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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/520/2009

ATA/98/2009 du 26.02.2009 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : ; CONTRÔLE DE LA DÉTENTION ; PROLONGATION ; DÉTENTION POUR INSOUMISSION
Normes : LEtr.78 ; CEDH.5.al1.letb ; LaLEtr.7 ; LaLEtr.9
Résumé : A Genève, l'officier de police et l'OCP sont compétents pour ordonner une mise en détention pour insoumission. La commission cantonale de recours en matière administrative est quant à elle compétente pour examiner le bien-fondé et ordonner la prolongation d'une telle mesure. Dans ces circonstances, l'on ne peut retenir, comme le soutien l'OCP, que cette dernière pourrait également solliciter une telle prolongation cela reviendrait à passer outre le contrôle judiciaire en violation non seulement de la LEtr mais également de l'article 5 alinéa 1 lettre b CEDH.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/520/2009-MC ATA/98/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 26 février 2009

2ème section

dans la cause

 

Monsieur B______
représenté par Me Dominique Bavarel, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE


et

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION


EN FAIT

1. Monsieur B______, né en 1980, originaire d'Algérie, est arrivé en Suisse le 4 mars 2006, au bénéfice d'un visa valable pour une durée de 30 jours.

2. Il a été interpellé par la gendarmerie genevoise, le 5 avril 2006, alors qu'il commettait un vol de nourriture dans un magasin. A cette occasion, il s'est identifié auprès de la gendarmerie du nom de Z______, ressortissant égyptien. Il était sans papier d'identité, sans ressources et sans domicile fixe.

3. Le 3 mai 2006, le frère de M. B______ a fait une déclaration à la police judiciaire. Ce dernier était arrivé en Suisse à son invitation et, avait disparu. Il avait retrouvé son passeport et ses papiers d'identité cachés à son domicile.

4. Sous l'identité de Z______, M. B______ a été arrêté le 31 octobre 2006 pour avoir détenu et vendu du haschich. Le rapprochement entre Z______ et B______ n'ayant pas encore été fait, il a été condamné le
1er novembre 2006, sous le patronyme de Z______, par le Procureur général de Genève, à une peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans, pour infraction à l'article 19 chiffre 1 lettre a de la loi fédérale sur les stupéfiants, du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et infraction à l'article 23 de la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931, remplacée depuis lors par la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

5. Le 13 décembre 2006, l'office fédéral des migrations (ci-après : ODM) a pris à l'encontre de M. B______, sous l'identité de Z______, une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 10 décembre 2009. Cette décision lui a été notifiée le 16 janvier 2007. Elle n'a pas fait l'objet d'un recours.

6. Le 23 octobre 2008, l'intéressé, toujours sous l'identité de Z______, a été arrêté pour violation de domicile (squat d'une villa). Il a fait l'objet, le 2 décembre 2008 d'une nouvelle ordonnance de condamnation du Procureur général, lui infligeant, une peine pécuniaire de quinze jours amende.

7. Suite à cette interpellation, la police l'a interrogé sur son identité. Il a alors admis s'appeler B______, né le______1980 et être ressortissant algérien. Il refusait de retourner en Algérie quoiqu'il arrive et quoique fasse la police

8. Le 13 novembre 2008, l'office cantonal de la population (ci-après : OCP) a rendu à l'encontre de l'intéressé une décision de renvoi de Suisse, en application de l'article 64 LEtr. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

M. B______ n'était pas détenteur d'un visa ou d'une autorisation de séjour valable. Il avait séjourné et travaillé à Genève sans autorisation. Il faisait l'objet d'une décision d'interdiction d'entrée en Suisse, valable jusqu'au 10 décembre 2009.

9. Le 4 décembre 2008, M. B______, entre temps relaxé, a été mis sous communiqué de recherche par la police.

10. Le 11 décembre 2008, il s'est présenté à la police pour récupérer son passeport. A cette occasion, la décision de l'OCP du 13 novembre 2008 lui a été notifiée.

11. Le même jour, l'officier de police a ordonné la mise en détention administrative de M. B______ en application de l'article 76 alinéa 1, lettre b, chiffre 3 LEtr. Une décision de renvoi qui était en force lui avait été notifiée, et il existait des indices concrets faisant craindre qu'il se soustrairait à son refoulement. Son départ était prévu le 15 décembre 2008.

12. Le 15 décembre 2008, la commission cantonale de recours de police des étrangers, instaurée par la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLetr - F 2 10 et les modifications de celle-ci du 25 avril 2008, entrée en vigueur le 24 juin 2008) remplacée depuis le 1er janvier 2009 par la commission de recours en matière administrative (ci-après : CCRA) a confirmé l'ordre de mise en détention de l'intéressé pour une durée d'un mois.

Il existait des indices concrets et évidents que M. B______ entende se soustraire à son renvoi. Un vol était prévu le jour même de l'audience et dans l'hypothèse où il refuserait de le prendre, un nouveau vol avec escorte pourrait être organisé d'ici le 10 janvier 2009.

13. Le refoulement en question n'a pas pu avoir lieu, M. B______ s'étant opposé à son départ.

14. Le 24 décembre 2008, le Tribunal administratif a rejeté le recours de
M. B______ contre la décision de la CCRA, du 15 décembre 2008.

L'intéressé s'était opposé à son refoulement prévu le 15 décembre 2008. Il avait démontré qu'il entendait s'y soustraire. Les conditions de l'article 76 alinéa 1 lettre b chiffre 3 LEtr étaient remplies. La détention était proportionnée dans la mesure où une place avait été réservée sur un vol de ligne, début janvier 2009. Les autorités suisses, depuis que le recourant s'était opposé à son renvoi, avaient entrepris sans désemparer les démarches nécessaires pour organiser un vol de rapatriement.

15. Le 8 janvier 2009, une nouvelle tentative de refoulement de M. B______ à destination d'Alger a échoué. Un vol avec escorte policière avait été réservé mais l'intéressé s'était opposé physiquement à son départ et avait même tenté d'asséner un coup de tête à l'un des policier, si bien que le chef d'escale de la compagnie aérienne avait refusé qu'il embarque à bord de l'aéronef.

16. Le 12 janvier 2009, l'officier de police a entendu M. B______. Celui-ci ne voulait pas dire où il habitait et a confirmé qu'il refuserait à chaque fois qu'on le lui demanderait, de quitter la Suisse. Il avait des problèmes avec les autorités mais ne voulait pas en dire plus.

17. Le même jour, l'officier de police a ordonné la mise en détention administrative de M. B______ pour une durée d'un mois pour insoumission, en application de l'article 78 alinéa 1 LEtr.

L'intéressé faisait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse, définitive et exécutoire. Selon l'article 4 alinéas 3 et 4 de l'accord du 3 juin 2006 entre le Conseil fédéral de la Confédération suisse et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la circulation des personnes
(RS 0.142.111.279), le retour en Algérie par vol spécial était exclu, si bien que la collaboration de M. B______ était indispensable à son renvoi. Le fait qu'il s'y soit opposé à deux reprises fondait l'existence d'un cas d'insoumission qui permettait la mise en détention conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

18. Le 15 janvier 2009 à 15h30, M. B______ a été présenté à la CCRA, pour être entendu au sujet de l'ordre de mise en détention administrative prise à son encontre.

A cette occasion, il a indiqué refuser de rentrer en Algérie car il avait beaucoup d'impôts en retard à payer et n'avait pas de papiers d'identité. Il n'avait entrepris aucune démarche en vue de son retour bien que sachant qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 10 décembre 2009.

Il envisageait d'entreprendre des études en Suisse et avait effectué des démarches afin de pouvoir s'inscrire à la Haute école d'ingénierie et de gestion du canton de Vaud. Il travaillait de manière temporaire et pour de courtes durées au centre social installé sur le bateau « Genève ».

19. Le même jour, la CCRA a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police pour une durée d'un mois, jusqu'au 12 février 2009.

M. B______ faisait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse, définitive et exécutoire. L'intéressé ne s'était effectivement pas soumis à celle-ci, refusant toute collaboration pour permettre son exécution. La prolongation pour une durée d'un mois était proportionnée.

Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

20. Le 2 février 2009, M. B______ a confirmé à la police judiciaire, section des enquêtes administratives, qu'il refusait de rentrer en Algérie en raison des problèmes administratifs qu'il rencontrait avec ce pays.

21. Le 5 février 2009, l'OCP, a sollicité de la CCRA la prolongation de la mise en détention administrative de M. B______ pour une durée de deux mois.

Compte tenu du refus de l'intéressé, de se soumettre à la décision de renvoi, la détention administrative était l'unique moyen, pour mener à terme le rapatriement de l'intéressé à destination de son pays d'origine. Le principe de proportionnalité n'était pas violé, eu égard au comportement adopté jusqu'ici par ce dernier. Aucune autre mesure moins contraignante serait susceptible d'atteindre l'objectif visé. L'intéressé pouvait mettre fin à sa détention en se décidant à quitter la Suisse.

Subsidiairement, la requête en question valait ordre de prolongation de détention pour une durée de deux mois au sens de l'article 78 alinéa 2 LEtr.

22. M. B______ et le représentant du commissaire de police ont été entendus le 9 février 2009 par la CCRA.

L'intéressé s'est à nouveau opposé à son renvoi de Suisse exposant craindre des poursuites en matière fiscale dans son pays.

Le représentant du commissaire de police a conclu à l'irrecevabilité de la demande de prolongation présentée par l'OCP en raison de l'incompétence rationae materiae de la CCRA à connaître de cette demande sous l'angle de l'article 78 alinéa 3 LEtr. Subsidiairement, il a conclu à la confirmation de la prolongation de la détention administrative de M. B______ pour une durée de deux mois pour insoumission contenue dans cette demande, fondée sur l'article 78 alinéas 1 et 2 LEtr.

23. Par décision du même jour, la CCRA s'est déclarée compétente pour connaître de la demande de prolongation de la détention administrative de
M. B______, pour insoumission. Elle a prolongé la détention administrative de celui-ci pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 6 avril 2009.

Sa compétence relevait de l'article 1 lettre t de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05) et des articles 7 alinéa 1 lettre e LaLEtr. La demande de prolongation lui était parvenue dans le délai de nonante six heures fixé par l'article 8 alinéa 4 LaLEtr. Sur le fond, les conditions de l'article 78 alinéa 2 LEtr relatives à une prolongation d'une détention pour insoumission, étaient réalisées, M. B______ s'opposant avec obstination à son renvoi et ayant fait échouer, à plusieurs reprises, l'exécution de la décision prise à son encontre.

24. M. B______ a recouru auprès du Tribunal administratif le 17 février 2009 contre cette décision. Il conclut à son annulation et à sa mise en liberté immédiate.

Il ne contestait pas s'être opposé à son refoulement.

Il devait être mis en liberté en raison de l'attitude contradictoire de l'autorité requérant la prolongation de sa détention administrative. Lors de l'audience du
9 février 2009, le représentant de l'OCP avait conclu à titre principal à ce que la demande de prolongation de la détention soit déclarée irrecevable et à titre subsidiaire, à la confirmation de la prolongation de la détention pour une durée de deux mois. Dans la mesure où l'autorité concluait à ce que sa demande de prolongation soit déclarée irrecevable, il ne pouvait prendre des conclusions contraires à titre subsidiaire. Partant de ce constat, la CCRA n'aurait pas dû prolonger la détention administrative et il devait donc être élargi.

Enfin, la requête de la prolongation de détention ne pouvait valoir, à titre subsidiaire, ordre de prolongation de détention puisque cette décision ne lui avait pas été notifiée.

25. Le 18 février 2009, la CCRA a transmis son dossier sans formuler d'observation.

26. Le 24 février 2009, l'OCP a transmis ses observations. Il conclut à ce que la décision du 9 février de la CCRA soit déclarée nulle, vu l'incompétence de cette autorité à statuer sur la demande de prolongation de détention, et à ce que les conclusions du recourant soient déclarées irrecevables. Subsidiairement, il conclut à ce que la décision de prolongation de détention prise le 5 février 2009 soit confirmée.

Le recourant était détenu en application de l'article 78 LEtr. Pour l'application spécifique de cette disposition, le rôle des autorités, tel qu'il découlait de la législation fédérale, était réglé d'une autre manière, différent des cas de détention prévus par les articles 75 à 77 LEtr. Dans le cas de l'article 78 LEtr, si le premier ordre de mise en détention devait être examiné dans un délai de 96 heures par une autorité judiciaire, il n'en était plus de même pour la prolongation de la détention administrative qui ne devait pas faire l'objet d'un contrôle judiciaire systématique à chaque fois qu'intervenait un ordre de prolongation. L'article 78 LEtr, après le premier ordre de mise en détention, permettait une détention pouvant aller jusqu'à dix-huit mois, qui devait faire l'objet tous les deux mois d'un ordre de mise en détention pris par l'autorité chargée d'ordonner le renvoi. La première décision de la mise en détention devait être contrôlée par la CCRA ce qui avait été le cas en l'espèce, mais pour les prolongations subséquentes, il n'y avait pas besoin de retourner devant cette commission, le contrôle judiciaire se faisant a posteriori, à la demande de la personne détenue (art. 78 LEtr).

L'OCP n'avait pas pris de conclusions contradictoires lors de la comparution devant la CCRA. La LEtr n'était pas conforme à la LEtr lorsqu'elle prévoyait en son article 7 alinéa 1 lettre a, un contrôle automatique tous les deux mois par l'autorité judiciaire de la détention pour insoumission. Compte tenu de l'incertitude résultant des textes, l'OCP avait saisi la CCRA d'une demande de prolongation de détention, tout en lui demandant de constater d'elle-même qu'elle n'était pas compétente pour en traiter. Si cette dernière confirmait ce point de vue dans sa décision, la demande de prolongation devait être reconnue comme valant ordre de prolongation de la détention du recourant pour une durée de deux mois.

Les conclusions de M. B______ devaient être déclarées irrecevables puisqu'il n'avait pas lui-même saisi la CCRA et que cette instance était incompétente pour connaître de la demande de prolongation.

EN DROIT

1. Interjeté le 16 février 2009 auprès du Tribunal administratif, le recours contre la décision de la CCRA, notifiée le 5 février 2009, est recevable (art. 56A al. 1 et 3 LOJ ; art. 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 5 et 10 al. 1 LaLEtr et les modifications de celle-ci du 25 avril 2008, entrées en vigueur le 24 juin 2008).

2. Interjeté dans le délai de 10 jours de l’article 10 alinéa 1 LaLEtr, le recours est recevable.

3. Selon l’article 10 alinéa 2 LaLEtr, le Tribunal administratif statue dans les 10 jours suivants sa saisine. Ayant reçu le recours le 18 février 2009, et statuant ce jour, ce délai est respecté.

4. L’intimé conclut à l’annulation de la décision entreprise après constat par le tribunal de céans de l’incompétence ratione materiae de la CCRA. Dans la mesure où elle n’a pas recouru elle-même contre la décision de cette autorité, ses conclusions constituent un recours incident, possibilité qui n’est pas offerte par la LPA (ATA/320/2008 du 17 juin 2008 et références citées).

5. Cela étant, ce dernier a lui-même considéré que la demande de prolongation de détention par laquelle l’OCP a saisi la CCRA n’était pas un ordre de prolongation valable. Par ailleurs, une décision prise par une autorité incompétente ratione materiae est susceptible d’être nulle. Il s'ensuit que le Tribunal administratif doit examiner d’office la légalité de la procédure utilisée pour la détention administrative du recourant.

6. a. Aux termes de l’article 78 alinéa 1 LEtr, si l’étranger n’a pas obtempéré à l’injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision exécutoire de renvoi ou l’expulsion ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu’il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ne sont pas remplies et qu’il n’existe pas d’autres mesures moins contraignantes susceptibles de conduire à l’objectif visé.

Selon la jurisprudence rendue en la matière, la détention pour insoumission a pour but de contraindre l’étranger à coopérer à son départ lorsque ce dernier n’est pas possible autrement. Elle a pour objectif de faire en sorte que la personne qui doit quitter la Suisse, et qui s'y refuse, change de comportement (ATF 134 I 92 consid. 2.1.2  ; ATF 133 II 97 consid. 2.2). Ce type de mesure est conforme avec l’article 5 alinéa 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH – 0.101) et 36 de la Constitution fédérale du 19 avril 1999 (Cst - RS 101).

b. La détention peut être ordonnée pour une période d’un mois, sous réserve de l’accord de l’autorité cantonale et dans la mesure où l’étranger n’est pas disposé à modifier son comportement et à quitter le pays peut être prolongé tous les deux mois, jusqu’à 18 mois pour les adultes (art. 78 al. 2 LEtr).

c. La procédure est réglée par l’article 70 alinéa 4 LEtr. Le premier ordre de détention doit être examiné dans un délai de 96 heures par une autorité judiciaire au terme d’une procédure orale. A la demande de l’étranger détenu, la prolongation de la détention doit être examinée dans un délai de 8 jours ouvrables par une autorité judiciaire au terme d’une procédure orale.

7. La détention et la prolongation sont ordonnées par l’autorité du canton qui exécute le renvoi ou l’expulsion (art. 78 al. 3 LEtr). Ce sont les cantons qui édictent les dispositions d’exécution de la loi (art. 124 al. 2 LEtr).

A Genève, il résulte de la LaLEtr, en matière de détention pour insoumission que  :

- l’officier de police est compétent pour ordonner la mise en détention (art. 7 al. 2 lettre b LaLEtr)  ;

- l’OCP est compétent pour proposer à l’officier de police la mise en détention (art. 7 al. 1 let. c LaLEtr) et demander à la commission de prolonger de deux mois, puis à nouveau deux mois tous les deux mois la détention pour insoumission (art. 7 al. 1 let. e LaLEtr).

- la CCRA est compétente pour examiner d’office la légalité et l’équation de toute forme de détention (art. 7 al. 4 let. d LaLEtr). En matière de détention pour insoumission, le contrôle doit être fait dans les 96 heures suivant l’ordre de mise en détention (art. 9 al. 3 LaLEtr).

La CCRA est également compétente pour ordonner la prolongation de la détention pour insoumission (art. 7 al. 4 let. e LaLEtr). Elle doit être saisie par l’OCP 96 heures avant l’expiration de la détention (art. 8 al. 4 LaLEtr) et elle doit statuer dans les 96 heures suivant sa saisine sur les requêtes de prolongation de détention de l’OCP (art. 9 al. 4 LaLEtr).

8. Selon l’OCP, la LaLEtr est contraire au droit fédéral en tant qu'elle oblige à requérir tous les deux mois la prolongation de la détention. L’article 78 alinéa 3 LEtr lui conférerait la compétence d’en décider et n’instaurerait pas, après le contrôle judiciaire de l’ordre initial de mise en détention administrative, un contrôle automatique de cette mesure.

Son argumentation ne peut être suivie. L'article 78 alinéa 2 LEtr prévoit expressément que la prolongation implique l'accord de l'autorité judiciaire. Quant à l’article 78 alinéa 3 LEtr, lorsqu’il évoque l’autorité du canton qui exécute le renvoi ou l’expulsion, il ne fait que renvoyer au dispositif prévu par le droit cantonal, mis en place pour l’application de cette loi fédérale. Sur ce point, la répartition des rôles entre les différentes autorités (officier de police, OCP, CCRA, Tribunal administratif) est claire  : pour la prolongation de la détention pour insoumission, l’OCP doit tous les deux mois saisir la CCRA d’une requête en prolongation. En revanche, cette disposition ne met pas en place le système souhaité par l’OCP, laissant la possibilité à celui-ci de maintenir pendant 18 mois une personne en détention, par des décisions de prolongation prises tous les deux mois, sans contrôle judiciaire automatique de celles-ci.

9. L’intimé considère que l’article 78 LEtr décrit le rôle de l’autorité chargée d’ordonner la prolongation de la détention en des termes qui diffèrent de ceux utilisés aux articles 75 à 77 LEtr. Il en déduit que cette disposition lui accorde la compétence de décider directement de cette prolongation. La différence de terminologie peut s’expliquer cependant par le fait que cette disposition n’a pas été adoptée dans le cadre de l’adoption de la LEtr, mais dans celui de la révision de la LASI du 16 décembre 2005. Elle ne permet pas d’en inférer que la législation genevoise n’est pas compatible avec le droit fédéral sur ce point.

10. Permettant à une autorité administrative d’ordonner le maintien en détention d'un individu sans contrôle judiciaire automatique est problématique au regard de l’article 5 alinéa 1 lettre b de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Comme l’a rappelé le Tribunal fédéral, la détention pour insoumission, prononcée dans un premier temps pour une durée d’un mois, peut par la suite être prolongée de deux mois avec l’accord des autorités judiciaires cantonales compétentes (ATF 133 II 97 consid. 2.1  ; ATF 134 I 92 consid. 4.1 qui précise que le seul allégement de procédure possible pour le contrôle judiciaire d'une prolongation de détention pour insoumission serait de remplacer la procédure orale par une procédure écrite).

Il résulte de ce qui précède que la CCRA est l’autorité compétente pour ordonner la prolongation de la détention du recourant. Le tribunal de céans constatera qu’elle a été saisie dans le délai légal de l’article 8 alinéa 2 LaLEtr par l’autorité intimée et qu’elle a statué dans celui de l’article 9 alinéa 2 LaLEtr. Il s’ensuit que la procédure formelle de prolongation de la détention instaurée par la législation cantonale a été respectée et que la décision attaquée est formellement valable.

11. Sur le fond, le recourant considère que les conditions de son maintien en détention ne sont plus réalisées et qu’il doit être mis en liberté.

C’est à juste titre qu’il ne remet pas en question l’existence d’un cas d’insoumission au sens de l’article 78 alinéa 1 LEtr. Il fait l’objet en effet d’une décision d'interdiction d’entrée en Suisse prise par l’ODM et d’une décision de renvoi prise par l’OCP, décisions toutes deux en force et exécutoires. Il n’est pas détenu au seul motif que les conditions des articles 75 et 76 LEtr sont réalisées, mais parce qu’il a refusé de quitter la Suisse à plusieurs reprises alors qu’il n’y avait aucun empêchement à cela, puisqu’il était au bénéfice de papiers d’identité valables. Les conditions d’une mise en détention pour insoumission au sens de l’article 78 chiffre 1 LEtr sont donc réalisées.

12. Le recourant considère, toutefois, que son maintien en détention est disproportionné.

Selon la jurisprudence, comme toute mesure étatique, la mise en détention pour insoumission doit respecter le principe en question, la proportionnalité devant être déterminée au regard des circonstances du cas d’espèce. En particulier, il doit être examiné si la mesure est adéquate, de même que s’il y a une relation entre la détention utilisée comme moyen et le but poursuivi, à savoir la modification du comportement de l’intéressé afin de pouvoir exécuter la mesure de renvoi (ATF 133 II 97 consid. 2.2 in fine).

Dans le cas d’espèce, la possibilité du renvoi ne dépend que de l’accord de l’intéressé puisqu'il est détenteur de papiers d'identité. De son côté, l'autorité administrative s'est activée sans désemparer pour exécuter la mesure d'expulsion. La durée de la détention pour insoumission n’est pas exagérée puisqu’elle date du 15 janvier 2009. Avant d’être mis en détention, le comportement du recourant n’a pas été irréprochable, celui-ci, ayant commis plusieurs infractions sanctionnées pénalement et l'on ne voit pas, vu la nécessité d'assurer le renvoi de celui-ci dans son pays, quelle autre mesure moins contraignante pourrait être ordonnée qui permette d'arriver à un résultat similaire. La mesure de prolongation décidée par la CCRA le 9 février 2009 au-delà d’être fondée légalement, est donc proportionnée. Le recours sera rejeté.

13. La procédure étant gratuite en matière de privation de liberté (art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - 5.10.03), il ne sera perçu aucun frais ou émolument.

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 février 2009 par Monsieur B______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 9 février 2009 ;

déclare irrecevable le recours incident formé le 24 février 2009 par l'office cantonal de la population  ;

au fond :

rejette le recours de M. B______ ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique Bavarel, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière administrative, à l'officier de police, à l’office cantonal de la population, à l’office fédéral des migrations et au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

la greffière :