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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2174/2008

ATA/502/2008 du 30.09.2008 ( DCTI ) , REJETE

Descripteurs : LOYER; LOGEMENT SOCIAL; CALCUL; POPULATION; PRODUCTIVITÉ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; TRAVAUX D'ENTRETIEN(CONSTRUCTION) ; RENDEMENT ADMISSIBLE
Normes : LDTR.11 ; LDTR.9.al3 ; LDRT.10
Résumé : Autorisation de construire conditionnée à la fixation d'un montant maximum pour le loyer d'un appartement répondant aux besoins prépondérants de la population. Le fait que le loyer ne saurait se situer au-delà du montant supérieur de la fourchette de loyers admissibles de l'art. 9 al. 3 LDTR ne signifie pas que le loyer ne pourrait pas être inférieur, en application des règles de calcul de l'art.11 LDTR.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2174/2008-DCTI ATA/502/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 30 septembre 2008

 

dans la cause

 

S______.
représentée par Me Marc Gilliéron, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION


 


EN FAIT

1. S______ (ci-après : la société ou S______) a acquis en 2005 la propriété d’un immeuble locatif sis ______ rue de ________, à Meyrin.

2. L’immeuble en question comporte un appartement de 4 pièces loué à l’époque à Monsieur Ch______ B______. Le loyer annuel était de CHF 6'660.-, soit CHF 1'665.- par pièce. Ce locataire a été avisé par courrier du 13 janvier 2005 du changement de propriétaire, qui reprenait les droits et obligations du contrat de bail existant.

3. M. Ch______ B______ étant décédé, S______ a conclu pour le 1er novembre 2006 avec son fils Monsieur J______ B______ un contrat de bail pour la reprise de l’appartement.

Aux termes des conventions signées, la société proposait à M. B______ de reprendre cette location moyennant un loyer annuel de CHF 15'000.- du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 puis de CHF 15'600.- du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008, le loyer étant indexé depuis le 1er juillet 2008.

S______ s’engageait à effectuer divers travaux  : réfection de la peinture des plafonds, murs et boiseries de tout l’appartement, remplacement de l’agencement de cuisine, réfection du carrelage de l’entre-meuble, du sol de la cuisine et remise en état des appareils sanitaires (remaillage de la baignoire, remplacement des batteries), ponçage et imprégnation des parquets, réparation des portes de communication et remplacement de la paille d’avoine.

4. Dans les faits, la prise d’effet du bail a été reportée au 1er décembre 2006 avec report de cinq mois de toutes les échéances contractuelles prévues initialement.

5. Le 17 avril 2007, suite à une intervention de l’Asloca, le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : DCTI) a adressé un courrier à S______. D’importants travaux avaient été entrepris dans l’appartement loué par M. B______ avant son entrée dans celui-ci. Le loyer annuel de l’appartement avait passé, suite à ces travaux, de CHF 6'660.- à CHF 15'000.-, soit une majoration de loyer de 125%. Les travaux énumérés étaient susceptibles d’être assujettis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovation de maisons d’habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), la propriétaire devait écrire sous quinzaine pour fournir ses observations et toute pièce utile permettant de vérifier cet état de fait.

6. La société s’étant exécutée dans les délais impartis, le DCTI lui a à nouveau écrit le 15 mai 2007.

Sur la base des pièces produites, le coût lié aux travaux se montait à CHF 41'983.-, soit à CHF 10'496.- par pièce. L’augmentation de loyer de 125% entraînait un changement d’affectation qualitatif prohibé par la LDTR.

Les travaux entrepris, au vu de leur nature, de leur coût et de l’augmentation du loyer, consistaient en des travaux d’entretien différés dans le temps au sens de l’article 3 LDTR. Ils étaient soumis à autorisation. Aucune autorisation de construire n’avait été déposée, ce qui constituait une infraction à l’article 1 de la loi sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et à l’article 9 LDTR.

Ordre était donné à S______ de déposer dans les 30 jours une requête en autorisation de construire. Une amende administrative de CHF 1'000.- lui était en outre infligée pour avoir effectué ces travaux sans être au bénéfice d’une autorisation.

. Mention était faite de la possibilité de recourir auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après  : CCRMC) contre cette décision. S______ n’a pas fait usage de cette faculté.

7. Le 25 juin 2007, la société a déposé une demande d’autorisation de construire en procédure accélérée en vue de régulariser les travaux effectués dans l’appartement.

8. Le 21 janvier 2008, le DCTI a délivré l’autorisation de construire sollicitée sous conditions. Le loyer de l’appartement de M. B______ ne devait pas excéder, après travaux, un loyer annuel de CHF 9'085.- l’an, soit CHF 2'271.- la pièce. Ce loyer devait être appliqué dès la prise d’effet du bail, soit le 1er novembre 2006 pour une durée de trois ans avec effet rétroactif.

9. La décision relative à la fixation du loyer reprenait les calculs effectués par le service juridique dans son préavis du 26 novembre 2007. Ce service avait pris en compte les éléments suivants : un montant de CHF 41'983.- sur CHF 43'648.- de coûts annoncés ; un pourcentage du coût des travaux de 70% ; un loyer avant travaux de CHF 6'660.- par an : un taux hypothécaire de 3% ; un amortissement calculé sur une durée de 20 ans ; le rendement était de CHF 514.- ; l’amortissement de CHF 1'469.- ; les frais d’entretien de CHF 441.-, soit 5% des coûts des travaux pris en considération.

10. Par décision parallèle du 21 janvier 2008, le DCTI a ordonné à S______ le rétablissement d’une situation conforme au droit, par l’établissement d’un nouveau contrat de bail à loyer respectant l’autorisation de construire et le remboursement du trop-perçu au locataire.

Un délai de 30 jours pour recourir était imparti. Le Tribunal administratif était mentionné comme autorité de recours de cette décision.

11. Le 25 février 2008, S______ a interjeté recours auprès de la CCRMC contre ces deux décisions. Elle concluait à l’annulation de la décision de la police des constructions du 21 janvier 2008, en tant qu’elle prévoyait que le loyer de l’appartement sis avenue de _____, de quatre pièces au 4ème étage, ne devrait pas dépasser CHF 9'085.- l’an.

Le DCTI avait excédé son pouvoir d’appréciation tout en violant les articles 9 alinéa 3, 10 alinéa 1 et 11 alinéa 2 LDTR. Lorsque les loyers après transformation restaient peu élevés, le DCTI devait renoncer à fixer le montant maximum des loyers si cette mesure apparaissait disproportionnée, ce qui était le cas en l’espèce. Selon les calculs de la recourante, basés sur la formule développée par le tribunal de céans dans un arrêt du 7 décembre 1993 (SJ 1994, page 225), l’état locatif après travaux pouvait être de CHF 9'143,30 par an. Ce n’était pas un taux hypothécaire de 3% qui devait être appliqué, mais un taux hypothécaire de 8,45% calculé conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, sur trois moyennes de taux hypothécaires pratiqués par la Banque cantonale de Genève : la moyenne des taux hypothécaires à taux variable, la moyenne des taux hypothécaires fixes à trois ans et la moyenne des hypothèques à 5 ans. L’article 11 alinéa 2 lettre d LDTR imposait de prendre en compte d’autres facteurs de hausse et de baisse tels que ceux définis par les articles 269 et suivants de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220). Le DCTI aurait dû, en application du critère des loyers comparatifs, constater que le loyer initial fixé par le propriétaire après travaux correspondait au loyer moyen pour un appartement de 4 pièces à Meyrin. En imposant un loyer de CHF 757.- par mois, le DCTI avait violé la loi.

La décision de fixation du loyer du DCTI violait également le principe de proportionnalité. Les articles 9 alinéa 3 LDTR et 11 alinéa 3 LDTR n’habilitaient pas l’autorité à fixer des loyers en dessous de la fourchette de CHF 2'400.- et CHF 3'225.-. En fixant le loyer à CHF 2'271.- la pièce, le DCTI portait atteinte aux intérêts du propriétaire qui avait investi une somme de CHF 40'000.- pour adapter l’appartement aux desiderata du locataire et le rénover complètement, atteinte d’autant plus grave que le loyer avait été bloqué pour une période de 3 ans. En outre, le nouveau bail était entré en vigueur le 1er décembre 2006 alors que le contrat fixant le nouveau loyer déployait ses effets depuis le 1er novembre 2006.

12. Le 25 février 2008, la recourante a également déposé un recours au Tribunal administratif contre les deux décisions du 21 janvier 2008 vu la voie de droit mentionnée dans la décision de rétablissement d’une situation conforme au droit. Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/581/2008. En date du 7 avril 2008, la cause a été suspendue dans l’attente de l’issue de la procédure devant la CCRMC.

13. Par décision du 2 mai 2008, la CCRMC a rejeté le recours de S______ contre la décision du 21 janvier 2008 et l’autorisation définitive de construire, APA 28589-6, du DCTI, la condamnant à un émolument de CHF 900.-.

Les travaux étant assujettis aux dispositions de la LDTR, le loyer devait être fixé par le DCTI conformément à son article 10. Avant travaux, celui-ci était de CHF 1'665.- la pièce par année. Après travaux, sur la base du coût des travaux communiqué et en application de l’article 11 LDTR, le DCTI avait calculé que le nouveau loyer était de CHF 2'271.- la pièce, soit CHF 9'085.- par année, ce qui était exempt de critique. Lorsqu’elle invoquait le non-respect du principe de proportionnalité, la recourante visait certainement l’article 11 alinéa 3 LDTR qui n’était pas applicable en l'espèce, puisque le loyer avant travaux ne dépassait pas les loyers répondant aux besoins prépondérants de la population.

14. Par arrêt du 30 juin 2008, le Tribunal administratif a rayé la cause A/581/2008 du rôle, vu la décision de la CCRMC du 2 mai 2008.

15. S_______ a recouru contre cette dernière, notifiée le 15 mai 2008, auprès du Tribunal administratif par acte du 16 juin 2006.

La CCRMC avait violé l’article 11 alinéa 1 lettre d LDTR en ne tenant pas compte des autres facteurs de hausse et de baisse visés par les articles 269a et ss CO notamment du critère de hausse fondé sur les loyers usuels du quartier (art. 269a lettre a CO). Elle avait violé son pouvoir d'appréciation en arrêtant le loyer à CHF 757.- par mois, soit à un niveau largement inférieur à la moyenne. Elle avait transgressé les articles 11 alinéa 2 et 9 alinéa 3 LDTR et n'était pas autorisée à fixer des loyers en dessous d'un montant de CHF 2400.-. De même, elle aurait dû renoncer à fixer le loyer en application de l'article 10 alinéa 2 LDTR. Ce faisant, elle avait pris une mesure disproportionnée, lésant les intérêts de la propriétaire. La décision était arbitraire parce que conduisant à un résultat choquant, la CCRMC s'était contentée d'effectuer des calculs sans tenir compte du droit de la recourante d'augmenter le loyer en vertu des articles 269a CO.

16. Le 21 juillet 2008, le DCTI a conclu au rejet du recours.

L’article 11 alinéa 1 lettre d LDTR n’avait pas été violé parce que le renvoi aux critères des articles 269 et ss CO avait pour fonction de rappeler que les loyers ne devait pas dépasser des seuils qui feraient qu’ils puissent être qualifiés d’abusifs selon les critères du droit privé du bail.

L’administration n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation puisque le montant maximum du loyer établi par le DCTI respectait tous les critères de calcul de fixation du loyer au sens de la LDTR.

Le loyer n'avait pas été fixé en transgression des articles 9 alinéa 3 et 11 alinéa 2 LDTR. Il répondait aux besoin prépondérants de la population qui se situaient, à l'heure actuelle à un niveau de loyer compris entre CHF 2'503.- et CHF 3'363,- la pièce par année, étant précisé qu’un loyer fixé plus bas correspondait à fortiori à un tel besoin.

Il était erroné de prétendre que le DCTI aurait dû renoncer à fixer un loyer en application de l’article 10 alinéa 2 LDTR, parce que les loyers après transformations demeuraient peu élevés. En effet, le DCTI se devait d’intervenir puisque le loyer fixé par la recourante après transformations était de CHF 3'750.- la pièce par année, soit un montant largement supérieur au plafond LDTR. La décision du DCTI confirmée par la CCRMC respectait les besoins prépondérants de la population mais également les intérêts économiques de la recourante dans la mesure où elle lui permettait d’amortir ses investissements, le DCTI ayant tenu compte lors de la fixation du montant du loyer du rendement équitable et capitaux investis pour les travaux calculés sur le pourcentage maximum du coût desdits travaux, soit de 70%. La durée de trois ans correspondait au minimum légal de l’article 12 LDTR et répondait aux objectifs de préservation de l’habitat. Respectant le cadre légal, la décision n’était en outre pas arbitraire.

17. Le 25 juillet 2008, les parties ont été avisées de ce que l'affaire avait été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Le but général de la LDTR est de lutter contre la pénurie de logements sévissant à Genève et de maintenir sur le territoire cantonal un parc d’habitations correspondant aux moyens et aux besoins de la population. L’un des principaux outils pour y parvenir est le filtrage administratif par lequel doivent passer, sous forme de requête, les projets de démolition, transformation ou changement d’affectation de toute ou partie des immeubles d’habitation. L’objectif de ce contrôle est de redimensionner les projets de rénovation ou de transformation, dont l’impact sur le logement concerné nuirait sur leur caractère abordable, ou de prévenir des changements d’affectation qui iraient à l’encontre des buts de la loi (F. PAYCHERE / O. BINDSCHEDLER, La jurisprudence récente du Tribunal administratif du canton de Genève en matière d’entretien des immeubles, RDAF 1998, p. 364).

b. La LDTR vise à protéger les locataires contre des changements d’affectation quantitatifs du parc locatif, soit contre le remplacement de locaux d’habitation par des locaux commerciaux ou à usage professionnel, mais aussi et de façon primordiale, à les protéger contre des changements d’affectation qualitatifs. Sont en effet également visés les travaux de rénovation qui ont pour conséquence de faire basculer des catégories de logement conçues pour des familles modestes et nombreuses dans des catégories de logement destinées à des personnes aisées et sans enfant, ou des catégories d’immeubles à loyer bas ou modérés vers des loyers d’appartements de luxe (A. MAUNOIR, La nouvelle LDTR au regard de la jurisprudence, les démolitions et les transformations, RDAF 1996 p. 314).

3. En fonction des objectifs rappelés ci-dessus, la LDTR a mis en place un régime d’autorisation pour tous travaux d’entretien dépassant l’entretien usuel, couplé pour une durée limitée, à un contrôle de l’impact sur le loyer, applicable à toute catégorie d’habitation touchée par la pénurie. Ce régime est compatible avec la garantie de la propriété protégé par l’article 26 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et par le principe de la force dérogatoire du droit fédéral régi par l’article 49 de la Cst. (ATF 116 1a p. 401, consid. 6a p. 412 et consid. 9c p. 415).

4. L’immeuble litigieux est soumis aux dispositions de la LDTR (art. 25 LDTR en lien avec l’arrêté du Conseil d’Etat du 14 novembre 2007 déterminant les catégories d’appartements où sévit la pénurie ; ArAppart - L 20.03). Ceci n’est d’ailleurs pas contesté par la recourante qui n'a au demeurant pas recouru contre la décision du DCTI du 15 mai 2007. De même, admet-elle, à juste titre, que les travaux entrepris constituent des travaux d’entretien différés équivalant à une transformation au sens de l’article 3 LDTR, soumis ainsi à autorisation.

Son recours porte exclusivement sur la façon dont le DCTI a arrêté à CHF 9'085. - l'an, soit à CHF 2'271.- la pièce, le montant du loyer maximum auquel il a conditionné l’octroi de l’autorisation de construire. Les différents griefs qu'elle formule en rapport avec cette critique générale seront examinés plus loin.

5. Aux termes de l’article 9 alinéa 2 LDTR, l’autorisation de construire n'est accordée que si les logements transformés répondent quant à leur genre, leur loyer ou leur prix aux besoins prépondérants de la population. En matière de loyer, correspondent à de tels besoins prépondérants des loyers accessibles à la majorité de la population (art. 9 al. 3 LDTR), soit des loyers compris entre CHF 2'503.- et CHF 3'363.- la pièce par année (Arrêté du Conseil d'Etat du 21 juin 2006 relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, publié dans la FAO du 30 juin 2006, auquel renvoie l'art. 6 al. 3 LDTR).

6. a. Les critères à utiliser par le département pour arrêter le loyer maximum sont prévus à l'article 11 alinéa 1 LDTR. En prenant en considération l’ensemble des travaux effectués sous déduction des subventions octroyées, l’autorité administrative doit fixer le montant du loyer en tenant compte :

- d’un rendement équitable des capitaux investis pour les travaux calculés en règle générale sur les 70% au maximum de leurs coûts, rentés à un taux de 0,5 point au dessus de l’intérêt hypothécaire de 1er rang pratiqué par la Banque cantonale de Genève, en tenant compte des amortissements (lettre a) ;

- d’un amortissement calculé sur une durée de 18 à 20 ans, soit correspondant à 5,55% à 5% (lettre b) ;

- des frais d’entretien rentés en règle générale à 1,5% des travaux pris en considération (lettre c) ;

- des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les articles 269 et ss du CO (lettre d).

b. Selon l’article 11 alinéa 2 LDTR, après transformations, le loyer arrêté doit répondre aux besoins prépondérants de la population, ce qui signifie qu’il ne doit pas être situé au delà du montant supérieur de la fourchette de loyers admissibles déterminés conformément à l’article 9 alinéa 3 LDTR rappelé ci-dessus.

c. Dans le cas d'espèce, un contrôle de calculs révèle que le DCTI a déterminé le montant du loyer de la manière suivante:

Rendement (art. 11 al. 1 let. a LDTR)

coût des travaux admis CHF 41'983.-

70% du coût (art. 11 al. 1 let. a LDTR) CHF 29'388.-

taux BCGE en 2007 (art. 11 al.1 let. aLDTR) 3%

pondération (art. 11 al. 1 let a LDTR) 0, 5%

soit un taux de rendement applicable de 3, 5%

rendement CHF 1'028.-

rendement admissible après prise en compte

de l'incidence dégressive des amortissements CHF 514.-

amortissement (art. 11 al. 1 let. b LDTR) sur 20 ans

29'388/20 CHF 1'469.-

frais d'entretien ( art. 11 al. 1 let. c LDTR)

29'398 x 1, 5% CHF 441.-

montant à ajouter au dernier loyer (514+1'469+441) CHF 2'424.-

loyer admissible LDTR (6'660+ 2'424) CHF 9'084.-

loyer à la pièce (9024/4) CHF 2'271.-

Ces calculs sont conformes à la loi, ce que la recourante ne conteste d’ailleurs plus au stade du présent recours.

7. a. La recourante se plaint, par contre, d’une violation de l’article 11 alinéa 1 lettre d LDTR. La CCRMC aurait dû, au-delà des calculs qu'elle a effectués, ajuster le loyer à la hausse conformément aux critères d’augmentation des articles 269 et suivants CO réservés par cette disposition légale. Plus particulièrement, dès lors que le loyer se situait en deça de la fourchette de loyers de l'article 6 alinéa 3 LDTR, le département et la CCRMC auraient dû prendre en considération le critère de fixation du loyer de l’article 269 alinéa 1 lettre a CO, aux termes duquel ne sont pas abusifs les loyers qui se situent dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier. Cela les aurait conduit à confirmer le loyer qu’elle avait elle-même fixé pour le locataire, et qui correspondait au loyer moyen ressortant des statistiques genevoises pour le quartier considéré.

b. Son raisonnement ne peut être suivi. Les critères de calcul retenus à l’article 11 LDTR s’inspirent déjà des règles de droit fédéral contenues à l’article 269a CO en matière de fixation de loyer dans la mesure où ils font intervenir des éléments liés au rendement des fonds investis dans les travaux par le propriétaire (A. MAUNOIR op. cit. p. 327). La finalité de l’article 11 LDTR est cependant différente : il s'intègre dans un dispositif légal mis en place pour assurer le maintien en faveur de toutes les catégories de la population d’un parc de logements dont les caractéristiques et les loyers correspondent à leur besoin. Elle impose un contrôle des loyer pour une durée limitée, dont l’objectif est de contenir l’augmentation des loyers, des logements les plus fortement recherchés en période de pénurie pour qu’il en subsiste sur le marché.

c. Le loyer auquel l’administration doit conditionner l’octroi de l’autorisation (art. 10 al. 1 LDTR) est le loyer maximum dont le propriétaire peut exiger le paiement après travaux. Il doit répondre, après transformations, aux besoins prépondérants de la population (art. 9 al. 2 et 11 al. 2 LDTR) et "être accessible à la majorité de la population" (art. 9 al. 3 in limine LDTR). Le Conseil d’Etat a le devoir de déterminer une fourchette de loyer, entre lesquels le loyer maximum doit se situer, qui est arrêtée en fonction de données moyennes, tenant compte de l’évolution des revenus, mais en référence au revenu moyen net imposable des contribuables genevois (A. MAUNOIR, op. cit., page 323, qui se réfère à l’ATA du 7 octobre 1997 résumé dans SJ 1998 p. 304 et ATA du 7 décembre 1994, publié dans SJ 1994 p. 225 et RDAF 1994, p. 107 ss, 117).

d. La définition d’une telle fourchette de loyers maxima ne signifie cependant pas que des loyers d’un niveau inférieur n’ont plus à bénéficier de la protection du droit public cantonal. Des logements comportant ce type de loyer correspondent à des logement pour familles modestes qui répondent a fortiori aux besoins prépondérant de la population. Dans une telle situation, le département n'a pas à prendre en considération d'autres critères que ceux découlant de l'article 11 alinéa 1 lettre a à c LDTR. Contraindre l’autorité administrative, dans la procédure de fixation des loyers, à élever celui-ci jusqu’à ce qu’il atteigne le niveau des loyers usuels pour la zone d'habitation considérée reviendrait à appliquer la LDTR contrairement à son but. Le recours au critère des loyers usuels aurait pour conséquence, d’autoriser des hausses qui restreindraient le marché des catégories de logement les moins chers alors même qu’ils sont fortement recherchés par des locataires à revenus modestes. Comme l’a rappelé le département, le renvoi à l’article 11 alinéa 1 lettre d LDTR des articles 269 et suivants CO vise les cas où les calculs de loyer selon les lettres a à c de cette disposition s’avéreraient conduire à un loyer qui serait encore abusif. Par ailleurs, en droit privé, le recours au critère des loyers usuels, pour justifier une hausse de loyer, n’est admis par la jurisprudence qu’à de très strictes conditions (ATF 123 III 317 p. 319 consid. 4a). Dans le cas d’espèce, celles-ci ne seraient pas réalisées, le simple renvoi à des données statistiques générales n’étant pas suffisant pour qu'un bailleur puisse utiliser ce critère afin de justifier une hausse.

e. La décision du département d'arrêter le montant du loyer initial conditionnant l'octroi de l'autorisation de construire à CHF 9’084.- par an, respecte ainsi l'article 11 alinéa 1 LDTR et c'est à juste titre que la CCRMC l'a confirmée. Au surplus, elle n'était pas disproportionnée, l'autorité administrative ayant calculé le montant du loyer admissible en fonction des données financières les plus favorables pour le propriétaire.

8. La recourante se plaint de la violation de l'article 11 alinéa 2 LDTR, cette disposition n'autorisant pas l'autorité administrative à fixer des loyers au-dessous de la fourchette de loyer de l'article 9 alinéa 3 LDTR. Son argumentation ne peut être suivie. Selon cette première disposition, lorsque les logements répondent aux besoins prépondérants de la population quant à leur genre, leur typologie, leurs qualités, leur prix de revient, le nombre de pièces ou leur surface, le loyer après transformation doit répondre aux besoins prépondérants de la population. Ainsi que cela vient d'être traité, le logement litigieux répondait et répond toujours aux besoins prépondérants de la population, même si le niveau de son loyer, avant ou après rénovation, est inférieur à la fourchette des loyers déterminés à l'article 9 alinéa 3 LDTR.

9. a. La recourante considère que le département aurait dû renoncer à arrêter un loyer maximum comme l'y autorise l'article 10 alinéa 2 lettre a LDTR.

b. Selon cette disposition, le département peut renoncer à fixer un loyer lorsque cette mesure apparaît disproportionnée parce que celui-ci, après transformation demeure peu élevé (art. 10 al. 2 let. a LDTR).

Dans le cas d'espèce, ces conditions ne sont pas réunies. L'appartement visé par l'autorisation appartient aux catégories de logements à loyer bas. L'objectif visé par la LDTR et de maintenir un parc de logements pour toutes les catégories de la population, même les plus modestes. Même si le loyer avant rénovation était un loyer peu élevé, celui autorisé par le département l'augmente de 72% et le ramène au niveau des loyers des appartements de 4 pièces situés hors ville de Genève (office cantonal de la statistique - OCSTAT, Résultats statistiques n° 11, septembre 2008, p. 48, consultable sur internet : http ://www.ge.ch/statistique/statistiques domaines/05/05_04.apercu.asp). On ne peut donc retenir qu'il s'agit d'un loyer demeurant peu élevé au sens de l'article 10 alinéa 2 lettre a LDTR et l'on ne se trouve pas dans une situation légale où le département peut renoncer à fixer un loyer.

10. a. La recourante considère que la décision de la CCRMC est arbitraire, qu'elle viole le principe de la légalité et aboutit à un résultat contraire à tout bon sens et choquant.

b. Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177consid. 2.1 p. 182 ; Arrêt du Tribunal fédéral 4P.149/2000 du 2 avril 2001,  consid. 2 et les arrêts cités).

c. Appelé à examiner le caractère arbitraire d’une décision, le Tribunal administratif suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière. Dans le cas d'espèce, force est d’admettre que tant les décisions du département que celle de la CCRMC respectent le cadre légal et ne conduisent aucunement à une solution ou à un résultat manifestement insoutenable. La recourante peut considérer que le loyer est trop faible eu égard aux sommes investies. Ce grief ne peut cependant être reçu dans le cadre du présent recours. Elle a exécuté des travaux litigieux sans se préoccuper de la nécessité de requérir une autorisation, prenant le risque de contredire la loi et en mettant l'autorité devant le fait accompli. Elle doit en supporter les conséquence, la préservation d'un parc d'habitations à loyers bas devant primer, dans le cas d'espèce, sur ses intérêts privés.

11. Le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 juin 2008 par S______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 2 mai 2008 ;

au fond :

le rejette ;

condamne S______. au paiement d'un émolument de CHF 1500.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc Gilliéron, avocat de la recourante, à la commission cantonale de recours en matière de constructions ainsi qu’au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges, M. Hottelier, juge suppléant.

 

 

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :