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A/2778/2009

ATA/571/2010 du 31.08.2010 sur DCCR/153/2010 ( LDTR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2778/2009-LDTR ATA/571/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 31 août 2010

 

dans la cause

 

SI X______
représentée par Me Christian Buonomo, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 26 janvier 2010 (DCCR/153/2010)


EN FAIT

1. La SI X______ (ci-après : la SI) est propriétaire de l’immeuble abritant plusieurs logements à l’adresse 13B, chemin Y______, Genève.

2. La gérance de celui-ci est assurée par l’agence immobilière Z______ & Cie S.A. (ci-après : l’agence).

3. Le 24 avril 2009, l’Association genevoise de défense des locataires (ASLOCA) s’est adressée au département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le département).

Elle avait appris par certains locataires de l’immeuble susmentionné que d’importants travaux de réfection des appartements, notamment au 6ème étage, avaient été effectués au début de l’année 2008. Il semblait que lesdits travaux avaient consisté en une réelle rénovation complète et intégrale de toutes les installations des appartements.

Au changement de locataires et suite aux travaux précités, le loyer annuel avait été augmenté de CHF 12’780.- à CHF 25’200.-.

A ce courrier était joint l’avis de fixation de loyer du 14 mai 2008 établi pour Madame et Monsieur V______, locataires de l’appartement de cinq pièces au 6ème étage, indiquant que la hausse de loyer a pour motif le réajustement à la valeur objective pour des objets comparables, art. 269a let. a de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations (CO - RS 220).

4. Après avoir constaté sur place l’état de l’appartement occupé par les époux V______, le département a établi un rapport d’enquêtes en date du 8 mai 2009. L’appartement de cinq pièces qu’il avait visité avait fait l’objet d’une rénovation complète en mai 2008, avant l’entrée des locataires actuels, comprenant les interventions suivantes :

Rénovation complète de la salle de bains et du local de douche avec pose de nouveaux appareils et remise à neuf des revêtements en céramique ;

Rénovation complète de la cuisine avec pose d’un nouvel agencement, remise à neuf des revêtements en céramique, carrelages au sol et faïences entre meubles ;

Réfection complète des installations électriques ;

Peinture des boiseries (armoires, portes) ;

Ponçage et imprégnation des parquets ;

Dans toutes les pièces, peinture des plafonds.

La photographie des différentes pièces de l’appartement était jointe à ce rapport.

5. Par courrier du 12 mai 2009, le département a répondu à l’ASLOCA qu’aucune requête en autorisation de construire ayant pour objet les travaux réalisés dans l’appartement des époux V______ n’avait été déposée. Il interpellait ce jour l’agence au motif que ceux-là étaient susceptibles d’être assujettis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).

6. Par courrier du 12 mai 2009, le département s’est adressé à l’agence. Il avait été informé par l’ASLOCA que d’importants travaux auraient été entrepris dans un appartement de cinq pièces au 6ème étage de l’immeuble sis 13b, chemin Y______. Le département énumérait les interventions constatées et relevait que la majoration de loyer à l’entrée des nouveaux locataires représentait 97 %. Vu l’importance et la nature des travaux exécutés, ceux-ci apparaissaient assujettis à la LDTR. Or, aucune demande relative à ces travaux ne lui était parvenue.

Le département fixait un délai de quinze jours à l’agence pour produire toute pièce utile permettant de déterminer précisément la nature et le coût des travaux, ainsi que l’indication de la date à laquelle remontait l’entretien effectué dans l’appartement concerné.

7. Le 29 mai 2009, l’agence a donné suite à la demande du département en lui remettant les factures des travaux de peintures, parquets, électricité, sanitaires, carrelages et agencement de cuisine effectués dans l’appartement susmentionné. Le montant total des travaux représentait CHF 71'750.-.

Il s’agissait de travaux d’entretien courant, non assujettis à la LDTR.

8. Par décision du 2 juillet 2009, le département a constaté que les travaux exécutés étaient assujettis à la LDTR et devaient faire l’objet d’une demande d’autorisation de construire. Un délai de trente jours était imparti à la SI pour déposer une requête en autorisation de construire. Par ailleurs, une amende administrative de CHF 1'000.- lui était infligée pour avoir procédé à des travaux sans être au bénéfice d’une autorisation de construire.

Dite décision indiquait la voie et le délai de recours à la commission cantonale de recours en matière administrative (CCRA).

9. En temps utile, la SI a saisi la CCRA d’un recours contre la décision précitée.

Les travaux réalisés relevaient de travaux d’entretien au sens de l’art. 3 al. 2 LDTR, si bien que le dépôt d’une requête en autorisation n’était pas fondé.

Le fait que le loyer ait été adapté n’était pas seul décisif. D’une part, le nouveau loyer avait été fixé sur la base du critère des loyers usuels du quartier et non sur la base des factures des travaux effectués, le contrat de bail ayant été signé avant la réalisation des travaux. D’autre part, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir procédé à un entretien courant des locaux puisque la précédente locataire avait fait elle-même des travaux en 1998. Enfin, les locataires actuels n’avaient pas contesté le loyer devant la juridiction des baux et loyers.

10. Après avoir entendu les parties, la CCRA a rejeté le recours par décision du 26 janvier 2010, notifiée le 16 février 2010.

Pris isolément, les divers éléments relevés par le département pourraient constituer chacun des travaux d’entretien. En revanche, considérés dans leur ensemble, ces travaux constituaient une remise à neuf de l’intégralité de l’appartement. L’ampleur des travaux démontrait que le logement n’avait pas fait l’objet d’un entretien régulier. Le fait que la précédente locataire ait effectué quelques travaux d’entretien à ses frais ne modifiait en rien la qualification des travaux effectués par la SI en 2008. Le coût de ceux-ci, soit CHF 71'750.- pour un appartement de cinq pièces, était élevé pour de simples travaux d’entretien. Le loyer avant travaux était à CHF 2'556.- la pièce par an et après travaux à CHF 5'040.-. Avant travaux, il était dans la fourchette des montants prévus par la LDTR alors qu’après ceux-ci, il dépassait largement celui défini par la LDTR comme loyer accessible à la majorité de la population. La SI ne pouvait pas être suivie lorsqu’elle indiquait que le loyer n’avait pas été fixé ou calculé sur la base du coût des travaux, dès lors que le bail avait été signé antérieurement à l’achèvement de ceux-ci. En effet, la SI avait reconnu qu’elle était en possession des devis des travaux lors de la conclusion du bail. Vu le coût et l’incidence sur les loyers, les travaux relevaient de la rénovation et auraient dus être annoncés au département en vue d’une autorisation. L’amende administrative de CHF 1'000.- était justifiée, la SI ayant réalisé des travaux sans demander préalablement une autorisation de construire.

11. Par acte du 19 mars 2010, la SI a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée.

De par leur nature, les travaux litigieux étaient quasiment identiques à ceux ayant fait l’objet notamment de deux jurisprudences du Tribunal administratif, à savoir l’ATA/522/2004 du 8 juin 2004 et l’ATA/358/2008 du 1er juillet 2008, dans lesquelles le Tribunal administratif avait reconnu le caractère d’entretien pour de tels travaux, n’impliquant pas une augmentation du confort du logement.

En l’occurrence, la réfection complète de la peinture de l’appartement (CHF 15'800.-), le ponçage et l’imprégnation du parquet (CHF 4'550.-) et la réfection des installations sanitaires (CHF 8'500.-) aboutissaient à un total de CHF 28'850.-, soit un coût à la pièce de CHF 5'770.-. Il ne faisait aucun doute, au vu de la jurisprudence en la matière, que si la SI s’était contentée de ces travaux le département n’aurait jamais considéré qu’ils fussent assujettis à la LDTR. Les trois autres postes concernaient la réfection complète des installations électriques (CHF 10'000.-), le remplacement du carrelage et des faïences dans la cuisine, la salle de bains et la salle de douche (CHF 16'900.-), ainsi que la fourniture et la pose d’un nouvel agencement de cuisine (CHF 16'000.-). Or, la tabelle d’amortissement établie conjointement par la Fédération romande immobilière et l’Asloca, reconnue par l’Union suisse des professions de l’immobilier (USPI) prévoyait que les travaux d’électricité devaient être réalisés après dix et quarante ans. Or, de tels travaux avaient lieu d’ordinaire à vingt ans d’intervalle, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce. S’agissant du remplacement du carrelage et des faïences, la tabelle d’amortissement prévoyait une durée de vie moyenne de trente ans. En l’espèce, les installations étaient d’origine et dataient d’environ quarante ans.

De même, concernant la fourniture et la pose du nouvel agencement de cuisine, la tabelle d’amortissement prévoyait un remplacement à partir de quinze ou vingt-cinq ans en moyenne.

Il était incompréhensible que la CCRA ait été d’avis que l’appartement n’avait pas fait l’objet d’un entretien régulier et que les travaux avaient été différés dans le temps. En effet, il ne s’agissait pas in casu de travaux qui devaient être réalisés à intervalle rapproché mais bien une fois tous les trente ans en moyenne, en fonction de la qualité des installations. A suivre la CCRA, ceux-là auraient dus être effectués beaucoup plus tôt. En réalité, les travaux exécutés en 2008 l’avaient été pour la première fois et étaient nécessaires à cette date. Il ne s’agissait donc nullement d’un entretien différé dans le temps. Le raisonnement de la CCRA revenait précisément à assujettir à la LDTR les travaux d’entretien courant, ce qui était contraire au texte même de la loi.

Pour le surplus, les travaux de peinture facturés à CHF 15'800.- pour un appartement de cinq pièces n’étaient nullement excessifs et correspondaient au prix habituel.

Concernant le remplacement du carrelage et des faïences, la consultation du devis de l’entreprise Artrans S.A. du 6 mai 2008 permettait de constater que celui-ci ne contenait aucun poste d’un coût excessif.

Enfin, après une fuite sur une conduite, les travaux avaient été nécessaires en raison de la réfection des installations sanitaires.

En tant que de besoin, les entrepreneurs concernés par les deux derniers postes précités pouvaient être entendus par le Tribunal administratif.

S’agissant des travaux réalisés dans la cuisine, le prix de l’agencement avait été arrêté à CHF 9'785.- et celui des appareils ménagers à CHF 4'880,90, y compris la taxe de recyclage. Il s’agissait également de prix usuels et il n’y avait pas eu de modification du standing des locaux. Le solde de ces deux factures représentait le coût de la main-d’œuvre.

Il résultait des considérations ci-dessus que la SI ne pouvait envisager des travaux à moindre frais. Elle ne pouvait pas davantage y renoncer, à moins de devoir répondre d’un défaut de la chose louée devant le Tribunal des baux et loyers. A cet égard, elle se référait à un arrêt du Tribunal fédéral du 1er septembre 2000 in RDAF 2002 p. 25.

Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, une application raisonnable de la LDTR était nécessaire sous peine de voir de nombreux projets ne jamais être réalisés et de voir se poursuivre le phénomène de vieillissement et de détérioration du parc locatif genevois (ATA/110/1999 du 9 février 1999).

Concernant finalement la majoration du loyer, celui-ci avait été fixé sur la base du critère des loyers usuels du quartier comme l’autorisait le droit du bail. La SI n’avait plus adapté le loyer au prix du marché depuis 1992 puisque, lors de l’emménagement de la précédente locataire en août 1998, elle avait expressément renoncé à une adaptation du loyer.

En tout état, les locataires actuels n’avaient pas contesté le loyer devant la juridiction des baux et loyers. Ils n’avaient donc pas estimé que celui-ci présentait un caractère abusif au regard du prix du marché. Pour mémoire, il correspondait à un prix mensuel de CHF 2’100.- pour un appartement de cinq pièces.

En conclusion, la décision du département d’assujettir les travaux à la LDTR n’était pas conforme dès lors qu’il s’agissait de travaux d’entretien au sens de l’art. 3 al. 2.

Partant, l’amende administrative devait être annulée. A cet égard, la SI s’étonnait que le département ait infligé une amende aux termes de la même décision qui lui ordonnait de déposer une requête en autorisation de construire. Par le passé, le département, dans ce genre d’hypothèse, impartissait d’abord un délai au propriétaire pour déposer une requête en autorisation de construire en lui rappelant son interprétation de la LDTR et le caractère de rénovation des travaux puis, dans l’hypothèse où le propriétaire refusait de s’exécuter après l’entrée en force de la décision, il lui infligeait une amende. Il n’apparaissait pas judicieux de sanctionner d’emblée le propriétaire alors même que la nécessité de déposer une demande d’autorisation n’apparaissait pas évidente et qu’une voie de recours était ouverte contre la décision en cause.

Elle conclut à l’annulation de la décision du département et de celle de la CCRA, avec suite de frais et dépens.

12. La CCRA a déposé son dossier sans observations le 22 mars 2010.

13. Dans sa réponse du 30 avril 2010, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision de la CCRA. Les travaux entrepris devaient être qualifiés de travaux d’entretien différés dans le temps.

14. A la demande du Tribunal administratif, la SI a complété son dossier de pièces en produisant notamment des documents établissant la valeur fiscale de l’immeuble (CHF 6’135’269.-), la valeur incendie (CHF 6’024’490.-) et enfin, la valeur d’assurance totale CHF 6’756’790.-.

15. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La recourante conteste l’assujettissement des travaux litigieux à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).

3. a. La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR). La loi prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR). Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 9 al. 1 LDTR).

b. Selon l'art. 3 al. 1 let. d et 2 LDTR, sont qualifiés de transformation les travaux qui ont pour objet la rénovation, c'est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d'une maison d'habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve qu'il ne s'agisse pas de travaux d'entretien. Ces derniers, non assujettis à la LDTR, sont les travaux courants faisant partie des frais d'exploitation ordinaires d'une maison d'habitation. Les travaux raisonnables d'entretien régulier ne sont pas considérés comme travaux de transformation, pour autant qu'ils n'engendrent pas une amélioration du confort existant.

c. Dans la mesure où la loi vise principalement à maintenir un habitat correspondant, notamment sous l'angle économique, aux besoins prépondérants de la population, il faut éviter que des travaux non soumis à la loi ne conduisent à la longue à une érosion dudit habitat. En d'autres termes, la loi cherche à soumettre au contrôle de l'Etat certaines catégories de travaux, davantage en fonction des risques qu'ils font peser sur le caractère abordable des loyers, qu'en fonction du type de travaux eux-mêmes (F. PAYCHÈRE/O. BINDSCHEDLER, La jurisprudence récente du Tribunal administratif du Canton de Genève en matière d'entretien des immeubles, RDAF 1998, p. 368).

4. De jurisprudence constante il est admis, s’agissant de la distinction entre travaux d’entretien et de rénovation (ou transformation) consacrés à l’art. 3 LDTR, de tenir un raisonnement en deux temps, à savoir :

- examiner d'abord si, de par leur nature, les travaux en cause relèvent de l’entretien ou, au contraire, consistent en des travaux de rénovation. En prolongement de cette distinction, la jurisprudence a admis que des travaux d’entretien sont susceptibles d’aboutir à une rénovation ou à une transformation soumise à la LDTR, lorsque n’ayant pas été exécutés périodiquement ou par rotation tout au long de l’existence de l’immeuble, ou encore parce qu’ils n’ont pas été exécutés du tout pendant de nombreuses années, leur accumulation, même en tenant compte d’une exécution rationnelle commandant un regroupement, leur confère une incidence propre à engendrer un changement de standing de l’immeuble (A. MAUNOIR, La nouvelle LDTR au regard de la jurisprudence, in RDAF 1996 p. 314 et la jurisprudence citée),

- puis s'attacher ensuite à l’ampleur et, partant, au coût desdits travaux et à leur répercussion sur le montant du loyer, dès lors qu’il pourrait en résulter un changement d’affectation qualitatif des logements, au risque que ces derniers ne répondent plus aux besoins prépondérants de la population (ATA/258/ 2010 du 20 avril 2010 et réf. cit.). 

5. Un logement correspond en principe par son genre ou par son loyer aux besoins prépondérants de la population lorsque son loyer est compris entre CHF 2'503.- et CHF 3'363.- la pièce par année (Arrêté du Conseil d'Etat du 21 juin 2006 relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, publié dans la FAO du 30 juin 2006, auquel renvoie l'art. 6 al. 3 LDTR) ou lorsque ce logement entre dans la catégorie des appartements dans lesquels règne la pénurie au sens de l’art. 25 LDTR. Selon l'arrêté déterminant au moment des faits, comme selon celui actuellement en vigueur (Arrêté déterminant les catégories d’appartements où sévit la pénurie en vue de l’application des art. 25 à 39 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 4 février 2009 - ArAppart - L 5 20.03 ), il y a pénurie dans toutes les catégories d'appartements de une à sept pièces inclusivement.

6. Selon la jurisprudence bien établie du tribunal de céans, ont été considérés comme relevant de l’entretien au regard de leur nature, l’installation de nouveaux sanitaires, l’agencement des cuisines, la mise en conformité de l’installation électrique, la pose de nouveaux revêtements des sols et des parois, ainsi que des travaux de peinture et de serrurerie (ATA/40/2010 du 26 janvier 2010 et les réf. citées).

Il convient toutefois de tenir compte également des circonstances dans lesquelles les travaux sont accomplis et notamment de leur accumulation en raison d'un défaut d'entretien courant des bâtiments concernés (ATA/688/2002 du 12 novembre 2002 ; ATA/34/1998 du 27 janvier 1998).

Des travaux d'entretien différés dans le temps dont le coût a eu des conséquences importantes sur les loyers, lesquels ne répondent plus aux besoins prépondérants de la population, ont ainsi été jugés comme devant être soumis à autorisation; ces coûts étaient respectivement de CHF 38'213.- pour un appartement de 3,5 pièces (ATA/278/2006 du 16 mai 2006) ; CHF 79'359.- pour un 6,5 pièces (ATA/751/2004 du 28 septembre 2004) ; CHF 44'000.- pour un 4 pièces (ATA/659/2004 du 24 août 2004) ; CHF 49'874.- pour un 4 pièces (ATA/618/2004 du 5 août 2004) ; CHF 66'345.- pour un 4 pièces (ATA/802/2001 du 4 décembre 2001) ; de CHF 40'196.- pour un 4 pièces, CHF 23'422.- pour un 3 pièces et CHF 20'366.- pour un 4 pièces (ATA/365/2001 du 29 mai 2001) ; de CHF 10'650.- pour un 3 pièces, CHF 31'830.- pour un 2 pièces, CHF 31'530.- pour un 2 pièces, CHF 9'050.- pour un 3 pièces (ATA/261/2001 du 24 avril 2001).

7. Lorsque les travaux sont déjà soumis à la LDTR, uniquement en raison de leur coût important, le fait que ceux-ci n'aient pas eu d'incidence majeure sur les loyers n'est plus déterminant. Dans une telle hypothèse, c'est bien le montant payé par le propriétaire qui importe et non la manière dont il le répercute sur les loyers (ATA/502/2007 du 9 octobre 2007 ; ATA/370/2005 du 24 mai 2005).

8. En l’espèce, il ressort notamment des éléments établis par le département dans le rapport d’enquêtes du 8 mai 2009, et qui ne sont pas contestés par la recourante, que les travaux effectués ont entraîné une rénovation quasi intégrale de l’appartement concerné. Le montant total des travaux devisés et facturés, soit CHF 71'750.-, est établi par la SI elle-même. Sur cette base, le coût des travaux à la pièce s’est élevé à CHF 14'350.-. La SI admet qu’aucun travaux d’entretien courant n’a été effectué dans l’immeuble depuis sa mise en location sur le marché, soit depuis les années 1960. A cet égard, la tabelle d’amortissement des installations dont elle se réclame n’est pas pertinente, celle-là étant un document privé n’ayant pas force de loi.

La comparaison que la recourante fait avec les deux espèces jugées par le Tribunal administratif respectivement le 1er juillet 2008 (ATA/358/2008) et le 8 juin 2004 (ATA/522/2004) ne résiste pas à l’analyse.

En effet, si elle présente une certaine similitude avec la cause ayant fait l’objet de l’ATA/358/2008, la présente affaire s’en distance cependant considérablement. Hormis la nature des travaux sensiblement similaires, et le fait que dans les deux cas il s’agit d’un appartement de 5 pièces, dans le cas alors jugé par le Tribunal administratif, une partie des travaux avait été ordonnée par la SI propriétaire alors qu’une autre partie avait été commandée et payée par la locataire elle-même. Le montant total des travaux s’élevait alors à CHF 41’000.-, soit largement inférieur au coût présentement discuté. Le loyer annuel passait de CHF 22’000.-, soit CHF 4’400.- la pièce, avant travaux à CHF 26’200.-, soit CHF 7’200.- la pièce après travaux, alors que dans le cas d’espèce, outre que le montant des travaux est sensiblement plus élevé (CHF 71’750.-), le montant du loyer annuel a passé de CHF 12’780.-, soit CHF 2’556.- la pièce à CHF 24’200.- soit CHF 5’040.- la pièce. Cette augmentation de 97 % est assurément importante et de plus, alors que le logement correspondait précisément aux besoins prépondérants de la population avant travaux, il ne l’est plus.

Quant à la seconde jurisprudence citée par la recourante (ATA/552/2004), il s’agissait d’un appartement de 4 pièces dans lequel des travaux certes de même nature avaient été effectués, mais pour un montant de CHF 25’718.-. Le tribunal de céans a retenu, s’agissant de travaux qui pouvaient être qualifiés de modestes, qu’il n’y avait pas lieu de les soumettre à la LDTR.

En conclusion de ce qui précède, c’est à juste titre que le département, estimant que les travaux effectués par la SI relevaient de la LDTR, a ordonné le dépôt d’une requête en autorisation de construire.

9. Le département fixe, comme condition de l’autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux (art. 10 al. 1 LDTR). Il renonce à cette condition lorsque cette mesure apparaît disproportionnée, notamment lorsque les logements à transformer sont des logements de luxe ou que leurs loyers dépassent d'ores et déjà d'au moins deux fois et demie les besoins prépondérants de la population (art. 10 al. 2 let. b LDTR). Si le loyer avant transformation ou rénovation dépasse le niveau des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, il est maintenu par le département au même niveau lorsqu’il apparaît qu’il permet économiquement au propriétaire de supporter le coût des travaux sans majoration de loyer (art. 11 al. 3 LDTR).

La durée du contrôle est de trois ans pour les immeubles transformés ou rénovés. Elle peut être portée à cinq ans en cas de transformation lourde (art. 12 LDTR).

Il appartiendra donc au département de fixer comme condition de l’autorisation le montant maximum du loyer du logement considéré.

10. Conformément à l’art. 137 al. 1 LCI, en relation avec l’art. 44 al. 1 LDTR, est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- tout contrevenant à la LCI et à la LDTR. Le montant maximum de l’amende s’élève à CHF 20'000.- lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation, mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation de l’amende, du degré de gravité de l’infraction (art. 137 al. 3 LCI).

11. a. Les amendes administratives sont de nature pénale. Aucun critère ne permet en effet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister (ATA/86/2006 du 14 février 2006 ; ATA/362/2005 du 24 mai 2005 ; P. MOOR, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 2ème édition, Berne 2002, ch. 1.4.5.5, pp. 139-141 ; P. NOLL/S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht : allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 6ème édition, Zurich 2004, p. 37). C’est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal. En vertu de l’art. 1 al. 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1941 (LPG – E 4 05), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l’art. 24 LPG.

b. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fut-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon des principes qui n’ont pas été remis en cause, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi (ATA G. du 20 septembre 1994 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp. 646-648). Elle bénéficie en particulier d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende et la juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/86/2006 du 14 février 2006 ; ATA/567/2005 du 16 août 2005). Il est ainsi tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction et de la situation du recourant, par application analogique de l’art. 63 CP.

En l’espèce, en effectuant les travaux litigieux sans autorisation, la recourante a commis une faute manifeste et contrevenu aux dispositions de la LCI et de la LDTR. Le principe d’une amende administrative à son encontre est en conséquence acquis.

En fixant à CHF 1'000.- le montant de l’amende, le département a fait une application des plus mesurées du principe de la proportionnalité. La décision sera également confirmée sur ce point.

S’agissant de la modification de la pratique du département dont s’étonne la recourante, celle-là est conforme à l’art. 45 al. 2 LDTR, lequel, depuis le 25 juin 2009, institue la même voie de recours pour toutes les sanctions prises par le département en application de la LDTR.

12. En tous points mal fondé, le recours est rejeté. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 LPA). Aucune indemnité ne lui sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mars 2010 par la SI X______ contre la décision du 26 janvier 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la SI X______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Buonomo, avocat de la recourante, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu'au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :