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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/509/2004

ATA/645/2004 du 24.08.2004 ( TPE ) , ADMIS

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; DECHET; AMENDE; ENVIRONNEMENT
Normes : LPE.31; LGD.4; LGD.43; OTD.9 al.1
Résumé : Limitation et élimination des déchets. Calcul du volume de déchets d'un chantier. Confirmation de l'amende administrative de CHF 200.- pour avoir refusé de présenter un plan de gestion des déchets du chantier.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/509/2004-TPE ATA/645/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 août 2004

dans la cause

 

DEPARTEMENT DE L'INTERIEUR, DE L’AGRICULTURE ET DE L'ENVIRONNEMENT

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

et

Monsieur M. A.___________
représenté par Me Gérard Brutsch, avocat



1. Le 24 juillet 2003, Monsieur M. A.___________, architecte à Genève, a remis au département de l’intérieur, de l’agriculture et de l’environnement (ci-après : le département) la partie 1 de la déclaration de gestion des déchets de chantier. L’objet de ladite était la démolition d’une villa, garage et atelier à l’adresse chemin des H.__________ à Pregny-Chambésy.

La quantité de déchets prévue se décomposait comme suit :

- Déchets inertes mélangés : 350 m3 (restent sur place pour remblayage) ;

- Déchets incinérables mélangés : 30 tonnes (transportés par Michel S.A. et repris par Sogetri).

- Métaux : 10 tonnes (transportés par Michel S.A. et repris par Jaeger et Bosshard).

Le chiffre 2 de la déclaration précise « pour les chantiers générant plus de 500 m3 de déchets (sans les matériaux d’excavation), il est obligatoire de joindre un exemplaire du plan de gestion de déchets de chantier, selon la recommandation SIA 430, comprenant aussi les matériaux d’excavation ».

La déclaration précise la liste des déchets de chantier à utiliser pour la remplir. Ces catégories sont précisées, à savoir : catégorie 1 : matériaux d’excavation non pollués ; catégorie 2 : déchets inertes ; catégorie 3 : métaux ; catégorie 4 : autres déchets ; catégorie 5 : déchets incinérables (combustible) ; catégorie 6 : déchets mélangés (catégories 2, 3, 4, 5 confondues) ; catégorie 7 : déchets spéciaux.

2. Par courrier du 12 août 2003, le département a accusé réception du formulaire précité. Relevant que selon les estimations, le volume de déchets prévu pour le chantier était d’environ 700 m3, il a imparti à M. A.__________ un délai de dix jours pour la remise d’un plan de gestion des déchets. L’attention de M. A.___________ était attirée sur l’article 43 de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20), aux termes duquel une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- pouvait être infligée au contrevenant. Le courrier, valant mise en demeure, devait être considéré comme avertissement.

3. Par décision du 23 septembre 2003, le département a infligé à M. A.__________ une amende de CHF 200.-, en application de l’article 43 LGD, faute par celui-ci de ne pas avoir remis à celui-là un plan de gestion des déchets de chantier.

Parallèlement, un délai de dix jours était imparti à M. A.___________ pour la remise de tous les bons de traitement pour les déchets évacués, faute de quoi une nouvelle amende administrative lui serait infligée pour laquelle la décision valait avertissement.

Dite décision indiquait la voie de recours à la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission).

4. Le 6 octobre 2003, M. A.___________ a adressé au département la partie 2 de la déclaration de la gestion des déchets de chantier établissant les éléments suivants :

- 2,2 béton, soit 20 m3

- 2,4 + 2,8 + 2,9 DCMI, soit 37 m3

- 5,1 bois, soit 22,210 tonnes

- 5,3 + 5,4 + 5,6 déchets incinérables, soit 1,920 tonne

- 3 métaux, soit 15,630 tonnes

- 3,3 une citerne

- 2 = 650 m3 réutilisés sur place

5. Le 24 octobre 2003, M. A.___________ a saisi la commission. Selon le formulaire de gestion des déchets transmis avant l’ouverture du chantier, le volume total des déchets susceptible d’être évacué était inférieur à 500 m3. Il était incompréhensible que le département ait avancé le chiffre de 700 m3. De ce seul fait, la sanction n’était pas fondée. De plus, l’obligation de remise d’un plan de gestion des déchets de chantier ne reposait pas sur une base légale suffisante.

Il a conclu à l’annulation de la décision querellée.

6. Il résulte du dossier de la commission qu’une audience de comparution personnelle a été appointée le 29 janvier 2004 à laquelle ni M. A.___________, ni son mandataire n’étaient représentés. Un échange de courrier subséquent établit que ni l’un ni l’autre n’avaient eu connaissance de cette convocation.

7. Par décision du 17 février 2004, la commission a admis le recours de M. A.___________.

Sur la base des indications portées dans le formulaire 1, la commission a retenu que la densité moyenne des déchets mélangés était de 0,3 t/m,3 et que celle des métaux était de 0,2t/m3. Ainsi, 30 tonnes de déchets mélangés équivalaient à 100 m3 de déchets. Par conséquent, la production des déchets de chantier considérés n’étant pas supérieure aux 500 m3 prescrits par le formulaire, un plan des déchets de chantier n’était pas nécessaire de sorte que l’amende n’était pas justifiée.

8. Le département a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 11 mars 2004.

C’est à tort que la commission avait effectué la conversion sur la base d’un indice de 0,3 pour les déchets incinérables mélangés. C’est en effet l’indice de 0,1 qui devait être retenu. le total des déchets prévisible et annoncé avant l’ouverture du chantier représentait dès lors 600 m3. A titre indicatif, la déclaration 2 après chantier indiquait un volume de 952 m3.

Ainsi, l’amende fondée dans son principe et respectant le principe de proportionnalité devait être confirmée et la décision de la commission annulée.

9. Dans sa réponse du 15 avril 2004, M. A.__________ s’est opposé au recours avec suite de dépens. La norme Ecodéchets Sàrl sur laquelle le département et la commission s’étaient fondés pour calculer le volume des déchets était dépourvue de base légale.

Il en allait de même de l’exigence de la remise d’un plan de gestion. La délégation de compétence au Conseil d’Etat et la sous-délégation de compétence que ledit conseil pensait pouvoir offrir au département était dépourvue de base légale. Enfin, la norme SIA 430, norme privée, ne lui était pas opposable.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 51 LGD ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’objet du recours est le taux de conversion pour les déchets incinérables mélangés, soit, sur la base de la norme Ecodéchets Sàrl, 0,1 par tonne pour le département et 0,3 par tonne pour la commission. M. A.__________ quant à lui conteste, de manière toute générale, l’application de la table de conversion.

3. L’article 30 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE – RS 814.01) établit les principes de la limitation et de l’élimination des déchets. En substance et en résumé, dans la mesure du possible, la production des déchets doit être limitée, les déchets doivent être valorisés et éliminés d’une manière respectueuse de l’environnement.

L’article 9 alinéa 1 de l’ordonnance sur le traitement des déchets du 10 décembre 1990 (OTD – RS 814.600) fait obligation à quiconque effectue des travaux de construction ou de démolition de séparer les déchets spéciaux des autres déchets et de trier ces derniers sur place en les répartissant en différentes catégories. L’alinéa 2 de cette disposition précise que l’autorité peut exiger un tri plus poussé si cette opération permet la valorisation d’une partie des déchets.

La planification de la gestion des déchets et l’obligation d’éliminer incombent aux cantons (art. 31 LPE).

4. La LGD est la loi genevoise d’application de la LPE et de ses ordonnances d’application.

En application de la délégation de compétence contenue à l’article 4 LGD, le département est l’autorité compétente chargée de l’application de la loi et de son règlement (art. 2 et 4 du règlement d’application de la loi sur la gestion des déchets du 28 juillet 1999 (RGD – L 1 20.01).

5. a. Sont notamment des déchets, les déchets de chantier, soit ceux qui proviennent des travaux de construction, de transformation, de démolition ou d’excavation de matériaux non pollués (art. 9 al. 1 OTD ; art. 3 al. 2 let. d et 15 al. 1 let. d RGD).

b. L’article 31 RGD est consacré au tri des déchets de chantier.

c. L’article 33 RGD traite des déclarations que le maître de l’ouvrage ou son mandataire est tenu de remettre avant et après l’ouverture du chantier.

d. Est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- tout contrevenant à la LGD (art. 43 al. 1 let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de cette loi (let. b), ainsi qu'aux ordres donnés par l'autorité compétente dans les limites de cette loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c; voir également art. 60 et 61 LPE pour les infractions aux dispositions fédérales).

6. Dans le cadre de la mission de surveillance générale qui lui est confiée par l’article 4 alinéa 2 LGD, le département exige, pour les chantiers générant plus de 500 m3 de déchets (sans les matériaux d’excavation) la remise d’un plan de gestion des déchets de chantier, selon la recommandation SIA 430. Ainsi, contrairement à ce qu’affirme M. A.__________, la remise d’un plan de gestion repose sur une base légale claire et suffisante.

7. a. Le département a établi le calcul du volume des déchets de chantier, en application des résultats d’une étude sur la densité des déchets de chantier effectuée par Ecodéchets Sàrl pour le département. Ce document est à disposition des personnes devant remplir les déclarations de gestion des déchets de chantier. Il doit être considéré comme une des mesures prises par les autorités cantonales dans l’application de la LPE et à ce titre trouve une assise valable dans la loi.

Il n’y a donc pas lieu d’en écarter l’application.

b. Selon ce document, la densité des déchets incinérables de 0,1 est celle des déchets mélangés de 0.3. La commission a retenu celui-ci alors que pour le département c’est celui-là qui doit être appliqué.

8. En l’espèce, la déclaration avant chantier mentionne 30 tonnes de déchets incinérables mélangés. Ceux-ci entrent dans les catégories 5 et 6 de la liste des déchets de chantier détaillée au chiffre 1 en fait ci-avant. Le tableau établi par Ecodéchets Sàrl indique une densité de 0,1 pour ce type de déchets. Dès lors, c’est à tort que la commission a retenu une densité de 0,3.

Il s’ensuit que 30 tonnes de déchets incinérables mélangés équivalent à 300 m3.

Dès lors, selon la déclaration avant l’ouverture du chantier, le volume prévu était de 700 m3 (350+300+50).

Ainsi, M. A.__________ devait remettre un plan de gestion des déchets. C’est donc à juste titre que le département lui en a fait l’obligation et, face à son refus d’obtempérer, lui a infligé une amende administrative pour violation des dispositions légales en la matière.

9. a. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister (ATA/813/2001 du 4 décembre 2001; P. MOOR, Droit administratif : Les actes et leur contrôle, tome 2, Berne 2002, ch. 1.4.5.5 pp. 139-141; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht: allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 5ème édition, Zurich 1998, p. 40). C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/813/2001 du 18 février 1997; tome 2, Berne 1991, ch. 1.4.5.5, p. 95-96; . En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1981 (LPG - E/3/1), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.O), sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG.

b. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp.646-648; ATA G. du 20 septembre 1994) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/245/1999 du 27 avril 1999; G. du 20 septembre 1994; Régie C. du 8 septembre 1992). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/131/1997 du 18 février 1997). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/443/1997 du 5 août 1997).

c. L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues à l'article 68 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) lorsque par un ou plusieurs actes, le même administré encourt plusieurs sanctions (ATF 122 II 182-184; 121 II 25 et 120 Ib 57-58; RDAF 1997 pp. 100-103; ATA/245/1999 du 27 avril 1999; ATA/171/1998 du 24 mars 1998). Selon cette disposition, si l'auteur encourt plusieurs amendes, le juge prononce une peine pécuniaire unique, et dont le montant doit être proportionné à la culpabilité (art. 68 al. 1 CP). De plus, lorsqu'une personne est sanctionnée pour des faits commis avant d'avoir été condamnée pour une autre infraction, le juge doit fixer la sanction de manière à ce que le contrevenant ne soit pas puni plus sévèrement que si un seul jugement avait été prononcé (art. 68 al. 2 CP). Si l'auteur encourt plusieurs amendes, l'article 68 CP n'élargit pas le cadre de la peine applicable (art. 68 ch. 1 al. 2 CP) et le juge n'en tient compte que lors de la fixation de l'amende en vertu des articles 63 (M. KILLIAS, Précis de droit pénal général, Berne 1998, p. 170).

10. En l’espèce, c’est à juste titre que le département a infligé une amende à M. A., pris en sa qualité de détenteur des déchets au sens de l’article 31c alinéa 1 LPE (ATF 1A.179/2002 du 15 octobre 2002).

Il est tenu compte, dans la fixation de l'amende, du degré de gravité de l'infraction ou du cas de récidive (art. 43 al. 2 LGD). L'administration jouit d'un large pouvoir d'appréciation. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/146/1999 du 2 mars 1999 et références citées).

En fixant une amende d’un montant de CHF 200.-, le département n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation. Le recourant avait été dûment averti que s’il persistait dans son refus à présenter un plan de gestion des déchets, il s’exposait à se voir infliger une amende administrative. Il a délibérément ignoré la mise en demeure et l’avertissement qui lui étaient adressés. Dans ces conditions, l’on ne saurait reprocher au département de s’être écarté - très légèrement d’ailleurs - du minimum légal de CHF 100.-.

11. Le recours sera donc admis.

Vu la qualité du recourant, il ne sera pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité.

 

* * * * *

 

 

 

 

 

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 mars 2004 par le département de l'intérieur, de l’agriculture et de l'environnement contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 17 février 2004;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du 17 février 2004 de la commission cantonale de recours en matière de constructions ;

confirme la décision du 23 septembre 2003 du département de l’intérieur, de l’agriculture et de l’environnement infligeant à Monsieur A.___________ une amende de CHF 200.- ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité;

communique le présent arrêt au département de l'intérieur, de l’agriculture et de l'environnement, à la commission cantonale de recours en matière de constructions ainsi qu'à Me Gérard Brutsch, avocat de Monsieur A.__________.

 

Siégeants :

M. Paychère, président, Mme Bovy MM. Schucani, Thélin, juges, M. Bellanger, juge suppléant.

Au nom du Tribunal Administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :