administrative a déjà jugé qu’un locataire qui a vu son bail résilié en cours de procédure perd la qualité pour agir dès lors qu’il n’a plus d’intérêt actuel (ATA/655/2002 du 5 novembre 2002).

L’existence d’un tel intérêt s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours sera déclaré sans objet (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 ss. ; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53 ; 111 Ib 58 consid. 2 et les références citées ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 ; ATA/270/2001 du 24 avril 2001 ; ATA/731/2000 du 5 décembre 2000 ; ATA/295/1997 du 6 mai 1997 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel, 1984, p. 900).

En l’espèce, le recourant était titulaire d’un contrat de bail jusqu’au 30 novembre 2010 et sollicitait une allocation de logement dès le 1er octobre 2010, soit pour deux mois. Par conséquent, et même s’il a quitté depuis cet appartement, il conserve un intérêt actuel au recours.

Ce dernier est ainsi recevable.

3. Le recourant se plaint d’une mauvaise indication de l’autorité de recours dans la décision sur réclamation du 22 décembre 2010.

Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative.

La décision notifiée le 22 décembre 2010 indiquait la voie de recours alors exacte, soit le Tribunal administratif.

De plus, le recourant a bien adressé son recours en janvier 2011 à la chambre administrative et il n’a subi aucun préjudice de ce fait.

Ce grief sera donc écarté.

4. a. Le recourant soutient que l’OLO a commis un déni de justice en statuant le 19 novembre 2010 sur sa demande d'allocation de logement du 30 septembre 2010, sans respecter le délai de trente jours prescrit par l'art. 26 al. 1 RGL.

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il y a déni de justice formel, contraire aux art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), lorsqu'une autorité saisie refuse ou omet de statuer alors qu’elle est tenue de le faire, le retard injustifié apparaissant comme une forme affaiblie du déni de justice formel, dans la mesure où l’autorité laisse entendre qu’elle va prendre en main l’affaire, mais tarde exagérément à s’en occuper et ne rend pas de décision dans un délai que la nature et l’importance de l’affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (Arrêt du Tribunal fédéral 4P.289/1999 du 22 mars 2000 consid. 1a ; Arrêt du Tribunal fédéral 4P.35/2000 du 3 mai 2000 consid. 5 ; Arrêt du Tribunal fédéral 4P.230/2001 du 12 février 2002 consid. 2b ; G. MÜLLER, Commentaire de la Constitution fédérale du 29 mai 1874, n. 89 ad art. 4 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. I, p. 369).

c. Le délai susmentionné n'est qu'un délai d'ordre qui n'est pas impératif (ATA/525/2007 du 16 octobre 2007).

L’intimé a rendu sa décision deux semaines après l’expiration du délai institué par le RGL, de sorte que ce léger retard n’est pas constitutif d’un déni de justice.

5. Un locataire peut être mis au bénéfice d’une allocation de logement si son loyer constitue une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune, et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (art. 39A al. 1 LGL). Le loyer pris en considération s’entend sans les charges (ATA/190/2011 du 22 mars 2011).

6. Selon l’art. 39A al. 3 LGL, le Conseil d’Etat détermine les conditions auxquelles le locataire a droit à une allocation, ainsi que le calcul de celle-ci.

L’immeuble est subventionné et soumis à la LGL, ce qui ressort expressément du chiffre 2 du bail à loyer.

L’arrêté du Conseil d’Etat exclut toute surtaxe tant que l’immeuble est exploité comme foyer d’étudiants mais reste muet sur la question de l’allocation de logement.

7. Seule l’existence d’une lacune proprement dite peut appeler l’intervention du juge. Il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle, de corriger les lacunes improprement dites, à moins que l’invocation du sens réputé déterminant de la norme ne soit constitutive d’un abus de droit, voire d’une violation de la Constitution (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 2e éd., Bâle 2002, p. 48 et 50 ; ATF 131 II 567 consid. 3.5 et les autres références citées). Le juge ne saurait, sous peine de violer le principe de la séparation des pouvoirs, s’écarter d’une interprétation qui correspond à l’évidence à la volonté du législateur, en se fondant, le cas échéant, sur des considérations relevant du droit désirable (de lege ferenda) ; autrement dit, le juge ne saurait se substituer au législateur par le biais d’une interprétation extensive (ou restrictive) des dispositions légales en cause (ATF 130 II 65 consid. 4.2 ; ATA/321/2006 du 13 juin 2006).

Il s’agit bien d’une lacune proprement dite que la chambre de céans comblera : en effet, la LGL prévoit expressément que peuvent également être admis au bénéfice de celle-ci « des immeubles comprenant des chambres individuelles lorsqu’ils sont exploités par des institutions sans but lucratif, notamment par des foyers d’étudiants, de personnes âgées ou d’infirmes » (art. 26 let. c LGL). Cette disposition démontre que l’octroi d’une allocation à un bénéficiaire d’une chambre individuelle dans un tel foyer - ce qui est le cas du recourant - doit être possible - au même titre qu’il l’est pour le locataire d’un logement subventionné (ATA/542/2010 du 4 août 2010) - mais pour autant que M. J______ remplisse les conditions personnelles liées notamment à son revenu, que l’autorité n’a pas examinées.

En conséquence, les difficultés alléguées par l’OLO quant au calcul de ladite allocation ne sont pas pertinentes.

8. La décision querellée sera donc annulée, de même que celle prise le 19 novembre 2010 par l’OLO. La cause sera renvoyée à celui-ci pour examen des conditions personnelles du recourant et nouvelle décision au sens des considérants.

9. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

10. Un émolument de CHF 300.- sera mis à la charge de l’OLO. Aucune indemnité de procédure ne sera octroyée au recourant, qui n’a pas pris de conclusion dans ce sens (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 janvier 2011 par Monsieur J______ contre la décision sur réclamation de l'office du logement du 22 décembre 2010 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de l’office du logement du 22 décembre 2010 et celle du 19 novembre 2010 ;

renvoie la cause à l’office du logement pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

met un émolument de CHF 300.- à la charge de l’office du logement ;

dit qu’il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur J______, à Madame Raphaëlle Vavassori, mandataire du recourant, ainsi qu'à l'office du logement.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :