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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2916/2008

ATA/645/2010 du 21.09.2010 ( HG ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 04.11.2010, rendu le 25.02.2011, REJETE, 2C_239/2010, 8C_905/2010
Descripteurs : ; ASSISTANCE PUBLIQUE ; PRESTATION D'ASSISTANCE ; DROIT FONDAMENTAL ; DROIT À DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE
Normes : Cst.12 ; LASI.32 ; LASI.35
Résumé : L'art. 12 Cst. fed., qui garantit le droit à des conditions minimales d'existence, ne fait obstacle à la réduction des prestations d'aide sociale en cas d'omission du bénéficiaire à fournir des renseignements sur sa situation personnelle et financière que si ce dernier se trouve de ce fait empêché de satisfaire à ses besoins les plus fondamentaux. Recours partiellement admis dans la mesure où la suppression des prestations d'aide sociale porte atteinte audits besoins. Le bénéficiaire doit toutefois restituer le montant des prestations qui lui ont été versées en sus par le bureau d'information sociale de l'Université.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2916/2008-HG ATA/645/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 21 septembre 2010

 

dans la cause

 

Monsieur V______
représenté par Me Michael Rudermann, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1. Le 5 octobre 2007, le directeur général de l’Hospice général (ci-après : l'hospice) a rejeté l’opposition de Monsieur V______, confirmant ainsi la décision de l'hospice mettant fin aux prestations d'aide sociale avec effet dès le 1er août 2007 et demandant le remboursement des prestations versées depuis le 1er décembre 2005, arrêtées à CHF 26'181,60 en capital.

M. V______, requérant d'asile, ne remplissait pas les conditions exceptionnelles d’octroi d’une aide financière par la commission d’attribution et il ne pouvait bénéficier d’une aide au titre de l’aide sociale tant qu’il avait le statut d’étudiant. Il en avait été informé lors d’un entretien du 14 novembre 2005 et, ce n’était que parce qu’il avait déclaré avoir renoncé à ses études, que des prestations d’aide financière lui avaient été accordées dès le 1er décembre 2005. Or, l'hospice avait appris en juillet 2007 que M. V______ était toujours immatriculé à l'Université de Genève (ci-après : l’université) en tant qu'étudiant régulier depuis le semestre d'hiver 2004/2005.

Avec l’entrée en vigueur de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), l’art. 11 al. 3 lettre c de cette loi avait quelque peu assoupli la règle de l’exclusion des étudiants du champ d’application de l’aide sociale. Une aide financière exceptionnelle était prévue pour les étudiants aux conditions fixées par le Conseil d’Etat, mais M. V______ ne remplissait manifestement pas les conditions de l’aide exceptionnelle énoncées par l’art. 13 du règlement d’exécution de la loi sur l’aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RASI - J 4 04.01).

M. V______ était au bénéfice d’une formation juridique complète puisqu'il indiquait être avocat au Brésil. Il n’accomplissait pas une première formation. Il devait tout mettre en œuvre pour assurer sa subsistance par ses propres moyens, quand bien même il était au bénéfice d’un permis N.

Enfin, entre le 30 novembre 2004 et le 11 janvier 2007, M. V______ avait obtenu des prestations du bureau universitaire d'information sociale de l'université (ci-après : BUIS) d'un montant de CHF 8249,75, soit un montant de CHF 4’574,40 sans compter les exonérations de taxe universitaire, pour la période du 1er décembre 2005 au 31 juillet 2007, au cours de laquelle il avait touché également les prestations de l'hospice. Il avait également caché ce dernier élément à l'hospice, violant par là son obligation de renseigner.

2. Par acte du 5 novembre 2007, M. V______ a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre la décision précitée.

En lui refusant l’aide financière prévue pour les requérants d’asile, sous prétexte qu’il poursuivait ses études à l’université, la décision violait les principes de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire.

Il avait droit à des prestations minimales en application de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Par ailleurs, l’art. 23 al. 6 LAsi précisait qu’en cas de compensation du remboursement avec des prestations dues, le minimum vital devait être respecté.

3. Par arrêt du 8 avril 2008 (ATA/166/2008), le Tribunal administratif a rejeté le recours. Aucun émolument n'était perçu.

4. Saisi par M. V______ par la voie d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral a admis le recours dans la mesure où il était recevable et a annulé l'arrêt du Tribunal administratif par arrêt du 4 août 2008.

La cause était renvoyée au tribunal de céans pour nouvelle décision au sens des considérants.

Le Tribunal fédéral indiquait :

"En instance cantonale, le recourant a notamment soutenu que la suppression pure et simple du droit aux prestations violait son droit de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine (art. 12 Cst.). Il a également contesté que le droit aux prestations puisse lui être refusé au motif qu'il suivait des études universitaires ou qu'il avait touché une aide du BUIS très insuffisante pour subvenir à ses besoins. Il a exposé que les conditions posées par l'art. 13 RASI pour l'octroi d'une aide aux étudiants et personnes en formation ne prenait pas en considération la situation particulière des requérants d'asile, auxquels l'art. 11 al. 3 de la loi sur l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LASI - J 4 04) ne s'appliquait pas. A supposer qu'il eût respecté pleinement son devoir d'information, le droit aux prestations n'en aurait donc pas été modifié, ou très légèrement, de sorte que la sanction prononcée n'était pas justifiée. Enfin, pour savoir si des prestations avaient été versées indûment et devaient être remboursées, il convenait de se référer aux conditions posées à l'époque par la LAP. Or, cette loi n'interdisait pas d'accorder l'aide sociale aux personnes en formation universitaire.

Les premiers juges n'ont pas répondu à cette argumentation, dont on ne saurait, pourtant, considérer qu'elle est d'emblée dépourvue de pertinence. A la lecture de l'exposé des dispositions cantonales par les premiers juges, on comprend mal s'ils ont suivi ou non l'opinion du recourant d'après laquelle les art. 11 al. 3 LASI et 13 RASI ne lui étaient pas applicables. Tout en précisant que son cas relevait des dispositions générales de la LASI, ils semblent avoir nié le droit aux prestations en se fondant précisément sur les dispositions spéciales que constituent les art. 11 al. 3 LASI et 13 RASI. Ils n'ont pas répondu à l'argumentation du recourant concernant la prise en considération de la situation particulière des requérants d'asile et on ignore quelles conclusions ils ont tiré de l'art. 11 al. 2 LASI, auquel ils se sont pourtant référés. Or, cette disposition semble effectivement prévoir une réglementation particulière pour les demandeurs d'asile. Finalement, cette motivation ne permet pas de savoir si les premiers juges ont fondé le refus du droit aux prestations pour l'avenir, ainsi que la créance en remboursement du droit aux prestations déjà versées, sur la seule violation par le recourant de son obligation de collaborer, ou s'ils ont considéré qu'il ne remplissait effectivement pas, matériellement, les conditions du droit aux prestations.

A cela s'ajoute que les premiers juges n'ont pas traité l'argumentation du recourant relative à l'art. 12 Cst. Ils n'ont pas davantage réfuté celle concernant l'application de la LAP pour déterminer les conditions du droit aux prestations qui lui avaient été versées alors que cette loi était en vigueur. Sur ce dernier point, la seule référence à l'art. 60 LASI, d'après lequel la nouvelle loi s'applique dès son entrée en vigueur à toutes les personnes qui bénéficiaient des prestations prévues par la LAP, est nettement insuffisante. En effet, il s'agit, en l'espèce, d'examiner non seulement le droit à des prestations futures, mais également les conditions du droit aux prestations versées avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, et dont le remboursement est exigé (sur le principe de non-rétroactivité des lois, cf. ATF 119 Ia 154 consid. 4b p. 160, 254 consid. 3b p. 258 ; cf. également ATF 133 III 105 consid. 2 p. 108).

Vu ce qui précède, on retiendra que la juridiction cantonale n'a pas exposé clairement sur quelles dispositions légales elle se fondait, ni réfuté plusieurs griefs soulevés par le recourant, alors qu'ils n'étaient pas d'emblée dépourvus de pertinence. Le jugement entrepris n'est donc pas suffisamment motivé et ne permet pas un examen du litige par l'autorité de recours. Cette dernière, en particulier, n'a pas à statuer, pour la première fois en instance fédérale, sur des griefs déjà soulevés par le recourant en instance cantonale, ni à établir elle-même quelles dispositions de droit cantonal seraient éventuellement applicables dans le cas d'espèce et pourraient justifier la décision contestée. Il appartiendra par conséquent à la juridiction cantonale de rendre un nouveau jugement en précisant sur quelles dispositions légales exactement elle s'est fondée pour fixer les conditions du droit aux prestations litigieuses, pour y mettre fin et pour établir la créance de l'intimé en restitution de montants déjà versés, en veillant à répondre à l'argumentation du recourant" (cf. Arrêt du Tribunal fédéral 8C_408/2008 du 4 août 2008).

5. L'instruction de la cause a été reprise sur le plan cantonal le 11 août 2008 (cause A/2916/2008).

6. Contre l'arrêt du 4 août 2008, M. V______ a formé, le 15 septembre 2008, une demande de révision qui a été rejetée par le Tribunal fédéral le 13 mai 2009 (cf. Arrêt du Tribunal fédéral 8F_13/2008).

7. Par pli du 12 juin 2009, le tribunal de céans a invité les parties à se déterminer.

8. Dans ses observations du 14 août 2009, l'hospice a indiqué que la décision de suppression des prestations et la demande de remboursement des prestations perçues indûment étaient fondées tant sous l'empire de la LAP que de la LASI.

La décision de fin de prestations d'aide sociale était motivée principalement par le statut d'étudiant de M. V______ qui l'excluait du champ d'application de la législation applicable. Dans la mesure où ce statut avait été dissimulé par l'intéressé en violant son obligation de renseigner, la décision était également fondée sur le défaut de collaboration.

La demande de remboursement des prestations perçues indûment du 1er décembre 2005 au 28 août 2007 reposait sur la violation de l'obligation de renseigner, qui constituait une faute justifiant une demande de remboursement.

9. Dans sa détermination du 6 octobre 2009, le recourant a sollicité la réouverture des enquêtes pour permettre l'audition de Monsieur A______ ainsi que celle du Docteur Laurent Subilia. Pour le surplus il a conclu, sous suite de frais et dépens, à la réforme de la décision entreprise en ce sens que soit reconnu son droit aux prestations d'assistance complètes de l'hospice ; il a également demandé que soit constatée l'absence de créance de l'hospice en restitution des prestations versées avant le 1er août 2007, subsidiairement que cette créance soit limitée au montant excédant son minimum vital pendant la même période. Enfin, il a pris diverses autres conclusions en constatation d'ordre général, telles que son "droit au travail avec un libre accès au marché du travail", son "droit à une formation universitaire" et l'obligation pour le canton de Genève de réparer tous les dommages résultant de la violation de ses droits.

10. Parallèlement, le 5 octobre 2009, M. V______ a saisi le tribunal de céans d'une demande de récusation à l'encontre de Madame Laure Bovy, juge déléguée tant dans le cadre de la cause A/2916/2008 que dans une autre cause ayant trait au refus de donner suite à une demande d'équivalence universitaire (cause A/1092/2009).

11. Par décision du 3 février 2010, le tribunal de céans a déclaré irrecevable la requête en récusation formée dans les deux procédures précitées (ATA/71/2010), décision confirmée par le Tribunal fédéral (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_239/2010 du 30 juin 2010).

12. Par pli du 5 août 2010, le juge délégué a indiqué aux parties que la cause était gardée à juger.

13. En tant que de besoin, il convient de se référer à l'exposé des faits de l'arrêt du 8 avril 2008 (ATA/166/2008).

EN DROIT

1. La question de la recevabilité du recours ayant été tranchée dans l'arrêt rendu par le Tribunal administratif le 8 avril 2008, il n’y a plus lieu de l’examiner.

2. Toutefois, dans ses observations du 6 octobre 2009, le recourant a pris de nouvelles conclusions par rapport à celles qu'il avait formulées dans l'acte de recours du 5 novembre 2007.

a. A teneur de l'art. 69 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le cadre des débats est formé par les conclusions prises par le recourant. Des conclusions prises postérieurement au dépôt de l'acte créant le lien d'instance sont irrecevables (ATA/537/2009 du 27 octobre 2009 ; ATA/780/2005 du 15 novembre 2005 et les réf. citées).

b. Si un recourant est libre de contester toute ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre dans son mémoire de recours des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été l'objet de la procédure antérieure. Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction. Par conséquent, le recourant qui demande la réforme de la décision attaquée devant l'autorité de recours ne peut en principe pas présenter de conclusions nouvelles ou plus amples devant l'instance de recours, c'est-à-dire des conclusions qu'il n'a pas formulées dans les phases antérieures de la procédure (ATA/503/2009 du 6 octobre 2009 ; ATA/30/2009 du 20 janvier 2009 ; ATA/387/2008 du 29 juillet 2008 ; ATA/168/2008 du 8 avril 2008 ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 390/391).

La décision de l'hospice du 27 juillet 2007, confirmée par la décision sur opposition du directeur général de l'hospice du 5 octobre 2007 mettait fin aux prestations d'assistance complètes pour requérants d'asile obtenues par le recourant du 1er décembre 2005 au 31 juillet 2007 ainsi qu'à la prise en charge de ses cotisations d'assurance-maladie obligatoires et à son hébergement au foyer des Z______. Elle constatait également que le recourant devait à l'hospice la somme de CHF 26'181,60 en capital au titre de remboursement de l'assistance reçue indûment. Dans son acte de recours du 5 novembre 2007, le recourant a conclu à l'annulation de la décision sur opposition du directeur général de l'hospice. Il a conclu au maintien du droit aux prestations d'assistance auxquelles l'hospice avait mis fin, ainsi qu' à la renonciation à la créance de remboursement de l'assistance reçue avant le 1er août 2007.

Au vu des principes rappelés ci-dessus, seules sont recevables, les conclusions prises dans l'acte de recours du 5 novembre 2007, soit celles qui sont relatives au maintien du droit aux prestations d'assistance auxquelles l'hospice a mis fin, ainsi que les conclusions tendant à la constatation de l'absence de créance de l'hospice en remboursement des prestations déjà versées. Les autres conclusions sont irrecevables, dès lors qu'elles sortent de l'objet du litige.

3. Dans ses observations du 6 octobre 2009, le recourant a sollicité l'audition de deux témoins.

Aux termes de l'art. 29 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable (al. 1). Les parties ont le droit d'être entendues (al. 2). La jurisprudence a notamment déduit de cette disposition le droit pour les parties de produire des preuves quant aux faits de nature à influer la décision et d'obtenir qu'il soit donné suite aux offres de preuves pertinentes (ATF 132 V 368 consid. 3.1 p. 370 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; 127 V 431 consid. 3a p. 436). En revanche, une partie n'a pas droit à l'administration d'une preuve dépourvue de pertinence parce qu'elle porte sur une circonstance sans rapport avec le litige, ou qu'une appréciation anticipée des preuves déjà recueillies démontre qu'elle ne serait pas de nature à emporter la conviction de la juridiction saisie (cf. ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 429 ; 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135 ; Arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2009 du 3 août 2010 consid 4.1).

En l'occurrence il est inutile d'entendre les témoins cités, les pièces du dossier et les auditions auxquelles le tribunal de céans a déjà procédé lui permettant de statuer en toute connaissance de cause.

Au vu de ces éléments, le Tribunal administratif considère que le dossier est en état d'être jugé et qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la réouverture des enquêtes.

4. Le recourant invoque l'art. 12 Cst.

a. Aux termes de cette disposition, quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Cette disposition ne fait que consacrer, sans en étendre la portée, le droit constitutionnel non écrit à des conditions minimales d'existence qui avait été reconnu par la jurisprudence et la doctrine ; cette jurisprudence (ATF 121 I 367 consid. 2c p. 373 ; 122 II 193 consid. 2c/dd p. 198) conserve donc son entière valeur sous l'empire de l'actuelle Constitution fédérale. Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence et laisse au législateur fédéral, cantonal ou communal, le soin d'en fixer la nature et les modalités (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.196/2002 du 3 décembre 2002, consid. 4.1 ; A. AUER/G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II Les droits fondamentaux, 2e édition, Berne, 2006, p. 681-682 n. 1526 -1528).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’art. 12 Cst. ne garantit pas un revenu minimal mais uniquement ce qui est indispensable pour une existence conforme à la dignité humaine, afin de prévenir un état de mendicité indigne de la condition humaine (ATF 121 I 367 consid. 2c p. 373 ; ATF 130 I 71 consid. 4.1 p. 75 ; ATF 131 I 166, consid. 3.1 ; voir aussi G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, La réglementation des décisions de non-entrée en matière dans le domaine du droit d’asile – Aspects constitutionnels, PJA 2004 p. 1348-1354, spécialement p. 1349). L’art. 12 Cst. vise à éviter toute lacune dans le système plus général de la sécurité sociale (P. MAHON, in : J.-F. AUBERT/P. MAHON, Petit Commentaire de la Cst., Zurich 2003, n. 2 ad art. 12 Cst. ; M. BIGGLER-EGGENBERGER, in : B. EHRENZELLER/P. MASTRONARDI/ R.-J. SCHWEIZER/K. VALLENDER (éd.), Die Schweizerische Bundesverfassung, Zurich 2002, n. 12 ad art. 12 Cst.).

c. Par ailleurs, le texte même de l’art. 12 Cst. confirme que le principe de la subsidiarité s’applique à l’aide en cas de détresse. Ce droit ne comprend qu’un minimum, c’est-à-dire les moyens absolument nécessaires (sous la forme de nourriture, d’habits, d’un hébergement et de soins médicaux) pour pouvoir survivre dans une situation de détresse (ATF 130 I 71 consid. 4.1 p. 75 ; ATF 131 I 166, consid. 3.1 ; sur la notion de subsidiarité, voir U. HÄFELIN/W. HALLER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 6ème éd., Zurich 2005, p. 261 n. 917 ; R. RHINOW, Grundzüge des Schweizerischen Verfassungsrechts, Bâle 2003, p. 544 n. 3095 ; J.-F. AUBERT/P. MAHON, op. cit., Zurich 2003, n. 2 ad art. 12 Cst. ; M. BIGGLER-EGGENBERGER, in : B. EHRENZELLER/ P. MASTRONARDI/R. SCHWEIZER/K. VALLENDER (éd.), op. cit., n. 13-18 ad art. 12 Cst. ; R. RHINOW, Wirtschafts-, Sozial- und Arbeitsverfassung, in : U. ZIMMERLI (éd.), BTJP 1999 – Die neue Bundesverfassung, Konsequenzen für Praxis und Wissenschaft, Berne 2000, p. 176).

Ce principe implique que l'aide sociale n'est accordée que si elle représente le seul moyen d'éliminer la situation d'indigence (F. WOLFFERS, Fondements du droit de l'aide sociale, Berne 1995, p. 141).

d. Le droit à des conditions minimales d'existence est un droit de l'homme qui appartient à toute personne physique dans le besoin, quelle que soit sa nationalité et indépendamment de son statut au regard de la police des étrangers (ATF 121 I 367). Ainsi , même les personnes se trouvant illégalement en Suisse, de même que les requérants d'asile déboutés peuvent être mis au bénéfice du droit à des conditions minimales d'existence (A. AUER/G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER op.cit. p.682 n° 1529).

5. En droit genevois, c'est la LAP qui concrétisait l’art. 12 Cst. (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.196/2002 du 3 décembre 2002, consid. 5.1 ; ATA/809/2005 et réf. citées ; ATA/377/2003 du 6 janvier 2004, consid. 5 ; G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, op. cit. p. 1351).

Depuis son abrogation le 19 juin 2007, elle a été remplacée par la LASI.

Tant aux termes de l’art. 7 LAP, qu'en vertu des art. 32 et 35 let. c et d LASI, les personnes qui sollicitent une aide sont tenues, sous peine de refus de prestations, de fournir aux organismes d’assistance tous les renseignements utiles sur leur situation personnelle et financière et de leur communiquer tout changement de nature à modifier les prestations dont elles bénéficient.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, rendue au sujet de la LAP, l’art. 12 Cst. ne saurait donc priver les cantons de la possibilité d'exercer, à cet égard, un certain pouvoir de contrainte. Il ne saurait, en d'autres termes, leur être interdit de réduire leurs prestations d'aide sociale à l'encontre de bénéficiaires potentiels qui se refuseraient ou qui omettraient d'entreprendre toutes les démarches que l'on peut raisonnablement attendre d'eux pour avoir accès à ces autres prestations. Cela suppose toutefois que les intéressés ne se trouvent pas privés de ce fait de toute ressource et empêchés, dès lors, de satisfaire à leurs besoins les plus fondamentaux (nourriture et logement) (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.196/2002 du 3 décembre 2002, consid. 5.1). Sous cette réserve, la jurisprudence admet ainsi que les prestations d’assistance soient réduites, voire supprimées en cas de violation du principe de la subsidiarité (ATA/809/2005 du 29 novembre 2005), de l’obligation de renseigner (ATA/16/2006 du 17 janvier 2006) et du devoir de collaborer (ATA/253/2004 du 23 mars 2004). (ATA/534/2008 du 28 octobre 2010).

La décision de suppression des prestations était essentiellement basée sur le fait que le recourant avait caché à l'hospice son statut d'étudiant ainsi que les prestations reçues du BUIS. Force est de constater toutefois que le recourant n'a d'autres ressources que celles que lui verse l'hospice à titre de prestations d'assistance, son hébergement et son assurance-maladie étant également pris en charge par l'hospice. Certes, entre le 30 novembre 2004 et le 11 janvier 2007, le recourant a également bénéficié de CHF 8'249,75 dont CHF 2'610.- à titre d'exonération des taxes universitaires, alloués par le BUIS. Cependant il est constant qu'un tel montant ne lui aurait pas permis de subvenir à ses besoins pour cette période. Il s'ensuit que si les prestations de l'hospice devaient cesser, le recourant se trouverait dans l'indigence, privé de logement et d'assistance médicale, ce qui est contraire à l'art. 12 Cst.

Au vu de ce qui précède, l'hospice ne pouvait mettre fin aux prestations octroyées au recourant et le recours doit être admis sur ce point. Le même raisonnement doit en principe être appliqué à la demande de remboursement des prestations déjà perçues par le recourant. Toutefois, il a été établi, qu'entre le 30 novembre 2004 et le 11 janvier 2007, ce dernier a obtenu des prestations du BUIS qu'il a cachées à l'hospice, enfreignant par là tant l'obligation de renseigner que celle de collaborer. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, l'art. 12 Cst. ne fait obstacle au pouvoir des cantons de réduire le versement de prestations que dans la mesure où les intéressés ne se trouvent pas privés de satisfaire à leurs besoins les plus fondamentaux. Or, s'il est vrai que les prestations de l'hospice couvrent ces besoins et qu'en conséquence leur restitution ne peut être exigée, il n'en demeure pas moins que le recourant a obtenu en sus des prestations du BUIS. Il s'ensuit que l'hospice est fondé à demander au recourant le remboursement des prestations allouées pour la période du 1er décembre 2005 au 31 juillet 2007, à concurrence de celles qu'il a reçues par le BUIS pour cette même période soit, un montant de CHF 4’574,40.

6. Le recours sera partiellement admis dans le sens des considérants. En matière d'assistance publique, il n'est pas perçu d'émolument (art. 87 LPA ; art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Bien que le recourant soit au bénéfice de l'assistance juridique, il lui sera alloué CHF 700.-, à la charge de l'Etat de Genève (art. 18 al. 3 du règlement sur l'assistance juridique du 18 mars 1996 ; RAJ - E 2 05.04).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

admet partiellement le recours interjeté le 5 novembre 2007 par Monsieur V______ contre la décision du directeur général de l'Hospice général du 5 octobre 2007 dans la mesure où les conclusions sont recevables ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur V______ une indemnité de CHF 700.- à charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michael Rudermann, avocat du recourant ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Thélin président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :