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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2824/2007

ATA/537/2009 du 27.10.2009 ( VG ) , REJETE

Descripteurs : ; CHIEN ; ANIMAL DOMESTIQUE ; ANIMAL DANGEREUX ; AMENDE
Normes : LPA.65.al1 ; LPA.65.al2 ; aLChiens.13 ; aLCHiens.25.al1 ; LChiens.25.al3 ; aRChiens.17.al2 ; RChiens.27 ; LFPA.4.al2 ; CstGE.178C.al1; Règlement transitoire concernant le port de la muselière.art.2 et 3
Résumé : Confirmation d'une amende pour défaut du port de la muselière. Un chien de race "Bullmastiff" est soumis à l'obligation du port de la muselière ; la race de cet animal étant issue du croisement avec la race de chien d'attaque "Mastiff", qui figure dans la liste des chiens potentiellement dangereux publiée par l'Office vétérinaire cantonal. La différence de poids entre un "Mastiff" et un "Bullmastiff", plus léger, n'est pas relevante ; d'autres races encore plus légères sont considérées comme étant potentiellement dangereuses.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2824/2007-VG ATA/537/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 27 octobre 2009

1ère section

dans la cause

 

Madame L______

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

 

1. Madame L______, assistante en médecine vétérinaire de profession, est propriétaire d'un chien mâle, castré, de race "Bullmastiff" né le 11.09.2000.

2. En date du 11 juin 2007, deux rapports de contravention ont été dressés à l'encontre Mme L______ par un agent municipal de sécurité alors qu'elle se promenait avec son chien non muselé à l'avenue de la Gare des Eaux-Vives, 14 à Genève.

3. Une première contravention (no 129303 007 4), d'un montant de CHF 230.- (émolument de CHF 30.- compris), a été établie le 18 juin 2007 au motif que le chien de l'intéressée ne portait pas de muselière, sur la base des art. 13 et 25 de la loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens du 1er octobre 2003 (aLChiens - M 3 45) ainsi que des art. 2 let. a et 3 du règlement transitoire concernant le port de la muselière du 26 septembre 2006 (M 3 45.04).

4. Une seconde contravention (no 129303 006 6), d'un montant de CHF 100.- (émolument de CHF 30.- compris), a été établie le 18 juin 2007 au motif que l'intéressée ne s'était pas acquittée de l'impôt sur les chiens sur la base des art. 392 et 395 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05).

5. En date du 25 juin 2007, Mme L______ a adressé une demande de renseignements concernant la contravention no 129303 007 4 au service de la sécurité et de l'espace public (ci-après : le service). Elle contestait le fait que son animal de race "Bullmastiff" soit considéré comme étant dangereux alors que cette race n'était pas spécifiquement mentionnée sur la liste des chiens dangereux de l'art. 17 al. 2 du règlement d'application de la loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens du 6 décembre 2004 (aRChiens - M 3 45.01) tel qu'il était en vigueur à l'époque des faits.

6. Le service a informé Mme L______ le 10 juillet 2007 qu'il concluait à la légalité de cette procédure étant donné que, conformément à l'information publiée par l'office vétérinaire cantonal (ci-après : OVC), la race "Bullmastiff" était inscrite comme sous-catégorie de la race type "Mastiff" mentionnée quant à elle à l'art. 17 al. 2 let. f aRChiens.

7. Le service invitait l'intéressée à s'adresser à la commission consultative en matière de gestion des chiens telle que définie à l'art. 2 aRChiens si elle entendait contester la liste établie et arrêtée par le Conseil d'Etat.

8. Mme L______ a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre les contraventions précitées par acte daté du 14 juillet 2007 mis à la poste le 16 juillet 2007.

Considérant que la race de son chien ne faisait pas partie de la liste des chiens dangereux, qu'il n'était soumis qu'à l'obligation de passer un test de maîtrise annuel (ce qu'elle avait fait) et non pas à l'obligation du port d'une muselière, elle concluait implicitement à l'annulation de la contravention relative au défaut du port de muselière.

9. Dans sa réponse datée du 31 août 2007 mais déposée le 30 août 2007, le service a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours de Mme L______ et à la confirmation des deux contraventions du 18 juin 2007.

10. Lors de l'audience de comparution personnelle du 1er novembre 2007 Mme L______ a confirmé son recours, précisant notamment:

- qu'il portait sur le port de la muselière ;

- que la race "Bullmastiff", issue d'un croisement entre la race "Mastiff" et la race "Bulldog anglais", était reconnue comme race à part entière depuis 1924 ;

- qu'elle contestait le regroupement du "Bullmastiff" avec la race "Mastiff" en raison de leurs caractéristiques propres fortement divergentes, notamment une différence de poids de 40 kg entre les deux races (le "Bullmastif" étant le plus léger).

11. La procédure a été suspendue le 1er novembre 2007, avec l'accord des parties, en application de l'art. 78 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) afin de permettre à Mme L______ de faire valoir auprès de la commission consultative en matière de gestion des chiens (ci-après: la commission) son argumentation relative à l'absence de dangerosité des chiens de race "Bullmastiff".

12. Le 15 septembre 2008, le Conseil d'Etat a fait mentionner expressément la race "Bullmastiff" dans la liste des chiens potentiellement dangereux (art. 27 al. 2 let. n RChiens).

13. Le 3 juillet 2009, le Tribunal administratif a interpellé Mme L______ la priant de communiquer, avec délai au 7 août 2009, les résultats de ses démarches auprès de la commission.

 

 

14. Le 13 juillet 2009, Mme L______ a informé le Tribunal administratif que de par la loi son chien "de race croisée bullmastiff" ne faisait pas partie de la liste des chiens considérés dangereux au moment où elle avait été verbalisée (11 juin 2007).

15. Le 22 juillet 2009, le Tribunal administratif a imparti à Mme L______ un délai au 21 août 2009 pour la production des échanges de correspondances ainsi que de tous autres justificatifs de ses démarches auprès de la commission.

16. Le 6 août 2009, Mme L______ a transmis la copie d'un courriel reçu le 4 août 2009 de M. L.-D. Magnenat, vétérinaire à l'OVC.

Ce courrier de l'OVC était la lettre d'accompagnement d'une copie du règlement RChiens (M 3 45.01) dans sa version antérieure au 15 septembre 2008, faisant suite à la demande de Mme L______.

17. Le 7 août 2009, le Tribunal administratif a repris l'instruction de la procédure (art. 79 al. 2 LPA) et imparti un délai au 4 septembre 2009 au service pour produire sa détermination.

18. Le 1er septembre 2009, le service a persisté dans ses conclusions, visant à la confirmation des deux contraventions du 18 juin 2007.

19. Par lettre du 9 septembre 2009, le Tribunal administratif a invité Mme L______ à formuler toute requête complémentaire dans un délai venant à échéance le 24 septembre 2009. Passé ce délai, la cause serait gardée à juger.

20. Par lettre du 18 septembre 2009, Mme L______ a persisté dans ses conclusions visant à l'annulation de la contravention du 18 juin 2007.

Elle a notamment précisé :

- que le "Bullmastiff" était reconnu comme race à part entière par la Fédération cynologique internationale depuis le 24.06.1987 ;

- que certaines races de type "molossoïde" (majoritairement des chiens de berger et de troupeau) ne sont pas considérées comme dangereuses ;

- que le fait de porter une muselière portait atteinte à l'animal et lui provoquait de l'anxiété, violant ainsi la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur la protection des animaux (LPA) qui interdisait spécifiquement ce type d'atteinte (art. 1 et 4 al. 2).

Mme L______ a pris en outre de nouvelles conclusions, tendant à ce que le service soit condamné à lui verser un dédommagement pour l'énergie qu'elle avait dû déployer inutilement.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a LPA).

2. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. A défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

a. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitudes les fins du recourant (ATA/478/2008 du 16 septembre 2008 et les réf. citées). Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (P. MOOR, Droit administratif, Vol. II, Berne 2002, 2ème éd., p. 674 n. 5.7.1.4). Des conclusions conditionnelles sont en revanche irrecevables (ATA précité).

L’absence de conclusions au sens de ce qui précède ne peut être réparée que dans le délai de recours (ATA/19/2006 du 17 janvier 2006). Hors ce délai, le fait d’être autorisé à compléter une écriture de recours ne permet pas de suppléer au défaut de conclusions (art. 65 al. 3 LPA ; ATA/118/2006 du 7 mars 2006).

Quant à l’exigence de motivation de l’art. 65 al. 2 LPA, elle a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/1/2007 du 9 janvier 2007 ; ATA/775/2005 du 15 novembre 2005 ; ATA/179/2001 du 13 mars 2001 ; Société T. du 13 avril 1988; P. MOOR, op. cit., pp. 672-674 n. 5.7.1.3). Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à la décision litigieuse (ATA/23/2006 du 17 janvier 2006 ; cf. ég. ATF 130 I 312 rendu à propos de l’ancien art. 108 al. 2 OJ). Il ne suffit par exemple pas d’affirmer qu’une amende administrative est injustifiée sans expliquer la raison de ce grief, ou de reprocher simplement à une décision de constituer un excès du pouvoir d’appréciation de l’autorité qui l’a rendue (ATA précités). La motivation doit être en relation avec l’objet du litige et le recourant se référer à des motifs qui entrent dans le pouvoir d’examen de l’autorité de recours (B. BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 387). Le Tribunal fédéral a pour sa part confirmé qu’il faut pouvoir déduire de l’acte de recours sur quels points et pour quelles raisons la décision entreprise est contestée, ce que le recourant demande et sur quels faits il entend se fonder. Une brève motivation est suffisante à condition toutefois que les motifs avancés se rapportent à l’objet de la contestation (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.143/2005 du 21 avril 2005). Encore faut-il que cette motivation soit topique, à savoir qu’il appartient au recourant de prendre position par rapport au jugement (ou à la décision) attaqué et d’expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à ceux-ci (ATF 131 II 470, consid. 1.3 p. 475 [ég. rendu à propos de l’ancienne LOJ] ; Arrêt du Tribunal fédéral I 134/03 du 24 février 2004 ; ACOM/6/2006 du 15 février 2006). Enfin, la simple allégation que la décision attaquée serait erronée est insuffisante, la motivation devant être en relation avec l’objet du litige. Ce n’est que si les conclusions ou la motivation existent, sans avoir la clarté nécessaire, que l’autorité doit impartir un délai de correction au recourant (B. BOVAY, op. cit. p. 388).

En l'espèce, l'acte de recours daté du 14 juillet 2007 adressé au Tribunal administratif mentionnait s'opposer "aux amendes qui m'ont été infligées, suite au refus de museler mon chien", sans autre référence et ne comportait expressément aucune conclusion.

b. Tenant compte des motivations de la recourante, concluant toutes à l'absence de dangerosité de la race de son animal et de ce fait à l'absence d'obligation du port de muselière, il y a lieu de considérer que l'objet du litige concerne uniquement la contravention (no 129303 007 4), et non pas la contravention (no 129303 006 6) consécutive au non acquittement de l'impôt annuel sur les chiens (taxe concernant l'ensemble des chiens indépendamment de leur dangerosité), et qu'il vise à son annulation. Cela a été confirmé lors de l'audition de comparution personnelle du 1er novembre 2007 à l'occasion de laquelle la recourante a confirmé que son recours "porte sur le port de la muselière (sic)". Dans sa lettre du 18 septembre 2009 la recourante a d'ailleurs cette fois conclu à l'annulation d'une seule contravention en ces termes : "supprimer ladite contravention".

3. A teneur de l'art. 69 al. 1 LPA, le cadre des débats est formé par les conclusions prises par la demanderesse. Des conclusions prises postérieurement au dépôt de l'acte créant le lien d'instance sont irrecevables (ATA/780/2005 du 15 novembre 2005 et les références citées).

La recourante a conclu au versement d'une indemnité à titre de dédommagement dans son écriture du 18 septembre 2009, alors qu'elle ne l'avait pas fait dans celle fixant le cadre des débats, datée du 14 juillet 2007. Il s'agit dès lors de conclusions nouvelles, qui doivent être déclarées irrecevables.

4. Le 25 févier 2008 est entré en vigueur le règlement d'exécution sur l'interdiction des chiens dangereux (RIChD - M 3 45.05). Ce règlement consacre le port de la muselière à son art. 5 al. 1, reprenant le règlement transitoire concernant le port de la muselière du 26 septembre 2006 (M 3 45.04 ; ci-après : le règlement transitoire).

Le règlement transitoire étant en vigueur au moment où les faits se sont déroulés, ses dispositions doivent être appliquées à la présente procédure.

Celui-ci a pour buts d'assurer la sécurité publique en matière de détention de chiens dangereux ou potentiellement dangereux et d'éviter des agressions canines pouvant entraîner des dommages aux personnes et aux animaux domestiques. Ses dispositions prévoyant notamment :

- de rendre obligatoire le port de la muselière sur la voie publique pour tous les chiens dangereux tels que définis par l'art. 13 aLChiens (art. 2 let. a) ;

- d'amender les contrevenants (art. 3 al. 1) ;

- d'habiliter l'OVC, les services de police ainsi que les agents de sécurité municipaux à infliger ces amendes (art. 3 al. 2).

5. L'art. 13 aLChiens stipule :

"Sont considérés comme dangereux :

les chiens appartenant à des races dites d'attaque, selon la classification cynologique dont le Conseil d'Etat dresse une liste, ainsi que les croisements issus de ces races".

Le règlement d'application de cette loi (aRChiens) stipule dans son art. 17 al. 2, sous le titre chiens dangereux :

" 2. En font partie les chiens tels que:

[…] f. Mastiff."

a. Il résulte du texte même de cette disposition qu'elle ne contient qu'une liste exemplative des races dangereuses. En effet, ledit alinéa commence par les termes "en font partie les chiens tels que…". Le recours au vocable "tels" signifie clairement la volonté du Conseil d'Etat que la liste ait le caractère d'une suite d'exemples et non celui d'une énumération exhaustive.

b. L'OVC a précisé les races comprises sous les catégories de la liste de l'art. 17 al. 2 aRChiens, dans une information intitulée "Races de chiens dangereux ou potentiellement dangereux, ainsi que les croisements issus de ces races (selon les lois et règlements M 3 45, M 3 45.01 et M 3 45 03)". Ce document mentionne expressément que les chiens de race "Bullmastiff" sont regroupés dans la catégorie des chiens dangereux de type "Mastiffs", au même titre que le "Dogue anglais" et l' "English Mastiff".

6. La recourante considère que son animal relève de la race "Bullmastiff" et que cette espèce n'étant pas comprise dans celles qui étaient qualifiées de dangereuses en droit genevois, il n'était pas soumis au port de la muselière.

La liste de l'art.17 al. 2 aRChiens n'étant qu'exemplative, le fait qu'une race n'y figure pas ne signifie pas, comme le voudrait la recourante, que l'animal n'est pas dangereux. Pas plus que l'appartenance au type "molossoïde" ne permet d'inclure l'ensemble des races qu'il regroupe.

L'information publiée par l'OVC confirme expressément que les chiens de race "Bullmastiff" sont regroupés dans la catégorie des chiens et croisement issus de ces races sous le type "Mastiff". Une copie de cette liste détaillée de l'OVC a par ailleurs été adressée par le service à Mme L______ le 10 juillet 2007, soit avant le dépôt de son recours.

De plus, comme son nom le laisse entendre et conformément au document fourni par la recourante, la race Bullmastif, créée pour garder les domaines, résulte d'un "Heureux croisement entre un Bulldog (rapide) et un Mastiff (grand et lourd)". Du fait qu'un "Mastiff" est un chien dangereux (art. 17 al. 2 let. f aRChiens), un "Bullmastiff" peut, sans arbitraire, être considéré comme dangereux au sens de l'art. 13 let. a in fine aLChiens, étant précisément issu d'un croisement avec un chien de race dite d'attaque.

Le grief doit ainsi être écarté.

7. La recourante invoque le fait que le poids du "Bullmastiff" (45-60 kg, selon information OVC) est inférieur au "Mastiff" (79-86 kg, selon information OVC) et qu'ils ne sont à ce titre pas comparables.

Cet argument est toutefois irrelevant, des chiens de poids encore bien inférieur étant considérés comme étant dangereux, tel l'"Am'staff" (18-23 kg, selon information OVC) et le "Pittbull" (23-36 kg, selon information OVC).

8. Dans un arrêt du 6 mars 2007 (ATA/100/2007), le tribunal de céans a confirmé l'applicabilité des conditions prévues pour la race "Mastiff" aux chiens de race "Bullmastiff". Cet arrêt, citée par la recourante elle-même, déboutait le propriétaire d'un chien mâle "Bullmastiff" (qui n'était autre que le géniteur de celui de la recourante) ayant contesté la dangerosité de la race de son animal.

En l’espèce, l’OVC n’a délivré à la recourante aucune dérogation au port de la muselière pour son chien, ce qui était précisément le cas faisant l’objet de la jurisprudence précitée. Dès lors, la situation juridique n'étant pas comparable, le grief tiré de l’inégalité de traitement n’est pas fondé.

9. Malgré la suspension de procédure accordée le 1er novembre 2007 afin de permettre à la recourante de faire valoir auprès de la commission consultative en matière de gestion des chiens ses arguments concernant l'absence de dangerosité de la race "Bullmastiff", Mme L______ n'a fourni aucune pièce attestant des résultats obtenus par ses démarches, ni reconnaissance de l'absence de dangerosité de la race, ni dérogation pour son propre animal.

Au contraire, la race "Bullmastiff", sur préavis de la commission, a été ajoutée avec effet au 1er octobre 2008 à la liste des chiens potentiellement dangereux de l'art. 27 RChiens. Cette adjonction spécifique confirme que l'OVC considère bien le "Bullmastiff" comme étant une race de chien potentiellement dangereux et qu'il n'y a pas eu de confusion de race.

10. La recourante invoque une violation des principes de la loi fédérale sur la protection des animaux (LFPA) qui prohibe notamment la mise d'un animal dans un état d'anxiété ou tout atteinte à sa dignité (art. 4 al. 2 LFPA). Elle prétend, sans pour autant le démontrer, que le port d'une muselière met justement un animal dans un état d'anxiété et porte atteinte à sa dignité.

Conformément au libellé de la disposition invoquée, celle-ci n'interdit pas, comme l'entend la recourante, toute mise en état d'anxiété d'un animal ou atteinte à sa dignité, mais uniquement celle qui aurait été causée "de façon injustifiée".

Dans le cas présent la mise en état d'anxiété et l'atteinte à la dignité d'un animal de race "Bullmastiff" résultant du port imposé d'une muselière, pour autant qu'elle soit admise, n'est pas causée sans justification mais répond à un impératif de sécurité publique (art. 178C al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 - A 2 00 et art. 1 du règlement transitoire concernant le port de la muselière).

A ce titre, la loi et les règlements imposant le port d'une muselière aux chiens potentiellement dangereux ne violent pas la loi sur la protection des animaux, à l'instar de la castration également imposée à ces animaux quand bien même celle-ci porte réellement atteinte leur dignité. Il s'en suit que ce grief doit également être écarté.

11. Acquise dans son principe, reste à examiner la quotité de l'amende. Conformément à l'art. 3 al. 1 du règlement transitoire, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- tout contrevenant au règlement transitoire concernant le port de la muselière.

Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister (ATA/813/2001 du 4 décembre 2001 ; P. MOOR, Droit administratif : Les actes et leur contrôle, tome 2, Berne 2002, pp. 139-141 ; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht : allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 6ème édition, Zurich 2004, p. 37). C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/360/2006 du 27 juin 2006 ; ATA/813/2001 précité). En vertu de l'art. 1er de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y a en effet lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp. 646-648 ; ATA G. du 20 septembre 1994).

Dans ce contexte,le département jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour en fixer le montant. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (ATA/1274/2004 du 19 juillet 2005 ; Mémorial des séances du Grand Conseil, 1985, III p. 4275).

Dans le cas d'espèce, le service a infligé à la recourante une amende administrative de CHF 200.-. La quotité de cette amende, qui n'a au demeurant pas été contestée par la recourante, est, au vu des circonstances, justifiée et proportionnée. Elle sera en conséquence confirmée.

12. Concernant l'examen de la prescription, les mesures administratives prévues par l'art. 3 al. 1 du règlement transitoire sont applicables par renvoi de l'art. 25 al. 1 LChiens.

L'art. 25 al. 3 LChiens prévoit que la poursuite des contraventions mentionnées à l'al. 1 se prescrit par 5 ans et précise que les dispositions de l'art. 71 CP sont applicables par analogie. Suite à la révision de la partie générale du Code pénal, c'est l'art. 99 al. 1 let. e qui doit être appliqué en lieu et place de l'art. 71 CP, une modification de la LChiens en ce sens sera effectuée le 2 novembre 2009.

En l'espèce, l'amende prononcée par le service le 18 juin 2007 à l'encontre de Mme L______ n'est pas prescrite.

13. Mal fondé, le recours doit être rejeté. Un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

rejette, dans la mesure où il est recevable le recours interjeté le 16 juillet 2007 par Madame L______ contre la décision de la Ville de Genève du 18 juin 2007 (contravention no 129303 007 4);

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 800.- ;

dit que, conformément aux art. 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame L______, à la Ville de Genève ainsi qu'à l'Office vétérinaire cantonal, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :