Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1048/2001

ATA/162/2003 du 25.03.2003 ( TPE ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS; CONSTRUCTION ET INSTALLATION; RENOVATION D'IMMEUBLE; TRAVAIL; ENTRETIEN; TRAVAUX SOUMIS A AUTORISATION
Normes : LDTR.3; LDTR.50 al.2; RDTR.3 al.1
Parties : REGIE ZIMMERMANN SA, MEYER Arielle, MEYER Rina / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT, BHUGYAL ET DOLMA Bhugyal Lobsang, DOLMA Lobsang
Résumé : Rappel de la distinction entre travaux d'entretien et travaux de rénovation. En l'espèce, les travaux sont de par leur nature et leur coût des travaux. d'entretien.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 25 mars 2003

 

dans la cause

 

Madame Rina MEYER

 

et

 

Madame Arielle MEYER

représentées par la régie Zimmermann S.A., mandataire

 

et

 

Monsieur Pierre Zimmermann

 

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT



EN FAIT

 

1. En avril 1998, Mesdames Rina et Arielle Meyer et Monsieur Pierre Zimmermann ont acheté de gré à gré l'immeuble situé au 49, rue des Pâquis. C'est la régie Zimmermann (ci-après : la régie) qui encaisse les loyers et gère le contentieux, mais c'est surtout Mme Rina Meyer qui s'occupe des travaux à effectuer, traitant elle-même avec les différents corps de métier. Par la suite, Mme Rina Meyer a racheté la part de M. Pierre Zimmermann.

 

Depuis le 15 août 1998, M. Bhugyal Bhugyal et Mme Lobsang Dolma sont locataires d'un appartement de trois pièces et demie au sixième étage de l'immeuble précité. Le loyer annuel s'élève à CHF 15'840.-; l'ancien loyer était de CHF 12'000.-. L'état des lieux à l'entrée des locataires, établi le 14 août 1998, révèle que divers travaux ont été effectués dans l'appartement : peinture des murs et des plafonds dans plusieurs pièces, pose de carrelage et de faïences, réfection du parquet de la chambre et, enfin, changement de l'évier et de réfrigérateur et pose d'une hotte de ventilation.

 

2. a. Le 15 janvier 2001, les locataires ont demandé au service de la police des constructions du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : DAEL), par l'entremise de l'Asloca-Rive, si une autorisation de construire avait été délivrée pour la réalisation des divers travaux mentionnés dans l'état des lieux d'entrée. Ils doutaient en effet que le DAEL ait autorisé un nouveau loyer annuel de CHF 15'840.- alors que le loyer précédent était de CHF 12'000.-.

 

b. Le 1er février 2001, le DAEL a informé la régie que les travaux effectués - pour lesquels il n'avait pas délivré d'autorisation - pouvaient être soumis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). L'autorité l'a en conséquence invitée à lui communiquer ses observations accompagnées des documents relatifs à la nature et au coût des travaux réalisés dans l'appartement.

c. La régie a répondu qu'il s'agissait de travaux d'entretien de peu d'importance, pour un montant global de CHF 7'736.-, dont CHF 2'800.- avaient été payés par l'assurance, suite à un dégât d'eau survenu dans l'appartement contigu, à la fin de 1997.

 

3. Par décision du 20 mars 2001, le DAEL a imparti un délai à la régie pour déposer une demande en autorisation de construire portant sur les travaux considérés, dont il avait acquis la certitude, après avoir visité l'appartement en question en présence des locataires et de la régie, qu'ils étaient soumis à la LDTR.

 

4. a. Le 19 avril 2001, la régie ainsi que les propriétaires, Mesdames Arielle et Rina Meyer, ont recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission) contre la décision précitée en reprenant les arguments qu'ils avaient fait valoir dans leurs courriers au DAEL.

 

b. Le 7 septembre 2001, la commission a rejeté le recours, après avoir tenu une audience en la seule présence du DAEL, les autres parties ayant demandé, sans succès, le report de l'audience.

5. Les propriétaires et la régie ont alors recouru auprès du Tribunal administratif le 12 octobre 2001.

 

6. a. Le Tribunal de céans a entendu les parties et a convoqué divers témoins en vue de déterminer quels travaux avaient été effectués et pour quel montant.

 

b. Le juge délégué a également effectué un transport sur place en présence des parties, au cours duquel il a pu constater que les travaux suivants avaient été effectués :

 

- dans le hall, le carrelage était neuf; le plafond et les murs avaient été repeints.

 

- dans la cuisine, le bloc cuisine avait été refait et des faïences posées. Le réfrigérateur était neuf, de même que la hotte d'aspiration. Les murs et le faux plafond, qui existait déjà, selon M. Zimmermann, avaient été repeints, mais pas l'encadrement de la fenêtre.

 

- dans la salle de bains, des faïences avaient été posées jusqu'au plafond. La baignoire et la lavabo étaient neufs.

 

- dans le local W-C, la cuvette avait été changée et du carrelage avait été posé à mi-hauteur; il n'y avait pas eu de travaux d'électricité.

 

- dans le salon, le parquet, d'origine, avait été nettoyé, poncé et imprégné; quelques lames, qui avaient souffert des dégâts d'eau, avaient été changées; le papier peint se décollait sur un des murs.

 

- dans la chambre à coucher, le plafond et les murs avaient été repeints et le parquet poncé et imprégné. En revanche, les encadrements de fenêtre n'avaient pas été touchés.

 

c. Ainsi qu'il ressort des pièces produites et des témoignages des parties, le coût des travaux entrepris se décompose comme suit:

 

nouvel agencement de cuisine CHF 2'426.-

réfection et imprégnation du parquet CHF 1'850.-

baignoire, W-C, lavabo CHF 800.-

carrelage hall, cuisine, W-C et salle de bains:

- carrelage (acheté par Mme Meyer) CHF 646.-

- frais de pose facturés CHF 460.-

- frais de pose offerts CHF 937.-

 

Total intermédiaire: CHF 7'119.-

 

d. A ce montant, il convient encore d'ajouter les frais de peinture ainsi que les frais relatifs à la pose des installations sanitaires.

 

Les parties divergent sur le coût de ces travaux.

 

Le DAEL considère par ailleurs que les travaux entrepris ont été d'un coût bien supérieur au montant de CHF 7'536.- allégué par la régie: se fondant sur une lettre écrite à l'Union de banques suisses, alors propriétaire de l'immeuble, par la Générale Immobilière S.A., il retient que celle-ci a assuré la couverture des travaux entrepris dans l'appartement pour un montant de CHF 23'475.-.

 

Ce chiffre de CHF 23'475.- a également été retenu par la commission dans la décision entreprise.

 

7. Les parties ont eu l'occasion de répliquer et dupliquer et de présenter leurs observations après enquête.

 

a. Les propriétaires et la régie persistent à considérer les travaux effectués comme des travaux d'entretien, non soumis à la LDTR, tant par leur nature que par leur montant.

 

b. Dans ses dernières écritures, le DAEL reconnaît que, de par leur nature, les travaux effectués relèvent a priori de l'entretien, mais qu'aux fins de déterminer si des travaux sont soumis à la LDTR, il faut également examiner leur coût et leur répercussion sur le montant du loyer. Le DAEL estime que le coût des travaux est bien supérieur aux CHF 8'000.- allégués par les recourants; considérant en outre que le montant du loyer a augmenté de plus de 30%, il s'agit pour le DAEL de travaux de rénovation soumis à la LDTR.

 

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

Le recours, adressé par erreur à la commission, a été transmis par cette dernière au Tribunal de céans; il est donc recevable (art. 64 al. 2 LPA).

 

2. La commission a appliqué les dispositions de l'aLDTR-1996, car aucune demande d'autorisation n'était pendante au sens de l'article 50 alinéa 2 LDTR.

 

Cette solution est correcte, ainsi que le Tribunal de céans l'a déjà jugé (ATA S. du 29 mai 2001 et B. et consorts du 24 avril 2001).

 

3. a. L'article 3 alinéa 1 lettre d aLDTR-1996 prévoit qu'on entend notamment par transformation tous les travaux qui ont pour objet d'améliorer le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve de l'alinéa 2, indiquant quant à lui que les travaux d'entretien régulier et raisonnables ne sont pas considérés comme travaux de transformation.

 

b. La distinction entre travaux d'entretien et de rénovation (ou transformation) fait l'objet d'un raisonnement en deux temps, à savoir :

 


1° les travaux sont-ils par nature des travaux d'entretien (sinon ce sont des travaux de transformation) ?

 

2° les travaux retenus dans la catégorie "entretien" sont-ils d'un coût tel qu'il risquent de modifier l'affectation qualitative des logements (F. PAYCHERE, O. BINDSCHEDLER, "La jurisprudence récente du Tribunal administratif du Canton de Genève en matière d'entretien des immeubles" in RDAF 1998 p. 369), ceux-ci ne répondant plus aux besoins prépondérants la population ?


 

4. Nature des travaux

 

a. L'ancien article 3 alinéa 1 RLDTR prescrit que les travaux d'entretien au sens de l'article 3 alinéa 2 aLDTR 1996 sont ceux qui n'ont pas été différés dans le temps et qui s'avèrent nécessaires pour maintenir l'immeuble en bon état, soit en procédant à des réparations, soit en remédiant à l'usure normale (remplacement d'installations vétustes par du matériel neuf servant au même usage).

 

b. Des travaux d'entretien peuvent constituer une transformation s'ils provoquent des modifications allant au-delà de ce qui est usuel, comme un important accroissement du confort, ou s'ils sont d'une ampleur telle qu'ils sont susceptibles d'aboutir à un changement qualitatif de l'appartement, celui-ci devenant ainsi par exemple un logement de luxe (ATA S. du 29 mai 2001 et B. et consorts du 24 avril 2001 et les références citées).

 

c. Le Tribunal administratif a ainsi notamment considéré comme relevant de l'entretien l'installation de nouveaux sanitaires, l'agencement des cuisines, la mise en conformité de l'installation électrique, la pose de nouveaux revêtements des sols et des parois, ainsi que des travaux de peinture et de serrurerie (ATA S. et B. et consorts précités et les références citées).

 

d. Les travaux entrepris en l'espèce apparaissent par leur nature être des travaux d'entretien, ce d'autant qu'une bonne part d'entre eux a été provoquée par le dégât d'eau déjà relevé.

 

Le transport sur place effectué par le tribunal a en outre démontré qu'en l'espèce les travaux litigieux n'ont pas conduit à rendre le logement plus luxueux, le nouveau matériel étant de qualité équivalante au matériel remplacé.

 

Les travaux sont dès lors de par leur nature des travaux d'entretien, ce que le DAEL admet.

 

5. Coût des travaux

 

a. Il reste donc à déterminer si les travaux ont eu un coût tel que leur répercussion sur le loyer soustrait le logement aux besoins prépondérants de la population.

 

Le Tribunal de céans relèvera préalablement que le chiffre de CHF 23'475.- retenu par la commission dans sa décision et par le DAEL dans une de ses écritures correspond au total des devis présentés à l'UBS par la Générale Immobilière, celle-ci ayant proposé deux devis par genre de travail considéré.

 

Ce montant est donc sans pertinence.

 

b. Les parties divergent sur le coût des travaux réalisés dans l'appartement dont il est question.

 

c. Ainsi qu'il ressort des pièces produites et des témoignages des parties, le coût des travaux entrepris se décompose comme suit:

 

nouvel agencement de cuisine CHF 2'426.-

réfection et imprégnation du parquet CHF 1'850.-

baignoire, W-C, lavabo CHF 800.-

carrelage hall, cuisine, W-C et salle de bains:

- carrelage (acheté par Mme Meyer) CHF 646.-

- frais de pose facturés CHF 460.-

- frais de pose offerts CHF 937.-

 

Total intermédiaire: CHF 7'119.-

c. Il faut encore ajouter à ce total intermédiaire le coût des travaux de peinture.

 

Dans un courrier du 2 mars 1998, la Générale Immobilière a transmis à l'Union de banques suisses, ancienne propriétaire de l'immeuble, des "copies des offres qui [allaient] être transmises à la compagnie d'assurances couvrant l'immeuble en cas de dégât d'eau". La lettre mentionne deux devis de respectivement CHF 2'841.- et CHF 2'887.-.

 

Le montant de CHF 2'800.- retenu par les propriétaires pour les travaux de peinture réalisés dans l'appartement apparaît donc comme fondé, d'autant plus que le transport sur place a révélé que la tapisserie n'avait pas été remplacée, mais uniquement grossièrement repeinte, et qu'elle se décollait déjà à plusieurs endroits.

Le coût total des travaux s'élève donc jusqu'ici à CHF 7'119.- + CHF 2'800.- soit à CHF 9'919.-.

 

d. La facture relative à la pose des appareils sanitaires n'a pas pu être produite; les frais y relatifs ne dépassant vraisemblablement pas CHF 2'000.-, le montant global des travaux est donc compris dans une fourchette de CHF 10'000.- à CHF 12'000.-.

 

e. Les travaux d'entretien réalisés dans cet appartement sont ainsi modestes et ne peuvent en eux-mêmes en aucun cas justifier une augmentation de loyer de plus de 30%.

 

Le coût des travaux n'a donc pas eu pour conséquence une hausse de loyer soustrayant le logement aux besoins prépondérants de la population. Partant, les travaux sont des travaux d'entretien également du point de vue de leur coût.

 

6. Les travaux considérés étant par leur nature et par leur coût des travaux d'entretiens, ils ne sont pas soumis à la LDTR.

 

La contestation du loyer ne relève dès lors pas du DAEL ou du Tribunal de céans, mais bien, le cas échéant, du droit civil et du Tribunal des baux et loyers.

 

Le recours est dès lors bien fondé et sera admis.

 

Vu l'issue de la procédure, aucun émolument ne sera mis à la charge des recourants. Une indemnité de CHF 1'500.- leur sera allouée, à la charge de l'Etat de Genève.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 12 septembre 2001 par Madame Rina Meyer, Madame Arielle Meyer et Monsieur Pierre Zimmermann contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 7 septembre 2001;

 

au fond :

 

l'admet;

 

dit qu'aucun émolument ne sera perçu;

 

alloue aux recourants une indemnité de CHF 1'500.- à la charge de l'Etat de Genève;

 

communique le présent arrêt aux recourants ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions et au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Schucani, Mme Bovy, juges, M. Torello, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega