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Décisions | Chambre civile

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C/16512/2017

ACJC/1186/2018 du 31.08.2018 sur JTPI/723/2018 ( OS ) , JUGE

Normes : LP.250; CAC.65; CPC.58
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16512/2017 ACJC/1186/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 31 AOÛT 2018

 

Entre

A______ LTD, ayant son siège ______ (Iles Vierges Britanniques), recourante contre un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 janvier 2018, comparant par Me Peter Pirkl, avocat, rue de Rive 6, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ LTD, ayant son siège ______ (Grande-Bretagne), intimée, comparant par
Me Peter Haas, avocat, rue du Marché 20, case postale 3465, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/723/2018 du 19 janvier 2018, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a déclaré recevable l'action en contestation de l'état de collocation du 27 juin 2017 de la faillite de C______ SA, EN LIQUIDATION, formée le 17 juillet 2017 par A______ à l'encontre de B______ (ch. 1 du dispositif), admis partiellement cette action (ch. 2), ordonné en conséquence la rectification de l'état de collocation de la faillite de C______ SA, EN LIQUIDATION en ce sens que la créance de B______ doit y être admise à hauteur de 1'032'387 fr., en troisième classe (ch. 3), attribué le dividende afférent au montant de 787'068 fr. 14, dévolu à l'origine à B______, à A______, jusqu’à concurrence de sa production (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., compensés avec l'avance fournie par A______ et mis à la charge des parties à raison de quatre cinquièmes pour B______ et un cinquième pour A______, condamné en conséquence B______ à verser à A______ la somme de 800 fr. à titre de frais judiciaires (ch. 5), condamné B______ à verser à A______ la somme de 1'332 fr. à titre de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a. Par acte du 26 février 2018, A______ recourt contre ce jugement, qu'elle a reçu le 26 janvier 2018, concluant à son annulation. Cela fait, elle conclut à l'admission de son action, à ce qu'il soit en conséquence ordonné d'écarter de l'état de collocation de C______ SA, EN LIQUIDATION, le montant de 1'059'194 fr. 35 de la créance de 1'819'455 fr. 14 produite par B______, colloquée sous
no 1______ en classe 3 de l'état de collocation, à l'attribution en sa faveur du dividende afférent au montant de 1'059'194 fr. 35, dévolu à l'origine à B______, à ce que les frais judiciaires de première instance soient arrêtés à 1'000 fr. et mis à la charge de B______, ainsi que ceux relatifs à la procédure de recours, à la condamnation de B______ à lui verser la somme de 2'200 fr. à titre de dépens, ainsi que ceux relatifs à la procédure de recours, et à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus.

b. Par réponse du 23 avril 2018, B______ conclut au déboutement de A______ et à la condamnation de celle-ci en tous les frais judiciaires et dépens, lesquels comprendront une indemnité équitable de 4'500 fr. due à titre de participation aux honoraires d'avocat.

c. Par courrier du 27 avril 2018, A______ a persisté dans ses conclusions, faisant cependant valoir que des conclusions autres que celles d'un déboutement étaient irrecevables au vu de l'art. 323 CPC.

d. Le 1er mai 2018, B______ a persisté dans ses conclusions.

e. Le 2 mai 2018, la Cour a informé les parties que la cause était gardée à juger.

C. Les faits retenus par le Tribunal ne sont pas contestés. Ils peuvent être résumés de la manière suivante :

a. B______ et C______ ont conclu, d'une part, un contrat intitulé "AMENDED AND RESTATED VOD LICENCE AGREEMENT" (ci-après : "Contrat de licence") du 1er décembre 2010 et ses avenants des 16 octobre 2012 et 3 juillet 2013, aux termes desquels, en substance, étaient mis à disposition de C______ des films et séries que cette dernière devait rendre accessibles et pour lesquels elle devait payer une redevance. D'autre part, elles ont conclu un contrat dénommé "ELECTRONIC SELL-THROUGH DISTRIBUTION AGREEMENT" (ci-après : "Contrat de distribution") du 1er décembre 2010 au terme duquel, en substance, étaient mis à disposition de C______ des films et séries pour lesquels elle devait payer une redevance en fonction du volume de films vendus.

Ces contrats sont soumis au droit californien.

Selon les art. 6 (a) du Contrat de licence et 5 (f) du Contrat de distribution, relatifs aux intérêts de retard, "toute partie de la Redevance qui ne sera pas payée
par le Licencié au Concédant à la date d’exigibilité emportera des intérêts à un taux égal au moindre des deux taux suivants : (i) 1 Mois USD LIBOR + 500 bp
tel que publié par la British Banking Association («BBA»), et (ii) le taux maximum permis par la loi applicable. Le taux d’intérêt s’appliquera une
première fois au jour où le paiement au Concédant est exigible et sera réajusté au premier jour de chaque mois suivant jusqu’à ce que le paiement soit reçu dans son entier par le Concédant. Les intérêts impayés seront composés au jour de chaque réajustement".

b. En date du 20 avril 2016, B______ a suspendu ses prestations en vertu du contrat de licence en raison d'une prétendue violation du contrat par C______. En date du 15 décembre 2016, elle a résilié les contrats la liant à C______.

c. Par jugement du 2 novembre 2016, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de C______ SA avec effet à compter du même jour.

d. B______ a produit dans la faillite de C______ une créance totale de
USD 1'816'602.14 (soit 1'819'455 fr. 14) composée des trois postes suivants :

- USD 772'331 correspondant à des factures impayées résultant tant du Contrat de licence que du Contrat de distribution (poste n° 1);

- USD 658'066.14 au titre d'intérêts de retards sur ces factures (poste n° 2) et

- USD 386'205 (389'058 fr.) correspondant à des droits de licence, précisant qu'elle ne pouvait "naturellement pas démontrer les calculs exacts" mais que sa créance ne pouvait pas être inférieure à ce montant (poste n° 3).

e. En date du 27 juin 2017, l'Office des faillites a déposé et publié l'état de collocation relatif à la faillite de C______. Les créances suivantes ont notamment été colloquées en troisième classe :

- la créance de B______ en 1'819'455 fr. 14;

- deux créances de A______ en 39'492 fr. 40 et 138'723 fr. 84.

Le dividende prévisible pour les créanciers de troisième classe est de 0.78%.

D. a. Par acte du 17 juillet 2017, A______ a assigné B______ en contestation de l'état de collocation. Elle a conclu, avec suite de frais, à ce que soit écarté de l'état de collocation de C______ le montant de 1'059'194 fr. 35 et à ce qu'il soit dit que le dividende afférent à ce montant lui soit attribué.

Elle ne contestait pas le poste n° 1 de la production, mais uniquement les postes nos 2 et 3. Elle a fait valoir pour le surplus que le taux de conversion des créances aurait dû être celui du jour du prononcé de la faillite, soit le 2 novembre 2016.

Le montant de USD 658'066.14, correspondait à 647'780 fr. 56 (poste n° 2), celui de USD 386'205, à 380'168 fr. 61 (poste n° 3), et la différence de taux sur le montant total de USD 1'816'602.14, à 31'245 fr. 14. La somme totale de
1'059'194 fr. 35 (647'780 fr. 56 + 380'168 fr. 61 + 31'245 fr. 14) devait être écartée de l'état de collocation, et le dividende y afférent lui être attribué.

b. Dans sa réponse du 9 octobre 2017, B______ a conclu à l'admission de la demande à hauteur de 31'245 fr. 14 uniquement, en raison d'une erreur dans la date du taux de conversion des devises, et à son rejet pour le surplus. Elle a exposé que la méthode utilisée pour le calcul des intérêts dans sa production était adaptée au nombre des factures produites et à la date d'exigibilité différente de celles-ci, et ne correspondait pas exactement à ce qui était prévu contractuelle-ment. Le résultat auquel elle parvenait de la sorte était inférieur à celui qu'elle aurait pu réclamer, ce qui était avantageux pour la faillie et donc pour les autres créanciers.

c. Dans un courrier du 20 novembre 2017 à l'Office des faillites, B______
a requis la modification de l'état de collocation concernant sa production. Le montant des factures impayées (poste n° 1) n'était pas de USD 772'331 mais de
USD 763'832.82. La modification du montant des intérêts moratoires en résultant serait communiquée à l'issue de l'action en contestation de l'état de collocation.

d. Le même jour, B______ a adressé au Tribunal un complément à sa réponse, dans lequel elle a expliqué que le montant des factures impayées était de
USD 763'832.82, et non de USD 772'331, la différence provenant d'une erreur de calcul. Elle a répété avoir appliqué une méthode de calcul des intérêts moratoires plus adaptée à la situation, même si non strictement conforme à ce qui était prévu contractuellement. Figurait dans son écriture un tableau comprenant toutes les factures, pour un montant total de USD 763'832.82, et un calcul des intérêts strictement conforme au contrat, dont le résultat donnait USD 1'330'906.14. B______ relevait à nouveau que le montant produit en USD 658'066.14 était inférieur à celui ainsi obtenu. Elle a invoqué son droit à produire des faits et moyens de preuve nouveaux, et persisté pour le surplus dans ses conclusions. Etait également produite une clé USB, sur laquelle était enregistré un tableau Excel pour le calcul des intérêts composés.

e. Lors de l'audience de débats d'instruction, de débats principaux et de premières plaidoiries du 21 novembre 2017, A______ s'est opposée à la production de toutes pièces nouvelles ainsi qu'au complément du 20 novembre 2018.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti un délai à B______ pour produire "les factures individuelles indiquant les modalités de calcul et les intérêts ainsi qu'un tableau de l'intégralité des factures présentées dans l'ordre chronologique" et a fixé les plaidoiries finales orales "sur production de pièces et écritures nouvelles" et "sur le fond".

f. Dans le délai imparti, B______ a produit un tableau des factures par ordre chronologique, et des tableaux individuels pour chaque facture montrant l'évolution des intérêts (pièces 47 et 48).

g. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience de plaidoiries finales du
19 décembre 2017, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions.

E. Dans la décision querellée, le Tribunal a d'abord retenu que la question de la recevabilité du fichier informatique remis par B______ le 20 novembre 2017 pouvait demeurer ouverte, dans la mesure où le contenu en avait été produit sur papier et où il n'y avait pas été fait recours pour la résolution du litige. Pour le surplus, les faits et moyens de preuve nouveaux présentés avant l'ouverture des débats principaux, comme en l'espèce, étaient recevables.

Ensuite, s'agissant tout d'abord du poste n° 1, A______ ne contestait pas le montant de USD 763'832.82, soit celui modifié par courrier du 20 novembre 2017 à l'Office des faillites. Le Tribunal a en conséquence appliqué le taux de conversion au jour de la faillite (USD/CHF 0.98437) à ce montant, et jugé que la créance pour factures impayées aurait dû être colloquée à hauteur de 751'894 fr.

S'agissant des intérêts moratoires (poste n° 2), le Tribunal a d'abord retenu qu'il n'était pas problématique en soi que le contrat prévoie des intérêts composés. En revanche, le taux composé rendait le taux global appliqué excessif, et de la sorte contraire à l'ordre public suisse. Il fallait admettre un taux d'intérêt maximal admissible de 25% l'an. Appliquant ce taux à chacune des factures produites, avec une date d'exigibilité différente, le Tribunal est parvenu au montant de
USD 284'946.6606, soit au taux en vigueur au jour de la faillite, à 280'493 fr., correspondant à la somme des intérêts dus au jour de la faillite.

L'intégralité du poste n° 3 de la production devait être écartée, faute pour B______ d'avoir démontré l'existence de cette créance.

Devaient ainsi être admises à l'état de collocation dans la faillite de C______ des créances converties en francs suisses d'un montant total de 1'032'387 fr.
(751'894 fr. + 280'493 fr.) en lieu et place du montant de 1'819'455 fr. 14 qui ressortait de l'état de collocation publié.

A______ obtenant gain de cause sur le principe et sur environ 75% de ses prétentions, il se justifiait de répartir les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., à raison des quatre cinquièmes à la charge de B______ et un cinquième à celle de la première. Les dépens, en 2'200 fr. débours et TVA compris, devaient être répartis selon la même proportion.

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions de première instance si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC). Le recours est recevable contre les décisions de première instance qui ne peuvent pas faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC).

Dans l'action en contestation de l'état de collocation, la valeur litigieuse n'équivaut pas au montant de la créance à colloquer. En effet, elle se détermine en fonction du dividende probable qui devrait revenir à la prétention litigieuse, soit en fonction du gain possible du procès (ATF 138 III 675 consid. 3.1; 135 III 545 consid. 1). L'estimation du dividende probable, déterminé par l'administration de la faillite, lie le juge saisi de l'action en contestation de l'état de collocation
(ATF 138 III 675 consid. 3.2.2).

En l'espèce, le dividende prévisible afférent aux créances contestées par A______ ne dépasse pas 10'000 fr., de sorte que seule la voie du recours est ouverte.

Interjeté dans le délai de trente jours et suivant la forme prévue par la loi (art. 130, 131 et 321 al. 1 et 3 CPC), le recours est recevable.

1.2 Le recours est ouvert pour violation du droit et constatation manifestement inexact des faits (art. 320 CPC).

Le tribunal applique le droit d’office. Il examine dès lors le bien-fondé des conclusions sous tous les aspects juridiques possibles, sans être lié par les arguments de droit des parties ni - s’il s’agit d’une autorité de recours - par la motivation retenue par l’instance précédente (ATF 135 III 397 c. 1.4).

La cour d'appel applique certes aussi le droit d'office (art. 57 CPC). Cependant, elle ne traite en principe que les griefs soulevés, à moins que les vices juridiques soient tout simplement évidents (arrêts du Tribunal fédéral 4A_258/2015 du
21 octobre 2015 consid. 2.4.3; 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 3.1).

2. La recourante conclut à l'annulation du jugement et fait grief au premier juge de n'avoir pas écarté de l'état de collocation de C______ le montant de 1'059'194 fr. 35 de la créance de 1'819'455 fr. 14 produite par B______, en violation de l'art. 58 CPC ("nec ultra petita") et de la maxime de disposition.

Alors même que dans son action en contestation de l'état de collocation, la recourante ne remettait pas en cause le montant de la créance produite sous poste n°1, sous réserve du taux de conversion applicable, le Tribunal a réduit ce montant de USD 772'331 à USD 763'832,82, en se fondant sur le courrier adressé par l'intimée à l'Office des faillites le 20 novembre 2017, et faisant état d'une erreur de calcul dans sa production sur ce point.

2.1.1 L'état de collocation est déposé à l'office. L'administration en avise les créanciers par publication. Les créanciers dont les productions ont été écartées en tout ou en partie, ou qui n'ont pas été admis au rang auquel ils prétendaient, en sont informés directement (art. 249 LP).

Si un créancier [colloqué] conteste une [autre] créance ou le rang auquel elle a été colloquée, il dirige l'action contre le créancier concerné. Si le juge déclare l'action fondée, le dividende afférent à cette créance est dévolu au demandeur jusqu'à concurrence de sa production, y compris les frais de procès. Le surplus éventuel est distribué conformément à l'état de collocation rectifié (art. 250 al. 2 LP).

Pendant le délai d'opposition, l'administration de la faillite n'a le droit de modifier les décisions prises dans l'état de collocation qu'aussi longtemps qu'une action n'a pas été intentée à la masse ou à un autre créancier. Ces modifications devront faire l'objet de nouvelles publications (art. 65 OAOF).

En cas d'admission totale ou partielle par le juge d'une action en contestation de l'état de collocation, le résultat doit simplement être indiqué dans les observations relatives à la créance en cause (art. 64 al. 2 OAOF) sans nouveau dépôt (Jaques, Commentaire romand de la LP, n. 4 ad art. 249 LP). En effet, une fois définitive, la décision de collocation acquiert force de chose décidée et est opposable à tous les créanciers dans la procédure en cours; ceux-ci ne peuvent pas attaquer la collocation rectifiée (art. 63 al. 3 OAOF), de sorte que celle-ci ne doit pas être publiée à nouveau. La masse est également liée. Le jugement de collocation acquiert force de chose décidée même en cas d'erreur (Jaques, op. cit., n. 70 à 73 ad art. 250 LP).

2.1.2 L'autorité de surveillance en matière de poursuites pour dettes et faillite est compétente pour statuer sur plainte, sur l'état de collocation lorsque celui-ci est imprécis, inintelligible ou entaché de vices de forme (Erard, Commentaire romand de la LP, n. 8 ad art. 17 LP).

La conséquence naturelle de l'admission d'une plainte contre l'état de collocation, même si le plaignant ne l'a pas demandé, est l'annulation et un nouveau dépôt de l'état de collocation, y compris en cas de réexamen par l'administration de sa propre décision. L'admission de la plainte profite à tous les créanciers. En principe, l'état de collocation rectifié peut être contesté par la voie de la plainte ou de l'action seulement sur les points modifiés; le nouveau dépôt ne fait pas renaître un délai de contestation des points non modifiés, qui ont acquis force de chose décidée, à moins que l'intérêt à la contestation soit né uniquement à cause de la rectification (Jaques, op. cit., n. 23 à 25 ad art. 250 LP).

2.1.3 Le tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (art. 58 al. 1 CPC).

2.2 En l'espèce, le premier juge n'était pas autorisé à modifier le montant produit par l'intimée au titre des factures impayées résultant des contrats de licence et de distribution (poste n° 1), non visé par les conclusions de la recourante. C'est à l'Office des faillites qu'il revenait de procéder à cette modification, ce qu'il ne pouvait plus faire une fois l'action introduite (art. 65 OAOF), ou éventuellement à l'Autorité de surveillance en matière de poursuites pour dettes et faillite, sur plainte. La modification devait profiter à tous les créanciers.

Le Tribunal ayant de manière évidente statué "ultra petita" s'agissant du poste n° 1 de la production de l'intimée, sa décision sur ce point sera annulée, quand bien même la recourante n'a pas formellement soulevé de grief sur ce point. Décider autrement reviendrait à favoriser la recourante, au détriment de tous les autres créanciers, ce qui n'est pas admissible. En effet, elle serait alors seule à bénéficier du dividende afférent à la réduction de la créance opérée par le juge. Il incombera à l'Office, une fois la présente décision entrée en force, de statuer sur la requête de l'intimée du 20 février 2018 et de redéposer l'état de collocation.

Le taux de conversion applicable au montant produit sous poste n° 1
n'étant pas contesté (soit celui applicable au jour de l'ouverture de la faillite,
USD/CHF 0.98437), ce que le premier juge avait justement retenu, il sera confirmé.

3. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 58 CPC et la maxime de disposition en procédant à un nouveau calcul des intérêts de retard, produits sous poste n° 2 par l'intimée.

3.1 Le fardeau de la preuve incombe au titulaire du droit qui fait l'objet de l'action en contestation de l'état de collocation (art. 8 CC) : le demandeur dans l'action contre la masse (art. 250 al. 1 LP), le défendeur dans celle opposant deux intervenants (art. 250 al. 2 LP) (jaques, op. cit., n. 4 ad art. 250 LP).

Le principe de disposition énonce que le tribunal ne peut allouer à une partie plus ni autre chose que ce qu’elle demande, ni moins que ce que la partie adverse reconnaît (Art. 58 al. 1 CPC) (TF 5A_749/2016 du 11.5.2017 c. 4).

Dans le cadre d'un recours, la Cour doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits retenus par le premier juge et ne peut s'en écarter que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte, ce qui correspond à la notion d'arbitraire. Autrement dit, l'appréciation des preuves par le premier juge ne peut être revue par la Cour que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un fait important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 137 I 58
consid. 4.1.2 ; 136 III 552 consid. 4.2).

3.2 En l'espèce, l'intimée a produit une créance d'intérêts de retard de
USD 658'066.14 (poste n° 2), laquelle a été contestée par la recourante.

Il incombait donc à l'intimée d'apporter la preuve que ce montant était dû. Or, dans le cadre de sa réponse à l'action, l'intimée s'est limitée à indiquer que la méthode utilisée pour le calcul des intérêts ne correspondait pas strictement à ce qui avait été prévu contractuellement, mais était plus avantageuse pour la masse. Elle n'a fourni aucune explication sur le mode de calcul appliqué pour parvenir au montant produit.

Le tableau inséré dans ses écritures du 20 novembre 2017 fait application stricte de ce qui a été convenu contractuellement. Le montant des intérêts de retard en résultant est de USD l'330'906.14 et non celui produit, auquel une autre méthode - inconnue - a été appliquée.

Le tableau produit sous pièce 48 par l'intimée (cf. D.f. ci-dessus), mentionne en partie d'autres factures que celles figurant dans ses écritures du 20 novembre 2017, et le calcul des intérêts de certaines factures se trouvant dans les deux tableaux aboutit à un résultat différent.

Quant au Tribunal, après avoir considéré que le taux d'intérêts tel qu'il était prévu contractuellement était contraire à l'ordre public suisse, il a procédé à un nouveau calcul des intérêts de retard, appliquant un taux de 25%, pour établir le montant dû à ce titre à USD 284'946.6606, soit 280'493 fr. au taux de conversion au jour de la faillite.

En examinant le caractère exorbitant du taux des intérêts moratoires convenu contractuellement, le Tribunal a fondé son raisonnement sur des faits non allégués (et même expressément exclus par l'intimée) et partant non pertinents. Il aurait dû en effet examiner les griefs soulevés par la recourante en relation avec le montant produit par l'intimée, soit USD 658'066.14. Or, l'intimée n'ayant fourni aucun élément sur la méthode appliquée pour parvenir à ce résultat, le Tribunal n'était pas en mesure de juger s'il contrevenait à l'ordre public suisse. Il aurait dû écarter la créance produite au titre des intérêts de retard, comme non prouvée, et ne pouvait procéder à son propre calcul, sur la base d'un montant erroné, car non allégué.

Le grief est fondé et le jugement sera annulé en ce qu'il écarte de l'état de collocation la différence entre la somme produite de USD 658'066.14 et celle à laquelle il parvient de USD 284'946.6606, soit USD 373'119.50.

Le poste n° 2 de la créance produite sera totalement écarté, soit USD 658'066.14.

4. Le poste n° 3 produit par l'intimée a été écarté par le premier juge, ce qui n'est pas contesté dans le cadre du présent recours.

Ainsi, le montant de USD 386'205 est écarté de l'état de collocation.

5. En conclusion, le jugement entrepris sera annulé et l'action en contestation de l'état de collocation formée par la recourante sera admise. Sera écartée de l'état de collocation la somme totale de 1'059'194 fr. 35, de la créance de 1'819'455 fr. 14 admise, conformément aux conclusions de la recourante, quand bien même le résultat exact auquel la Cour aboutit est de 1'059'195 fr. 70 (1'819'455 fr. 14 – [USD 772'331 au taux de 0.98437= 760'259 fr. 45]).

Le chiffre 1 du dispositif, en ce qu'il ordonne à l'Office de procéder à la rectification de l'état de collocation ne sera pas repris, car contraire au droit
(cf. consid. 2.1.1). Le résultat de la présente procédure devra simplement être indiqué dans les observations relatives à la créance de l'intimée, sans que l'Office n'ait à procéder à l'établissement d'un nouvel état de collocation.

6. 6.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC, applicable par analogie à l'instance de recours lorsque celle-ci réforme la décision précédente, Jeandin, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 9 ad art. 327 CPC).

Le montant des frais de première instance n'étant pas critiqué par la recourante (et l'intimée n'ayant pas formé de recours sur ce point) et ayant été calculé selon les règles applicables, il sera confirmé.

Ces frais seront mis à charge de l'intimée, qui succombe entièrement
(art. 106 CPC). Celle-ci sera ainsi condamnée à rembourser à la recourante la somme de 1'000 fr, et à verser à cette dernière la somme de 2'200 fr. à titre de dépens de première instance.

6.2 Les frais de recours, arrêtés à 1'000 fr., seront également mis à charge de l'intimée, et compensés avec l'avance fournie par la recourante, acquise à l'Etat.

L'intimée sera en conséquence condamnée à verser à la recourante la somme de 1'000 fr., à titre de remboursement de l'avance de frais.

Elle sera en outre condamnée à verser à la recourante la somme de 1'500 fr. à titre de dépens de recours (art. 84, 85, et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/723/2018 rendu le 19 janvier 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16512/2017-14.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau :

Ecarte de l'état de collocation de C______ SA, EN LIQUIDATION, le montant de 1'059'194 fr. 35 de la créance de 1'819'455 fr. 14 produite par B______ LTD, colloquée sous n° 1______ en classe 3 de l'état de collocation.

Attribue le dividende afférent au montant de 1'059'194 fr. 35 à A______ LTD.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 1'000 fr., les met à la charge de B______ LTD et les compense avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence B______ LTD à verser à A______ LTD la somme de
1'000 fr. au titre de remboursement de l'avance de frais judiciaires de première instance.

Condamne également B______ LTD à verser à A______ LTD le montant de 2'200 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de recours :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'000 fr., les met à la charge de B______ LTD et les compense avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence B______ LTD à verser à A______ LTD la somme de
1'000 fr. au titre de remboursement de l'avance de frais judiciaires de recours.

Condamne également B______ LTD à verser à A______ LTD le montant de 1'500 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Pauline ERARD et Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.