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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/883/1996

ATA/212/1997 du 08.04.1997 ( TPE ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS; CONSTRUCTION ET INSTALLATION; TRAVAIL; ENTRETIEN; RENOVATION D'IMMEUBLE; ASSUJETTISSEMENT(IMPOT); TPE
Normes : LDTR.3 al.1
Relations : ATA SI LA TOURELLE du 08.04.97
Résumé : Sont des travaux d'entretien la réfection de la toiture, des stores, des fenêtres, de la peinture des cadres, les batteries sanitaires, la ventilation, la chaufferie. Dossier renvoyé au DTPE pour qu'il examine si le coût global des travaux doit faire considérer qu'ils représentent dans leur ensemble des travaux de transformation ainsi que pour fixer les nouveaux loyers des appartements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 8 avril 1997

 

 

 

dans la cause

 

 

SI D.

représentée par Me Pierre-Alain Schmidt, avocat

 

 

contre

 

 

DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS ET DE L'ENERGIE

et

COMMISSION DE RECOURS INSTITUEE PAR LA LOI SUR LES CONSTRUCTIONS ET LES INSTALLATIONS DIVERSES

et

Madame A. & CONSORTS

représentés par l'Asloca, mandataire

 



EN FAIT

 

 

1. La société anonyme "SI D." (ci-après : la SI) est propriétaire de la parcelle No ... du registre foncier de la commune de Genève. Ce bien-fonds est situé rue Frédéric-Amiel ..., dans la zone à bâtir au sens de l'article 19 alinéa 1 lettre c de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LALAT - L/1/17). Il s'y trouve un bâtiment d'habitation comportant vingt logements d'une taille de 2 à 6 pièces, soit 73 pièces au total.

 

2. Le 5 mai 1995, la SI, représentée par la société anonyme Régie X. (ci-après : la régie), a déposé une demande d'autorisation de construire par la voie de la procédure accélérée. Le programme des travaux comportait les postes et les montants suivants :

 

ENVELOPPE DE L'IMMEUBLE

 

 

Toiture

 

Contrôle de l'état de la toiture

Remplacement des barres à neige,

des chenaux, des colonnes d'eau

pluviale abergements en plomb

et des ferblanteries Frs 20'000.-

 

Remise en état des canaux de fumée

de ventilation Frs 6'000.-

 

Contrôle du lambrissage du berceau,

changement des lames si nécessaires

peinture Frs 9'000.-

 

Façades

 

Pose d'un échafaudage sur le pourtour

de l'immeuble, y compris protection du

trottoir Frs 45'000.-

Traitement anti-carbonatation de la

façade par reprise des maçonneries

et peinture des façades Frs 120'000.-

 

 

Stores

 

Remplacement des stores en bois, par des

nouveaux tabliers en aluminium, suppres-

sion des projections Frs 40'000.-

 

 

Fenêtres

 

Remplacement de toutes les fenêtres,

fourniture et pose de fenêtres en sapin

à peindre, cadre rénovation, double vitrage

pour meilleure isolation phonique et

thermique ainsi que modification de la

porte sur cour Frs 162'000.-

 

 

Peinture

 

Peinture des boiseries fenêtres Frs 35'000.-

 

 

Balcons

 

Reprise de l'étanchéité des sols,

balcons au niveau des portes fe-

nêtres. Découpage de la chape, pose

d'un joint Sihatlex.

Exécution de l'étanchéité peinture

des sols balcons Frs 24'500.-

_______________

 

Total des travaux de l'enveloppe

de l'immeuble Frs 461'500.-

===============

 

INTERIEUR DE L'IMMEUBLE

 

Cage d'escaliers et locaux communs

 

Peinture des murs et plafonds de la

cage d'escaliers.

Boiseries des portes et balustrades Frs 20'000.-

 

Remplacement des sols paliers

actuellement en lino, par du carrelage Frs 23'000.-

 

Locaux communs : peinture des murs,

plafonds et boiseries Frs 14'000.-

 

Modernisation de l'éclairage par

remplacement des luminaires ainsi

que remise en état des sonnettes

d'appartements Frs 13'000.-

 

Réfection de l'ascenseur, peinture

des serrureries, pose d'un nouveau

plaquage sur paroi Frs 4'000.-

 

Mise en sécurité de l'immeuble par

pose d'une gâche électrique com-

mandée par code Frs 4'000.-

 

Remplacement du bloc boîtes aux

lettres Frs 6'500.-

_______________

 

Total des travaux de la cage

d'escaliers et locaux communs Frs 84'500.-

===============

 

 

Travaux dans les appartements

 

Reprise des peintures sur cadre des

fenêtres suite aux remplacement de

celles-ci Frs 20'000.-

 

Remplacement des linos par pose d'un

carrelage au sol dans cuisine, salle

de bains et WC Frs 25'600.-

 

Révision des batteries sanitaires Frs 12'000.-

 

Nettoyage des colonnes et dérivation

des eaux usées Frs 8'000.-

 

Nettoyage des gaines de ventilation Frs 5'000.-

_______________

 

Total des travaux dans les

appartements Frs 70'600.-

===============

 

Modernisation de la chaufferie par

remplacement de la chaudière et de

la production d'eau chaude Frs 45'000.-

 

Tubage de la cheminée Frs 9'900.-

 

Modernisation du tableau élec-

trique et remplacement de l'éclai-

rage Frs 4'000.-

 

Mise en conformité de la chaufferie :

- installation porte anti-feu F.120

- isolation du plafond

- divers travaux de maçonnerie

- peinture du sol expoxyte

- peinture des murs et plafonds Frs 8'500.-

 

Ebouage de l'installation de chauffage Frs 3'600.-

_______________

 

Total des travaux de chaufferie Frs 71'000.-

===============

 

RECAPITULATIF DES TRAVAUX

 

Enveloppe de l'immeuble Frs 461'500.-

 

Intérieur de l'immeuble

- Cage d'escaliers & locaux communs Frs 84'500.-

- Travaux dans les appartements Frs 70'600.-

 

Chaufferie Frs 71'000.-

_______________

 

Total des travaux Frs 687'600.-

===============

 

 

Divers et imprévus Frs 68'400.-

 

Honoraires direction

de travaux Frs 90'700.-

_______________

 

Coût total de l'opération Frs 846'700.-

===============

 

3. Selon un préavis, non daté, du service de l'habitat (ci-après : le SHAB), les données financières suivantes ont été retenues par le département des travaux publics et de l'énergie (ci-après : le DTPE) :


 

Coût des travaux : Frs 888'338.-

 

Etat locatif actuel : Frs 242'352.- soit en moyenne 3'320 F/pce/an ou

10 logements (=30 pces) à en

moyenne 4'448 F/pce/an et

10 logements (=43 pces) à en

moyenne 2'533 F/pce/an

 

Etat locatif futur : Frs 284'604.- soit en moyenne 3'899 F/pce/an (+17%)

10 logements (=30 pces) à en

moyenne 4'892 F/pce/an (+10%)

10 logements (=43 pces) à en

moyenne 3'205 F/pce/an (+27%)

 

Rendement brut : 284'604.- - 242'352.- X 100 = 4,75 %

888'338.-

Selon la proposition du SHAB détaillée par appartement, le prix annuel à la pièce, avant travaux, va de 2'102.- Frs à 7'056.- Frs; après l'exécution des travaux projetés, le prix annuel à la pièce s'échelonnerait entre 2'815.- Frs pour le logement le meilleur marché, soit une augmentation de 34 %, et 7'764.- Frs pour le logement le plus cher, soit une augmentation de 10 %.

 

4. Le 10 octobre 1995, le DTPE a délivré l'autorisation requise, l'état locatif susdécrit en faisant partie.

 

5. Le 13 novembre 1995, l'Asloca, agissant au nom de quatorze locataires ou colocataires (ci-après: l'Asloca ou les consorts), a conclu principalement à l'annulation de l'autorisation querellée et, subsidiairement, à ce que la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses (ci-après : la commission de recours) autorise les travaux à condition que les loyers ne dépassent pas 3'225.- Frs par pièce et par an et que "les travaux de remplacement du linoléum dans les appartements soient effectués au gré des locataires".

 

La SI a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l'autorisation délivrée par le DTPE.

 

6. Le 31 mai 1996, la commission de recours a rendu une décision annulant pour partie l'autorisation de construire délivrée le 10 octobre 1995.

 

Elle a estimé que la condition suivante, contenue dans l'autorisation querellée :

 

"les loyers des vingt appartements (= 73 pièces) n'excéderont pas, après travaux, ceux annoncés dans le document "projection du loyer après travaux" susvisé. Ces loyers seront appliqués pour une durée de trois ans à partir de l'entrée en vigueur"

 

n'était pas conforme au droit. Elle a arrêté que les loyers des dix logements, soit 30 pièces, fixés avant les travaux à 4'448.- Frs la pièce par an, ne devraient subir aucune augmentation du fait desdits travaux et que ceux des autres logements, soit 43 pièces, fixés avant travaux à 2'533.- Frs la pièce par an, devraient être fixés au maximum à 3'100.- Frs la pièce par année durant trois ans.

 

Le 12 juillet 1996, la SI a formé un recours contre la décision du 31 mai 1996, qui lui avait été notifiée par un pli recommandé remis à un office des postes le 12 juin 1996. Elle a conclu à l'annulation de la décision rendue en première instance et à la confirmation de l'autorisation délivrée par le DTPE. Elle a fait valoir que cette décision avait été prise en violation du droit fédéral et sans tenir compte de l'entrée en vigueur, le 23 mars 1996, de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maison d'habitations: mesure de soutien en faveur des locataires et de l'emploi (LDTR - L/5/9); elle écartait sans raison certains postes du montant des travaux.

 

Le 26 juillet 1996, l'autorité intimée a déclaré persister dans les termes de sa décision.

 

7. Le 16 août 1996, l'Asloca a conclu au rejet du recours au motif que les travaux envisagés n'étaient pas dispensés d'autorisation et que l'article 9 alinéa 2 LDTR concernant les conditions auxquelles le département pouvait accorder l'autorisation de construire était identique à la disposition ancienne soit l'article 6 alinéa 2.

 

Le 21 août 1996, le DTPE a demandé une prolongation du délai pour produire sa réponse au 16 septembre 1996. Ce délai lui a été accordé par une lettre du greffe du tribunal de céans du 28 août 1996.

 

La détermination du DTPE est datée du 30 octobre 1996. Elle a été reçue au greffe de la juridiction de céans le lendemain et transmise aux parties.

 

8. Le juge délégué à l'instruction de la cause, accompagné de sa greffière, s'est transporté sur les lieux le 13 décembre 1996 en présence des parties. Dans les appartements qu'il a visités, il a constaté que les fenêtres, d'origine, n'étaient plus étanches et prenaient l'eau, notamment à travers leur cadre, que les stores étaient en mauvais état de même que les colonnes sanitaires et les installations sanitaires proprement dites qui ne fonctionnaient pas correctement.

 

Les vitrages étaient doubles et allaient être remplacés, selon les explications de la SI, par d'autres vitrages doubles, assurant une meilleure isolation phonique et thermique.

 

Il a constaté également des fissures dans les murs latéraux, les garde-fous et les balcons eux-mêmes, décrites par les représentants du DTPE comme typiques de la maladie du béton qui affectait actuellement les constructions datant des années 1960.

 

Cette mesure d'instruction s'est terminée sans autres réquisitions des parties et la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 8 al. 1 ch. 108 de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits du 29 mai 1970 - LTA - E/3,5/1; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E/3,5/3).

 

2. Les dispositions de la nouvelle loi s'appliquent dès son entrée en vigueur aux demandes d'autorisation qui font l'objet de procédures pendantes devant le Tribunal administratif (art. 50 al. 2 LDTR).

 

3. a. La nouvelle version de la LDTR ne se distingue pas fondamentalement de l'ancienne (ci-après : aLDTR) du 22 juin 1989. Dans l'esprit du législateur, il s'est agi avant tout d'assouplir la loi tout en en gardant le fond (Mémorial des séances du Grand Conseil 1996 p. 60). Ainsi, l'une des principales innovations a été de faire passer les travaux de transformation et de rénovation d'un régime de dérogation à un régime d'autorisation (ibidem). De plus, les travaux de la commission chargée d'étudier le projet de loi ont abouti à l'instauration d'un système de bonus conjoncturel à la rénovation (Mémorial 1996 p. 67), qui figure aux articles 16 et suivants.

 

Cependant, le but de préservation de l'habitat et des conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans certaines zones (art. 1 al. 1 LDTR) est resté le même que dans l'aLDTR. De plus, l'esprit de la loi initiale du 26 juin 1983, issue d'une initiative populaire, est demeuré dans la novelle, toutes les modifications apportées par cette dernière l'ayant été, selon le rapport de majorité de la commission chargée d'étudier le projet "dans le respect des locataires" (Mémorial 1996 p. 69), l'idée de fond de la révision étant de promouvoir parallèlement la création et le maintien d'emplois dans l'industrie du bâtiment (Mémorial 1996 p. 60).

 

b. La révision n'a pas apporté de modifications notables aux dispositions régissant les transformations. Dans la version de l'aLDTR, il fallait entendre par transformation :

 

a) tous les travaux d'une certaine importance ayant notamment pour objet de modifier l'architecture, le volume, l'implantation, la destination, le style, l'équipement, la distribution intérieure d'une maison d'habitation, d'un ou plusieurs logements;

 

b) la création d'installations nouvelles d'une certaine importance, telles que chauffage, distribution d'eau chaude, ascenseur, salles de bains et cuisines;

 

c) la création de nouveaux logements dans la maison d'habitation concernée, notamment dans les combles;

 

d) les travaux de rénovation ayant pour objet d'améliorer le confort existant sans modifier la distribution des logements (art. 3 al. 1 aLDTR).

 

Selon la version actuelle de l'article 3 alinéa 1 LDTR, on entend par transformation tous les travaux qui ont pour objet :

 

a) de modifier l'architecture, le volume, l'implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d'une maison d'habitation;

 

b) la création de nouveaux logements, notamment dans les combles;

 

c) la création d'installations nouvelles d'une certaine importance, telles que chauffage, distribution d'eau chaude, ascenseur, salles de bains et cuisines;

 

d) d'améliorer le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve de l'alinéa 2.

 

Les travaux d'entretien réguliers et raisonnables ne sont pas considérés comme travaux de transformation (art. 3 al. 2 LDTR).

 

La notion de transformation est issue sans changement du projet présenté par le Conseil d'Etat, qui commentait l'article 3 alinéa 1 en indiquant que "sauf à vouloir faire figurer dans une loi une liste exhaustive de travaux considérés comme transformations et, par conséquent, automatiquement soumis à un contrôle - ce qui n'est guère envisageable et poserait certainement passablement de problèmes pratiques - il apparaît donc nécessaire de maintenir le recours à des définitions plus souples des travaux considérés comme une transformation. [...].

 

La proposition du Conseil d'Etat consiste donc à reprendre de la loi actuelle les définitions contenues aux lettres a, b, c et d de la loi actuelle, en retirant ce qui apparaissait comme trop vague ou trop général - et partant sujet à contestation - soit [les travaux d'une certaine importance], [le style], [l'équipement]" (Mémorial 1995, p. 4567).

 

Il résulte clairement de ce qui précède qu'en ce qui concerne la définition des travaux de transformation, pour ainsi dire inchangée dans l'actuelle LDTR, la jurisprudence développée jusqu'à présent par le Tribunal administratif et le Tribunal fédéral conserve sa valeur.

 

c. S'agissant des travaux d'entretien régulier et raisonnables visés par l'article 3 alinéa 2 LDTR, il faut relever que le projet du Conseil d'Etat se présentait de manière fort différente. Il prévoyait que n'étaient pas considérés comme travaux de transformation "les travaux d'entretien courant. Les travaux dont l'incidence sur les loyers après travaux est inférieure à 15 % sont en principes considérés comme des travaux d'entretien courant" (Mémorial 1995, p. 4542). Le Conseil d'Etat expliquait à ce propos qu'en lieu et place des notions imprécises contenues à l'article 3 alinéa 1 lettre a LDTR du 22 juin 1989, "il est proposé un nouvel alinéa 2, qui, dans un premier temps, rappelle que les travaux d'entretien courant ne sont pas soumis à la loi; puis dans un deuxième temps, cet alinéa arrête que les travaux, qu'il s'agisse d'une transformation uniquement ou de travaux d'entretien mélangés avec des travaux de transformation, dont l'incidence sur les loyers après travaux est inférieure à 15 %, sont en principe assimilés à de l'entretien et, en conséquence, exemptés de la loi.

 

L'avantage de cette proposition pour le Conseil d'Etat réside dans le fait, qu'en dehors d'une simple définition de travaux, elle offre un critère chiffré objectif [...]. Cela étant, le Conseil d'Etat estime que la modification proposée, soit l'institution d'une présomption de non assujettissement pour certains travaux, ne s'écarte pas fondamentalement de la teneur actuelle de la loi et qu'elle représente une amélioration de la situation, dans le mesure où elle permettra de soustraire du filtre administratif des opérations mineures et, ainsi, d'accélérer les procédures sans toutefois porter atteinte aux droits essentiels des locataires, qui restent réservés" (Mémorial 1995, p. 4568).

 

Ce point du projet n'a toutefois pas recueilli l'approbation de la commission chargée de son étude, qui a proposé à la place la version selon laquelle "les travaux d'entretien ne sont pas considérés comme travaux de transformation" (Mémorial 1996 p. 65).

 

Lors des débats du Grand Conseil, cette disposition du projet a été à nouveau modifiée sur proposition du porte-parole de la majorité parlementaire, et a pris la forme actuelle (Mémorial 1996, p. 156). Une autre proposition d'amendement, rejetée par la majorité, prévoyait que "ne sont pas considérés comme des travaux de transformation les travaux d'entretien courant, dans la mesure où ceux-ci n'entraînent pas un changement qualitatif de l'immeuble ou du logement, notamment par suite d'une augmentation des loyers". Cette définition devait permettre de distinguer les travaux d'entretien sans incidence sur la qualité de l'immeuble ou du logement (non soumis à autorisation) et ceux qui entraînaient une hausse de la qualité (considérés dès lors comme transformations) (Mémorial 1996, p. 156 et suivante).

 

Les travaux d'entretien n'ont donc pas reçu à travers la nouvelle loi de définition particulière et celle retenue jusque-là par la jurisprudence du Tribunal administratif et du Tribunal fédéral, dont il sera question ci-après, demeure applicable.

 

4. L'abondante jurisprudence développée par le Tribunal administratif et le Tribunal fédéral sur le problème de la distinction entre travaux d'entretien et de transformation, a visé d'une part, lorsque cela était possible, à décrire le type d'interventions pouvant recevoir l'une ou l'autre qualification, et d'autre part à développer des critères à prendre en compte en dehors de la simple nature des travaux.

 

Avant l'entrée de la nouvelle LDTR, la jurisprudence avait déjà établi que les simples travaux d'entretien n'étaient pas soumis à la loi (ATF 116 Ia 401).

 

La démarche suivie par le Tribunal administratif a toujours été d'examiner si l'on se trouvait en présence de travaux d'entretien, à défaut de quoi il s'agissait alors de transformations. Cette notion-ci, relativement imprécise dans l'ancienne et la nouvelle version de la LDTR, se définissait ainsi généralement par la négative, comme travaux dépassant le cadre du strict entretien.

 

Ainsi, les travaux d'entretien sont ceux que le bailleur est tenu de réaliser au regard de son obligation d'entretien de la chose louée prescrite par l'article 256 alinéa 1 CO et qui échappent à la LDTR (ATA du 1er décembre 1992 en la cause SI du C.). Ils visent à maintenir l'ouvrage dans son état en réparant les atteintes dues au temps ou à l'usage (ATA du 14 février 1990 p. 37 et ss, en la cause M.-B.; du 19 décembre 1985 en la cause Z. et P.; du 30 janvier 1985 en la cause B. et C.; du 9 janvier 1985 en la cause C.).

 

Peuvent également être considérés comme tels, des travaux qui, dépassant le strict entretien, consistent à substituer à des installations intérieures vétustes des éléments neufs servant au même usage, soit simplement à moderniser une construction sans en modifier la nature, le caractère et l'affectation. Il en est ainsi du remplacement de sols, de poutres, la réfection de cheminées, voire la réparation d'un toit par le remplacement de parties défectueuses.

 

On peut encore assimiler aux travaux non soumis à autorisation, de modestes changements dans la répartition interne du volume d'un bâtiment, n'entraînant que de minimes transformations. Ainsi, pour être soumis à autorisation, de tels travaux doivent atteindre une certaine importance, c'est-à-dire modifier notablement, soit en tout ou partie, la répartition interne du volume construit, soit l'affectation de ces locaux (ATA du 14 février 1990 en la cause M.-B; RDAF 1977, p. 259 et ss).

 

On peut aussi citer comme exemple le remplacement d'un ascenseur existant ou celui de colonnes d'eau chaude et d'eau froide (ATA du 1er décembre 1992 en la cause SI du C.). Le Tribunal fédéral va jusqu'à admettre que les travaux améliorant le confort du logement, pour autant qu'ils soient mineurs, ne sauraient être soumis à autorisation. Il en irait ainsi de l'installation d'une armoire frigorifique, d'une machine à laver le linge ou la vaisselle et d'une cuisinière (ATF 116 Ia 409).

 

b. Quant à la notion de rénovation, reprise à l'article 9 alinéa 1 lettre e LDTR et considérée par cette disposition comme une transformation, elle couvre selon la jurisprudence tous les travaux d'entretien, de réparation et de modernisation qui laissent intact le volume, l'aspect extérieur et la destination de l'immeuble; ces travaux constituent une transformation s'ils provoquent des modifications allant au-delà de ce qui est usuel, comme par exemple un important accroissement du confort (ATF du 9 février 1993 en la cause L. confirmant l'ATA du 24 juin 1992 publié in SJ 1994 p. 531; RDAF 1988 p. 383).

 

Les travaux de rénovation ont également été définis comme étant destinés à permettre de rétablir dans son premier état un ouvrage ayant subi l'usure du temps (ATF 113 Ia 119; ATA du 27 septembre 1989 en la cause P.) Or, il s'agit là également d'une caractéristique propre aux travaux d'entretien.

 

5. a. L'examen de la nature des travaux ne saurait être toutefois le seul critère à prendre en considération pour déterminer si les interventions concernées échappent à la LDTR. Celles-ci peuvent atteindre une ampleur telle qu'elles sont susceptibles d'aboutir à un changement qualitatif de l'immeuble. De même, l'augmentation du loyer consécutive à des travaux peut avoir pour effet d'entraîner un changement d'affectation qualitatif des logements. Les appartements ne sont plus accessibles aux personnes à bas revenus, en particulier aux personnes âgées, et ils ne répondent plus aux besoins de la population où sévit la plus forte pénurie (ATF du 10 octobre 1991 en la cause SI du square Bellevue I; ATF 116 Ia 409; ATA du 1er décembre 1992 en la cause SI du C.).

 

Une solution consistant à qualifier les travaux uniquement à partir de leur nature, comporte le risque d'un effritement progressif et généralisé du patrimoine immobilier par le biais d'un changement d'affectation. En effet, des travaux d'entretien sont susceptibles d'aboutir à une rénovation, voire à une transformation d'un immeuble; il en est ainsi par exemple lorsque n'ayant pas été exécutés périodiquement ou par rotation tout au long de l'existence d'un immeuble, ou encore parce qu'ils n'ont pas été exécutés du tout pendant de nombreuses années, leur accumulation leur confère une ampleur propre à engendrer un changement du niveau des loyers tel que la destination de l'immeuble en est modifiée (ATA du 14 février 1990 en la cause SI Moïse-Duboule 19-21).

 

b. L'article 3 alinéa 1 du règlement d'application de la LDTR du 29 avril 1996 (RLDTR - L/5/9,5), dont les intimés contestent la légalité, prescrit que les travaux d'entretien au sens de l'article 3 alinéa 2 LDTR sont ceux qui n'ont pas été différés dans le temps et qui s'avèrent nécessaires pour maintenir l'immeuble en bon état, soit en procédant à des réparations, soit en remédiant à l'usure normale (remplacement d'installations vétustes par du matériel neuf servant au même usage).

 

Les intimés contestent surtout le fait que des travaux visant de manière générale à maintenir l'immeuble en bon état puissent répondre par principe à la définition de travaux d'entretien réguliers et raisonnables retenue par la loi. Or, la jurisprudence précitée a déjà eu l'occasion d'admettre que tel pouvait être le cas si ces travaux restaient modestes. La disposition contestée devra par conséquent conduire l'autorité administrative à prendre en considération non seulement la nature des travaux, mais également leur coût d'ensemble. Interprété dans ce sens, l'article 3 alinéa 1 RLDTR ne s'écarte pas du contenu de la loi.

 

c. Dans deux cas récents, le tribunal de céans a aussi examiné, eu égard à la valeur de l'immeuble, si le coût global des travaux projetés, en soi assimilables à des travaux d'entretien, ne devait pas conduire à les considérer comme transformations. Dans l'ATA du 14 février 1990 en la cause SI Moïse-Duboule 19-21, il a ainsi refusé d'admettre que des travaux s'élevant à 725'000.- Frs, soit à la moitié du prix de l'immeuble, se limitassent à conserver la chose en bon état et à éviter qu'en se dégradant elle ne perdît de sa valeur. Il s'agissait de travaux de rénovation, rendus nécessaires par l'absence de tous travaux d'entretien pendant de longues années et dont l'ampleur était de nature à modifier fondamentalement le standing de l'immeuble.

 

Dans l'ATA du 1er décembre 1992 en la cause SI du C., le tribunal avait relevé que les travaux ne dépassaient pas le 10 % de la valeur d'assurance de l'immeuble, et qu'ils n'avaient pas eu pour effet de transformer des appartements au loyer modeste en appartements de luxe.

 

6. a. En l'espèce, les travaux projetés, pour ce qui concerne la toiture, les stores, les fenêtres et la peinture intérieure et extérieure sur les cadres, la cage d'escalier et les locaux communs, les linoléums, les batteries sanitaires, les colonnes, la ventilation, le remplacement, la modernisation et la mise en conformité de la chaufferie, comptent parmi ceux que la jurisprudence a déjà classés, de par leur nature, parmi les travaux d'entretien.

 

b. S'agissant des travaux de réfection des façades, il faut les considérer comme travaux de transformation. S'ils ne répondent pas aux différentes définitions qu'en donne l'article 3 alinéa 1 LDTR, ils ne correspondent pas non plus à de simples travaux d'entretien au sens de l'alinéa 2 de la même disposition, comme pourrait l'être par exemple le nettoyage de façades noircies par la pollution. Dans le cas présent, la destruction progressive de la couche superficielle des façades résulte d'un défaut de construction dont souffre la plupart des immeubles datant de la même époque, et constitue en même temps un danger pour la sécurité des habitants, voire des tiers, car des morceaux de la façade sont susceptibles de se détacher à tout moment. A cet égard, les travaux que nécessite la remise en état des murs extérieurs et des balcons relèvent des transformations visées par l'article 9 alinéa 1 lettre a LDTR. On conçoit mal, du reste, que des travaux urgents, nécessaires parce que "l'état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité et la santé de ses habitants ou des tiers" (art. 9 alinéa 1 lettre a LDTR) répondent en même temps à la définition d'entretien régulier et raisonnable (art. 3 al. 2 LDTR).

 

7. a. Comme on l'a vu plus haut, il ne suffit toutefois pas d'examiner chaque intervention projetée pour elle-même et de la qualifier d'entretien échappant à la LDTR ou de transformations soumises à cette loi. Il faut également, dans un second temps, vérifier si le coût global des travaux est tel qu'ils doivent alors être considérés de manière globale comme travaux de transformation.

 

Dans la mesure où, selon les considérants qui suivent, il conviendra de renvoyer le dossier au DTPE pour qu'il rende une nouvelle décision, il lui appartiendra alors de déterminer, sur la base de la valeur d'assurance-incendie de l'immeuble et des calculs établis dans un arrêt rendu ce même jour par le tribunal de céans en la cause SI T., si le coût global des travaux doit faire considérer qu'ils représentent dans leur ensemble des travaux de transformation, ou s'il doivent conserver la qualification qui leur a été attribuée ci-dessus selon leur nature.

 

8 a. L'autorisation est accordée lorsque l'état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité et la santé de ses habitants ou des tiers (art. 9 al. 1 let. a LDTR). Le département accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population (art. 9 al. 2 ab initio LDTR).

 

Le département tient compte, dans son appréciation, des éléments suivants:

 

a) du genre, de la typologie et de la qualité des logements existants;

 

b) du prix de revient des logements transformés ou nouvellement créés, notamment dans les combles;

 

c) du genre de l'immeuble;

 

d) du nombre de pièces et de la surface des appartements ainsi que de la surface des logements nouvellement créés;

 

e) des exigences liées à l'objectif de préservation du patrimoine (art. 9 al. 2 in fine LDTR).

 

b. Il convient à ce stade de distinguer le cas des logements dont le genre, le loyer ou le prix avant travaux correspondent aux besoins prépondérants de la population et celui des logements qui n'entrent déjà plus dans cette catégorie.

 

S'agissant des premiers, l'article 9 alinéa 2 LDTR prévoit la possibilité pour le DTPE de refuser l'autorisation lorsqu'ils ne répondraient plus, après transformation, aux besoins prépondérants de la population, quant à leur genre ou leur loyer ou leur prix. En ce qui concerne les autres, le Tribunal fédéral a clairement indiqué que le législateur ne pouvait pas étendre l'interdiction de transformer à des logements dont la conservation ne répondait pas à l'intérêt public de lutte contre la pénurie de logements (ATF 105 Ia 367 consid. 5). Le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel a rendu un arrêt similaire, considérant qu'une mesure restreignant la garantie de la propriété n'était pas conforme notamment au principe de la proportionnalité lorsqu'elle ne permettait pas de lutter effectivement contre la pénurie de logements; il n'y avait ainsi pas de raison d'interdire la vente d'un appartement dont le loyer était prohibitif (arrêt du Tribunal administratif du 23 mai 1990 en la cause K., in Revue de jurisprudence neuchâteloise 1990, p.256). Il a encore été jugé, à propos de l'article 6 alinéa 6 de l'aLDTR (correspondant à l'actuel art. 9 al. 2), que la loi "ne répond à l'intérêt public que dans la mesure où elle vise à maintenir l'affectation des logements qui répondent, par leur loyer, leur prix et leur conception, aux besoins prépondérants de la population. Les restrictions à la propriété qu'elle institue doivent être propres à atteindre ce but. A cet égard, s'il se justifie d'empêcher que des logements à loyer modéré soient transformés en appartements de luxe, l'intérêt public ne commande pas, en revanche, de limiter la transformation et la rénovation de logements de luxe préexistants. Le législateur aurait sans doute pu limiter le champ d'application de la loi à certains logements à loyer modéré et en exclure les logements de luxe; il aurait aussi pu se fonder sur un critère qualitatif permettant de distinguer entre les logements à préserver et ceux dont les propriétaires pourraient librement disposer. Le Grand Conseil n'a pas envisagé ces possibilités" (ATF 107 Ia 418 consid. 11).

 

c) La notion de besoins prépondérants de la population n'a jusqu'à présent été déterminée qu'en fonction du critère du loyer, dont le tribunal de céans a admis qu'il répondait encore à ce besoin jusqu'à un maximum de 3'225.- francs par pièce et par année, voire à 3'500.- francs dans des circonstances particulières (ATA du 7 décembre 1993 en la cause SI Moïse-Duboule, SJ 1994 pp. 225 ss). Les dernières données statistiques utiles n'étant pas encore disponibles, le tribunal renoncera dans la présente cause à réexaminer la validité actuelle de ces chiffres, la question d'un calcul basé sur d'autres facteurs ne se posant par ailleurs pas en l'espèce.

 

d) Parmi les nombreuses autres législations cantonales similaires à la LDTR, il faut relever le cas notamment de la loi vaudoise, dont le champ d'application concerne, pour tous les travaux de démolition, transformation et rénovation de maisons d'habitation, les communes dans lesquelles sévit la pénurie de logements (art. 1 al. 1 de la loi concernant la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d'habitation du 4 mars 1985). Le Tribunal fédéral a considéré à plusieurs reprises que le critère de la pénurie de logements retenu par cette loi permettait de soumettre les travaux concernés au contrôle de l'Etat (ATF 106 Ia 409; 101 Ia 506; 89 I 180).

 

La loi jurassienne s'applique "lorsque, dans la commune, l'offre de logements n'est pas équilibrée par rapport à la demande et au nombre d'emplois" (art. 2 al. 2 de la loi sur le maintien de locaux d'habitation du 9 novembre 1978).

 

Le canton de Zurich a soumis au contrôle de l'autorité tous les appartements répondant aux besoins des familles (Gesetz über die Erhaltung von Wohnungen für Familien, vom 30. Juni 1974, art. 4), c'est-à-dire, selon la jurisprudence développée par le Tribunal administratif de ce canton, tous les appartements à partir de deux pièces et demie, cuisine non comprise (Verordnung zum Gesetz über die Erhaltung von Wohnungen für Familien, vom 25. September 1974, art. 1), dont la taille et la distribution des pièces permettent d'accueillir une famille, ceci sans égard au montant du loyer, à moins qu'il ne s'agisse d'un appartement luxueux (Schweizerisches Zentralblatt für Staats- und Gemeindeverwaltung, 1977, p. 186 ss).

 

e) En droit genevois, la loi et jusqu'ici la jurisprudence n'ont pas précisé ce qu'il fallait entendre par logement répondant par son genre aux besoins prépondérants de la population. Les travaux préparatoires démontrent qu'à l'apparition de ce critère dans la LDTR du 22 juin 1989, le Grand Conseil n'a en réalité porté son attention que sur celui des besoins prépondérants de la population sous l'angle du loyer, alors déjà défini par la jurisprudence (Mémorial 1989, p. 3579).

 

Les différents éléments dont le département doit tenir compte dans son appréciation selon l'article 9 alinéa 2 in fine LDTR n'établissent quant à eux aucune limite permettant de distinguer les logements qui répondent par leur genre aux besoins prépondérants de la population et ceux dont ce n'est pas le cas. Néanmoins, les notions de qualité des logements existants, du genre de l'immeuble ou du nombre de pièces et de la surface des appartements concernés renvoient à d'autres notions-clé de la LDTR, à savoir celle de catégorie de logements dans lesquelles sévit la pénurie (art. 25 LDTR) et celle d'appartements de luxe, dont l'article 10 alinéa 2 lettre b LDTR prévoit conformément à la jurisprudence fédérale qu'ils ne sont pas soumis à un contrôle des loyers (ATF 116 Ia 419 consid. 12).

 

Il résulte de ce qui précède qu'un logement correspond en principe par son genre ou par son loyer aux besoins prépondérants de la population lorsqu'il se trouve dans la fourchette de loyer susmentionnée, ou lorsque ce logement entre dans la catégorie des appartements dans lesquels règne la pénurie au sens de l'article 25 alinéa 1 et 2 LDTR.

 

Cette catégorie est déterminée chaque année par arrêté du Conseil d'Etat (art. 11 al. 1 RLDTR), sous réserve du fait que les appartements de plus de six pièces en sont d'emblée exclus (art. 25 al. 3 LDTR).

 

La notion de "genre" correspondant aux besoins prépondérants de la population implique par ailleurs d'en exclure les logements de luxe, sans égard au nombre de pièces dont ils disposent.

 

Le département devra par conséquent refuser l'autorisation de transformer lorsque, répondant avant travaux quant à leur loyer, leur genre ou leur prix aux besoins prépondérants de la population, les logements transformés ne satisferaient plus à ce critère sous l'angle pris en considération. Ainsi, un appartement correspondant à la fois par son genre et par son loyer aux besoins prépondérants de la population avant travaux devra continuer d'y répondre sous ces deux angles. En revanche, un appartement ne correspondant avant transformation ni par son genre ni par son loyer ou son prix aux besoins de la population, ou un appartement de luxe, ne saurait faire l'objet d'un refus d'autorisation, sous réserve des exigences liées à l'objectif de préservation du patrimoine (art. 9 al. 2 let. e LDTR).

 

f) Par arrêté du 10 mars 1997, publié dans la Feuille d'Avis officielle du 14 mars 1997, le Conseil d'Etat a rangé les appartements de deux pièces et demi à six pièces inclusivement dans la catégorie de logements où sévit la pénurie. Cet arrêté est valable une année (art. 11 al. 1 RLDTR).

 

En l'espèce, douze appartements sur les vingt que compte l'immeuble concerné, soit 46 pièces sur un total de 73 sont loués à un prix annuel inférieur à 3'200.- Frs par pièce. Le treizième appartement dans l'ordre croissant du montant des loyers est loué au prix annuel de 3'660.- Frs par pièce. Les douze premiers appartements répondent avant travaux aux besoins prépondérants de la population sous l'angle du loyer et seraient en principe susceptibles d'entraîner un refus d'autorisation au cas où les travaux devaient engendrer des hausses de loyer faisant sortir ces logements de leur catégorie actuelle (art. 9 al. 2 LDTR). Les huit appartements restant répondent aux besoins prépondérants de la population quant à leur genre, aucun d'entre eux n'excédant le nombre de pièces. Il faut ajouter qu'aucun de ces logements ne correspond à la notion d'appartement de luxe telle que l'ont définie la jurisprudence et la doctrine (SJ 1979 p. 571; David LACHAT, Jacques MICHELI, Le nouveau droit du bail, Lausanne 1992, p. 56 s.), ou encore, à titre d'exemple, la loi zurichoise, qui fait entrer dans cette catégorie les appartements constitués d'une ou plusieurs pièces de plus de 35 m2, ou dont les parties sanitaires excèdent le confort courant, ou situés dans un immeuble équipé d'installations telles une piscine ou encore offrant des services de type hôtelier (Verordnung zum Gesetz über die Erhaltung von Wohnungen für Familien vom 25. September 1974, art. 9). Les appartements, pas plus que les immeubles, ne font en l'espèce apparaître un confort et un raffinement extraordinaires.

 

Les travaux litigieux n'entraînant aucune modification de la distribution ou du nombre de pièces des appartements, seul le loyer est susceptible de changer.

9. a) Selon l'article 10 alinéa 1 LDTR, le département fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux.

 

A teneur de l'article 10 alinéa 2 LDTR, le département renonce à la fixation des loyers et des prix prévus à l'alinéa 1 lorsque cette mesure apparaît disproportionnée, notamment :

 

a) lorsque les loyers après transformations demeurent peu élevés;

b) lorsque les logements à transformer sont des logements de luxe ou que leur loyer dépasse d'ores et déjà d'au moins deux fois et demie les besoins prépondérants de la population.

 

b) En l'occurrence, les conditions posées par l'article 10 alinéa 2 LDTR n'étant pas réalisées, le département devra fixer les nouveaux loyers de telle façon que, pour les appartements dont les loyers sont à l'heure actuelle inférieurs à 3'225.- francs par pièce et par année, les nouveaux loyers ne dépassent pas cette somme (art. 9 al. 2 LDTR). Il ne se justifie pas d'admettre des nouveaux loyers maximum de 3'500.- francs, les travaux n'étant pas en l'espèce aussi coûteux que dans la jurisprudence précitée (ATA du 7 décembre 1993 en la cause SI Moïse-Duboule 19-21, SJ 1994 p 225).

 

S'agissant des appartements qui excèdent d'ores et déjà la limite de loyer de 3'225.- francs par pièce et par année, le département fixera les nouveaux loyers de manière à ce qu'ils ne dépassent pas la limite qu'impose la prise en compte des critères posés par l'article 11 LDTR.

 

c) La détermination des loyers admissibles après transformations doit en outre tenir compte de la part des investissements qui a été financée - ou qui aurait dû l'être - par la réserve pour travaux, en fonction des loyers antérieurs (ATF 116 Ia 413 consid. 7).

 

Il convient encore de préciser que la fixation des loyers répond au but de la LDTR de maintenir, pour les travaux soumis à cette loi, des logements répondant aux besoins prépondérants de la population, et, en vertu du principe de la force dérogatoire du droit fédéral, ne saurait lutter, parallèlement aux dispositions du Code des obligations, contre les hausses abusives de loyer (ATF 119 Ia 348 consid. 2a) p. 361; ATA du 10 novembre 1992 en la cause Muller et Magnin). Il s'ensuit que les travaux qualifiés en l'espèce d'entretien peuvent entraîner le cas échéant une hausse de loyer, sur la base du loyer antérieur aux travaux, susceptible de dépasser la limite fixée en application de la LDTR. Le contrôle d'une telle hausse se fait sur la base du droit civil fédéral et non plus de la LDTR.

10. Le Tribunal annulera la décision litigieuse et renverra le dossier au DTPE afin qu'il rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. Vu l'issue du litige, l'examen des griefs de la recourante se plaignant d'une violation des principes de l'interdiction de l'arbitraire et de la primauté du droit fédéral n'a plus d'objet.

 

La SI obtenant partiellement gain de cause, un émolument de Frs 1'000.- sera mis à la charge des intimés qui succombent.

 

Une indemnité de Frs 1'000.-, à charge des intimés, sera allouée à la SI.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 8 janvier 1996 par la SI D. contre la décision de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et installations diverses du 31 mai 1996;

 

au fond :

admet partiellement le recours;

 

annule la décision de la commission de recours du 31 mai 1996;

 

renvoie la cause au département des travaux publics et de l'énergie afin qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants;

 

met à la charge des locataires intimés, pris conjointement et solidairement, un émolument de 1'000.- Frs;

 

alloue à la recourante une indemnité de 1'000.- Frs à la charge des locataires intimés, pris conjointement et solidairement;

communique le présent arrêt à Me Pierre-Alain Schmidt, avocat de la recourante, à la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et installations diverses, au département des travaux publics et de l'énergie, ainsi qu'à l'Asloca, mandataire des locataires intimés.

 

 


Siégeants : M. Schucani, président, Mme Bonnefemme-Hurni, MM. Thélin, Paychère, juges, M. de Boccard, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le p.o. la greffière :

 

J. Rossier-Ischi