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Décisions | Chambre civile

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C/14096/2013

ACJC/1015/2020 du 14.07.2020 sur JTPI/12061/2019 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.398; CO.425; CO.18
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14096/2013 ACJC/1015/2020

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 14 juillet 2020

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la
1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 août 2019, comparant par Me J. Potter Van Loon, avocat, rue De-Candolle 16, 1205 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______, [banque] sise ______, intimée, comparant par Me Nicolas de Gottrau, avocat, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/12061/2019 du 29 août 2019, reçu par A______ le 30 août 2019, le Tribunal de première instance a condamné ce dernier à payer 1'345'302 fr. 45 avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2009 à [la banque] B______ (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires - arrêtés à 60'495 fr. - à la charge de A______, compensé lesdits frais avec les avances de 17'555 fr. fournies par ce dernier et de 41'400 fr. fournies par B______ et condamné A______ à payer 41'400 fr. à celle-ci et 1'540 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 2), condamné A______ à payer 42'555 fr. à B______ à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 4).

B.            a. Par acte expédié à la Cour de justice le 30 septembre 2019, A______ appelle de ce jugement dont il sollicite l'annulation, avec suite de dépens de première instance et d'appel.

b. Dans sa réponse, B______ conclut à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été avisées, par pli du greffe de la Cour du 8 avril 2020, de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ (anciennement [B______] et ci-après : B______ ou la banque) dont le siège social se trouve à Zurich, a pour but l'exploitation d'un établissement bancaire.

b. A______ (ci-après également : le client), ressortissant britannique né en 1969, a travaillé en tant qu'analyste financier spécialisé dans la couverture des risques de crédit, de 1995 à 2001 au sein du groupe B______ à C______ [France], Zurich et D______ [Royaume-Uni], de 2001 à 2005 au sein de [la banque] E______ à Genève et, dès 2005, en tant que trader indépendant sur les produits dérivés.

Il est au bénéfice [d'une Maîtrise universitaire en] ______, obtenu en 1994 à C______.

c. Dès 2003, A______ a procédé, pour son propre compte, à des opérations d'achat et de vente à terme et à découvert de contrats d'options sur l'indice « F______ » - soit des transactions complexes, hautement volatiles et présentant un effet de levier très important -, par lesquelles il a financé l'essentiel de son train de vie d'indépendant dès 2005, et dont il est ainsi devenu un spécialiste compétent.

d. A______ a effectué ses transactions sur options par le biais de deux comptes bancaires ouverts en 2003 et 2005 au sein de B______, qu'il a crédités d'un apport de fonds total de l'ordre de 400'000 fr.; ses transactions sur options effectuées avec ce capital ont généré de 2003 à l'automne 2008 quelque 500'000 fr. de gains nets.

e. De 2003 à l'automne 2008, A______ a effectué de deux à cinq transactions sur options par mois, lesquelles, grâce à sa compétence et sa connaissance des risques en la matière, étaient gagnantes dans environ 80% des cas; elles étaient quasiment les seules opérations qu'il a effectuées sur ses deux comptes auprès de B______.

f. La documentation contractuelle signée entre A______ et B______ relative à leurs relations bancaires comportait notamment, outre les contrats d'ouverture de compte, les conditions générales de la banque, l'autorisation générale pour dépôts fiduciaires et un acte de nantissement général des avoirs bancaires du client en faveur de la banque, les documents suivants :

-            des conditions relatives au traitement de contrats d'option;

-            des conditions relatives aux contrats à terme et options;

-            une autorisation d'accès direct du client à la salle des marchés de la banque;

-            un formulaire pour l'utilisation du service « ______ » de B______.

g. Les conditions générales de B______ applicables à ses relations bancaires avec A______, prévoyaient notamment que la banque, comme le client, pouvaient dénoncer leurs relations d'affaires en tout temps et selon leur libre appréciation. La banque pouvait en particulier annuler en tout temps les limites de crédits et en exiger le remboursement sans dénonciation préalable (art. 12).

h.a Les conditions relatives au traitement des contrats d'option, applicables à l'exécution de contrats d'option conclus au nom de la banque mais pour le compte du client (art. 1.1), prévoyaient notamment qu'en signant les conditions, le client confirmait qu'il connaissait ce type de transactions et, en particulier, était averti des risques qu'elles comportaient (art. 1.3).

h.b Le client était notamment informé du fait qu'en tant que vendeur d'une option (émetteur de l'option), il prenait des risques pouvant entraîner des pertes en théorie illimitées, tandis qu'en tant qu'acheteur d'une option, il s'exposait au risque de perdre tous les capitaux engagés (prix de l'option) (art. 1.4).

h.c En tant qu'émetteur d'une option ("option put" ou "option call"), le client s'engageait à payer à la banque la marge qu'elle avait déterminée. Si, sur la base de calculs subséquents, la marge était considérée par la banque comme insuffisante, le client était tenu de répondre immédiatement à l'appel de marge de la banque. Si cette marge additionnelle n'était pas versée à la banque avant 12h00 le jour ouvrable suivant, la banque avait immédiatement le droit, mais n'avait pas l'obligation, de compenser son appel de marge avec d'autres fonds ou actifs du client et/ou de clôturer la position (art. 3).

h.d La banque était en droit de facturer au client toutes les commissions, ainsi que les frais et les taxes (art. 8).

i.a Les conditions relatives aux contrats à terme et options, applicables à l'achat et à la vente par la banque de contrats d'options au nom et pour le compte du client (art. 1), prévoyaient notamment que le client s'engageait à rembourser à la banque les frais et débours encourus dans l'exécution du mandat du client et à libérer la banque de toutes les obligations qui avaient été contractées. Pour cette raison, la banque était autorisée à régler toutes les obligations de paiement et de livraison en débitant directement le compte du client ou le compte de dépôt (art. 6).

i.b Le client s'engageait à fournir à la banque à l'avance chaque jour boursier une couverture de marge - dont le montant et la forme étaient définis par la banque à sa seule discrétion - afin de couvrir ses obligations résultant de l'exécution d'ordres. La banque était autorisée en tout temps, même pendant la durée d'une transaction, à modifier sa méthode de calcul des marges générales ou à exiger une couverture de marge pour les transactions conclues sans couverture de marge. Le client s'engageait à fournir la couverture de marge à la banque sur simple demande. La couverture de marge requise devait être créditée sur le compte du client ou sur le compte de dépôt du client auprès de la banque dans le délai imparti. La banque avait un droit de compensation sur tous les avoirs servant de couverture de marge, quelles qu'en soient l'échéance ou la monnaie et indépendamment des éventuelles sûretés particulières convenues. La banque avait un droit de nantissement sur tous les actifs servant de couverture de marge. Ce droit de gage était réglé de manière plus détaillée dans un contrat de nantissement séparé. Le client autorisait la banque à remettre en gage ou déposer à titre de sûretés les valeurs nanties en faveur de la banque en tant que couverture de marge pour la garantie des transactions conclues au nom du client (art. 10).

i.c Le client était considéré en défaut, sans préavis, s'il n'exécutait pas une obligation découlant d'une transaction lorsqu'elle était exigible (let. a), s'il était en retard pour fournir une marge (let. b), s'il n'exécutait pas toute autre obligation découlant des conditions (let. c), s'il n'exécutait pas toute autre obligation exigible à l'égard de la banque (let. d) ou si la situation économique du client s'était détériorée de telle manière que - selon l'appréciation de la banque - l'exécution des obligations découlant des conditions était mise en péril (let. e). Si le client était en défaut, la banque avait le droit, mais pas l'obligation, de clôturer sans préavis toutes les transactions ouvertes. La banque aviserait le client de cette clôture aussitôt que possible (art. 11).

i.d La banque était autorisée à débiter directement au client la totalité des commissions, frais, taxes ou autres débours (art. 19).

j. Aucun mandat de gestion ou de conseil en placement n'a été conclu entre les parties.

k. A______ donnait directement ses ordres de transactions sur options à la salle des marchés de la banque, laquelle était ouverte de 7h30 à 22h30, soit jusqu'à l'heure de clôture des bourses américaines sur lesquelles étaient traitées ses ventes et achats de contrats d'option sur l'indice « F______ ».

B______ ne disposait pas d'un service clientèle en dehors des heures d'ouverture en Suisse mais un "night desk" avait été mis en place. Les ordres donnés par A______ étaient exécutés en temps réel et confirmés au "night desk", lequel n'avait pas pour tâche d'intégrer le résultat d'une transaction dans le compte du client. A______ ne disposait ainsi du résultat d'une opération que le lendemain matin (témoin G______).

l.a A cet égard, selon la directive interne à la banque concernant l'autorisation d'accès direct à la salle des marchés, ledit accès était donné en principe aux investisseurs les plus expérimentés et aux clients disposant d'au moins 10'000'000 fr. d'avoirs en compte et effectuant des transactions d'une valeur moyenne de 250'000 fr.

La banque disposait d'une marge de manoeuvre pour accorder cet accès, de sorte que des clients qui respectaient les conditions pouvaient être refusés comme ceux qui ne respectaient pas ces conditions pouvaient être admis (témoins H______ et I______).

B______ s'engageait à confirmer au chargé de relation chaque ordre donné par le client dans la demi-heure suivante, ce afin d'assister ledit chargé de relation dans sa fonction de supervision de l'exposition du client.

l.b Selon l'autorisation d'accès direct à la salle des marchés signée par les parties, A______ était soumis à une limite du nombre autorisé de transactions sur options (i.e. limite "TOFF") qu'il s'obligeait expressément à respecter, en l'espèce fixée, par et pour chaque ordre de transaction, à un maximum de 100 contrats d'achat ou de vente d'options.

B______ n'assumait aucune responsabilité quelconque et ne pouvait être tenue responsable de quelque dommage que ce soit pouvant découler de l'utilisation de l'autorisation d'accès direct, soit notamment de tous dommages directs ou indirects que le client et/ou son agent ou toutes tierces parties pourraient subir en raison notamment du non-respect par le client des conditions fixées dans l'autorisation d'accès direct, tels que les limites de transactions. De plus, le client reconnaissait que B______ n'offrait aucun service de conseil personnel en relation avec quelque transaction que ce soit faite par le client dans le cadre de l'autorisation d'accès direct.

Le client s'engageait également à indemniser B______ de tous les dommages qu'elle pourrait subir par suite de l'autorisation d'accès direct.

m. Entre septembre et octobre 2008, soit au plus fort de la crise financière mondiale ayant alors frappé les marchés boursiers, l'indice « F______ », en sus de connaître une volatilité sans précédent, a perdu près de 30% de sa valeur entre le 4 septembre et le 10 octobre, dont plus de la moitié entre le lundi 6 et le vendredi 10 octobre 2008.

n. Ainsi, les 23 et 26 septembre 2008, A______, pariant sur une hausse de l'indice « F______ », a vendu à terme et à découvert 100 et 50 "options put" pour les prix encaissés de 34'682 USD et 11'095 USD; il a choisi de clôturer ces positions avant terme, valeur 7 et 8 octobre 2008, en les rachetant pour les prix de 371'050 USD et 110'557.50 USD, opération qui s'est traduite par une perte totale de 435'830 USD.

o. Espérant couvrir ces pertes, A______, pariant toujours sur une hausse de l'indice « F______ », a alors décidé de doubler son volume d'engagement habituel, en vendant à terme et à découvert, le 6 octobre 2008, 100 et 200 "options put", avec "strike price" à 825, expirant le 22 novembre 2008, pour les prix encaissés de 124'312,50 USD et 179'120 USD et, le 8 octobre 2008, 50 "options put", avec "strike price" à 925, expirant le 18 octobre 2008, pour le prix encaissé de 52'175 USD.

p. En soirée du 8 octobre 2008, au vu de la nouvelle baisse du jour de l'indice « F______ », A______ a clôturé avant terme sa position de 50 "options put" vendues à terme et à découvert plus tôt ce même jour pour le prix de 52'175 USD, en la rachetant, valeur 9 octobre 2008, pour le prix de 92'476 USD, conduisant à une nouvelle perte de 40'301 USD.

q. Le jeudi 9 octobre 2008 à 17h50 et 18h16, B______ a indiqué à A______ qu'il devait réduire sa marge de quelque 20%; ses avoirs en compte résiduels ne permettaient en effet plus de couvrir de manière suffisante son exposition au risque de pertes résultant de ses positions en "options put" ouvertes, le 6 octobre 2008, par la vente à terme et à découvert de 100 et 200 options « F______ ».

r. Afin de réduire cette exposition, A______ a, ce même jour, acheté 20 "options put" « F______ » pour le prix de 84'445 USD.

s. Au cours moyen de l'indice « F______ » du 9 octobre 2008, les positions ouvertes en "options put" de A______ l'exposaient alors à un risque de pertes de l'ordre de 1'146'000 USD, soit de quelque 1'284'000 fr., et n'étaient couvertes qu'à raison d'environ 480'000 fr. de liquidités en comptes; il en résultait, pour B______, un risque de découvert net de l'ordre de 804'000 fr.

t. Le vendredi 10 octobre 2008 à 7h59, B______ a informé A______ que son risque de pertes sur ses positions venderesses en "options put" ouvertes, de l'ordre de 1'200'000 USD, était alors si élevé qu'il allait émettre un appel de marge dans la journée. La banque lui a suggéré de réduire son exposition en procédant à des achats ou rachats en "options put". Elle lui a également demandé s'il disposait de fonds à cette fin.

u. Le 10 octobre 2008 à 8h14 et 8h19, A______ a proposé à B______, compte tenu du fait que celle-ci allait lui demander de clôturer ses positions existantes, différentes stratégies de couverture ou de limitation du risque de pertes nécessitant toutes l'octroi temporaire par la banque d'une limite de marge "TOFF" de 1'500'000 à 2'000'000 USD.

Parmi les stratégies proposées, une de mesures était de cristalliser la perte ("cristallise the loss") liée aux 300 options 825 expirant en novembre 2008 ("BTC the November 825 Put position in its entirety") pour déterminer le montant à rembourser ("This allows me to work with a firm number in hand, i.e. how much needs to be reimbursed"), montant qu'il a lui-même estimé à 1'400'000 USD ("BTC position results in a loss of approx. USD 1.4mm (300 contracts at USD 47 per contract)") puis, grâce à l'augmentation de la limite de marge "TOFF" requise à 1'500'000 ou 2'000'000 USD, de procéder à d'autres investissements pour rembourser la perte.

v. Le 10 octobre 2008 à 11h19, B______, refusant d'accorder la limite de marge "TOFF" sollicitée plus tôt dans la matinée par le client, a notifié à ce dernier un appel de marge de 2'000'000 fr., à verser au plus tard le lundi 13 octobre 2008 à 12h00. Ce montant a été calculé par la banque sur la base des chiffres (exacts ou estimés) et des paramètres discrétionnaires suivants :

- valeur négative effective (risque de perte potentielle) des positions ouvertes, à savoir les 320 "options put" au 10 octobre 2008 : 1'119'690 fr.;

- risque estimé de pertes potentielles additionnelles ("Add-on") au 13 octobre 2008 lié à la volatilité de l'indice « F______ » : 1'076'207 fr.;

- montant effectif des avoirs disponibles en couverture : 482'571 fr.;

- risque estimé total de découvert au 13 octobre 2008 : environ 1'700'000 fr. (1'119'690 fr. + 1'076'207 fr. - 482'671 fr.);

- application discrétionnaire par B______ à ce risque de découvert du taux de couverture requis pour ses crédits lombards (soit 100 fr. de titres pour une couverture d'une avance en espèces de 85 fr.) : 85%;

- appel de marge : 2'000'000 fr. (1'700'000 fr. : 85 x 100).

w. Le 10 octobre 2008 à 15h19, A______, a pris acte du refus de B______ de surseoir à son appel de marge et a indiqué par email à G______ que, suite à leur discussion de cet après-midi-là selon laquelle la banque lui indiquait ne pas souhaiter donner suite aux propositions formulées et qu'elle voulait liquider toutes les positions d'ici à la fin de la journée, il l'informait qu'il partait du principe que la banque prendrait les décisions économiques appropriées qu'elle jugerait nécessaires ("Further to this afternoon's conversation whereby you advised that B______ was not willing to pursue the proposed solutions [...], and that it is B______'s intent to close all positions by the Close of Business today (10.10.2008), please be advised that I assume that you will take the appropriate business decisions as you deem necessary").

x. Entre 15h38 et 16h51 le même jour, B______ a procédé à la clôture de ses 100 et 200 "options put" « F______ » ouvertes le 6 octobre 2008 - en passant cinq ordres successifs de rachat de lots entre 10 et 50 options - ainsi qu'un ordre de vente de ses 20 "options put" achetées la veille; il en est résulté une perte totale de 1'573'605,25 USD se traduisant par un découvert de 1'210'672,95 USD sur le compte concerné.

y. Le découvert de 1'210'672,95 USD sur le compte concerné de A______ au 10 octobre 2008 a été réduit d'un versement de 43'429,15 USD le 20 octobre 2008, puis converti et transféré avec son accord sur son compte en francs suisses le 4 novembre 2008 pour 1'344'080 fr. 30, auxquels se sont ajoutés 1'222 fr. 15 de frais au 31 décembre 2008, pour un découvert total final de 1'345'302 fr. 45.

z. Le 4 mai 2010, après l'échec de pourparlers transactionnels entre B______ et A______ en vue du remboursement du découvert précité, la banque a dénoncé leurs relations bancaires avec effet immédiat et l'a sommé de s'acquitter avant le 31 mai 2010 du solde débiteur final de 1'345'302 fr. 45 présenté par le compte concerné (les autres comptes ayant déjà été soldés).

aa.a Selon le mémorandum établi le 21 octobre 2010 pour la banque par G______, ex-employé de B______ et chargé de la relation avec A______, la tendance du marché était à l'époque des faits contre le client et, au lieu de réduire le risque, celui-ci l'avait augmenté. Le marché avait plongé dans les premiers jours d'octobre et spécialement dans la soirée du 9 octobre 2008. La banque avait exhorté le client le 9 octobre 2008 à réduire considérablement ses positions (avant que le marché ne s'effondre). A leur surprise, le client avait failli à réduire la position et ignoré leur mise en garde.

Le client avait appelé très tôt (8h00) la banque le 10 octobre 2008 et avait demandé que B______ lui accorde une limite de découvert en vue de doubler son exposition. Malheureusement, la position était déjà lourdement à découvert et la banque ne pouvait attendre plus longtemps en raison de plusieurs centaines de milliers de francs suisses de positions découvertes. G______ avait passé au moins deux heures dans la matinée à en discuter avec les plus hauts responsables du département de crédit de la banque, mais le message était clair. Elle ne pouvait prendre de risques supplémentaires et était contrainte d'émettre un appel de marge conformément à ses directives. Le problème résidait dans le fait que le client n'avait pas réduit son exposition le jour précédent. Toutes les conditions pour l'appel de marge avaient été fixées par le département de crédit.

Le client avait été informé avant midi et il était très déçu de la réaction de la banque. Il avait dès lors déclaré que, dans ce cas, il devait clôturer le jour même toutes les positions ouvertes et cela dès l'ouverture du marché américain, en raison du fait que le prix futur pour l'indice « F______ » aux Etats-Unis ne prévoyait pas d'autres grosses pertes à ce stade. Lorsque le marché avait ouvert aux Etats-Unis, il avait appelé à nouveau et demandé combien d'options la banque avait vendues [recte : rachetées] jusque-là. La banque avait confirmé avoir clôturé 100 options put. Le client avait accepté ces opérations et il avait clôturé toutes les options restantes avec lui au téléphone. Le client aurait pu modifier chacun des ordres et des transactions mais avait préféré clôturer toutes les positions. Ils avaient passé au minimum plus d'une heure au téléphone. A______ voulait désespérément fermer toutes les positions pour éviter d'autres grosses pertes. Pendant ce temps, le marché avait chuté très considérablement et le client n'était plus en mesure d'évaluer toutes ses pertes parce que le marché montait et descendait dans une mesure qui n'avait encore jamais été vue.

Il était clair pour A______ qu'il fallait clôturer aussi vite que possible ("it was clear to him to close as quickly as possible") dès lors que le marché était chaotique et que personne ne savait ce qui pouvait se produire le lundi de la semaine suivante. Il était dès lors hypothétique de dire qu'il aurait eu plus ou moins de pertes. Tout le monde s'attendait à un autre "Black Monday" raison pour laquelle le marché s'était effondré dans les première heures de trading du 10 octobre. Le marché ne s'était amélioré qu'après environ 21h, heure suisse. Le client aurait pu attendre jusque tard dans la soirée pour obtenir un meilleur résultat, mais avait préféré clôturer aussi tôt que possible afin de limiter les pertes.

aa.b G______ a confirmé l'exactitude de ce mémorandum lors de son audition devant le Tribunal en qualité de témoin dans le cadre de la présente procédure.

bb. Par demande du 10 janvier 2014, déposée après échec de la tentative de conciliation requise le 25 juin 2013 et sur la base de l'autorisation de procéder du 25 septembre 2013, complétée d'une réplique du 12 décembre 2014, B______, agissant contre A______ en paiement du solde négatif de son compte, a conclu, en dernier lieu, à sa condamnation à lui payer 1'345'302 fr. 45 avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2009.

cc. Par réponse du 29 août 2014, notamment complétée d'une duplique du 16 mars 2015, A______, imputant à B______ divers manquements et fautes concomitantes et excipant de compensation de la créance de la banque par des contre-créances en réparation de dommages qu'elle lui aurait causés, a conclu au déboutement de la banque des fins de sa demande.

dd. Les conclusions de l'expertise judiciaire requise dans le cadre de la procédure par A______, ordonnée par le Tribunal le 11 mai 2017 et établie le 23 février 2018, pour l'essentiel et pour les plus pertinentes d'entre elles, sont intégrées dans l'exposé des faits présenté ci-dessus; pour le surplus, il en ressort encore les éléments suivants :

dd.a Les différentes stratégies de couverture ou de réduction de son exposition au risque de pertes proposées par A______ le 10 octobre 2008 auraient toutes nécessité, comme il l'avait vainement sollicité à hauteur de 1'500'000 à 2'00'000 USD, de facto un crédit ou une limite de crédit de B______, et ne pouvaient donc se faire qu'aux risques (supplémentaires) de la banque;

dd.b Au 10 octobre 2008, compte tenu des risques de pertes sur options ouvertes pour A______ et de découvert de son client pour B______, ainsi que de la forte volatilité, de l'imprévisibilité, de la panique et de la crise des marchés, la décision de la banque d'émettre un appel de marge était économiquement justifiée dans son principe;

dd.c Chaque banque applique sa propre méthode de calcul, pour laquelle il n'existe pas de règle ou d'usage, du montant d'un appel de marge, en fonction des instruments concernés (actions, forex, options, etc.), du découvert sur les positions ouvertes, des avoirs disponibles du client en couverture et de l'estimation d'aggravation du découvert ("Add-on");

dd.d Le montant d'un appel de marge dépasse toujours le montant du découvert actuel effectif et son aggravation potentielle estimée, mais le montant en 2'000'000 fr. de l'appel de marge fixé par B______, en ce qu'il comportait notamment un "add-on" très important de 1'076'207 fr., était dans le cas d'espèce très élevé;

dd.e En vendant à terme et à découvert, le 6 octobre 2008, 100 et, singulièrement, 200 "options put", A______ a dépassé la limite "TOFF" du nombre de transactions qu'il s'était obligé à respecter, fixée par B______ à un maximum de 100 contrats d'achat ou de vente d'option par et pour chaque ordre de transaction;

dd.f Entre le 10 et le 13 octobre 2008, le cours de l'indice « F______ », présentant des écarts de valeur de près de 10% sur une même journée, était très volatile et son évolution imprévisible; sa pire décote s'est produite le 10 octobre à l'ouverture des marchés, puis son cours moyen est remonté à l'approche de leur fermeture, et derechef le 13 octobre 2008;

dd.g Le 10 octobre 2008, si les positions de 100 et 200 "options put" ouvertes de A______, liquidées par blocs de 10 et 50, avaient été clôturées vers la fin (à 22h30 heure suisse) plutôt que dès le commencement (à 15h30 heure suisse) de l'ouverture des marchés américains, ses pertes auraient été moindres du fait de la hausse de l'indice « F______ » au cours de la journée. Cette évolution positive du cours de l'indice pouvait être constatée par B______ compte tenu de la diminution progressive des prix payés pour les blocs;

dd.h Si les positions en "options put" ouvertes de A______ avaient été clôturées le lundi 13 octobre 2008 à l'ouverture des marchés, sa perte maximale nette n'aurait été que de 470'665 USD (i.e. environ 527'000 fr.), et aurait pu être compensée par les liquidités de 530'000 fr. dont il disposait sur ses comptes.

dd.i Selon l'extrait du J______ [marché à terme américain] relatif aux "« F______ » Stock Price Index Futures", il existait des limitations de fluctuations de cours pour les "Futures" en dehors des heures de trading correspondant à plus ou moins 5% du prix de référence de la veille. Ces limites permettaient de réduire les risques de la banque car l'exposition à l'ouverture des marchés n'aurait pas pu varier de plus de 5% par rapport à l'exposition au moment de la clôture des marchés la veille. Cela étant, A______ avait vendu des "« F______ » Index Options F______" et non des "« F______ » Stock Price Index Futures". Il n'était ainsi pas possible, selon les documents produits, de confirmer que les règles relatives aux secondes s'appliquaient aux premières. Quoi qu'il en soit, le cours pouvait chuter à l'ouverture comme cela avait été le cas et donc le risque n'était pas totalement réduit par ces limites.

ee. A réception des plaidoiries finales écrites du 25 mars 2019 et du 1er avril 2019, à teneur desquelles B______ et A______ ont persisté dans leurs conclusions respectives, le Tribunal a gardé la cause à juger.

ff. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que les parties étaient liées par un contrat de type "execution only" et que les règles du mandat ainsi que la documentation contractuelle bancaire ad hoc signée entre les parties s'appliquaient aux questions litigieuses. Sur cette base, le Tribunal a considéré que la faute concomitante de B______ alléguée par A______ ne pouvait entrer en ligne de compte puisque la banque ne réclamait pas à son client la réparation d'un dommage qu'elle aurait subi mais agissait en exécution du mandat, à savoir en remboursement des frais et avances qu'elle avait effectués pour le compte du client. A cet égard, la clôture de toutes les positions ouvertes en options avait été opéré par la banque sur instruction ou avec l'autorisation du client, en concertation téléphonique étroite avec lui. Ainsi, le fait que l'échéance de l'appel de marge n'avait pas été respectée ne constituait pas une violation de l'obligation contractuelle propre à engager sa responsabilité. Aucun manquement aux devoirs contractuels de la banque ne pouvait être reproché à celle-ci, de sorte qu'il y avait lieu de faire droit à ses conclusions.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 308 al. 1 let. a CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance. Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (al. 2).

La valeur litigieuse étant en l'espèce supérieure à 10'000 fr., la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été déposé dans le délai de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi, de sorte qu'il est recevable (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 CPC).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). Elle applique en outre la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. Reprenant ses arguments de première instance et invoquant une constatation inexacte des faits, l'appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu la responsabilité de la banque, considérant que celle-ci avait violé ses devoirs contractuels et ses directives internes. Les fautes concomitantes de l'intimée auraient dû en outre amener le Tribunal à débouter celle-ci de ses prétentions.

2.1.1 Lorsque l'activité d'une banque se limite à exécuter les transactions décidées par le client - activité de type "execution only" - elle est liée à ce dernier par un contrat de commission au sens des art. 425 ss CO (Lombardini, Responsabilité de la banque dans le domaine de la gestion de fortune : état de la jurisprudence et questions ouvertes in SJ 2008 II 415, p. 418). La jurisprudence a admis l'application par analogie des art. 425 ss CO aux contrats d'options, à tout le moins pour déterminer les devoirs de la banque en matière de liquidation des contrats d'option (arrêt du Tribunal fédéral 4A_547/2012 du 5 février 2013 consid. 4.1).

La responsabilité de la banque s'analyse dès lors sous l'angle des règles du mandat, applicables par renvoi de l'art. 425 al. 2 CO.

2.1.2 En tant que mandataire, la banque doit se conformer aux instructions de son client (art. 397 CO) et répond de leur bonne et fidèle exécution (art. 398 CO). Le mandataire ne répond pas du résultat de son activité, mais de l'exécution imparfaite et infidèle qui cause un dommage au mandant (ATF 115 II 62, JdT 1989 I 539 consid. 3a).

La banque doit exécuter les ordres reçus en respectant les instructions du client quant au type de transaction (achat ou vente), l'instrument financier concerné et d'éventuelles limites. La banque n'est pas autorisée à entreprendre le moindre acte de gestion sans instructions du client. Le pouvoir de disposer des actifs déposés en compte incombe au client qui prendra seul les décisions d'acheter ou de vendre (Lombardini, op. cit., p. 419).

2.1.3 Les transactions avec effet de levier supposent un crédit de la part de la banque. Dans ce genre d'opération, le client peut prendre des positions pour des montants plus importants que les actifs dont il dispose; la différence est financée par la banque qui exigera, d'une part, le nantissement de tous les actifs en compte et, d'autre part, une couverture appropriée en matière de fonds propres (marge) (Lombardini, op. cit., SJ 2008 II p. 421). Selon la jurisprudence, la marge exigée a pour but de limiter les risques de la banque en cas d'insolvabilité du client. La banque dépourvue de mandat de gestion n'a en principe pas à chercher activement à limiter les risques de perte du client (arrêts du Tribunal fédéral 4A_450/2010 du 21 décembre 2010 consid. 5.2; 4A_521/2008 du 26 février 2009 consid. 5.2; 4C_298/2004 du 26 janvier 2005 consid. 3.2; 4C_305/2003 du 3 mai 2004 consid. 3.2.1; 4C_152/2002 du 22 juillet 2002 consid. 2.2, in SJ 2003 I p. 359; Lombardini, Droit bancaire suisse, 2ème éd., 2008, chapitre XXVI, titre V, n. 88).

Aucune réglementation n'existe en Suisse sur la marge minimale qui doit être disponible pour des transactions sur titres. La marge demandée par une banque à son client pour les transactions sur dérivés, exécutées sur des marchés organisés, dépend des exigences en matière de marge posées par le marché organisé concerné auxquelles s'ajouteront les montants fixés par la banque. La banque indique au client à quel pourcentage de la valeur de marché elle accepte de prendre en compte les actifs que le client nantit. Ce pourcentage, de même que la marge en elle-même ou les intérêts, relèvent de la politique de crédit de la banque (Lombardini, op. cit., chapitre XXVI, titre V, n. 64 ss.).

La banque n'aura en général des prétentions à l'égard du client que si les actifs du client ne lui permettent pas d'obtenir le remboursement de ce qui lui est dû. Les prétentions de la banque seront de nature contractuelle. Le client pourra, le cas échéant, opposer en compensation à la créance de la banque sa propre créance en dommages-intérêts (Lombardini, op. cit., chapitre XXVI, titre V, n. 82).

Par ailleurs, le client qui estime avoir subi un préjudice parce que la banque ne l'a pas mis en mesure de satisfaire à des appels de marge doit prouver que, s'il avait reçu un appel de marge selon les termes du contrat, il aurait pu l'exécuter et qu'il disposait donc des actifs nécessaires. S'il ne disposait pas des fonds, la violation du contrat commise par la banque n'a aucune portée. La violation du contrat n'est pas en rapport de causalité adéquate avec le préjudice subi. Ce dernier aurait été subi de toute façon, même si la banque avait respecté le contrat, puisque le client n'avait pas les moyens de faire face à un appel de marge (Lombardini, op. cit., chapitre XXVI, titre V, n. 87).

2.1.4 Dans le cadre d'une activité "execution only", le client a un certain nombre de devoirs vis-à-vis de la banque. Ainsi, le client qui veut se plaindre de la mauvaise exécution d'un ordre ne peut simplement rester passif. Il doit se plaindre énergiquement et entreprendre toutes les mesures nécessaires pour réduire son préjudice. S'il ne respecte pas ces devoirs, le client peut compromettre ses chances d'obtenir une indemnisation (Lombardini, La jurisprudence du Tribunal fédéral dans le domaine de la gestion de fortune en 2005, in Relevant 2006 n° 3, p. 5).

L'obligation de réagir en cas de refus ou de désaccord avec une opération dont le client a reçu communication de la banque découle des règles de la bonne foi (cf. jurisprudence rendue en relation avec les clauses dites de banque restante; notamment arrêt du Tribunal fédéral 4A_118/2019 du 9 août 2019 consid. 3.2.1). En effet, celui qui reçoit - ou est réputé avoir reçu - de son cocontractant l'avis qu'une obligation a été exécutée d'une certaine façon, est soumis à la règle générale découlant de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et concrétisée à l'art. 6 CO, selon laquelle le silence vaut ratification de l'acte accompli si les circonstances exigent que le cocontractant réagisse en cas de refus ou de désaccord (arrêt du Tribunal fédéral 4C_378/2004 du 30 mai 2005 consid. 2.2 et les références citées, SJ 2006 I 1). Ainsi, le titulaire d'un compte doit se manifester sans retard si une opération n'est pas conforme à sa volonté (arrêt du Tribunal fédéral 4C_378/2004 précité consid. 2.3).

Le lésé peut se voir reprocher de n'avoir pas usé du soin nécessaire à la sauvegarde de ses propres intérêts, à condition toutefois qu'il ait été en mesure de prévoir la survenance d'un dommage possible et qu'il n'ait néanmoins pas adapté son comportement. La faute concomitante s'apprécie de manière objective et le comportement du lésé doit être comparé à celui, hypothétique, d'une personne raisonnable dans une situation identique (arrêt du Tribunal fédéral 4C_225/2003 du 24 février 2004 consid. 5.1 et 5.2, publié in FamPra.ch 2004 p. 653 et les références citées).

La faute du client est de nature à rompre le lien de causalité entre le comportement du gérant et le dommage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_548/2013 du 31 mars 2014 consid. 4.3 et la référence citée).

2.1.5 Selon l'art. 402 al. 1 CO, le mandant doit rembourser au mandataire, en principal et intérêts, les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution régulière du mandat, et le libérer des obligations par lui contractées. A teneur de l'art. 431 al. 1 CO, le commissionnaire a droit au remboursement, avec intérêts, de tous les frais, avances et débours faits dans l'intérêt du commettant.

2.1.6 Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté. Cette manifestation peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 1 et 2 CO).

En cas de litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit dans un premier temps s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties (art. 18 al. 1 CO). Cette interprétation subjective des indices concrets ressortit à l'appréciation des preuves (ATF 142 III 239 consid. 5.2.1). Si le juge constate que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il fait là une constatation de fait (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 131 III 606 consid. 4.1).

Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si les volontés intimes divergent, le juge doit alors interpréter les déclarations et comportements selon le principe de la confiance, en recherchant comment ceux-ci pouvaient être compris de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (interprétation objective; ATF 144 III 93 consid. 5.2.3). L'interprétation objective s'effectue non seulement d'après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1; 132 III 626 consid. 3.1 in fine; arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2018 du 10 octobre 2018 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, les parties admettent qu'aucun mandat de gestion de fortune ou de conseil en placement n'a été conclu entre elles. L'appelant donnait directement ses instructions à l'intimée qui les exécutait. L'activité de l'intimée était donc de type "execution only".

Leur relation est ainsi régie par la documentation bancaire signée entre les parties ainsi que par les règles du mandat par renvoi des règles applicables aux contrats de commissions.

Il est également établi que la prétention de l'intimée à l'égard de l'appelant est fondée sur une action en exécution du contrat et que le montant du découvert sur le compte de l'appelant ouvert au sein de l'intimée s'élève à 1'345'302 fr. 50.

Sans remettre en cause ce qui précède, l'appelant présente plusieurs griefs relatifs à la violation des directives internes de l'intimée et des dispositions contractuelles signées par les parties.

2.2.1 Il reproche à l'intimée de lui avoir accordé l'accès à la salle des marchés alors qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par la directive interne de la banque. En procédant de la sorte, l'intimée se serait elle-même mise en danger.

A cet égard, il est établi que l'appelant disposait d'un accès à la salle des marchés bien qu'il ne remplît pas les conditions prévues dans les directives internes de la banque. Cela étant, les témoins H______ et I______ ont confirmé que la banque disposait d'une marge de manoeuvre pour accorder l'accès à la salle des marchés à certains clients, de sorte que ledit accès pouvait être refusé à certains d'entre eux qui respectaient les conditions alors qu'il pouvait être accordé à d'autres qui ne les respectaient pas. C'est par conséquent conformément à sa pratique que l'intimée a accordé à l'appelant un accès à la salle des marchés. Cette dérogation à ses directives internes ne constitue pas une violation de son devoir de diligence, contrairement à ce que prétend l'appelant. En effet, d'une part, étant titulaire d'un diplôme en ______ et ayant travaillé en tant qu'analyste financier spécialisé dans la couverture des risques de crédit durant plusieurs années au sein de plusieurs banques - dont l'intimée elle-même - et, dès 2005, en tant que trader indépendant sur les produits dérivés, l'appelant était à même de comprendre les risques que cet accès représentait et de les apprécier, ce qu'il a confirmé par la signature de la documentation bancaire. La banque connaissait par ailleurs l'appelant du fait que ce dernier avait, par le passé, travaillé en son sein. Elle savait qu'il était rompu à tous types de transactions passées dans la salle des marchés et familier avec le fonctionnement spécifique de celle-ci. Lui imposer ainsi de traiter avec un chargé de relation pour placer ses ordres n'aurait pas eu de sens dans ces circonstances. Il n'y a dès lors pas lieu de retenir une quelconque violation du devoir de diligence de l'intimée à cet égard.

En outre, les restrictions d'accès servent en premier lieu à protéger l'intimée elle-même, raison pour laquelle les clients, y compris l'appelant, s'obligeaient à respecter un nombre maximum de contrats d'achat ou de vente d'option (i.e. limite "TOFF"). Or, en l'espèce, l'appelant n'a pas respecté cet engagement puisque, par la vente le 6 octobre 2008 de 200 "options put", il a outrepassé la limite autorisée des 100 contrats. Ainsi, même à supposer que la banque ait violé son obligation de diligence à l'égard de l'appelant en lui accordant l'accès à la salle des marchés, la faute concomitante de l'appelant doit être considérée comme grave, de sorte qu'elle romprait le lien de causalité entre la prétendue violation précitée et le dommage.

2.2.2 L'appelant soutient que l'intimée a violé sa directive interne dans la mesure où les ordres qu'il passait n'étaient pas communiqués au chargé de relation client dans la demi-heure suivant l'ordre exécuté. Si l'intimée avait respecté cette directive, il n'aurait pas pu procéder aux ventes des "options put" ayant conduit au découvert de son compte, puisque le chargé de relation devant superviser les ordres passés les aurait bloqués.

Or, d'une part, bien que l'intimée ne disposât pas d'un service-clientèle en dehors des horaires d'ouverture en Suisse, les ordres étaient exécutés et confirmés au "night desk", comme l'a indiqué le témoin G______, de sorte qu'il n'apparaît pas que l'intimée ait violé sa directive interne à ce propos. D'autre part, dans le cadre d'une activité de type "execution only" de la banque, comme celle du cas d'espèce, et en particulier lorsque l'investisseur est particulièrement aguerri, à l'instar de l'appelant, l'intimée n'avait aucune obligation d'informer l'appelant sur l'opportunité des ordres donnés par le client mais uniquement de surveiller l'exposition du celui-ci et donc de la banque, ce qu'elle a fait en interpellant l'appelant immédiatement après avoir constaté le découvert. Dès lors, aucune violation de la directive interne de l'intimée à cet égard ne peut être reprochée à celle-ci.

2.2.3 L'appelantsoutient que l'intimée n'était pas fondée à solliciter un appel de marge. Il considère que le règlement applicable aux marchés américains (ci-après : J______) devrait prévaloir sur la documentation bancaire signée entre les parties et que l'application des règles du crédit lombard aux opérations qu'il effectuait ne se justifiait pas.

Or, l'expertise judiciaire rendue dans le cadre de la présente procédure n'a, à aucun moment, constaté ces éléments. Au contraire, l'expert a conclu que l'appel de marge était justifié, relevant que, même si les limites prévues par le J______  pour les "« F______ » Stock Price Index Futures" permettaient de réduire les risques pour la banque, il ne lui était pas possible de confirmer que ces règles s'appliquaient également aux "« F______ » Index Options F______", produits traités par l'appelant. Par ailleurs, l'expert a encore souligné que le cours de l'indice pouvait encore chuter à l'ouverture des marchés, de sorte que le risque n'était pas totalement réduit par ces limites. Ainsi, contrairement à ce que prétend l'appelant, même en appliquant le J______, au lieu des règles applicables au crédit lombard, l'intimée ne pouvait pas entièrement neutraliser les risques et éviter de former un appel de marge.

Par conséquent, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que l'intimée était en droit de solliciter l'appel de marge, conformément à la documentation signée par les parties.

2.2.4 L'appelant reproche à la banque d'avoir liquidé ses positions sans son consentement, avant l'échéance de l'appel de marge émis. L'intimée aurait ainsi engagé sa responsabilité et lui aurait causé un dommage correspondant à la perte à l'origine du découvert sur son compte, montant qu'il pouvait opposer à la banque en compensation.

Il ressort de la documentation bancaire signée entre les parties que l'intimée devait, en principe, attendre l'échéance de l'appel de marge, à savoir le lundi 13 octobre 2008 à 12h, avant d'être en droit de clôturer les positions de l'appelant. Or, elle y a procédé le vendredi 10 octobre 2008 entre 15h38 et 16h51. Cela étant, il n'est pas établi que l'appelant aurait disposé des fonds nécessaires pour répondre à l'appel de marge à son échéance, de sorte que l'appelant n'a pas démontré qu'il aurait été en mesure d'exécuter cet appel de marge.

Une liquidation anticipée par l'intimée, sans l'accord de l'appelant, était susceptible de causer un préjudice à ce dernier puisqu'il est établi, a posteriori, qu'aucune perte n'aurait été subie si la banque avait liquidé les positions à l'échéance du délai de l'appel de marge. La question de l'existence d'un accord entre les parties concernant la liquidation des positions de l'appelant avant l'échéance de l'appel de marge se pose toutefois.

A cet égard, il est constant que l'appelant était au courant de l'intention de la banque de liquider ses positions avant l'échéance du délai fixé dans l'appel de marge, dès lors qu'il n'était pas en mesure d'apporter les fonds réclamés. En effet, dans son courriel du 10 octobre 2008 à 15h19, il a expressément pris acte de ladite intention de l'intimée. Alors même que l'appelant était rompu à ce type de transaction et à leurs conséquences possibles, aucun élément au dossier ne permet de constater une quelconque opposition de celui-ci à la liquidation de ses positions par l'intimée avant l'échéance du délai fixé dans l'appel de marge. Le simple fait d'indiquer qu'il partait du principe que la banque prendrait les décisions économiques appropriées qu'elle jugerait nécessaires ne permet pas de retenir qu'il s'est opposé à la liquidation anticipée de ses positions, compte tenu de ses connaissances et compétences avancées dans le domaine de la finance, en particulier en matière de produits dérivés. L'absence d'opposition de l'appelant peut être assimilée, dans le cas d'espèce, à l'inaction d'un client à la suite de la prise de connaissance d'une opération effectuée sans droit par la banque, laquelle vaut ratification des actes accomplis par la banque.

Par ailleurs, aux termes du courriel adressé par l'appelant à l'intimée le 10 octobre 2008 à 8h14, l'appelant a notamment proposé de "cristalliser la perte" - ce qui impliquait la clôture des positions ouvertes avant l'échéance de l'appel de marge que la banque avait informé l'appelant avoir l'intention de former - et il avait également été en mesure d'en estimer le montant, à savoir environ 1'400'000 USD. Il découle de ce qui précède que les parties se sont comprises et avaient une réelle et commune intention de liquider les positions ouvertes de manière anticipée le vendredi 10 octobre 2008, plutôt que d'attendre l'échéance du délai de l'appel de marge et subir des pertes éventuellement plus importantes, celles-ci pouvant être en théorie illimitées.

Cette interprétation subjective est également corroborée par le mémorandum rédigé par le chargé de la relation avec l'appelant. Bien que ce document ait été établi plus de deux ans après les faits et après l'échec de pourparlers transactionnels, sa teneur a été confirmée par son auteur lors de son audition en qualité de témoin dans le cadre de la présente procédure. Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ce mémorandum et ce témoignage, ce d'autant plus que, lors de ladite audition, le témoin n'était plus employé par l'intimée depuis plusieurs années.

C'est par conséquent à juste titre que le Tribunal a écarté toute responsabilité de la banque et considéré qu'elle était en droit de requérir le remboursement des frais et avances qu'elle avait effectués dans le cadre de l'exécution de son mandat.

2.2.5 Pour le surplus, les autres griefs soulevés par l'appelant ne sont pas de nature à conduire à une autre solution.

A cet égard, le fait que l'existence d'une conversation téléphonique lors de la liquidation des positions par l'intimée n'ait pas été démontrée, n'empêchait pas l'appelant de s'opposer expressément à la liquidation des positions avant qu'elle n'y procède puisqu'il en était informé.

Le fait de savoir a posteriori que les pertes auraient été moindres, voire inexistantes, si la banque avait attendu la fin de la journée du vendredi 10 octobre 2008, respectivement l'échéance de l'appel de marge, le lundi 13 octobre 2008 à midi, pour liquider les positions ouvertes n'est pas relevant, la question devant être examinée au moment de la liquidation et non rétrospectivement. Dans cette optique, en se replaçant à l'époque de la liquidation, l'évolution du marché était très incertaine et, même si la situation s'était légèrement améliorée au fil de la liquidation, comme le retient l'expert, il ne pouvait être exclu que le marché ne s'écroulerait pas d'ici la fin de la journée du vendredi 10 octobre 2008 ou à l'ouverture le lundi 13 octobre 2008, étant précisé qu'une amélioration du cours de l'indice « F______ » n'était intervenue que dans le courant de la soirée, aux alentours de 20h-21h, heure suisse, alors que l'intégralité des positions de l'appelant avaient déjà été clôturées d'un commun accord. A ce propos, l'appelant n'allègue pas que l'intimée aurait pu et dû arrêter le processus de liquidation dès que la marge était à nouveau couverte. Il n'établit pas non plus si et à quel moment cela se serait produit, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'intimée, sous cet angle également, d'avoir outrepassé ses droits.

Force est donc de constater, à l'instar de ce qu'a fait le premier juge, qu'il ne peut être reproché à l'intimée aucune violation d'une obligation contractuelle ou d'une directive interne qui aurait causé un dommage à l'appelant qui serait opposable, par compensation, à l'intimée.

2.2.6 Le taux d'intérêt appliqué ainsi que la date à partir de laquelle ils sont dus n'ayant pas été remis en cause par les parties, ils seront confirmés.

2.3 Compte tenu de tous les éléments qui précèdent, l'appel est infondé et le jugement querellé sera confirmé.

3. 3.1 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 30'000 fr. (art. 17 RTFMC), mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance de frais versée par lui du même montant, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

3.2 L'appelant sera en outre condamné aux dépens de sa partie adverse, arrêtés à 23'000 fr., débours et TVA compris (art. 95 al. 3, art. 96 CPC, art. 85, 90 RTFMC, art. 25, 26 al. 1 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/12061/2019 rendu le 29 août 2019 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14096/2013-1.

Au fond :

Confirme ledit jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 30'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais versée par celui-ci de même montant qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 23'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sophie MARTINEZ

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.