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Décisions | Chambre civile

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C/24731/2013

ACJC/536/2018 du 24.04.2018 sur JTPI/5760/2017 ( OO ) , MODIFIE

Descripteurs : ACTION EN PARTAGE SUCCESSORAL ; MASSE SUCCESSORALE ; LOI FÉDÉRALE SUR LE DROIT FONCIER RURAL ; EXPLOITATION AGRICOLE ; FERMAGE
Normes : CC.474; CC.475; CC.619; CC.663; CC.696; CO.281; LDFR.7; LDFR.11; LDFR.15; LDFR.17; LDFR.58; LDFR.60
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24731/2013 ACJC/536/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 24 AVRIL 2018

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er mai 2017, comparant par Me Bruno Mégevand, avocat, avenue de la Roseraie 76A, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

1) Madame B______, domiciliée ______, intimée,

2) Madame C______, domiciliée ______, autre intimée, comparant toutes deux par Me Reynald Bruttin, avocat, rue du Mont-de-Sion 8, 1206 Genève, en l'étude duquel elles font élection de domicile,

3) Monsieur D______, domicilié ______, autre intimé, comparant par Me Marie-Flore Dessimoz, avocate, chemin du Grand-Puits 42, 1217 Meyrin (GE), en l'étude de laquelle il fait élection de domicile.

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 16 mai 2018.

 

 

 

 

 

 

 



 

EN FAIT

A. a. E______, né le ______ 1925 à ______, est décédé le ______ 2010 à I______ (GE), alors qu'il était domicilié à G______ (GE) (cf. acte de décès du ______ 2010).

Depuis ______ 1993, il était veuf de F______, avec laquelle il avait eu trois enfants, soit D______, B______ et C______.

Depuis le ______ 2010, E______ était marié à A______.

b. Il était propriétaire d'un domaine agricole situé sur les communes de G______ et de H______, composé des parcelles suivantes :

-          parcelle n° 12______, feuille 1______ de la commune de G______ d'une surface de 601 m2, non bâtie;

-          parcelle n° 13______, feuille 1______ de la commune de G______ d'une surface de 14'143 m2, non bâtie;

-          parcelle n° 14______, feuille 1______ de la commune de G______ d'une surface de 6'159 m2, non bâtie;

-          parcelle n° 15______, feuille 4______ de la commune de G______ d'une surface de 2'937 m2, non bâtie;

-          parcelle n° 16______, feuille 5______ de la commune de G______ d'une surface de 1'536 m2 sur laquelle sont édifiés un hangar agricole et un silo;

-          parcelle n° 17______, feuille 6______ de la commune de G______ d'une surface de 2'044 m2, non bâtie;

-          parcelle n° 18______, feuille 7______ de la commune de G______ d'une surface de 5'854 m2 sur laquelle sont érigés une habitation de deux logements (anciennement une ferme, bâtiment n° ______), une ancienne laiterie, une ancienne porcherie, une ancienne étable, un poulailler, un couvert (dépôt pour machine agricole) et une fumière;

-          parcelle n° 19______, feuille 7______ de la commune de G______ d'une surface de 24'114 m2, non bâtie;

-          parcelle n° 20______, feuille 7______ de la commune de G______ d'une surface de 7'170 m2, non bâtie;

-          parcelle n° 21______, feuille 8______ de la commune de G______ d'une surface de 1'954 m2, non bâtie;

-          parcelle n° 22______, feuille 2______ de la commune de G______ d'une surface de 1'136 m2, non bâtie;

-          parcelle n° 23______, feuille 11______ de la commune de G______ d'une surface de 3'558 m2;

-          parcelle n° 24______, feuille 7______ de la commune de G______ d'une surface de 5'509 m2, non bâtie;

-          parcelle n° 25______, feuille 6______ de la commune de H______ d'une surface de 10'243 m2, non bâtie.

Les immeubles précités ont été estimés à leur valeur de rendement agricole dans le cadre de la succession de F______.

c. Depuis 1978, D______, né le ______ 1958, au bénéfice d'une formation d'agriculteur (CFC), a travaillé sur le domaine avec son père.

d. A compter du 1er janvier 1994, E______ - retraité depuis ______ 1990 - a remis l'exploitation agricole à son fils.

e. E______ a continué de vivre sur le domaine dans l'un des deux logements aménagés dans la ferme située sur la parcelle n° 18______, le second logement restant occupé par son fils D______ et sa famille jusqu'à ce jour.

f. A une date non établie - que les parties situent tantôt en août 1996 tantôt en 2002 -, E______ s'est installé au domicile de sa nouvelle compagne, A______, dans la commune de I______ (GE).

g. En 2002, E______ a sollicité les services de K______, collaborateur de U______ (l'association ______), en vue de déterminer les modalités économiques de la remise de l'exploitation agricole à son fils.

h. Le 23 septembre 2003, K______ a établi un projet de "remise en fermage du domaine agricole" dont le coût était estimé au montant arrondi de 178'000 fr. et tenait compte des éléments chiffrés suivants (au 31 décembre 2001) :

-          la valeur de reprise de l'exploitation (capital fermier) était estimée à 180'980 fr. Ce chiffre prenait en compte le bétail, les machines et les actifs circulant à une valeur de reprise calculée de manière rétroactive au 1er janvier 1994 (annexes p. 1 et 2), étant précisé que le contingent laitier n'y figurait pas;

-          le fermage annuel était estimé à 13'850 fr. par an, soit un coût de 110'800 fr. pour la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 2001 (annexe p. 6);

-          l'indemnité équitable de l'art. 334 CC due à D______ pour le travail accompli au domaine du mois suivant sa majorité (______ 1978) jusqu'au 31 décembre 1993 était estimée à 170'800 fr., déduction déjà faite des prestations réglées pour le compte de son fils par E______ en nature (nourriture, logement, blanchissage, assurance-maladie) et en espèces (1'000 fr. par mois) (annexe p. 4);

-          le solde du salaire dû à E______ pour le travail non rémunéré fourni pour une activité à plein temps du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1997 et à mi-temps du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001 était estimé à 163'500 fr., déduction déjà faite des prestations en nature réglées par D______ pour son père (assurance-maladie et accident, eau, électricité, téléphone, repas de midi, réparations, assurance et taxe pour la voiture de l'intéressé) (annexe p. 5);

-          les charges liées au domaine réglées par D______ entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 2001 étaient estimées à 106'400 fr., comprenant "l'annuité hypothécaire" (i.e. les intérêts hypothécaires et l'amortissement) et l'assurance incendie des bâtiments (annexe p. 3) (témoin K______).

Le calcul du coût de la reprise se décomposait comme suit : 180'000 fr. (capital fermier) + 110'8000 fr. (fermage) + 163'500 fr. (indemnité de salaire E______) – 170'800 fr. (indemnité équitable D______) – 106'400 fr. (charges réglées par D______).

Le projet prévoyait que D______ règle ce montant en partie en espèces (50'000 fr.) et le solde par le biais d'un prêt (sans intérêts) remboursable à hauteur de 10'000 fr. par année.

Ce projet n'a jamais été mis en œuvre, les parties ne l'ayant pas signé.

i. Postérieurement à la période prise en compte par le projet de K______ (31 décembre 2001), D______ a continué de régler des frais relatifs à l'exploitation agricole (prime d'assurance bâtiments, frais d'entretien du chauffage), ainsi que certaines charges concernant E______ lui-même (prime d'assurance ménage, prime d'assurance maladie de base et complémentaire, frais médicaux). Il a également versé à son père trois montants de 5'000 fr. chacun à titre de fermage les 19 septembre 2008, 3 février et 24 décembre 2009.

j. Entre 2006 et 2007, D______ a réduit son activité professionnelle après avoir subi deux opérations aux hanches. Il a aussi dû se séparer d'une partie du bétail qui est passé de 54 têtes en 2005 à 7 têtes en 2008. A compter de cette même année, il a arrêté la production laitière. Toutefois, plus aucune recette liée au contingent laitier n'est déclarée fiscalement depuis l'année 2003.

k. Au cours des années 2008 et 2009, E______ et D______ ont, à nouveau, par avocats interposés, discuté des conditions financières de la remise de l'entreprise agricole, sans toutefois parvenir à un accord.

Il ressort en outre d'un courrier du 4 novembre 2008 que E______ a reproché à son fils de ne lui avoir versé aucune indemnité en échange de la jouissance du domaine, avant le paiement de 5'000 fr. le 19 septembre 2008. Estimant que son fils n'avait jamais eu l'intention de lui verser quoi que ce soit en contrepartie de la jouissance du domaine, il a qualifié les rapports juridiques qui le liaient à son fils de prêt à usage, qu'il résiliait avec effet au 31 décembre 2008.

l. Dans ce contexte, la valeur de l'ensemble des parcelles et des bâtiments propriété de E______ a fait l'objet de deux expertises privées.

l.a Selon le rapport du 14 novembre 2008 du bureau d'architectes L______ et M______, la valeur vénale de l'ensemble s'élevait à 3'320'000 fr.

Selon l'auteur de l'expertise, il est possible de distinguer deux lots. Le premier comprenant la parcelle n° 18______ de la Commune de G______ sur laquelle se trouvent notamment les logements d'habitation et est située en partie en zone 4B protégée (1'525 m2) et en zone agricole (4'329 m2). Le second comprenant le reste des parcelles, toutes situées en zone agricole. En cas de vente en lots distincts, la valeur vénale de la parcelle n° 18______ était estimée à 2'026'000 fr., étant précisé que le recours à la Commission foncière s'avérerait alors nécessaire pour réassujettir tout ou partie de celle-ci et de ses bâtiments compte tenu de leur affectation agricole.

Les parcelles n° 13______ et 14______ sises à G______ et n° 25______ sise à H______, situées en zone agricole, avaient une valeur vénale de 113'144 fr., 49'272 fr., respectivement 81'944 fr.

l.b Selon le rapport du 2 septembre 2009 rendu par K______ et N______ pour le collège d'experts de la commission foncière agricole de U______, la valeur de rendement agricole des parcelles et des bâtiments situés sur ces terrains s'élevait à 206'327 fr.

La parcelle n° 18______ comprenait l'ancienne laiterie, l'ancienne porcherie et le couvert qui servaient de remise, d'entrepôt et de garage, tandis que l'ancienne étable et la fumière servaient notamment d'entrepôt pour stocker des engrais de ferme. Le poulailler était utilisé comme simple étable. Sa valeur de rendement s'élevait à 147'150 fr.

m. Par acte du 15 juin 2010, E______ a constitué une servitude à destination de gravière sur les parcelles n° 13______ et 14______ de G______ et 25______ de H______, destinée à rapporter entre 6 et 8 fr. par mètre cube d'extrait utile. La constitution de cette servitude était soumise à la condition suspensive de la délivrance des autorisations ad hoc pour l'ouverture et l'exploitation de la gravière en faveur de la société bénéficiaire O______. Dès le 1er janvier 2010, cette dernière devait payer une indemnisation de réservation de 800 fr. par mois en déduction des futures redevances.

n. A ce jour, l'inscription de cette servitude n'a pas été opérée au registre foncier en raison d'un litige au sujet de la soumission de cet acte à l'accord de la commission foncière rurale en application de la LDFR, étant précisé que les trois parcelles en question sont toujours situées en zone agricole.

o. E______ et A______ étaient placés sous le régime légal de la participation aux acquêts. Au cours de leur union, ils n'ont acquis aucun bien en commun ni contracté aucune dette pour le ménage. Le mobilier du couple appartenait essentiellement - voire exclusivement - à l'épouse. Celle-ci n'a jamais disposé de procuration sur les comptes dont son époux était titulaire auprès de [la banque] P______.

p. Le ______ 2010, E______ est décédé en laissant pour seuls héritiers son épouse et ses trois enfants.

Il n'a pas laissé de testament.

q. Le ______ 2010 [trois semaines plus tard], B______ et C______ ont requis le bénéfice d'inventaire. L'inventaire a été dressé par notaire les 11 avril et 4 juillet 2012. Selon ce document, seule une partie du mobilier appartenait au couple. Toutefois, dans la mesure où il s'agissait pour l'essentiel, voire exclusivement des biens propriété de A______, aucune valeur n'a été inscrite à l'actif de feu E______.

r. Tous les héritiers ont accepté la succession de feu E______ sous bénéfice d'inventaire.

s. Après le décès de son père, D______ a poursuivi l'exploitation du domaine agricole.

Le bénéfice net qu'il a retiré de cette activité s'est élevé à 77'454 fr. en 2005, 78'359 fr. en 2006, 83'813 fr. en 2007, 69'582 fr. en 2008, 57'788 fr. en 2009, 83'983 fr. en 2010, 94'707 fr. en 2011, à 70'836 fr. en 2012 et à 70'710 fr. en 2013.

En termes d'unité de main d'œuvre standard (unité qui sert à mesurer la taille d'une entreprise agricole à l'aide de facteurs standardisés, ci-après : UMOS), l'exploitation a représenté 1.6892 UMOS en 2010, 1.6240 UMOS en 2011 et 1.8651 UMOS en 2012.

Selon les documents les plus récents versés au dossier, la superficie cultivée des sols de l'exploitation était de 42.55 hectares, soit 4'255 ares. D______ y produisait des céréales planifiables, des céréales fourragères, des oléagineux (tels que colza, soja, tournesol), des protéagineux (tels que pois, féveroles, lupins), ainsi que d'autres produits comme le maïs plante.

t. Par requête de conciliation du 25 novembre 2013, déclarée non conciliée le 13 mars 2014 et introduite le 17 mars 2014 devant le Tribunal de première instance, A______ a formé une action en partage de la succession de feu son époux E______, contre D______, B______ et C______.

Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce qu'il soit dit que D______ est débiteur de la succession de feu E______ de 262'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2004, 235'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 1998, 180'980 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 1994 et 75'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2008 (ch. 1 selon la numérotation du Tribunal), que la succession de feu E______ est débitrice envers A______ de la somme de 78'000 fr. plus intérêts au taux de 4% (à compter d'une date non précisée), soit 14'550 fr. 70 au 31 décembre 2013, intérêts réservés de cette date (ch. 2), au partage de la succession de feu E______ (ch. 3), à ce qu'il soit ordonné au Conservateur du Registre foncier de procéder aux inscriptions suivantes : A______ comme copropriétaire pour ½ des parcelles n° 13______ et 14______ de G______, et de la parcelle n° 25______ de H______ (ch. 4), D______, B______ et C______ comme copropriétaires à raison de 1/6ème chacun des parcelles n° 13______ et 14______ de G______, et de la parcelle n° 25______ de H______ (ch. 5, 6 et 7), A______ comme propriétaire de la parcelle n° 18______ de G______ (ch. 8), B______ et C______ comme copropriétaires pour moitié chacune des parcelles n° 12______, 15______, 16______, 17______, 19______, 20______, 21______, 22______, 23______ et 24______ de G______ (ch. 9), à ce qu'il soit dit que D______ est débiteur d'une soulte de 562'996 fr. 15 envers B______ et C______ (ch. 10), à ce qu'il soit dit que A______ est débitrice d'une soulte de 111'060 fr. 50 envers B______ et C______ (ch. 11), à ce qu'il soit dit que les avoirs bancaires dépendant de la succession de feu E______ sont attribués à B______ et C______ (ch. 12), à ce qu'il soit dit que les dettes de la succession de feu E______ seront réparties entre ses héritiers à raison de ½ à charge de A______, et de 1/6ème chacun à charge de B______, C______ et D______ (ch. 13).

u. Par réponse du 31 juillet 2014, D______ a conclu, sous suite de frais et dépens à la charge exclusive de A______, au partage de la succession de feu E______, à l'attribution en sa faveur de l'entreprise agricole dépendant de la succession à sa valeur de rendement de 206'327 fr., à ce qu'il soit ordonné au Conservateur du Registre foncier d'inscrire D______ comme propriétaire des parcelles n° 12______, 13______, 14______, 15______, 16______, 17______, 18______, 19______, 20______, 21______, 22______, 23______ et 24______ de G______, ainsi que de la parcelle n° 25______ de H______, à ce qu'il soit dit que D______ est débiteur d'une soulte de 103'163 fr. 50 à l'endroit de A______, que D______ est débiteur d'une soulte de 34'387 fr. 83 à l'endroit de chacune de ses sœurs, que D______ est débiteur à l'endroit de la succession de feu E______ de la somme de 43'781 fr. au titre de fermage dû au 31 décembre 2013 et à l'attribution à A______ des avoirs bancaires auprès de P______ et de la part sociale de la [coopérative] Q______, à charge pour elle de solder les dettes successorales.

v. Par réponse du 31 juillet 2014, B______ et C______ ont conclu, sous suite de frais et de dépens, au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, à ce qu'il soit dit que le partage ne pourrait être effectué qu'après réalisation de toutes les expertises utiles et la détermination de D______ sur l'attribution à son profit de l'entreprise agricole à la valeur de rendement, à ce que leur position quant au partage proprement dit soit réservée jusque-là.

w. Lors de l'audience du Tribunal du 26 septembre 2014, les parties ont toutes déclaré être d'accord avec le partage de la succession.

x. Le Tribunal a ouvert des enquêtes et entendu les parties, ainsi que des témoins. Il en ressort notamment les éléments pertinents suivants :

K______, toujours membre du collège d'experts de la Commission foncière agricole, a déclaré que le domaine exploité par D______ était de taille moyenne à l'échelle genevoise (40 hectares environ) et grande à l'échelle suisse. D'après les chiffres indiqués par l'intéressé pour 2010 à 2012 à la direction générale de l'agriculture, l'exploitation de D______ était bien une entreprise agricole. Les revenus réalisés par D______ pour les années 2010 à 2013 étaient suffisants pour lui permettre de continuer l'exploitation du domaine.

En ce qui concerne son expertise du 2 septembre 2009, il a indiqué que la valeur de rendement resterait identique - ou du moins il n'y aurait pas de changement notable - si elle devait être calculée une année après l'ouverture de la succession, voire même au moment de son audition.

S'agissant du projet de remise de l'exploitation agricole, il a précisé ce qui suit : le salaire de E______ avait été estimé d'accord entre les parties lors d'une réunion à laquelle il avait été présent. L'estimation du capital fermier avait été établie sur la base des chiffres fixés d'entente entre E______ et D______ s'agissant du bétail, des machines et du stock. Le calcul aurait été différent s'il avait été fait à l'ouverture de la succession en 2010, dès lors qu'il y aurait lieu de tenir compte de l'amortissement des machines, du bétail restant et de l'abandon de l'exploitation laitière. Le prix du contingent laitier n'avait pas été abordé avec E______ et D______. Selon le témoin, cet actif appartenait à l'exploitant et non au propriétaire et ne représentait plus un actif négociable depuis la fin des années 1990. Depuis lors, il s'agissait de droits de production qui n'étaient pas non plus négociables.

y. Le 30 novembre 2015, les parties ont déposé des plaidoiries finales écrites.

A______ a modifié les conclusions n° 1 et 2 de sa demande du 17 mars 2014, concluant désormais à ce qu'il soit dit que D______ est débiteur de la succession des sommes de 171'491 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2005 (date moyenne), 160'015 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 1998, 10'180 fr. avec intérêts à 5% du 1er janvier 1994, 75'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2008 et à ce qu'il soit dit que la succession de feu E______ est débitrice envers elle de 78'000 fr. plus intérêts au taux de 4% dès le 1er mai 2009, de 11'799 fr. 15, de 1'099 fr. 95 et de 301 fr. 50. Elle a pris une conclusion nouvelle tendant à ce que les immeubles dépendant de la succession de feu E______ soient estimés à leur valeur vénale, à l'exception des parcelles n° 13______ et 14______ de G______, et de la parcelle n° 25______ de H______. Pour le surplus, elle a persisté dans ses précédentes conclusions n° 4 à 13.

D______ a persisté dans ses précédentes conclusions.

B______ et C______ ont, sous suite de frais et dépens à la charge exclusive de A______, conclu à ce que l'entreprise agricole, composée de l'intégralité des parcelles immobilières de l'actif de la succession, soit attribuée à D______, et à ce qu'il soit dit qu'aucun montant n'est dû par la succession de feu E______ à A______ concernant la conclusion n° 2 de celle-ci s'élevant en capital à 78'000 fr. Elles s'en sont rapportées à justice quant à la valeur de rendement de l'entreprise agricole, quant à la valeur de la soulte à régler par D______ à elles-mêmes et à A______, ainsi qu'au regard de la conclusion n° 1 de la demande du 17 mars 2014.

z. Le Tribunal a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger par courrier du 4 décembre 2015.

B. a. Les biens et les créances faisant l'objet des conclusions prises par les parties en première instance sont les suivants :

a.a Domaine agricole

D______, B______ et C______ ont allégué que les parcelles détenues par feu leur père au moment de son décès constituaient une entreprise agricole au sens de la LDFR. D______ en a sollicité l'attribution à sa valeur de rendement. B______ et C______ ont marqué leur accord avec cette attribution, concluant que celle-ci soit imputée sur la part héréditaire de leur frère. Elles s'en sont rapportées à justice quant au montant de la valeur de rendement. D______ a retenu celle arrêtée par le Collège d'experts de la Commission foncière agricole dans son rapport du 2 septembre 2009, soit 206'237 fr.

La position de A______ a varié au cours de la procédure. En dernier lieu, elle a contesté que D______ soit capable d'exploiter le domaine agricole, de sorte que les immeubles de la succession ne devaient pas lui être attribués et devaient être évalués à leur valeur vénale. Subsidiairement, elle a fait valoir que la parcelle n° 18______ n'était pas indispensable pour l'exploitation de l'entreprise agricole et ne pouvait pas être attribuée à D______. Cette parcelle devait donc être attribuée selon les règles ordinaires de partage, pour sa valeur vénale. Même s'il devait être considéré que le logement sis sur la parcelle précitée était indispensable à l'exploitation, celui-ci devrait alors être partagé du reste de la parcelle. Les parcelles n° 13______, 14______ et 25______, qui pouvaient procurer un rendement considérablement supérieur à l'exploitation agricole vu leur position en zone de gravières, devaient être attribuées en copropriété aux héritiers à raison de leurs parts respectives dans la succession.

a.b Capital fermier

A______ a fait valoir que cet actif devait entrer dans la succession pour 180'980 fr., sous déduction de l'indemnité (art. 334 CC) due à D______ selon l'estimation réalisée par K______ en 2003, soit en définitive à concurrence de 10'180 fr., plus intérêts à 5% l'an dès la date de reprise de l'exploitation le 1er janvier 1994 (180'980 fr. – 170'800 fr.).

D______ a fait valoir que ce capital fermier avait été surestimé en 2003 faute d'avoir tenu compte des investissements et frais de réparation réglés par ses soins pendant huit ans d'exploitation entre 1994 et 2003. En 2015, il n'avait plus aucune valeur résiduelle. En tout état de cause, compte tenu de l'indemnité qui lui était due (art. 334 CC) et qu'il opposait en compensation, il estimait ne rien devoir à la succession à ce titre. Il a implicitement demandé de pouvoir conserver les biens le composant afin de continuer l'exploitation agricole.

B______ et C______ s'en sont rapportées à justice sur ce point.

a.c Contingent laitier

A______ a allégué que D______ avait vendu pour 75'000 fr. le contingent laitier au moment où il avait cessé l'exploitation laitière en 2008. D______ était donc redevable de cette somme avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2008 envers la succession.

D______ a contesté avoir vendu le contingent laitier. Sans valeur commerciale depuis le début des années 2000 et ne figurant plus dans ses actifs professionnels taxables depuis 2003, le contingent laitier ne pouvait entrer dans la masse successorale.

B______ et C______ s'en sont rapportées à justice sur ce point.

a.d Fermages

A______ et D______ se sont accordés sur le montant annuel du fermage tel qu'arrêté par K______ à 13'850 fr. par an, mais sont en désaccord quant à la période due.

A______ a fait valoir que D______ était redevable du fermage depuis le 1er janvier 1994 (date à laquelle il avait repris l'exploitation du domaine), sous déduction des montants suivants : 15'000 fr. au titre de fermage déjà versé par D______, 106'400 fr. de charges de propriétaire dont D______ s'était acquitté jusqu'au 31 décembre 2001 et qui ressortaient du projet établi par K______ en septembre 2003 et 11'808 fr. 10 de charges réglées par D______ entre 2002 et 2011, étant précisé que ce montant incluait la prime d'assurance bâtiment 2011-2012 (3'747 fr. 65) réglée par D______ pour la succession. Le montant total qui devait entrer dans la masse successorale s'élevait à 171'491 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2005 (304'700 fr. [22 ans de fermage] – 15'000 fr. – 106'400 fr. – 11'808 fr. 10). Elle a réservé le fermage dû au-delà du 31 décembre 2015, pro rata temporis jusqu'à la date du partage effectif.

D______ a allégué qu'aucun fermage n'avait été fixé jusqu'au projet de remise établi en septembre 2003 sur lequel lui et son père ne s'étaient jamais mis d'accord. En toute hypothèse, il s'était entièrement acquitté d'un éventuel fermage de 1994 à 2001 en réglant les charges hypothécaires et les primes d'assurance-bâtiment. Il en allait de même pour la période de 2002 à 2007, durant laquelle il s'était en sus acquitté des charges privées de son père. Entre 2008 et 2010, il s'était acquitté de 15'000 fr. à titre de fermage. Il a admis être redevable envers la succession des fermages pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2013, date jusqu'à laquelle cette prétention était exigée dans le mémoire introductif d'instance de A______, les fermages antérieurs étant prescrits. Après déduction des montants versés à ce titre en 2009 (10'000 fr.) et des charges de propriétaire qu'il a allégué avoir réglées pour le compte de la succession de 2011 à 2013 (15'469 fr.), il a admis devoir à la succession un capital de 43'781 fr.

D______ a uniquement établi avoir réglé la prime de l'assurance bâtiments en 2011-2012 d'un montant de 3'747 fr. 65, à l'exclusion des primes annuelles de l'assurance bâtiments de 2011-2012 et de 2012-2013 et du remplacement du chauffe-eau en 2012 qui ne sont pas documentés.

B______ et C______ s'en sont rapportées à justice sur ce point.

a.e Salaire dû à feu E______ par D______

A______ s'est fondée sur le solde dû au 31 décembre 2001 selon le projet de K______ dont elle a admis qu'il y avait lieu de déduire les prestations déjà reçues (52'000 fr.) et les charges personnelles que D______ avait réglées postérieurement à cette date pour son père (3'484 fr. 20). Elle a ainsi estimé qu'une créance de 160'015 fr. (plus intérêts dès le 1er janvier 1998, date moyenne) devait entrer dans l'actif de la succession. Elle a affirmé que feu E______ avait continué à travailler dans le domaine agricole depuis 1996 jusqu'en 2002; il s'occupait matin et soir (week-end y compris) de la traite des vaches, labourait et semait les champs.

D______ a contesté cet emploi du temps de son défunt père, affirmant que ce dernier se contentait de donner des coups de mains dans l'exploitation et partait tôt dans l'après-midi. Il n'y avait jamais eu d'accord quant à la quotité de la rémunération retenue dans le projet de K______ au motif qu'il considérait avoir déjà indemnisé les services rendus par son père en réglant, en contrepartie, l'ensemble des charges personnelles de ce dernier. Cette prétendue créance serait en tout état de cause prescrite depuis 2007, dès lors que E______ ne vivait plus à la ferme depuis 2002. Il ne s'agissait pas non plus d'une libéralité de sorte que cette créance ne pouvait donner lieu à un rapport.

B______ et C______ s'en sont rapportées à justice sur ce point, étant précisé que la première citée a indiqué que son père travaillait dans le domaine lorsqu'il en avait envie.

a.f Compte bancaires

Feu E______ était titulaire du compte privé n° 26______ et du compte épargne n° 27______ auprès de P______. Au moment du décès, le solde du premier était de 7'795 fr. 75 et celui du second de 16'812 fr. 70.

a.g Part sociale auprès de P______

Feu E______ détenait une part sociale de P______, dont la valeur était de 200 fr. au moment du décès.

a.h Certificat de la Société Q______

Feu E______ détenait un certificat de la Société Q______, dont la valeur était de 250 fr. au moment du décès.

b. Les dettes grevant la succession et faisant l'objet des conclusions prises par les parties en première instance sont les suivantes :

b.a Indemnité équitable en faveur de D______ (art. 334 CC)

A______ et D______ admettent tous deux le montant de cette indemnité calculée à hauteur de 170'800 fr. dans le projet de K______.

B______ et C______ ne se sont pas prononcées sur ce point.

b.b Prêts accordés par A______ à E______

A______ a allégué avoir prêté à feu E______ divers montants entre le 3 mars 2008 et le 8 juin 2010. Au jour du décès de E______, le montant total du prêt s'élevait à 78'000 fr., plus intérêts à 4% l'an courants du 1er mai 2009 au 31 décembre 2015. A l'appui de ses dires, elle a produit 19 reconnaissances de dettes datées et signées en sa faveur par E______ pour un montant, qui s'élève en réalité à 78'800 fr. au total, étant précisé que 13 d'entre-elles ont été signées entre le 3 mars 2008 et le 7 juillet 2009 pour un montant total de 45'800 fr. et que les six restantes ont été signées entre le 21 septembre 2009 et le 8 juin 2010. Dans ces documents, E______ a reconnu avoir reçu à titre de prêts les sommes indiquées et a précisé qu'en cas de décès, ses héritiers devraient rembourser la somme plus les intérêts dans les trente jours. Ces reconnaissances de dette étaient rédigées par A______ systématiquement le jour-même ou les jours suivants lesdits prêts. Elle a expliqué avoir prêté dès 1999 des sommes variables à E______ qui servaient au paiement des factures et des dépenses courantes de ce dernier, à la fois pour faire face à un manque de liquidités, mais aussi car E______ n'aimait pas se rendre à la banque. Elle a produit des documents bancaires desquels il ressort qu'elle a versé 8'000 fr. pour le compte de E______ à l'Office des poursuites le 30 octobre 2001. E______ lui avait remboursé un montant de 50'000 fr. le 18 mai 2009. Toutefois, cela ne concernait pas les emprunts, cause des reconnaissances de dettes sur lesquelles elle se fondait. Dans ses plaidoiries finales écrites, elle a indiqué, pour la première fois, que les reconnaissances de dettes étaient restituées lorsque E______ procédait au remboursement du prêt.

D______ et ses sœurs n'ont admis aucune créance en faveur de A______, remettant en cause la réalité des emprunts allégués, dès lors que leur père disposait d'avoirs suffisants pour faire face à ses propres charges et dépenses. Ils se sont référés aux extraits des comptes produits à la procédure qui, selon eux, établissent que leur père procédait mensuellement à des retraits sur ses comptes bancaires, ce qui lui permettait de mener un train de vie correspondant à ses ressources. Ils ont contesté qu'il fût un homme dépensier. En tout état de cause, à leurs yeux, les reconnaissances de dette avaient été éteintes à due concurrence lors du versement de 50'000 fr. le 18 mai 2009.

L'extrait bancaire correspondant au virement de 50'000 fr. en faveur de A______ est intitulé "remboursement prêt".

b.c Certificat d'héritier

A______ a fait établir un certificat d'héritier dont les frais justifiés par pièces s'élèvent à 1'099 fr. 95, montant qu'elle a souhaité faire intégrer au passif de la succession. Cette dette est admise par les autres cohéritiers.

b.d Montants avancés par D______ pour le compte de l'hoirie

D______ allègue avoir avancé les primes d'assurance des bâtiments du domaine agricole, ainsi que les frais de remplacement du chauffe-eau après le décès de son père, pour un montant de 15'469 fr. Comme vu ci-dessus, D______ a uniquement établi avoir réglé un montant de 3'747 fr. 65 à ce titre pour la prime d'assurance 2011-2012, montant qui est admis par A______.

B______ et C______ ne se sont pas prononcées sur ce point.

b.e Dettes de E______ payées par A______

A______ a allégué avoir payé un montant de 11'795 fr. 75 au total correspondant à une note d'honoraires de son conseil pour l'activité déployée du ______ au ______ 2010, diverses factures relatives à des soins médicaux prodigués à E______, ainsi que les frais de participation à l'assurance-maladie de ce dernier, la prime d'assurance des bâtiments du domaine agricole pour la période allant du ______ 2010 au ______ 2011, à quoi s'ajoute l'impôt fédéral direct (IFD) 2010 en 301 fr. 50 figurant à l'inventaire de la succession. Tandis que D______ a admis la totalité de cette somme au titre de créance de l'intéressée envers la succession, B______ et C______ ont uniquement admis le montant de 301 fr. 50 correspondant à l'impôt IFD.

A______ a établi, pièces à l'appui, avoir réglé des frais médicaux de E______ pour un montant de 270 fr. au total, ainsi que la charge fiscale (IFD 2010) de ce dernier figurant à l'inventaire de la succession pour un montant de 301 fr. 50.

b.f Autres dettes de E______ ressortant du bénéfice d'inventaire

Les dettes ressortant du bénéfice d'inventaire et dont les hoirs ne se sont pas encore acquittés sont les suivantes : dette d'impôt cantonal et communal en
384 fr. 50 (AFC), dette d'impôt immobilier complémentaire en 203 fr. 60 (AFC), rente AVS versée indûment au mois d'octobre 2010 en 1'475 fr. (Office cantonal des assurances sociales [OCAS]), remboursement éventuel des indemnités versées sur la base de l'acte de constitution de servitude pour le cas où il devait être rejeté par le registre foncier en 7'200 fr. (9 mois x 800 fr.) en faveur de O______. Cette dernière n'a toutefois pas produit la créance précitée dans la succession.

Dans son mémoire introductif d'instance, A______ avait intégré au passif de la succession l'éventuelle indemnité en remboursement en faveur de la société d'exploitation de gravières. Dans ses dernières écritures, elle a uniquement admis au passif de la succession les dettes envers l'administration fiscale et l'OCAS. D______ ne s'est pas prononcé quant au sort spécifique de ces dettes inventoriées. B______ et C______ les ont en revanche admises.

c. La position de A______ et de D______ se résume comme suit.

Dans ses dernières écritures de première instance, A______ a retenu un actif successoral de 3'794'642 fr. (hors les immeubles en zone gravière, qu'elle évaluait à 244'360 fr.), composé des avoirs bancaires (25'058 fr.), des fermages (171'491 fr., étant précisé qu'elle a "réservé" le fermage dû au-delà du 31 décembre 2015, pro rata temporis jusqu'à la date du partage effectif), des intérêts sur le fermage du 1er novembre 2005 au 31 décembre 2015 (90'747 fr.), du salaire dû à feu E______ (160'015 fr.), des intérêts dus sur le salaire du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2015 (144'013 fr.), du capital fermier (10'180 fr.), des intérêts dus sur le capital fermier du 1er janvier 1994 au 31 décembre 2015 (11'198 fr.), du contingent laitier (75'000 fr.), des intérêts dus sur le contingent laitier du 1er mars 2008 au 31 décembre 2015 (29'375 fr.) et des immeubles (sauf gravières) (3'077'565 fr.). Elle a retenu un passif successoral de 114'064 fr., composé des créances fiscales (588 fr. 10), de la créance de l'OCAS (1'475 fr.), des reconnaissances de dettes en sa faveur (78'000 fr.), des intérêts sur les reconnaissances de dettes du 1er mai 2009 au 31 décembre 2015 (20'800 fr.), les factures de feu E______ payées par ses soins (11'799 fr. 75), la facture de Me R______ (1'099 fr. 95) et l'impôt fédéral direct 2010 (301 fr. 50). Selon ses calculs, l'actif successoral net s'élevait ainsi à 3'680'578 fr. (hors les trois parcelles en zone gravière). En conséquence, la valeur de sa quote-part (la moitié) s'élevait à 1'840'289 fr., tandis que celle des autres héritiers s'élevait 613'430 fr. (1/6ème chacun).

D______ s'est déclaré d'accord de verser une soulte de 103'163 fr. 50 à A______ correspondant à la moitié de la valeur de rendement de l'exploitation agricole, ainsi que 34'387 fr. 83 en faveur de chacune de ses sœurs correspondant à 1/6ème de cette valeur. En sus, les avoirs bancaires de feu son père auprès de P______, ainsi que la part sociale de la coopérative devaient être attribués à A______, à charge pour elle de solder les dettes successorales qu'il n'a pas précisées. Il a reconnu être débiteur envers la succession du fermage allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2013, soit 43'781 fr.

C. Par jugement JTPI/5760/2017 du 1er mai 2017, le Tribunal a ordonné le partage de la succession de feu E______ (chiffre 1 du dispositif), dit que les actifs de la succession à partager se composaient du domaine agricole (206'327 fr.), du capital fermier (0 fr.), du fermage et de l'indemnité de fermage (95'800 fr.), des intérêts de retard sur le fermage et l'indemnité de fermage (20'103 fr. 10), des comptes bancaires de feu E______ (24'608 fr. 45), de la part sociale de P______ (200 fr.), de la part sociale Q______ (250 fr.) (ch. 2), dit que les passifs grevant la succession à partager se composaient d'une indemnité équitable selon
l'art. 334 CC (170'800 fr.), de dettes envers A______ pour les prêts accordés à feu E______ (28'000 fr.), d'une dette envers A______ pour les intérêts conventionnels prévus par lesdits prêts (3'546 fr. 70), de dettes envers A______ pour les dettes de feu E______ qu'elle avait payées (571 fr. 50), des dettes envers A______ pour les frais du certificat d'héritier (1'099 fr. 95) et des dettes envers D______ pour les frais de gestion des biens de la succession dont il s'était acquitté (3'747 fr. 65) (ch. 3), dit que les dettes de la succession de feu E______ envers les tiers résultant du bénéfice d'inventaire des 11 avril et 4 juillet 2012 seraient pour moitié à la charge de A______, 1/6ème à la charge de D______, 1/6ème à la charge de B______ et 1/6ème à la charge de C______ (ch. 4), a attribué à D______ le domaine agricole et le capital fermier à compter du 1er janvier 2016 (ch. 5), a ordonné en conséquence l'inscription au Registre foncier du canton de Genève de D______ en qualité de propriétaire unique des parcelles n° 12______, 13______, 14______, 15______, 16______, 17______, 18______, 19______, 20______, 21______, 22______, 23______ et 24______ sises sur la commune de G______ et n° 25______ sise sur la commune de H______ (ch. 6), condamné D______ à verser à titre de soulte 103'163 fr. 50 à A______, 34'387 fr. 80 à B______ et 34'387 fr. 80 à C______, avec intérêts à 5% dès l'entrée en force du jugement (ch. 7), mis les frais judiciaires - arrêtés à 60'435 fr. et compensés à due concurrence avec les avances de frais effectuées par les parties - à la charge de A______ à raison de ¾, à la charge de D______ à raison de 1/8ème et à la charge de B______ et C______ à raison de 1/16ème chacune, ordonné la restitution à A______ de 405 fr., à D______ de 200 fr., à B______ de 100 fr., à C______ de 100 fr., condamné D______ à payer à A______ 7'754 fr. 40, condamné B______ à payer à A______ 3'777 fr. 20, condamné C______ à payer à A______ 3'777 fr. 20 (ch. 8), compensé les dépens entre les parties (ch. 9) et débouté ces dernières de toutes autres conclusions (ch. 10).

Le Tribunal a retenu que les parcelles n° 12______, 13______, 14______, 15______, 16______, 17______, 18______, 19______, 20______, 21______, 22______, 23______ et 24______ de G______ et n° 25______ de H______ constituaient une entreprise agricole. D______ était capable d'exploiter ladite entreprise, laquelle devait être évaluée à sa valeur de rendement agricole, soit 206'327 fr., lui être attribuée au 1er janvier 2016, soit le mois suivant la date à laquelle le Tribunal avait gardé la cause à juger, et être imputée sur la part héréditaire de D______.

Le capital fermier n'avait plus aucune valeur résiduelle et le Tribunal ne disposait d'aucun élément qui permettait de retenir un quelconque montant à ce titre dans la masse successorale, que ce soit pour le cheptel vif ou le cheptel mort.

Le contingent laitier n'avait plus de valeur marchande et n'était plus un actif négociable depuis la fin des années 1990.

La prescription des créances de fermage avait été interrompue la première fois par l'introduction de la présente action le 25 novembre 2013. Les créances exigibles avant le 25 novembre 2008 étaient donc prescrites et n'étaient en outre pas rapportables, faute pour le de cujus d'avoir eu la volonté d'effectuer une libéralité en faveur de son fils. En revanche, les créances dues postérieurement au 25 novembre 2008 n'étaient pas prescrites et s'élevaient à 95'800 fr., déduction faite des montants déjà versés par D______ à hauteur de 15'000 fr. Les intérêts moratoires de 5% l'an, qui couraient à compter du 31 décembre de chaque année de fermage jusqu'au 30 avril 2017, s'élevaient à un montant total de 20'103 fr. 10.

La créance salariale de feu E______ à l'encontre de son fils pour l'activité déployée entre 1994 et 2001 était soumise à un délai de prescription de 5 ans, lequel avait commencé à courir dès 2002 au plus tard, lorsque le défunt avait quitté la ferme où vivait son fils pour s'installer avec A______. La créance était prescrite depuis 2007.

A______ n'avait pas établi l'existence d'un prêt antérieur aux prêts attestés par les 19 reconnaissances de dettes produites et qui auraient été éteintes par ledit paiement. Il y avait lieu de déduire que le remboursement de 50'000 fr. intervenu le 18 mai 2009, lequel concordait - à 2'000 fr. près - avec le montant des dettes reconnues par feu E______ à la date du paiement (soit 48'000 fr. environ en tenant compte des intérêts dus), avait éteint une partie des dettes dont A______ se prévalait. Un solde de 28'000 fr. devait donc figurer à titre de dettes envers A______ au passif de la succession. A ce montant s'ajoutaient les intérêts prévus par les titres produits, soit 4% l'an, qu'il y avait lieu de comptabiliser du 1er novembre 2012 (date moyenne) jusqu'au 31 décembre 2015, soit un montant arrondi de 3'546 fr. 70.

D. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 12 juin 2017, A______ fait appel de ce jugement, qu'elle a reçu le 11 mai 2017. Elle conclut à l'annulation des quatre premières rubriques du chiffre 2 de son dispositif, des deuxième et troisième rubriques du chiffre 3, ainsi que des chiffres 5 à 9. Cela fait, elle conclut, sous suite de frais et dépens, à ce qu'il soit dit que les immeubles faisant partie des actifs successoraux doivent être estimés à leur valeur vénale, à ce qu'il soit dit que les actifs successoraux comprennent une créance à l'encontre de D______ de 185'341 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2005 (arriérés de fermage), une créance à l'encontre de D______ de 160'015 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 1998 (arriérés de salaire), une créance à l'encontre de D______ de 180'980 fr. avec intérêts à 5% du 1er janvier 1994 (capital fermier), à ce qu'il soit dit que les passifs successoraux comprennent une dette en faveur de A______ de 78'000 fr. plus intérêts au taux de 4% dès le 1er mai 2009 (prêts accordés à feu E______) et à ce qu'il soit ordonné au Conservateur du Registre foncier de procéder aux inscriptions suivantes : A______ comme copropriétaire pour ½ des parcelles n° 13______ et 14______ de G______, et de la parcelle n° 25______ de H______, D______, B______ et C______ comme copropriétaires à raison de 1/6ème chacun des parcelles précitées, A______ comme propriétaire de la parcelle n° 18______ de G______.

Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au Tribunal pour instruction et que ce dernier ordonne la division de la parcelle n° 18______ de G______ entre une partie incluse dans l'exploitation agricole et une partie non incluse dans cette exploitation.

Selon elle, l'actif successoral net à partager s'élève à 4'451'139 fr. 70. Les divers griefs qu'elle soulève à l'appui de sa thèse sont repris en détail ci-dessous dans la partie "En droit". Elle renonce à sa conclusion tendant à ce que l'actif de la succession comprenne une créance de 75'000 fr. contre D______ en lien avec le contingent laitier.

Elle fait valoir des faits non soumis au Tribunal. Elle allègue que le défunt a laissé la créance de salaire qu'il avait contre son fils se prescrire et avait la volonté d'effectuer une libéralité au profit de ce dernier. De plus, pour le cas où la Cour considérerait que cette créance ou celle découlant du fermage sont prescrites et ne sont pas rapportables à la masse successorale, elle déclare compenser ces créances prescrites avec l'indemnité équitable due à D______.

b. Par réponse du 14 septembre 2017, B______ et C______ concluent, sous suite de frais et dépens, au rejet de l'appel.

c. Par réponse du même jour, D______ prend les mêmes conclusions.

Il allègue que son fils, S______, né le ______ 1993, a débuté son activité professionnelle dans l'agriculture et est son successeur. Diplômé de l'Ecole de Commerce, celui-ci a obtenu sa maturité professionnelle, puis a effectué son service militaire. Depuis le 1er avril 2017, il travaille dans l'exploitation agricole T______ à ______ (Valais). À l'appui de ses allégations, D______ produit une attestation de l'entreprise précitée du 13 septembre 2017, selon laquelle S______ travaille pour cette entreprise comme employé d'exploitation agricole depuis le 1er avril 2017.

d. Par réplique du 9 octobre 2017, A______ persiste dans ses précédentes conclusions.

Elle produit un extrait du Registre du commerce du Bas-Valais, selon lequel T______ est active dans la production et le commerce de fruits et légumes et de produits alcoolisés. Par ailleurs, elle soutient, pour la première fois en appel, que les immeubles sis sur la parcelle n° 18______ n'ont plus d'utilité pour l'exploitation agricole.

e. Par duplique du 31 octobre 2017, D______ persiste dans ses précédentes conclusions.

f. Par courrier du 2 novembre 2017, B______ et C______ ont renoncé à dupliquer, persistant dans leurs précédentes conclusions.

g. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par courrier du greffe de la Cour du 6 novembre 2017.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement querellé étant une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3, et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 2314 et 2416).

2. Les juridictions genevoises sont compétentes à raison du lieu et de la matière compte tenu du dernier domicile du de cujus à G______ selon l'acte de décès produit (GE) (art. 28 al. 1 CPC; art. 86 al. 1 LOJ).

3. 3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Les vrais nova sont des faits et moyens de preuve qui ne sont survenus qu'après la fin des débats principaux de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_662/2012 du 7 février 2013 consid. 3.3).

La compensation étant une objection, et non une exception, elle peut être invoquée en tout temps, même en cours de procès (ATF 95 II 235 in JdT 1970 I 245; arrêts du Tribunal fédéral 4C.90/2005 consid. 4; 4C.191/2001 consid. 4a). Cela étant, la déclaration de compensation est un allégué de fait, de sorte que la partie qui s'en prévaut doit respecter les conditions fixées par les art. 229 et 317 CPC pour que son objection soit prise en compte dans le jugement (cf. Peter, in Basler Kommentar, OR I, 6ème éd., 2015, n. 2 ad Vor Art. 120-126 CO).

3.2 En l'espèce, la pièce produite par l'intimé à l'appui de sa réponse du 14 septembre 2017 est postérieure à la clôture des débats de première instance, car datée du 13 septembre 2017, et concerne des faits également postérieurs à la clôture des débats de première instance, soit l'engagement du fils de l'intimé par T______ à compter du 1er avril 2017. Partant, ladite pièce est recevable.

L'extrait du Registre du commerce que l'appelante a produit à l'appui de sa réplique du 9 octobre 2017 à propos de T______ est recevable, la production de celui-ci ayant été rendue nécessaire par les novas dont l'intimé s'est valablement prévalu dans sa réponse du 14 septembre 2017. Il s'agit par ailleurs d'un fait notoire.

L'appelante soutient, pour la première fois en appel, que les immeubles sis sur la parcelle n° 18______ n'ont plus d'utilité pour l'exploitation de l'entreprise. Dans la mesure où elle ne démontre pas avoir été empêchée d'alléguer ces faits en première instance, ceux-ci sont irrecevables.

Pour la première fois devant la Cour, l'appelante déclare que, dans l'hypothèse où il serait admis que tout ou partie des créances contre l'intimé découlant du fermage et du salaire dû au défunt sont prescrites, elle compenserait alors les créances prescrites avec l'indemnité équitable due à l'intimé. Or, l'appelante ne démontre pas avoir été empêchée de se prévaloir de cette objection en première instance. Partant, l'objection est irrecevable.

4. Il est constant que la succession de E______ s'est ouverte par sa mort le ______ 2010 (art. 537 al. 1 CC).

Dans la mesure où E______ était marié, son décès devrait entraîner la liquidation préalable du régime matrimonial des époux (art. 204 al. 2 CC). Cependant, il est admis que celle-ci n'est pas nécessaire dans la présente espèce, car aucun bien, acquêt, ni aucune dette ne compose le régime matrimonial au vu de la courte durée de l'union, d'un peu plus d'un mois.

Le principe du partage de la succession, que chaque héritier a le droit de demander en tout temps, sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce (art. 604
al. 1 CC), n'est pas remis en cause et sera donc confirmé en appel.

Les droits des parties ne sont, à juste titre, pas non plus remis en cause en appel, la conjointe survivante ayant droit à la moitié de la succession (art. 462 ch. 2 CC) et les trois enfants que le de cujus a eu d'un premier mariage à 1/6ème chacun (art. 457 al. 1 et 2 CC).

5. L'appelante critique la composition de la masse successorale arrêtée par le Tribunal sur divers points, lesquels seront examinés en détails ci-dessous.

5.1 La masse successorale se compose des biens existants au moment du décès. Il convient également d'ajouter le montant des libéralités entre vifs à des héritiers ou à des tiers dans la mesure où elles sont sujettes à réduction ou à rapport (art. 474 al. 1, 475 et 626 al. 1 et 2 CC). De ces actifs sont ensuite déduites les dettes transmissibles du défunt ainsi que les dettes de la succession qui constituent ensemble le passif (art. 474 al. 2 CC).

Le patrimoine commun des héritiers est donc formé des actifs (biens) et passifs (dettes) transmissibles ayant appartenu au défunt. Ce patrimoine évolue, des droits et des obligations s'y ajoutant ou s'en retranchant. Les héritiers étant propriétaires en commun des biens successoraux, ils en supportent les risques et les profits. C'est ainsi le patrimoine tel qu'il existe lors du partage qui est l'objet de ce partage (Piotet, Traité de droit privée suisse IV, Droit successoral, 1969/1975, p. 768
et 769).

Il en résulte que les héritiers supportent en commun les pertes de valeur et profitent en commun des augmentations de valeur des biens successoraux. Les biens existants (immeubles, meubles, droits du de cujus) sont ainsi pris en compte à leur valeur vénale au jour du partage (art. 617 CC; Steinauer, Le droit des successions, 2015, n. 144), sous réserve des biens régis par la loi fédérale sur le droit foncier rural (art. 619 CC). Ce principe s'applique également en cas de partage judiciaire, l'évaluation des biens devant se faire à l'époque du jugement. Le juge n'est pas tenu d'établir une nouvelle évaluation si le procès se prolonge. L'art. 617 CC est de nature dispositive (Steinauer, op. cit., n. 146c; Couchepin / Maire, in Commentaire du droit des successions, 2012, n. 2 s. ad art. 617 CC). Les libéralités réductibles ou rapportables sont quant à elles prises en compte à leur valeur vénale au jour du décès si l'héritier en dispose encore à ce moment-là (art. 537 al. 2 et 630 al. 1 CC), ou à leur prix de vente si elles ont été aliénées antérieurement (art. 630 al. 1 in fine CC).

Par l'effet de la dévolution, les héritiers sont tenus solidairement des dettes du défunt à l'égard des tiers (art. 603 al. 1 CC). Si les dettes (de la succession) ne sont pas réglées, les héritiers conviendront de la manière dont elles sont réparties entre eux à l'interne. S'ils ne l'ont pas fait ou s'ils ne s'entendent pas à ce sujet et qu'il n'y a pas de règles de partage du de cujus sur ce point, la répartition doit en principe être proportionnelle aux parts héréditaires (art. 640 al. 3 CC; Steinauer, op. cit., n. 1279).

5.2 Le domaine agricole

L'appelante conteste que l'ensemble des immeubles dépendant de la succession du de cujus fasse partie de l'entreprise agricole et que l'intimé soit apte à exploiter personnellement l'entreprise au sens de l'art. 9 al. 2 de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11).

5.2.1.1 S'il existe dans une succession une entreprise agricole, tout héritier peut en demander l'attribution dans le partage successoral lorsqu'il entend l'exploiter lui-même et en paraît capable (art. 11 al. 1 LDFR; art. 619 CC).

5.2.1.2 Par entreprise agricole, on entend une unité composée d'immeubles, de bâtiments et d'installations agricoles qui sert de base à la production agricole et qui exige, dans les conditions d'exploitation usuelles dans le pays, au moins une unité de main-d'œuvre standard (art. 7 al. 1 LDFR). Conformément à la possibilité offerte aux cantons par l'art. 5 let. a LDFR d'abaisser le seuil déterminant de la taille de l'entreprise, le canton de Genève l'a ramené à 0.6 unité de main-d'œuvre standard (art. 3a LaLDFR, RS GE M 1.10).

La LDFR s'applique aux immeubles agricoles isolés ou aux immeubles agricoles faisant partie d'une entreprise agricole qui sont situés en dehors d'une zone à bâtir au sens de l'art. 15 de la loi sur l'aménagement du territoire (let. a), et dont l'utilisation agricole est licite (let. b; art. 2 al. 1 LDFR). La loi s'applique également aux immeubles et parties d'immeubles comprenant des bâtiments et installations agricoles, y compris une aire environnante appropriée, qui sont situés dans une zone à bâtir et font partie d'une entreprise agricole (art. 2 al. 2
let. a LDFR).

Un immeuble agricole fait partie d'une entreprise agricole lorsqu'il constitue une partie intégrante de cette entreprise au sens d'une unité économique. Il faut par conséquent qu'il soit exploitable à partir d'un centre commun et que cette possibilité soit juridiquement assurée, ce qui est en principe le cas lorsque l'immeuble est propriété du propriétaire de l'entreprise (Bandli, in Le droit foncier rural, commentaire de la LDFR, 1998, n. 5 ad art. 2 LDFR).

La présence de bâtiments d'exploitation et d'habitation est une caractéristique essentielle de l'entreprise agricole et la base de l'activité professionnelle agricole. En principe, une entreprise agricole comprend une maison d'habitation. Il s'agit même d'une exigence pour des exploitations avec élevage où une surveillance quotidienne et répétée est nécessaire (Hofer, in Le droit foncier rural, commentaire de la LDFR, 1998, n. 23 et 25 ad art. 7 LDFR).

Si une maison d'habitation fait partie de l'exploitation, elle constitue une partie intégrante de l'entreprise. Même si elle est située en zone à bâtir, il s'agit, conformément à l'art. 2 al. 2 let. a LDFR, d'un immeuble agricole en tant que partie intégrante d'une entreprise. Elle est sujette à l'attribution intégrale en droit privé et à l'interdiction de partage matériel (Hofer, op. cit., n. 26 ad art. 7 LDFR).

Le cas le plus fréquent de parties non agricoles d'une entreprise agricole réside dans les maisons d'habitation qui outrepassent les besoins de la famille de l'exploitant, y compris de la génération précédente et des éventuels employés. Celles-ci doivent être traitées de la même manière qu'une entreprise accessoire non agricole. Si une division est difficilement possible, parce que les bâtiments sont proches les uns des autres, mitoyens ou imbriqués ou encore si tous les appartements se trouvent dans le même bâtiment, l'ensemble doit être attribué en bloc. Les logements qui excèdent les besoins agricoles doivent en principe être estimés à leur valeur vénale, étant cependant tenu compte de leur négociabilité restreinte (Hofer, op. cit., n. 138 ad art. 7 LDFR).

Dans une ancienne affaire relative à la succession d'une exploitation agricole, dont les principes sont encore d'actualité sous l'empire de la LDFR, le Tribunal fédéral avait considéré que l'attribution d'un domaine pouvait s'étendre à des locaux non affectés à l'agriculture pourvu qu'il y ait entre eux et les terres et bâtiments ruraux un rapport raisonnable qui permettait de les considérer comme des accessoires. La maison habitée par le paysan devait être considérée comme faisant partie intégrante du domaine, même si elle contenait encore deux autres logements de modeste importance. En revanche, on ne pouvait reconnaître la qualité d'accessoire à une seconde maison d'habitation comprenant trois logements
(ATF 83 II 109 consid. 7 = JdT 1958 I 8).

5.2.1.3 Est exploitant à titre personnel quiconque cultive lui-même les terres agricoles et, s'il s'agit d'une entreprise agricole, dirige personnellement celle-ci (art. 9 al. 1 LDFR). Est capable d'exploiter à titre personnel quiconque a les aptitudes usuellement requises dans l'agriculture de notre pays pour cultiver lui-même les terres agricoles et diriger personnellement une entreprise agricole (art. 9 al. 2 LDFR).

Cela présuppose une moyenne des qualités professionnelles, morales et physiques qui, d'après les usages propres à l'agriculture et les conceptions locales, sont requises pour exploiter convenablement un bien-fonds agricole (arrêt du Tribunal fédéral 5A.9/2001 du 30 juillet 2001 consid. 2b et les références citées).

La personne doit, en règle générale, avoir fréquenté une école d'agriculture pour être considérée comme ayant les aptitudes professionnelles. Cette appréciation est plus simple lorsque le postulant exploite déjà l'entreprise comme fermier. S'il démontre qu'il a pu maintenir son état de fortune et procéder aux investissements nécessaires, il devrait également être capable d'en reprendre la propriété (Hofer, op. cit., n. 34 et 37 ad art. 9 LDFR; arrêt 5A.9/2001 précité consid. 2b).

L'exploitant à titre personnel doit être physiquement en mesure de le faire. Toutefois, un mauvais état de santé n'exclut pas la capacité d'un postulant si ses moyens physiques sont suffisants pour une exploitation normale. La doctrine estime qu'à compter de 50 ans, il devrait en règle générale exister la perspective d'un successeur pour que l'on admette que l'âge n'est pas un obstacle à la capacité du postulant. Toutefois, Donzallaz rappelle que la LDFR vise à favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs et qu'elle ne contient aucune restriction quant au droit des agriculteurs plus âgés d'être considérés comme des exploitants à titre personnel. Selon cet auteur, l'âge de la retraite constitue une limite objective susceptible d'être prise en compte, pour autant que l'on ne lui reconnaisse pas une fonction absolue (Hofer, op. cit., n. 38 ad art. 9 LDFR; Donzallaz, Pratique et jurisprudence de droit foncier rural [1994-1998], 1999, n. 205).

L'existence d'une descendance peut représenter un critère de la capacité d'exploiter personnellement dans le cadre de l'art. 11 al. 1 LDFR en rapport avec l'art. 9 al. 2 LDFR. C'est une manière de tenir compte du but du principe de l'exploitation personnelle, à savoir la consolidation de la propriété foncière des agriculteurs. Il ressort de la jurisprudence que certains postulants, qui ont obtenu l'attribution d'une entreprise agricole sur la base des dispositions précitées, étaient âgés de 66 ans, respectivement 75 ans (ATF 134 III 586 consid. 3, en particulier 3.4 = JdT 2009 I 276, citant ATF 111 II 326 et 107 II 30).

5.2.1.4 Aucun immeuble ou partie d'immeuble ne peut être soustrait à une entreprise agricole (interdiction de partage matériel) (art. 58 al. 1 LDFR).

L'autorité cantonale compétente autorise des exceptions à l'interdiction de partage matériel quand l'entreprise ou l'immeuble agricole est divisé en une partie qui relève du champ d'application de la présente loi et en une autre qui n'en relève pas (art. 60 al. 1 let. a LDFR).

Il est possible de diviser un immeuble agricole en suivant les limites de zone de l'aménagement du territoire. Du fait de cette séparation, la partie de l'immeuble située en dehors du champ d'application, en règle générale dans la zone à bâtir, est exclue du champ d'application de la LDFR et définitivement attribuée à sa destination non agricole telle qu'elle est déterminée par le plan d'affectation. La division d'un immeuble ne pose pas de problème lorsque l'usage partiellement non agricole est licite et clairement délimité. La décision est plus délicate dans les cas fréquents où des bâtiments d'habitation ou d'exploitation dont l'usage était à l'origine agricole ne sont plus nécessaires. Du point de vue du droit foncier rural, ces bâtiments et installations peuvent être désaffectés et exclus du champ d'application. La décision est toutefois lourde de conséquences, et il n'est pas possible d'établir une solution globale au cas particulier. Dans le cadre de cette appréciation, ce qui est toujours exigé, c'est une appréciation objective, qui se fonde sur les besoins d'une exploitation familiale normale, indépendante de la situation momentanée (Bandli, op. cit., n. 4 ss ad art. 60 LDFR).

5.2.1.5 L'entreprise agricole est imputée à la valeur de rendement sur la part de l'héritier qui exploite lui-même (art. 17 al. 1 LDFR). Les biens meubles servant à l'exploitation sont imputés à la valeur qu'ils représentent pour ladite exploitation et l'entreprise accessoire non agricole à sa valeur vénale (art. 17 al. 2 LDFR).

5.2.1.6 Dans le cadre d'une action en partage, lorsque le Tribunal opère lui-même le partage, le jugement a un effet formateur et le transfert de propriété est réalisé dès l'entrée en force du jugement (Steinauer, op. cit., n. 1285a et les références citées).

L'appel suspend la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision dans la mesure des conclusions prises en appel (art. 315 al. 1 CPC). L'effet suspensif ne peut pas être retiré dans les cas où l'appel porte sur une décision formatrice (art. 315 al. 3 CPC).

5.2.2.1 En l'espèce, le de cujus était propriétaire d'un domaine de plus de
40 hectares, constitué des parcelles n° 12______, 13______, 14______, 15______, 16______, 17______, 18______, 19______, 20______, 21______, 22______, 23______, 24______ sises sur la commune de G______, ainsi que de la parcelle n° 25______ sise sur la commune de H______; il y a exercé une activité agricole pendant de nombreuses années. Dans le cadre de la liquidation de la succession de sa première épouse, les parcelles précitées ont été considérées comme faisant partie d'une entreprise agricole, puisqu'elles ont été évaluées à leur valeur de rendement agricole. Le de cujus a remis ladite entreprise à l'intimé afin qu'il en reprenne l'exploitation à partir du 1er janvier 1994. Cette exploitation agricole exige environ 1.6 d'unité de main-d'œuvre, soit un chiffre supérieur à l'actuelle limite de 0.6 d'unité de main-d'œuvre fixée par l'art. 3a LaLDFR.

Au vu de ces éléments, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que les quatorze parcelles mentionnées ci-dessus formaient une entreprise agricole au sens de l'art. 7 al. 1 LDFR.

L'appelante ne saurait être suivie, lorsqu'elle soutient qu'hormis l'appartement occupé par l'intimé, la parcelle n° 18______ de G______ ne peut pas être affectée à un usage agricole. A cet égard, il importe peu qu'un quart de la parcelle n° 18______ soit située en zone à bâtir (zone rurale protégée 4B), le trois quarts restant étant situé en zone agricole. En effet, au vu de l'art. 2 al. 2 LDFR, un bâtiment peut être considéré comme faisant partie intégrante d'une entreprise agricole, même s'il est érigé en zone à bâtir. La question déterminante est ici de savoir si l'immeuble concerné forme une unité économique avec l'exploitation agricole. Or, la parcelle n° 18______ faisait partie intégrante du domaine agricole que le de cujus a exploité de son vivant et qu'il a remis à son fils au 1er janvier 1994. De plus, un bâtiment d'habitation et plusieurs bâtiments d'exploitation sont érigés sur ladite parcelle et constituent ensemble une caractéristique essentielle d'une entreprise agricole, ce d'autant plus que l'intimé continue à élever du bétail qu'il prend en pension, ce qui requiert sa présence quotidienne sur le domaine.

L'argument de l'appelante, selon lequel les immeubles sis sur la parcelle n° 18______, à part l'appartement occupé par l'intimé, n'ont plus d'utilité pour l'exploitation, étant irrecevable (cf. supra consid. 3.2), il n'est pas nécessaire d'examiner si l'art. 60 al. 1 let. a LDFR peut s'appliquer au cas d'espèce.

Les éléments précités suffisent à retenir que la parcelle n° 18______ fait partie du domaine agricole. Si l'appelante entendait démontrer le contraire, il lui appartenait d'alléguer des faits pertinents allant en sens contraire et de les prouver, ce qu'elle n'a pas fait. La critique de l'appelante, selon laquelle le Tribunal aurait renversé le fardeau de la preuve sur ce point, est donc infondée.

L'arrêt publié aux ATF 83 II 109 n'est d'aucun secours à l'appelante, laquelle soutient en vain que la maison d'habitation sise sur la parcelle n° 18______ outrepasserait les besoins de l'entreprise agricole litigieuse, au motif que l'intimé n'a pas besoin du second appartement. En application des principes découlant de la jurisprudence précitée, la maison d'habitation érigée sur la parcelle n° 18______ et qui contient deux logements doit être considérée comme faisant partie intégrante du domaine agricole. En effet, il n'est pas inhabituel qu'un second logement puisse être mis à disposition d'employés ou du successeur de l'exploitant, comme cela a été précédemment le cas pour le de cujus et son fils, lesquels occupaient chacun un appartement. Au regard de la jurisprudence précitée, ce n'est que si une seconde maison d'habitation s'était trouvée sur la parcelle en question qu'il aurait été envisageable de la traiter comme une entreprise accessoire non agricole et donc de la détacher du domaine agricole.

Par conséquent, l'interdiction du partage matériel de l'entreprise agricole (art. 58 al. 1 LDFR) s'applique sans exception et c'est à juste titre que le Tribunal a refusé de donner suite aux conclusions de l'appelante tendant à ce que la parcelle n° 18______ soit détachée de l'entreprise agricole pour lui être attribuée, subsidiairement à ce que la maison d'habitation soit partagée en propriété par étages ou qu'une servitude soit constituée afin de permettre l'accès à l'appartement non occupé par l'intimé.

C'est également à bon droit que le Tribunal a rejeté les conclusions de l'appelante tendant à ce que les parcelles n° 13______ et 14______ sises à G______, ainsi que la parcelle n° 25______ sise à H______ soient attribuées en copropriété aux héritiers. En effet, la seule possibilité d'une exploitation non agricole de ces parcelles est sans pertinence et ne constitue pas une exception au principe de l'interdiction du partage matériel de l'entreprise agricole. Pour le surplus, l'appelante ne conteste pas que lesdites parcelles sont toujours dévolues à l'exploitation agricole et que la servitude de gravières que le de cujus a conclue peu avant sa mort en ______ 2010 n'a, à ce jour, pas permis de modifier l'assujettissement desdites parcelles, qui demeurent donc soumises à la LDFR.

5.2.2.2 L'intimé, qui est au bénéfice d'un CFC d'agriculteur, travaille depuis ses 20 ans dans le domaine agricole de feu son père et en a repris l'exploitation depuis le 1er janvier 1994. Les revenus qu'il en tire sont, selon le témoin K______, membre du collège d'experts de la Commission foncière agricole, suffisants pour lui permettre de continuer l'exploitation du domaine.

L'on peut déduire de ces éléments que l'intimé dispose des qualités professionnelles, morales et physiques pour exploiter lui-même le domaine litigieux. Dans ce contexte, il appartenait - à nouveau - à l'appelante d'alléguer et prouver les éléments permettant de retenir le contraire. Il ne saurait donc être reproché au Tribunal d'avoir inversé le fardeau de la preuve.

L'argument de l'appelante, qu'elle fait valoir pour la première fois en appel et selon lequel l'intimé ne verse, selon sa propre comptabilité, aucun salaire à un tiers, ne change rien à l'analyse qui précède. Il en va de même du fait qu'une partie des recettes de l'intimé provient de subventions. À cet égard, il est notoire que les paysans perçoivent de telles subventions et, comme rappelé ci-dessus, le témoin K______ a confirmé que les revenus de l'intimé étaient suffisants.

C'est en vain que l'appelante soutient qu'au vu de l'état de santé et de l'âge de l'intimé, ce dernier ne serait pas en mesure d'exploiter de manière satisfaisante l'entreprise agricole.

Premièrement, le seul problème de santé que l'intimé a rencontré est un problème de hanches qui a nécessité une intervention chirurgicale il y a plus de 10 ans. Bien que l'intimé ait diminué son activité en raison dudit problème, ce dernier ne suffit pas à retenir qu'il ne serait plus physiquement en mesure de poursuivre l'exploitation de l'entreprise agricole.

Secondement, au vu des principes rappelés ci-dessus (cf. supra consid. 5.2.1.3) et contrairement à ce que l'appelante laisse entendre, l'âge du postulant n'est pas un critère absolu, mais un indice parmi d'autres pour évaluer si celui-ci va continuer à exploiter l'entreprise agricole personnellement. En l'occurrence, l'intimé, qui a travaillé toute sa vie dans l'entreprise familiale, avait 52 ans au décès de son père et en a actuellement 60. Ce seul élément ne permet pas d'exclure la capacité de l'intimé à poursuivre l'exploitation personnellement de l'entreprise agricole familiale. De plus, son fils, actuellement âgé de 25 ans, est employé depuis un an par une société active dans la production et le commerce de fruits et légumes et sera le successeur de son père, selon les allégations non contestées de l'intimé sur ce point.

Compte tenu de ce qui précède, l'intimé remplit les conditions d'attribution découlant des art. 9 et 11 al. 1 LDFR.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a attribué l'entreprise agricole familiale à l'intimé.

Contrairement à ce que le Tribunal a retenu, cette attribution prend effet dès l'entrée en force du jugement. Dans la mesure où l'appel suspend la force de chose jugée du jugement entrepris (art. 315 al. 1 CPC), l'intimé ne deviendra propriétaire de l'entreprise litigieuse que lorsque le présent arrêt acquerra la force de chose jugée.

5.2.2.3 L'entreprise agricole doit être estimée à la valeur de rendement agricole et imputée sur la part héréditaire de l'intimé (art. 17 al. 1 LDFR).

Pour cette raison et dans la mesure où le rapport du 14 novembre 2008 réalisé par le bureau d'architectes L______ et M______ présente exclusivement la valeur vénale des parcelles composant l'entreprise agricole litigieuse, il n'était pas nécessaire de compléter l'état de fait retenu par le Tribunal avec les détails du rapport précité, ainsi que le demande l'appelante.

La valeur de rendement de l'entreprise sera arrêtée au montant estimé par le collège des experts de la Commission foncière agricole dans son rapport du 2 septembre 2009, soit 206'327 fr. En effet, aucune partie ne remet en cause le bien-fondé de cette estimation. De plus, le témoin K______, l'un des auteurs du rapport précité, a déclaré qu'au moment de son audition, ladite estimation conservait son actualité.

Partant, c'est à bon droit que le Tribunal a intégré l'ensemble des parcelles à la masse successorale pour la valeur précitée et les a attribuées à l'intimé tout en les imputant sur sa part héréditaire.

5.3 Le capital fermier

L'appelante reproche au Tribunal d'avoir attribué une valeur nulle au capital fermier, alors que, selon elle, la valeur de celui-ci aurait dû être arrêtée à 180'980 fr.

5.3.1 L'héritier qui invoque l'attribution de l'entreprise agricole pour l'exploiter lui-même peut en outre demander l'attribution des biens meubles servant à l'exploitation (bétail, matériel, provisions, etc.) (art. 15 al. 1 LDFR).

Les biens meubles servant à l'exploitation sont imputés sur la part de l'héritier qui exploite lui-même l'entreprise agricole à la valeur que ces biens représentent pour ladite exploitation (cf. art. 17 al. 2 LDFR). Pour le bétail, la valeur d'exploitation se définit comme la moyenne entre la valeur vénale moyenne et la valeur d'abattage des animaux. Pour les machines et le matériel, la valeur d'exploitation correspond à la valeur actuelle et se détermine en fonction du prix d'achat après déduction d'un amortissement correspondant à la durée d'utilisation (Studer, in Le droit foncier rural, commentaire de la LDFR, 1998, n. 8 s. ad art. 17 LDFR).

L'évaluation des biens est en principe l'affaire des héritiers. Faute pour eux de s'entendre, c'est le juge du partage (cf. art. 604 CC) qui, au besoin avec l'aide d'experts, arrête la valeur des biens en procédant aux autres opérations du partage (Steinauer, op. cit., n. 148).

Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC). Cette disposition répartit le fardeau de la preuve et détermine sur cette base qui doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 132 III 689; 132 III 449; 131 III 646; 129 III 18).

Le droit à la contre-preuve n'exclut pas l'appréciation anticipée de celle-ci. Il n'empêche pas le juge de dénier la force ou la pertinence du moyen de preuve proposé. De même, l'art. 8 CC devient sans objet lorsque le fait litigieux (objet de la preuve principale) est déjà dûment établi. Encore faut-il que l'appréciation des preuves déjà administrées ait fermement convaincu le juge que le fait litigieux (objet de la preuve principale) était irréfutablement établi. S'il ne peut se fonder que sur l'expérience générale de la vie, sur des présomptions de fait ou sur des indices, le juge autorisera la contre-preuve, si elle est proposée régulièrement et si les moyens de preuve offerts sont importants et pertinents (ATF 130 III 734 consid. 2.2.3; 115 II 305).

5.3.2 En l'espèce, l'intimé, qui se voit attribuer l'entreprise agricole du de cujus, a implicitement sollicité l'attribution des biens meubles servant à l'exploitation.

L'appelante prétend que la valeur de l'ensemble de ces biens est de 180'980 fr., alors que l'intimé soutient qu'au moment du partage et déjà au moment de la succession, ces biens n'avaient plus aucune valeur résiduelle.

C'est à juste titre que le Tribunal a écarté le projet de remise d'exploitation agricole du 23 septembre 2003 (cf. supra consid. A.h) pour estimer la valeur du capital fermier. En effet, contrairement à ce que l'appelante soutient, le défunt et l'intimé ne se sont pas mis d'accord sur une valeur de 180'980 fr., puisque les intéressés n'ont jamais signé le projet de convention dont ressortait le montant en question. Par ailleurs, cette estimation ne constitue pas non plus un indice en faveur de la thèse de l'appelante, puisqu'elle représente la valeur du capital fermier au 1er janvier 1994 et n'est donc plus d'actualité. Le témoin K______ a d'ailleurs confirmé que son estimation aurait été différente s'il l'avait effectuée à l'ouverture de la succession, en 2010, puisqu'il aurait dû tenir compte de l'amortissement des machines, du bétail restant et de l'abandon de l'exploitation laitière par l'intimé.

Par ailleurs, il faut admettre avec l'intimé que le cheptel mort, à savoir les machines et les véhicules, est intégralement amorti dans la mesure où plus de 24 ans se sont écoulés depuis le 1er janvier 1994 et que l'Administration fédérale des contributions admet pour ce type d'objets un taux d'amortissement annuel de 20% sur la valeur d'acquisition et de 40% sur la valeur comptable (cf. Notice A/2001 concernant les amortissements sur les valeurs immobilisées des exploitations agricoles et sylvicoles). Quant au cheptel vif, il ne ressort pas du dossier combien de têtes de bétail font encore partie du capital fermier qu'exploite actuellement l'intimé et le Tribunal a retenu que ce dernier en avait vendu l'essentiel, sans que l'appelante ne critique le jugement sur ce dernier point.

Dans la mesure où l'estimation dont l'appelante se prévaut est obsolète et au vu des allégations de l'intimé sur cet aspect du dossier, l'appelante supportait le fardeau de la preuve. Or, elle n'a formulé aucune offre de preuve permettant d'établir la composition actuelle du capital fermier, ainsi que sa valeur.

L'appelante ayant renoncé à la créance qu'elle invoquait en lien avec le contingent laitier, il n'y a pas lieu d'en tenir compte pour l'attribution, respectivement l'évaluation du capital fermier.

Partant, c'est à bon droit que le Tribunal a intégré le capital fermier dans les actifs successoraux pour une valeur nulle et qu'il l'a attribué à l'intimé.

5.4 Les fermages

L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que les fermages dus par l'intimé entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 2007 étaient prescrits. Elle estime également que les fermages postérieurs au décès du de cujus sont dus jusqu'à l'entrée en force du partage, qu'elle arrête au 31 décembre 2016, la date moyenne pour le calcul des intérêts étant le 30 juin 2005.

5.4.1.1 Les héritiers légaux sont tenus l'un envers l'autre au rapport de toutes les libéralités entre vifs reçues à titre d'avancement d'hoirie (art. 626 al. 1 CC). Ainsi, sont assujettis au rapport faute par le défunt d'avoir expressément disposé le contraire, les constitutions de dot, frais d'établissement, abandons de biens, remises de dettes et autres avantages semblables faits en faveur de descendants (art. 626 al. 2 CC).

Pour déterminer si une libéralité est rapportable, ce qui compte est le but recherché par le de cujus : il doit s'agir d'une volonté d'attribution à titre gratuit. La majorité de la doctrine soutient que le seul fait de laisser prescrire une créance contre un héritier n'est pas nécessairement volontaire pour le de cujus et n'entraîne dans cette mesure pas de rapport successoral de sa valeur. Cette position procède d'une critique d'une ancienne jurisprudence que nombre d'auteurs considèrent comme erronée car incomplète parue aux ATF 70 II 21 (in JdT 1944 I 425), d'après laquelle est rapportable la créance qu'a le défunt contre un héritier lorsqu'il l'a laissée se prescrire. Il appartient à celui qui se prévaut du rapport de prouver que la libéralité faite avait le caractère d'une dotation (Steinauer, op. cit., n. 184 et 186 et référence citées; Piotet, in Commentaire romand, CC II, 2016, n. 17 ad art. 626 CC avec référence aux critiques portées à l'encontre de l'arrêt précité).

5.4.1.2 Les loyers et fermages, les intérêts de capitaux et toutes autres redevances périodiques se prescrivent par cinq ans (art. 128 ch. 1 CO).

Un héritier qui ne peut réclamer l'attribution d'un bien que lors du partage de la succession, mais en use auparavant, doit indemniser ses cohéritiers pour la jouissance du bien entre le décès du de cujus et le moment du partage. Cette indemnité peut prendre la forme d'un fermage. Une telle indemnité est immédiatement exigible, sans attendre le partage ou la liquidation de l'indivision. Le délai de prescription de cette créance n'est pas suspendu pendant l'indivision de la communauté héréditaire (ATF 141 III 522 consid. 2 in SJ 2016 I 164; arrêts du Tribunal fédéral 5A_338/2010, 5A_341/2010 du 4 octobre 2010 consid. 6.1; 5A_776/2009 du 27 mai 2010 consid. 10.4.1).

5.4.1.3 Le débiteur en demeure doit des dommages-intérêts pour cause d'exécution tardive et répond même du cas fortuit (art. 103 al. 1 CO).

Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (art. 102 al. 1 CO), laquelle intervient notamment par la notification de l'ouverture d'une action judiciaire tendant à la condamnation du débiteur (Thévenoz, in Commentaire romand CO I, 2012, n. 22 ad art. 102 CO).

Le fermage d'un bail à ferme est exigible à la fin de chaque année de bail, sauf convention ou usage local contraires (cf. art. 281 al. 1 CO). Cette disposition est applicable par analogie au bail à ferme agricole (art. 276a CO; Roncoroni, in Commentaire romand, CO I, 2012, n. 5 ad art. 276a CO).

5.4.2 En l'espèce, il ressort du dossier que le de cujus n'a pas voulu laisser son fils exploiter le domaine agricole gratuitement.

En 2002, il a ainsi demandé à K______ de déterminer les modalités économiques de la remise de l'exploitation agricole à son fils, lesquelles comportaient notamment la fixation d'un fermage que le de cujus réclamait pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 2001. Toutefois, le de cujus et l'intimé n'ont jamais signé le projet de convention établi par K______ en 2003 et l'intimé a continué à exploiter le domaine familial sans que les parties ne parviennent à un accord quant aux modalités économiques de la reprise de l'entreprise agricole par l'intimé. Pour autant, le de cujus n'a pas renoncé à percevoir des fermages de son fils, lequel a d'ailleurs versé trois montants de 5'000 fr. à titre de fermage les 19 septembre 2008, 3 février et 24 décembre 2009.

L'appelante fait valoir en vain que lors des échanges intervenus entre le de cujus et l'intimé entre 2008 et 2009, celui-là n'a pas mis celui-ci en demeure de payer le fermage et a qualifié les rapports contractuels de prêt à usage. Ces éléments sont sans pertinence, puisqu'il ressort du courrier du 4 novembre 2008, que le de cujus s'est plaint de l'insuffisance du fermage versé par l'intimé le 19 septembre 2008 et qu'il estimait que son fils devait lui verser un fermage en contrepartie de la jouissance du domaine agricole.

De son vivant, le de cujus n'a pas interrompu le délai de prescription relatif aux fermages dus par son fils. Le premier acte interruptif de prescription est intervenu par l'introduction par l'appelante de la présente action en partage le 25 novembre 2013 afin de faire valoir, notamment, le paiement par l'intimé de fermages. Ceux-ci étant exigibles à la fin de chaque année, les créances exigibles avant le 25 novembre 2008 sont donc prescrites.

Au vu de ce qui précède, le de cujus a laissé ses créances de fermage se prescrire sans avoir eu la volonté de mettre son fils au bénéfice d'une libéralité. Aucun rapport ne peut donc être exigé de l'intimé.

Le montant du fermage, que le Tribunal a arrêté à 13'850 fr. par an sur la base du projet de "remise en fermage du domaine agricole" du 23 septembre 2003, n'est pas remis en cause en appel et sera confirmé.

Les fermages, respectivement les indemnités d'utilisation devant entrer dans la masse successorale sont ceux devenus exigibles entre le 25 novembre 2008 et le jour où l'attribution du domaine agricole à l'intimé deviendra effective, soit le jour où le présent arrêt acquerra force de chose jugée. Dans la mesure où la remise du bail a eu lieu au 1er janvier 1994 et que les parties n'ont pas convenu d'une autre date d'exigibilité que la fin de l'année de bail (cf. art. 281 al. 1 CO), seuls les fermages, respectivement les indemnités d'utilisation devenus exigibles jusqu'au 31 décembre 2017 seront prises en compte. Déduction faite des montants déjà versés par l'intimé au titre de fermages en 2008 et 2009, le montant des fermages, respectivement des indemnités d'utilisation dus par l'intimé à la masse successorale s'élève ainsi à 123'500 fr. (13'850 fr. [fermage annuel] x 10 ans [période du 25 novembre 2008 au 31 décembre 2017] – 10'000 fr. [fermages versés en 2009] – 5'000 fr. [fermage versé en 2008]).

Vu l'écoulement du temps depuis le prononcé du jugement entrepris et les conclusions de l'appelante tendant à ce que les créances nouvellement échues soient portées à l'actif successoral, les intérêts, dont le taux de 5% n'est pas contesté en appel, doivent être recalculés. Ceux-ci courent du 31 décembre de l'année correspondante jusqu'à la date du prononcé du présent arrêt, laquelle sera arrêtée au 30 avril 2018, par souci de simplification de calcul. Les intérêts moratoires s'élèvent à un montant total de 26'970 fr. 55 et se décomposent comme suit :

-          4'130 fr. pour les intérêts sur le solde du fermage dû pour 2008, soit 8'850 fr. (13'850 fr. – 5'000 fr.), à 5% l'an du 31 décembre 2008 au 30 avril 2018 (8'850 fr. x 5% x 9 ans et 4 mois);

-          1'604 fr. 15 pour les intérêts sur le solde du fermage dû pour 2009, soit 3'850 fr. (13'850 fr. – 10'000 fr.), à 5% l'an du 31 décembre 2009 au 30 avril 2018 (3'850 fr. x 5% x 8 ans et 4 mois);

-          5'078 fr. 30 pour les intérêts sur le fermage et l'indemnité de fermage dus pour 2010, à 5% l'an du 31 décembre 2010 au 30 avril 2018 (13'850 fr. x 5% x 7 ans et 4 mois);

-          4'385 fr. 80 pour les intérêts sur l'indemnité de fermage due pour 2011, à 5% l'an du 31 décembre 2011 au 30 avril 2018 (13'850 fr. x 5% x 6 ans et 4 mois);

-          3'693 fr. 30 pour les intérêts sur l'indemnité de fermage due pour 2012, à 5% l'an du 31 décembre 2012 au 30 avril 2018 (13'850 fr. x 5% x 5 ans et 4 mois);

-          3'000 fr. 80 pour les intérêts sur l'indemnité de fermage due pour 2013, à 5% l'an du 31 décembre 2013 au 30 avril 2018 (13'850 fr. x 5% x 4 ans et 4 mois);

-          2'308 fr. 30 pour les intérêts sur l'indemnité de fermage due pour 2014, à 5% l'an du 31 décembre 2014 au 30 avril 2018 (13'850 fr. x 5% x 3 ans et 4 mois);

-          1'615 fr. 80 pour les intérêts sur l'indemnité de fermage due pour 2015, à 5% l'an du 31 décembre 2015 au 30 avril 2018 (13'850 fr. x 5% x 2 ans et 4 mois);

-          923 fr. 30 pour les intérêts sur l'indemnité de fermage due pour 2016, à 5% l'an du 31 décembre 2016 au 30 avril 2018 (13'850 fr. x 5% x 1 an et 4 mois);

-          280 fr. 80 pour les intérêts sur l'indemnité de fermage due pour 2017, à 5% l'an du 31 décembre 2017 au 30 avril 2018 (13'850 fr. x 5% x 4 mois).

Par conséquent, un montant de 150'470 fr. 55 sera imputé sur la part de succession de l'intimé (art. 614 CC).

5.5 Salaire dû au de cujus par l'intimé

L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du fait que le de cujus avait laissé la créance de salaire qui lui était due se prescrire et qu'il avait ainsi effectué une libéralité au profit de l'intimé.

5.5.1 Les actions des travailleurs pour leurs services se prescrivent par cinq ans (art. 128 ch. 3 CO).

La prescription ne court point et, si elle avait commencé à courir, elle est suspendue à l'égard des créances des travailleurs contre l'employeur, lorsqu'ils vivent dans son ménage, pendant la durée des rapports de travail (art. 134 al. 1 ch. 4 CO).

La notion de rapport désigne par son objet l'obligation d'un héritier de remettre dans la masse des biens extants de la succession des éléments patrimoniaux, en nature ou en contre-valeur, qui lui ont été attribués par le de cujus par un acte entre vifs avant l'ouverture de la succession. Les héritiers créanciers ont contre le débiteur du rapport une prétention à l'exécution de ce dernier. Faute d'exécution du rapport, la créance ainsi constituée au moment du décès doit être exercée dans le cadre d'un procès en partage ou d'une action séparée en rapport (Piotet, in Commentaire romand, CC II, 2016, n. 1 et 5 ss ad art. 626 C).

5.5.2 En l'espèce, la question de savoir si le de cujus avait une créance salariale contre l'intimé peut demeurer ouverte.

En effet, cette créance est, en toute hypothèse, prescrite - ce que l'appelante admet d'ailleurs implicitement - puisque le de cujus a quitté la ferme où vivait son fils au plus tard en 2002 pour aller vivre avec l'appelante. Par conséquent, le délai de prescription quinquennal a commencé à courir dès cette date et la créance s'est prescrite en 2007.

L'appelante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que les règles sur le rapport au sens de l'art. 626 CC devraient être appliquées au cas d'espèce et que le défunt a effectué une libéralité en laissant la créance se prescrire. En effet, le rapport est une prétention appartenant aux héritiers créanciers du rapport et il incombait à l'appelante de l'exercer en temps utile dans la présente action en partage qu'elle a d'ailleurs elle-même initiée. Son argument est dès lors irrecevable en appel et c'est à bon droit que le Tribunal n'a pas examiné si la créance prescrite devait être considérée comme une libéralité rapportable.

5.6 Prêts accordés par l'appelante au de cujus

L'appelante reproche au Tribunal d'avoir réduit à tort le montant total des prêts qu'elle avait accordés au défunt à hauteur de 78'000 fr., en déduisant un remboursement de 50'000 fr., lequel concernait, selon elle, des prêts antérieurs.

5.6.1 La reconnaissance de dette est valable, même si elle n'énonce pas la cause de l'obligation (art. 17 CO). Néanmoins, la cause de l'obligation doit être valable. La reconnaissance de dette a une fonction de preuve (ATF 131 III 268 consid. 3.2; 119 II 452 consid. 1d; 105 II 183 consid. 4a).

5.6.2 En l'espèce, il ressort des dix-neuf reconnaissances de dettes datées et signées par le défunt que l'appelante a prêté à celui-ci 78'000 fr. entre le 3 mars 2008 et le 8 juin 2010. Le Tribunal a retenu que les causes mentionnées dans lesdites reconnaissances de dettes étaient existantes, ce qui n'est pas remis en cause en appel.

Le 18 mai 2009, le défunt a versé à l'appelante 50'000 fr. par virement bancaire à titre de remboursement de prêt.

L'allégation de l'appelante selon laquelle ce remboursement concerne des dettes antérieures à celles découlant des reconnaissances de dettes précitées, n'est pas prouvée. En effet, le seul élément censé prouver l'existence de ces prétendus prêts antérieurs concerne un versement de 8'000 fr. que l'appelante a effectué le 30 octobre 2001 en faveur de l'Office des poursuites pour le compte du défunt. En l'absence d'autres éléments corroborant les allégations de l'appelante, cet élément n'est pas propre à emporter la conviction de la Cour.

De plus, au 18 mai 2009, le montant total des prêts ressortant des reconnaissances de dettes précitées s'élevait à 45'800 fr., soit, selon l'appréciation non contestée du Tribunal 48'000 fr., en tenant compte des intérêts. La proximité de ce montant avec le versement de 50'000 fr. est un indice supplémentaire que le remboursement en question concernait les prêts visés par les reconnaissances de dettes, et non pas les prétendus prêts antérieurs allégués mais non prouvés par l'appelante.

Par conséquent, c'est à juste titre que le Tribunal a arrêté le montant des dettes dues à l'appelante à 28'000 fr. (78'000 fr. – 50'000 fr.).

Au vu de l'écoulement du temps depuis le prononcé du jugement entrepris, les intérêts sur le montant précité doivent être recalculés, en tenant compte du fait qu'ils ont couru du 1er novembre 2012 (date moyenne) jusqu'au 30 avril 2018. Ceux-ci s'élèvent donc à 6'160 fr. (28'000 fr. x 4% x 5 ans et 6 mois).

5.7 Les chiffres que l'appelante présente en lien avec les avoirs bancaires du défunt, les factures qu'elle allègue avoir payées, les créances de l'AFC et celles de l'OCAS, diffèrent de ceux retenus par le Tribunal. Faute pour l'appelante de critiquer de manière fondée les montants retenus par le Tribunal, ces derniers seront confirmés en appel.

6. En résumé, l'actif successoral s'élève à 381'406 fr. et comprend le domaine agricole (206'327 fr.; cf. supra consid. 5.2.2.3), le capital fermier (0 fr.; cf. supra consid. 5.3.2), les fermages et les indemnités d'utilisation (123'500 fr.; cf. supra consid. 5.4.2), les intérêts courus sur cette dernière créance (26'970 fr. 55; cf. supra consid. 5.4.2) et les comptes bancaires du défunt (24'608 fr. 45; cf. supra consid. 5.7).

Le passif successoral s'élève à 210'379 fr. 10 et comprend l'indemnité équitable selon l'art. 334 CC (170'800 fr.), les prêts accordés à l'appelante par le défunt (28'000 fr.; cf. supra consid. 5.6.2), les intérêts courus sur les prêts précités (6'160 fr.; cf. supra consid. 5.6.2), la charge d'impôts IFD de 2010 et les frais médicaux du de cujus (571 fr. 50; cf. supra consid. 5.7), les frais du certificat d'héritiers (1'099 fr. 95) et les frais de gestion des biens successoraux (3'747 fr. 65).

Le solde des biens de la succession s'élève donc à 171'026 fr. 90 (381'406 fr. – 210'379 fr. 10). Au vu des quotes-parts de la succession revenant à chacun des héritiers (cf. supra consid. 4), l'appelante a droit à une quote-part de 85'513 fr. 50 (½) et l'intimé et ses deux sœurs ont droit à 28'504 fr. 45 chacun (1/6ème chacun).

L'intimé se voit attribuer l'entreprise agricole et le capital fermier. De plus, les fermages pour l'usage du domaine jusqu'au 31 décembre 2017, plus les intérêts courus, doivent également être imputés sur la part de l'intimé. Au total, la valeur de ces biens, respectivement droits, s'élève à 356'797 fr. 55 (206'327 fr. + 150'470 fr. 55), dont il convient de déduire les dettes à l'égard de l'intimé à hauteur de 174'547 fr. 65 (170'800 fr. [indemnité équitable] + 3'747 fr. 65 [frais de gestion des biens successoraux]). Par conséquent, la part nette de l'intimé s'élève à 182'249 fr. 90. Dans la mesure où ce montant excède sa part successorale, l'intimé devra verser des soultes à ses cohéritières. Partant, l'intimé doit rembourser à ces dernières la différence entre 182'249 fr. 90 et sa part successorale de 28'504 fr. 45 soit 153'745 fr. 45.

L'attribution à l'appelante des comptes courants et d'épargne du de cujus auprès de P______, de la part sociale auprès de cette dernière et du certificat de la société Q______, dont la valeur totalise 25'058 fr. 45, n'est pas remise en cause et sera donc confirmée en appel. L'appelante doit recevoir 60'455 fr. 05 (85'513 fr. 50 – 25'058.45), plus les dettes de la succession à son égard à hauteur de 35'831 fr. 45 (28'000 fr. [prêts en faveur du défunt] + 6'160 fr. [intérêts courus sur les prêts] + 571 fr. 50 [charge d'impôts IFD de 2010 et frais médicaux du de cujus] + 1'099 fr. 95 [frais du certificat d'héritiers]). En définitive, la soulte à laquelle l'appelante peut prétendre s'élève à 96'286 fr. 50.

Les intimées n'ont reçu aucun avoir et n'ont pas de créances envers la succession, de sorte que leur soulte respective s'élève à 28'504 fr. 45 chacune.

7. Il découle de ce qui précède que les troisième et quatrième tirets du chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris seront annulés et, cela fait, il sera dit que parmi les actifs successoraux de la succession à partager, les fermages et les indemnités d'utilisation s'élèvent à 123'500 fr. et les intérêts courus sur ce montant à 26'970 fr. 55. Pour le surplus, les autres tirets du chiffre 2 du dispositif seront confirmés.

Le troisième tiret du chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris sera annulé et, cela fait, il sera dit que parmi les passifs successoraux de la succession à partager, les intérêts conventionnels courus sur les prêts consentis par l'appelante au de cujus s'élèvent à 6'160 fr. Pour le surplus, les autres tirets du chiffre 3 du dispositif seront, pour leur part, confirmés.

En première instance, l'intimé a admis être débiteur de soultes s'élevant à 103'163 fr. 50 en faveur de l'appelante et de 34'387 fr. 80 (montant arrondi) en faveur de chacune de ses sœurs. En vertu du principe de disposition applicable à l'action en partage (art. 58 al. 1 CPC; ATF 143 III 425 consid. 4.7) et dans la mesure où les soultes précitées sont plus élevées que celles indiquées ci-dessus (cf. supra consid. 6.1), le chiffre 7 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé en appel.

Pour le surplus, les chiffres 1, 4, 5 et 6 du dispositif du jugement entrepris seront confirmés.

8. 8.1 Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les modifications que la Cour apporte au jugement entrepris consistent en grande partie à tenir compte de l'écoulement du temps entre le prononcé dudit jugement et celui du présent arrêt et, partant, d'intégrer les indemnités d'utilisation nouvellement échues, ainsi que de l'augmentation des intérêts courus sur certaines créances. En d'autres termes, le jugement entrepris est pour l'essentiel confirmé, de sorte que les parties succombent dans la même mesure qu'au terme du jugement entrepris. Par conséquent, il ne se justifie pas de s'écarter de la fixation et de la répartition des frais opérées par le Tribunal.

Partant, les chiffres 8 et 9 du dispositif du jugement entrepris seront confirmés.

8.2 Compte tenu de la valeur litigieuse alléguée par l'appelante à hauteur de 4'451'139 fr. 70, les frais judiciaires d'appel seront fixés à 36'000 fr. (art. 5, 17 et 35 RTFMC), mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 2 CPC) et compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par l'appelante, qui reste acquise à l'État (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera également condamnée à verser des dépens à ses cohéritiers. Vu la nature du litige, en particulier les relations d'alliance entre l'appelante et les cohéritiers, et dans la mesure où les écritures d'appel ont été modestes, le montant des dépens ne saurait être fixé sur la seule base de la valeur litigieuse. Au vu des écritures d'appel de l'intimé, lequel a déposé une réponse de 11 pages et une duplique de 5 pages, l'appelante sera condamnée à lui verser 10'000 fr., débours et TVA inclus, à titre de dépens d'appel. Au vu des écritures d'appel des deux intimées, lesquelles ont déposés une réponse commune de 4 pages, et dans la mesure où elles s'en sont rapportées à justice pour l'essentiel, l'appelante sera condamnée à leur verser 1'000 fr. chacune, débours et TVA inclus, à titre de dépens d'appel (art. 95 al. 3 CPC; art. 85 al. 1 et 90 RTFMC; art. 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 12 juin 2017 contre le jugement JTPI/5760/2017 rendu le 1er mai 2017 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24731/2013.

Au fond :

Annule les troisième et quatrième tirets du chiffre 2 du dispositif de ce jugement, ainsi que le troisième tiret du chiffre 3 et, cela fait, statuant à nouveau sur ces points :

Dit que parmi les actifs successoraux de la succession de feu E______ à partager, les fermages et les indemnités d'utilisation du domaine agricole s'élèvent à 123'500 fr. et les intérêts courus sur ce montant à 26'970 fr. 55.

Dit que parmi les passifs successoraux de la succession de feu E______ à partager, les intérêts conventionnels courus sur les prêts consentis par A______ à feu E______ s'élèvent à 6'160 fr.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 36'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense entièrement avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat.

Condamne A______ à verser à D______ 10'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Condamne A______ à verser à B______ 1'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Condamne A______ à verser à C______ 1'000 fr. à titre de dépens d'appel.

 


 

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, Madame Eleanor McGREGOR, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Jessica ATHMOUNI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.