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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1476/2009

ATA/843/2010 du 30.11.2010 sur DCCR/1299/2009 ( LCI ) , REJETE

Parties : LATSIS Alexandre / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, FERNANDEZ-DEHLEN Maria del Carmen, MENASRI Edouard
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1476/2009-LCI ATA/843/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 30 novembre 2010

2ème section

dans la cause

 

 

Monsieur Alexandre LATSIS
représenté par Me Roxane Morand L'Huillier, avocate

 

contre

 

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION

et

 

Madame Maria del Carmen FERNANDEZ-DEHLEN

 

et

 

Monsieur Edouard MENASRI

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 17 décembre 2009 (DCCR/1299/2009)


EN FAIT

1. Monsieur Alexandre Latsis est propriétaire de la parcelle n° 3078 de la commune de Bellevue jouxtant au nord-ouest la parcelle n° 2585 feuille 11 de la même commune sur laquelle se trouve une villa à l’adresse 11, chemin des Tuileries et qui est habitée par sa propriétaire, Madame Maria del Carmen Fernandez-Dehlen. Cette dernière parcelle se trouve en 5ème zone de construction pour plus des deux tiers, le solde étant en zone de bois et forêts.

2. Le 23 mars 2009, le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : DCTI) a délivré à Monsieur Edouard Menasri, requérant, une autorisation de construire définitive (DD 100’347-7) portant sur la rénovation et l’agrandissement de la villa de Mme Fernandez-Dehlen. Ce faisant, le DCTI a octroyé une dérogation à l’art. 11 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) mais il a refusé l’édification d’une piscine.

Le même jour, le département compétent a délivré une autorisation d’abattage d’arbres.

3. Le 23 avril 2009, M. Latsis a recouru contre cette autorisation de construire auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA).

4. Par décision du 17 décembre 2009, la CCRA a rejeté le recours en se référant à l’arrêt rendu entre les parties par le Tribunal administratif (ATA/464/2007 du 18 septembre 2007).

Dans sa motivation, la CCRA a considéré que l’octroi de la dérogation était justifié et cela pour les raisons suivantes :

"la notion d’alignement ne doit pas être comprise comme une référence à une ligne droite. Il s’agit plutôt de déterminer si le projet s’inscrit à l’intérieur d’un périmètre déjà construit, dont le tracé de la bordure, par rapport à la forêt, ne doit pas faire apparaître la future construction comme une excroissance.

En l’espèce, il résulte des pièces versées au dossier, ainsi que des données en ligne du système d’information du territoire genevois, que la forêt est délimitée d’un côté par l’autoroute A1, qu’elle longe et franchit dans un axe nord-ouest. De l’autre côté, sa lisière suit un tracé plus sinueux, mais dont la convexité générale, par rapport au chemin des Tuileries, atteint son point le plus proéminent à la hauteur des parcelles des parties. Tout le long de cette lisière, jusqu’à 200 mètres au sud, et jusqu’à 400 mètres au nord-ouest, plusieurs constructions suivent un arc de cercle dont le tracé est très proche de la forêt. Il apparaît que le bâtiment actuel de la propriétaire se situe plutôt légèrement en retrait de ce tracé, et que le projet litigieux ramènerait le futur bâtiment exactement sur l’arc de cercle susmentionné, et l’inscrirait donc dans l’alignement des constructions existantes".

5. Le 19 janvier 2010, M. Latsis a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision précitée en concluant à son annulation. La CCRA n'aurait pas dû entériner l'octroi d'une dérogation au terme d'un raisonnement peu convainquant sur la notion d'alignement : "la distance de 30 mètres n’était plus déterminée par la lisière de la forêt mais selon un tracé sinueux imaginaire prenant pour repère deux constructions anciennes dont l’une sur la parcelle n° 3214, était d’ailleurs assez éloignée de la parcelle n° 2585".

Quant au PLQ à l’étude qui devait englober sa parcelle, il ne modifiait "pas davantage l’implantation de la forêt ni les distances à respecter sur la parcelle n° 2585".

La dérogation ne répondait pas aux conditions fixées par l’art. 11 al. 2 let. c LForêts : il n’existait aucun plan d’affectation fixant un alignement ni aucun plan d’alignement.

6. Le 1er février 2010, Mme Fernandez-Dehlen et M. Menasri ont conclu à la confirmation de l'autorisation de construire et de la décision de la CCRA. La première a sollicité de plus une indemnité de procédure au titre de participation à ses frais d'avocat durant "la période de 5 années de procédures", étant précisé que devant la CCRA, elle était assistée par une avocate mais qu'elle plaidait en personne devant le tribunal de céans.

7. Le 26 février 2010, le DCTI a conclu au rejet du recours. Dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de construire, il avait recueilli les préavis favorables émis le 3 mars 2009 par la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : la direction générale) et le 15 janvier 2009 par la commission consultative de la diversité biologique, sous-commission flore, quant à l'octroi d'une dérogation fondée sur l'art. 11 LForêts.

8. La CCRA a déposé son dossier le 21 janvier 2010.

9. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recours ne porte que sur le bien-fondé - contesté - de la dérogation accordée sur la base de l'art. 11 LForêts.

3. L'art. 17 al. 1 de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0) dispose que les constructions et installations à proximité de la forêt peuvent être autorisées uniquement si elles n'en compromettent ni la conservation, ni le traitement, ni l'exploitation. Les cantons fixent la distance minimale appropriée qui doit séparer les constructions et les installations de la lisière de la forêt. Cette distance est déterminée compte tenu de la situation et de la hauteur prévisible du peuplement (art. 17 al. 2 LFo ; ATA/446/2010 du 29 juin 2010).

4. L’art. 11 LForêts est ainsi libellé :

"1 L'implantation de constructions à moins de 30 mètres de la lisière de la forêt, telle que constatée au sens de l'art. 4 de la présente loi, est interdite.

2 Le département des constructions et des technologies de l'information peut, après consultation du département, de la commune, de la commission des monuments, de la nature et des sites et de la commission consultative de la diversité biologique, accorder des dérogations pour :

a) des constructions ou installations d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination ;

b) des constructions de peu d'importance contiguës au bâtiment principal ou des rénovations, reconstructions, transformations, ainsi que pour un léger agrandissement de constructions existantes ;

c) des constructions respectant l'alignement fixé par un plan d'affectation du sol, un plan d'alignement, ou s'inscrivant dans un alignement de constructions existantes, pour autant que la construction nouvelle soit réalisée sur un terrain en zone à bâtir et située à 10 mètres au moins de la lisière de la forêt et qu'elle ne porte pas atteinte à la valeur biologique de la lisière.

3 L'octroi de dérogations est subordonné aux intérêts de la conservation de la forêt et de sa gestion, au bien-être des habitants, ainsi qu'à la sécurité de ces derniers et des installations; ces dérogations peuvent être assorties de conditions relatives à l'entretien de la lisière et de compensations, au sens des art. 8 et 9 de la présente loi".

5. En l'espèce, le DCTI a respecté les deux préavis favorables émis par la direction générale et la commission spécialisée, étant précisé que ceux-ci ne comportent aucune explication ou motivation.

6. Au regard de l'application de l'art. 11 al. 2 let. c LForêts, la CCRA a considéré à juste titre que le plan des zones de construction incluant la parcelle de Mme Fernandez-Dehlen en 5ème zone était un plan d'affectation au sens de l'art. 14 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700 ; ATF 129 II 225 consid. 1.3.3 p. 229 et les réf. citées).

En revanche, il n'existe en effet pas de plan d'alignement.

La CCRA a procédé à une constatation exacte et complète des faits pertinents en considérant qu’au vu du dossier, et surtout des éléments fournis par la consultation du site topoweb du DCTI, l'agrandissement projeté par l’intimée s'inscrivait dans l'alignement de construction existantes pour les raisons qu'elle a exposées. Contrairement aux allégués de M. Latsis, qui critique la motivation de la CCRA en page 7 de sa décision et la qualifie de sophisme juridique, il ne s'agit pas de prendre un "tracé sinueux imaginaire" comme référence mais de prolonger l'alignement formé par les deux constructions, fussent-elles anciennes, se trouvant sur les parcelles nos 3214 et 2878, à défaut d'autres constructions existantes dans ce périmètre, et de considérer la lisière de la forêt située à proximité.

L’octroi de la dérogation à l’art. 11 al. 2 LForêts est ainsi conforme au droit.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA).

Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à Mme Dehlen-Fernandez qui n'est pas assistée d'un conseil dans la procédure devant le tribunal de céans et n'allègue pas avoir exposé des frais pour sa défense (art. 87 LPA). Par ailleurs, une indemnité de procédure pour les cinq années antérieures ne saurait lui être allouée, les procédures précédentes étant terminées.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2010 par Monsieur Alexandre Latsis contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 17 décembre 2009 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur Alexandre Latsis un émolument de CHF 2’000.- ;

dit qu’aucune indemnité de procédure ne sera allouée à Madame Maria del Carmen Fernandez-Dehlen ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Roxane Morand L'Huillier, avocate du recourant, au département des constructions et des technologies de l’information, à Madame Maria del Carmen Fernandez-Dehlen, à Monsieur Edouard Menasri ainsi qu’à la commission cantonale de recours en matière administrative.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :