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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2298/2010

ATA/106/2011 du 15.02.2011 ( FORMA ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.03.2011, rendu le 29.08.2011, REJETE, 2D_14/2011
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2298/2010-FORMA ATA/106/2011

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

du 15 février 2011

2ème section

dans la cause

 

 

 

 

Monsieur N______
représenté par Me Grégoire Mangeat, avocat

 

 

contre

 

 

 

 

COMMISSION D'EXAMENS DES AVOCATS



EN FAIT

1. Lors de la session de mai 2010, Monsieur N______ s’est présenté pour la deuxième fois aux examens d’avocat auxquels il a échoué, obtenant un total de 19,25 points au lieu des 20 points requis. Ses notes étaient les suivantes :

- procédure civile 3,25

- procédure pénale 4,00

- procédure administrative 4,00

- déontologie 5,00

moyenne de ce premier groupe 4,00.

A l’épreuve écrite du 8 mai 2010, à laquelle était appliqué un coefficient de 2, il a obtenu la note de 3,5. Lors de l’épreuve orale du 12 mai 2010, il a reçu la note de 4,75 et lors de celle du 19 mai 2010, la note de 3,5.

Il a été informé de son échec par une lettre que la commission d’examens des avocats (ci-après : la commission) lui a adressée le 1er juin 2010.

2. Il a assisté à la séance de correction collective organisée le 9 juin 2010.

3. Par acte posté le 2 juillet 2010, M. N______, agissant en personne, a recouru contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant préalablement à ce que celui-ci ordonne l’apport de toutes notes, procès-verbaux ou autres, pris par les examinateurs lors de l’épreuve orale du 19 mai 2010. Principalement, il a prié le tribunal de constater que les réponses qu’il avait fournies lors de cet examen étaient justes. La décision de la commission devait être annulée. Il devait se voir attribuer la note de 6 à l’examen oral du 19 mai 2010 et obtenir ainsi le brevet d’avocat. Subsidiairement, le tribunal devait constater que cet examen oral avait été entaché d’arbitraire et que le recourant avait été victime d’une inégalité de traitement. La décision de la commission devait être annulée. Il devait être autorisé à représenter l’épreuve orale sans que cela « n’entame sa troisième tentative ».

Dans son recours, M. N______ a fait valoir en substance que le déroulement de l’épreuve n’était pas contesté. Celle-ci avait porté pour l’essentiel sur un contrat d’entreprise et sur un contrat de sous-traitance. Il s’était attaché dans un premier temps à qualifier le contrat passé entre l’entrepreneur principal, Espace 2000, et le sous-traitant, Construlog, pour en conclure qu’il s’agissait d’un contrat d’entreprise. Il avait ensuite déterminé à qui étaient imputables les défauts dont se prévalait l’entrepreneur principal pour refuser l’ouvrage. Or, le sous-traitant, pourtant spécialisé dans le recouvrement de façades, aurait dû se rendre compte que la matière fournie par le maître de l’ouvrage était défectueuse, les plaques métalliques destinées à couvrir la façade du bâtiment n’étant pas d’un noir uniforme. Néanmoins, le sous-traitant n’en avait pas informé l’entrepreneur principal. Le sous-traitant ne pouvait ainsi exiger le prix de l’ouvrage. Cette conclusion, à laquelle il était parvenu, aurait dû être considérée comme exacte, contrairement à l’avis de la commission. Dès lors, la totalité des points attribués à la première question devait lui être accordée.

Concernant la deuxième question posée, il n’avait pas exposé la voie de la poursuite classique, pourtant retenue par la commission lors de la séance de correction collective, une telle voie lui paraissant dénuée d’intérêt car elle s’avérait longue. Il avait en revanche parlé de l’éventualité d’une inscription d’une hypothèque légale et de l’absence de validité de la clause d’exclusion contractuelle de cette dernière, mais il n’avait bénéficié d’aucun point pour ces deux éléments. Il avait, comme le souhaitait la commission, discuté de l’inscription provisoire d’une hypothèque légale. Pour ce motif, 0,5 point devait lui être consenti. Enfin, il s’était penché sur les voies de recours au niveau fédéral, relevant qu’un refus d’inscription d’hypothèque devait être considéré comme une décision incidente, créant un préjudice irréparable et ouvrant la voie au recours. Ces précisions n’entraient pas dans la grille de correction de la commission et ne permettaient pas l’octroi d’un point quelconque alors qu’elles auraient dû être prises en compte dans l’appréciation générale des compétences du candidat.

Pour la troisième question, il avait répondu que le prix de l’ouvrage s’élèverait à CHF 915’000.-, comme le désirait la commission. Pour cette question, il avait ainsi obtenu l’entier des points relatifs à celle-ci. Il avait perdu du temps car l’énoncé comportait une erreur de plume, le procès-verbal de chantier du 15 mai 2010 relatif à la réception de l’ouvrage indiquait « troisième tranche » alors que l’énoncé mentionnait sous chiffre III : « acceptation de la seconde tranche » en précisant sous cette rubrique que la troisième tranchée était réputée acceptée. Il était convaincu qu’un piège s’était glissé dans l’énoncé. Comme il s’agissait d’une erreur de données, celle-ci n’avait « pu être prise en compte dans la grille de correction ». En n’appréciant pas correctement ses réponses, la commission avait versé dans l’arbitraire. De plus, il avait été victime d’une violation du principe d’égalité de traitement, ayant été désavantagé par rapport aux candidats n’ayant pas vu l’erreur de plume précitée, « vu que le temps passé sur cette problématique et son analyse juridique ont été tout simplement ignorés par la commission ».

Un point supplémentaire au moins devait lui être octroyé pour cela.

4. La commission a déposé sa réponse le 27 juillet 2010 et produit son dossier. Le 19 mai 2010, lors de l’examen oral contesté, M. N______ avait reçu l’énoncé ainsi que l’ordonnance fédérale sur le registre foncier du 22 février 1910 (RS - 211.432.1 - ORF). Il avait été auditionné par la sous-commission, composée de Madame Francine Payot Zen-Ruffinen et de Monsieur Christophe Rapin. La commission s’était ensuite réunie en séance plénière le 31 mai 2010 et le même jour, la liste des candidats ayant réussi avait été affichée.

a. Lors de la séance de correction collective organisée le 9 juin 2010, les délégués de la commission, soit Madame Christine Junod, Messieurs Sharam Dini et Sylvain Marchand, avaient exposé les réponses attendues des candidats ainsi que les barèmes appliqués, aussi bien pour les épreuves écrites que les épreuves orales.

b. Quant à la première question posée, la commission a relevé que le candidat avait confondu deux problématiques distinctes, soit le paiement des honoraires pour le travail effectué et l’éventuelle rémunération pour les travaux induits par le changement de plaques. Il n’avait jamais traité distinctement les deux problématiques. Il n’avait jamais abordé la question du dépassement de devis, sa conclusion en qualité de défenseur du sous-traitant consistant à dire à son client que celui-ci ne percevrait pas le solde des CHF 450’000.-, sans plus de précisions.

c. Au sujet de la deuxième question, le candidat n’avait développé aucun des moyens généraux d’action du sous-traitant et ne les avait pas même évoqués. Il avait en revanche abordé correctement les questions relatives aux hypothèques légales, y compris l’inscription provisoire de celles-ci. Il avait obtenu 1,5 point, soit le maximum pour cet aspect de la question. Il était exact qu’il avait exposé les voies de droit au Tribunal fédéral.

d. S’agissant de la troisième question, le candidat s’était borné à citer la jurisprudence relative au pourcentage relatif au dépassement de devis mais n’avait donné aucune réponse précise aux questions de son mandant. Les examinateurs avaient dû lui poser plusieurs questions pour l’amener à la conclusion que le sous-traitant pourrait obtenir CHF 415’000.- en lieu et place des CHF 450’000.-. Il s’était montré très vague sur la réduction de prix qui risquait d’être opérée. Lorsqu’il avait été prié de chiffrer ce montant, il était finalement arrivé aux CHF 415’000.- précités. Enfin, il s’était borné à citer l’art. 369 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations (CO - RS 220) sans le traiter et n’avait jamais mentionné l’art. 368 CO relatif à l’éventuelle rémunération pour les travaux supplémentaires.

e. Le recourant avait été le premier candidat de la matinée. Les examinateurs s’étaient alors rendu compte de l’erreur de plume contenue dans le procès-verbal sous la rubrique III « acceptation de la seconde tranche » alors qu’il s’agissait de la troisième. Les examinateurs avaient confirmé au candidat qu’il s’agissait bien d’une erreur de plume mais la commission n’avait pas modifié l’énoncé pour la suite de la journée. D’autres candidats s’étaient aperçus de cette erreur. Aucun n’avait perdu de temps en considérant que celle-ci constituait un piège.

f. Une décision était arbitraire si elle violait gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurtait de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. Lors de l’évaluation de résultats d’examens, les juridictions administratives devaient faire preuve de retenue même si elles possédaient les connaissances spécifiques requises leur permettant de procéder à un examen plus approfondi de la question, comme c’était le cas en l’espèce.

Le recourant ne contestait pas tant les points qui lui avaient été attribués que ceux qui auraient dû l’être, selon lui.

g. La commission a exposé les éléments de réponse qu’elle attendait pour chacune des trois questions précitées et elle a indiqué quelles notes avaient été attribuées au candidat pour chacune d’elles. Celui-ci avait ainsi obtenu 0,75 point pour la première question, 1,5 pour la deuxième et 1,25 pour la troisième, soit un total de 3,5 points.

Les examinateurs avaient surtout ressenti un sentiment de confusion, le candidat n’ayant pas investi correctement son rôle d’avocat du sous-traitant. Le candidat souhaitait obtenir des points supplémentaires non prévus par la grille de correction de la commission pour avoir, par exemple, développé les voies de recours auprès du Tribunal fédéral. Quant à l’erreur de plume, la plupart des candidats avait parfaitement maîtrisé cet élément, la gestion du temps étant importante dans la vie d’un avocat. Seul un 4,25 permettrait au candidat d’obtenir son brevet au vu des autres notes qui lui avaient été octroyées. Or, la sous-commission considérait que la prestation du candidat pour cet examen oral ne méritait globalement pas une note égale ou supérieure à la moyenne en fonction « de la confusion de son exposé, de l’absence de conclusions claires et surtout d’un positionnement contraire aux intérêts de son client, le recourant n’ayant pas utilisé les arguments qui auraient pu servir la position qu’il défendait ».

Elle maintenait la note de 3,5 pour cette épreuve, le candidat se bornant à affirmer de manière totalement subjective que son travail aurait été sous-évalué.

Quant aux griefs relatifs à la violation du principe d’égalité de traitement au motif que le candidat ne pouvait pas savoir combien de points allaient être attribués à la question de l’interprétation de la clause litigieuse et au fait qu’il aurait été désavantagé par rapport aux candidats n’ayant pas vu l’erreur, ils ne sauraient fonder une violation dudit principe, garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), car il n’était pas établi que ce qui était semblable n’avait pas été traité de manière identique. Le recours devait être rejeté.

5. Le 11 août 2010, le juge délégué a écrit à la commission aux fins de savoir combien de points avaient été attribués par la sous-commission à chacune des trois questions posées lors de l’examen du 19 mai 2010.

6. La commission a répondu ce qui suit le 18 août 2010 :

« Examen final du brevet d’avocat, mai 2010

Epreuve orale du 19 mai 2010

Système de notation

Première question : paiement du mémoire de CHF 450’000.-

total : deux points

A. Dépassement excessif de devis 0,5

B. Moyens de droit en cas de dépassement excessif 1,0

C. Estimation des honoraires dus à Construlog 0,5

D. Conclusion (bonus pour le candidat qui énonce une conclusion claire)

 

Deuxième question : moyens d’action de Construlog

total : deux points

A. Moyens généraux 0,5

B. Hypothèque des artisans et entrepreneurs 1,0

C. Inscription provisoire 0,5

D. Conclusion (bonus pour le candidat qui énonce une conclusion claire)

 

Troisième question : responsabilité pour le défaut de l’ouvrage

total : deux points

A. Défaut de l’ouvrage 0,5

B. Défaut imputable au maître 0,5

C. Matériaux fournis par le maître 1,0

D. Conclusion (bonus pour le candidat qui énonce une conclusion claire) ».

 

7. Ces éléments ont été transmis le 19 août 2010 au recourant pour information avec la mention que la cause était gardée à juger.

 

8. Le 20 août 2010 toutefois, un avocat s'est constitué pour M. N______ et a demandé à pouvoir se déterminer par écrit sur le courrier de la commission du 18 août 2010, ce qu’il a fait en répliquant le 15 septembre 2010.

 

A l’appui de son argumentation, il a produit un avis de droit établi le 8 septembre 2010 à sa requête par Maître Benoît Carron, spécialisé en droit de la construction et mandaté aux fins de déterminer l’exigibilité de la facture finale de Construlog de CHF 450'000.-. Après avoir pris connaissance du recours de M. N______ du 2 juillet et des pièces annexées à celui-ci, en particulier l’énoncé du cas de l’examen oral du 19 mai 2010, de même que les notes manuscrites prises par ce candidat durant la préparation, ainsi que la réponse au recours du 27 juillet 2010 de la commission, Me Carron a procédé à une analyse de la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la doctrine, en relevant que dans un arrêt, essentiellement consacré à des questions de droit international privé, le Tribunal fédéral semblait être revenu sans vraiment le dire sur la jurisprudence constante qui avait été la sienne jusqu'ici. A teneur de l’art. 372 al. 1 CO, le prix de l'ouvrage serait payable au moment de la livraison, que l’ouvrage soit ou non entaché de défauts (ATF 129 III 738 consid. 7 point 2). Cet arrêt était passé relativement inaperçu, même des auteurs ayant rédigé des ouvrages postérieurs à celui-ci, et le Tribunal fédéral lui-même, semblant ignorer son propre changement de jurisprudence, avait continué à appliquer celle qui avait prévalu jusqu'alors (Arrêt du Tribunal fédéral 4A 306/2008 du 9 septembre 2008). Me Carron concluait que, de ce fait, la situation juridique était pour le moins confuse et qu’il voyait mal comment M. N______ pouvait se voir reprocher d’avoir répondu en se fondant sur la jurisprudence bien établie du Tribunal fédéral, modifiée en catimini par celui-ci, et que ce dernier semblait avoir lui-même ignorée dans les arrêts ultérieurs, que le solde du prix de CHF 450'000.- n’était pas exigible, faute pour Construlog d’avoir livré un ouvrage exempt de défauts.

 

La commission semblait ne pas avoir envisagé la possibilité que la totalité de la somme ne fût pas encore exigible. Il en résultait que la réponse donnée par M. N______ à la première question de l’examen oral du 19 mai 2010 était correcte, que la commission semblait ne pas s’être attendue à ce qu’une telle réponse soit apportée par un candidat et que les examinateurs s’étaient bornés à suivre la grille d’évaluation qui leur avait été fournie alors même que celle-ci était inconciliable avec la réponse pourtant correcte de M. N______. Dans la logique de sa réponse, M. N______ n’avait dès lors pas à distinguer, comme la commission l’aurait souhaité, le paiement des honoraires pour le travail effectué et l’éventuelle rémunération pour les travaux induits par le changement de plaques. Par référence à la grille d'évaluation fournie par la commission, M. N______ avait été privé de deux points et du bonus, soit de 2,5 points au total pour la première question.

 

Pour la deuxième question, il n’avait pas à mentionner la voie de la poursuite ordinaire, la facture de Construlog n’étant pas exigible. Il avait, à juste titre, indiqué la possibilité de requérir l’inscription d'une hypothèque légale, de sorte qu’il aurait dû recevoir 0,5 point en relation avec cette question.

 

Quant à l’erreur de plume qu’il avait relevée et qui l’avait déstabilisé, la réponse fournie par la commission n’était pas satisfaisante. Soit cette erreur avait été commise volontairement et la commission aurait dû tenir compte du fait que M. N______ avait remarqué cette erreur, soit cette erreur avait été involontaire et M. N______ ne devait pas être pénalisé au motif qu'il l’avait remarquée.

 

En conséquence, la note de M. N______ devait être augmentée de 0,75 point au moins, ce qui entraînait la délivrance du brevet.

 

La décision de la commission était arbitraire. Le tribunal devait exceptionnellement se substituer à la commission et corriger l’erreur de celle-ci en octroyant le brevet d’avocat à M. N______, ou subsidiairement renvoyer la cause à la commission pour nouvelle appréciation de l’examen oral du 19 mai 2010, ou encore pour autoriser M. N______ à se présenter à un nouvel examen oral à l’occasion d’une session ultérieure.

 

Enfin, M. N______ réclamait la prise en charge des frais qu’il avait encourus pour assurer sa défense, à savoir les honoraires de Me Carron, s’élevant à CHF 4'000.-, et ceux de son conseil, se montant à CHF 5'497,05.

 

Une indemnité de procédure de CHF 7'500.- devait lui être octroyée, à la charge de l’Etat de Genève.

 

9. Le 15 octobre 2010, la commission a dupliqué. Il n’y avait aucune contradiction entre l’avis de droit de Me Carron et la position qu’elle avait soutenue. Elle a ajouté que « le fait que le candidat n’ait pas du tout mentionné la problématique du dépassement de devis dans la première question et qu’il n’ait pas expliqué les conséquences du défaut de l’ouvrage conformément à l’article 368 CO, en relevant que le client avait opté pour la réparation aux frais de l’entrepreneur au sens de l’article 368, alinéa 2 in fine CO (troisième question, voir réponse de la commission du 27 juillet 2010, pages 5 et 6, Au fond, points 1.3 et 1.4), suffisent à justifier la note inférieure à la moyenne - en l’occurrence 3,50 - qui lui a été attribuée ». Pour le surplus, la commission a persisté dans sa réponse du 27 juillet 2010 et dans ses conclusions.

 

10. Le 29 octobre 2010, le conseil de M. N______ a relevé que la commission ne prenait pas la pleine mesure des conclusions prises par Me Carron dans son avis de droit. Celui-ci avait confirmé que la totalité du montant des travaux n’était pas exigible. En conséquence, il était surprenant que la commission considère qu’il n’existait pas de contradiction entre l’avis de droit de Me Carron et sa propre position. M. N______ aurait dû obtenir la totalité des points relatifs à la première question.

 

11. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010).

2. Le recours ne porte que sur le résultat de l’examen oral du 19 mai 2010 pour l’obtention du brevet d’avocat, étant précisé que le déroulement de cette épreuve n’est pas contesté.

a. La commission d’examens se subdivise en sous-commissions de deux membres pour apprécier les épreuves orales de l’examen final, et de trois membres pour en apprécier l’épreuve écrite (art. 18 al. 3 du règlement d’application de la loi sur la profession d’avocat du 5 juin 2002 - RPAv - E 6 10.01).

b. L’organisation de la commission et les modalités d’examen de fin de stage sont fixées par ledit règlement en application de l’art. 32 al. 3 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10). L’art. 21 RPAv donne compétence à la commission de fixer les modalités de l’examen.

La commission est composée de spécialistes expérimentés. La composition de celle-ci est décrite à l’art. 32 al. 1 LPAv et comporte des membres ou anciens membres du pouvoir judiciaire, des professeurs d’université de la faculté de droit ainsi que des avocats ou anciens avocats.

3. Le recours en matière d’examen final pour l’obtention du brevet d'avocat peut être formé pour motif d’illégalité ou d’arbitraire (art. 31 al. 2 RPAv).

a. Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177consid. 2.1 p. 182 ; Arrêt du Tribunal fédéral 4P.149/2000 du 2 avril 2001,  consid. 2 et les arrêts cités).

b. Appelée à examiner le caractère arbitraire d’une décision, la chambre administrative suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière.

Le Tribunal fédéral ne revoit l’évaluation des résultats d'un examen qu’avec une retenue particulière, parce qu’une telle évaluation repose non seulement sur des connaissances spécifiques mais également sur une composante subjective propre aux experts ou examinateurs ainsi que sur une comparaison des candidats. En principe, il n’annule donc le prononcé attaqué que si l’autorité intimée s’est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou, d’une autre manière manifestement insoutenable (ATF 121 I 225 consid. 4d p. 230 ; ATF 118 Ia 488 consid. 4c p. 495).

Le Tribunal fédéral s’impose cette retenue même lorsqu’il possède les connaissances spécifiques requises qui lui permettraient de procéder à un examen plus approfondi de la question, comme c’est le cas en matière d’examens d’avocats ou de notaires (ATF 131 I 467 consid. 3.1 ; 121 I 225 consid. 4a p. 230 ; 118 IA 488 consid. 4a p. 495).

c. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, le Tribunal administratif a considéré que l’évaluation des résultats d’examens entre tout particulièrement dans la sphère des décisions pour lesquelles l’administration ou les examinateurs disposent d’un très large pouvoir d’appréciation et ne peut donc faire l’objet que d’un contrôle judiciaire limité (ATA/367/2007 du 31 juillet 2007, confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 2D_92/2007 du 21 février 2008 ; ATA/343/2006 du 20 juin 2006 ; ATA/785/2005 du 22 novembre 2005 et les références citées).

4. A teneur de l’art. 65 al. 2 LPA, l’acte de recours doit contenir l’exposé des motifs, l’indication des moyens de preuve et les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. En l’espèce, le recourant a produit à l’appui de sa réplique du 15 septembre 2010 un avis de droit de Me Carron, rédigé le 8 septembre 2010, dans le but de démontrer que la solution exposée oralement par M. N______ le 19 mai 2010 était conforme à une jurisprudence isolée du Tribunal fédéral et que cette solution, développée par le candidat, n’avait pas été envisagée par la commission de sorte que sa réponse sortait de la grille d’évaluation de cette dernière. En privant M. N______ de deux points et d’un bonus auxquels il aurait eu droit, soit de 2,5 points au total, la commission avait fait preuve d’arbitraire.

La recevabilité de cette pièce nouvelle produite au moment de la réplique peut demeurer indécise puisque les conclusions prises par l’intéressé sont restées les mêmes et que la commission a été invitée à se déterminer au vu de cet avis de droit. En application de la jurisprudence fédérale rappelée ci-dessus, il n’appartient pas à la chambre de céans de procéder à un examen plus approfondi de la question, quand bien même elle possèderait les connaissances spécifiques requises, compte tenu du fait qu’elle ne procède qu’à un contrôle judiciaire limité. Or, les membres de la sous-commission concernée, puis ceux de la commission plénière, ont exposé de manière convaincante les raisons qui les avaient conduits à attribuer la note qu’ils avaient donnée au candidat, essentiellement en raison du fait que celui-ci s’était montré confus dans son exposé et avait développé une argumentation contraire aux intérêts de son client, de sorte que l’appréciation de la commission apparaît fondée, et dans son principe, et dans son résultat. Par ailleurs, le recourant souligne lui-même que l’arrêt sur lequel se fonde Me Carron est un arrêt isolé, puisque dans une jurisprudence ultérieure, le Tribunal fédéral n’en a pas tenu compte.

M. N______ avait certes évoqué la possibilité de requérir une hypothèque légale, et mentionné les voies de droit au Tribunal fédéral. Il avait d’ailleurs obtenu 1,5 point, soit le maximum, pour cet aspect de la question.

Enfin, il n’est pas contesté que l’énoncé contenait une erreur de plume dont la sous-commission s’est rendu compte en procédant à l’audition de M. N______ puisque celui-ci était le premier candidat. Cette erreur n’a toutefois pas été corrigée pour les candidats suivants. Ceux-ci ont ainsi tous été traités de manière identique de sorte que cette erreur n’a pas occasionné de violation du principe d’égalité de traitement. Si celle-là, détectée par M. N______, lui a fait perdre du temps, il n’en a pas été pénalisé pour autant, et pas davantage que les autres candidats. Comme l’a relevé la sous-commission avec pertinence, l’avocat doit également apprendre la gestion de son temps et même si cette erreur était par hypothèse involontaire, il est irrelevant que le candidat y ait vu un piège délibéré, car il pouvait alors exposer les deux solutions auxquelles il serait parvenu dans l’hypothèse comportant l’erreur et dans celle en étant exempte.

L’on voit mal dès lors pourquoi sa note devrait être augmentée de 0,75 point en considérant qu’il avait été prétérité du fait qu’il avait remarqué cette erreur. Si ce raisonnement était suivi, il faudrait alors enlever 0,75 point également aux candidats qui ne l’auraient pas vue.

5. Le recourant considère que la totalité de son examen oral méritait un 6. Grâce à une telle note, il obtiendrait bien évidemment la moyenne requise, et donc le brevet d’avocat. Or, comme indiqué ci-dessus, rien ne permet de considérer que les experts se sont laissé guider par des considérations sans rapport avec l’examen ou les prestations du recourant, ou encore que leur appréciation, ou la note attribuée à celui-ci, serait partiale ou arbitraire (ATA/904/2010 du 21 décembre 2010).

Le recourant demande que la chambre de céans lui attribue une note plus élevée ou alors renvoie la cause à la commission afin que celle-ci réexamine la note dans laquelle elle a d’ores et déjà déclaré persister. En l’espèce, le recourant ne conteste pas tant les points qui lui ont été attribués, qu’il n’en réclame d’autres qui auraient dû lui être accordés, selon lui. Ce faisant, il oppose sa propre appréciation de ses prestations à celle des examinateurs en demandant que ses notes soient réévaluées.

La chambre de céans, qui ne peut pas statuer en opportunité (art. 61 al. 2 LPA), n’est pas compétente pour modifier une note d’examen, soit parce qu’elle n’apparaît pas justifiée, soit en utilisant la pratique du « coup de pouce » qui permet de rehausser une note. Si elle admet le recours, la chambre ne peut qu’annuler la décision attaquée et renvoyer le dossier à l’autorité inférieure pour qu’elle statue à nouveau (ATA/225/2010 du 30 mars 2010), ce qui serait inopérant en l’espèce pour les raisons sus indiquées.

6. La chambre de céans ne pouvant substituer son appréciation à celle de la commission, ni refaire l’examen, le recours sera rejeté. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de M. N______. Il ne lui sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 juillet 2010 par Monsieur N______ contre la décision de la commission d'examens des avocats du 1er juin 2010 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il ne lui est alloué aucune indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Maître Grégoire Mangeat, avocat du recourant, ainsi qu’à la commission d'examens des avocats.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :