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Décisions | Chambre civile

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C/27057/2017

ACJC/900/2018 du 19.06.2018 sur ORTPI/162/2018 ( OS ) , JUGE

Descripteurs : ACTION EN CONTESTATION DE L'ÉTAT DE COLLOCATION ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : Cst.29; CPC.53; CPC.222
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27057/2017 ACJC/900/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 19 JUIN 2018

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant contre l'ordonnance rendue par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 février 2018, comparant par Me Peter Pirkl, avocat, rue de Rive 6, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Marc-Alec Bruttin, avocat, rue du Mont-de-Sion 8, 1206 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Le 15 novembre 2017, B______ a saisi le Tribunal de première instance d'une action dirigée contre A______ en contestation de l'état de collocation déposé dans la faillite de C______ SA.

S'agissant de la valeur litigieuse de sa demande, B______ a indiqué que la créance litigieuse avait été admise à l'état de collocation à hauteur de 16'234 fr. 30 et que le dividende prévisible avait été estimé par l'administration spéciale de la faillite à 28.49%, de sorte qu'il évaluait la valeur litigieuse à 4'625 fr. 15.

b. La demande introductive d'instance n'a pas été transmise à A______. Les parties n'ont pas eu l'occasion de se déterminer avant le prononcé de l'ordonnance querellée.

c. Par ordonnance ORTPI/162/2018 rendue le 21 février 2018, le Tribunal a ordonné la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la cause C/1______/2017.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour le 12 mars 2018, A______ recourt contre cette ordonnance, qu'il a reçue le 28 février 2018. Il conclut à l'annulation de celle-ci et, cela fait, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision, subsidiairement à ce qu'il soit ordonné au premier juge de lui transmettre la demande déposée par B______ et toute pièce en relation avec la suspension de la procédure, de lui fixer un délai pour se déterminer sur la suspension de la procédure et de statuer à nouveau sur la question de la suspension, et enfin, en tout état, à ce que les frais judiciaires et ses dépens soient mis à la charge de B______ ou de l'Etat de Genève.

Il reproche au Tribunal d'avoir ordonné cette suspension sans lui avoir préalablement transmis la demande en justice déposée à son encontre et sans lui avoir donné la possibilité de s'exprimer au sujet de cette suspension.

b. B______ s'en rapporte à justice.

Il relève n'avoir pas requis du Tribunal la suspension de la procédure.

c. Dans sa réplique, A______ fait en outre grief au Tribunal de n'avoir pas suffisamment motivé sa décision, arguant de ce qu'elle ne lui permet pas de comprendre sur quels éléments de fait ou de droit s'est fondé le premier juge pour suspendre la procédure. Il persiste pour le surplus dans son recours.

d. B______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

e. Les parties ont été informées par avis du 18 mai 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. La décision ordonnant la suspension de la cause est une mesure d'instruction qui peut, conformément à l'art. 126 al. 2 CPC, faire l'objet du recours de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC (ATF 141 III 270 consid. 3; Gschwend/Bornatico, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2013, n. 17a ad art. 126 CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être déposé auprès de l'instance de recours dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance d'instruction, à moins que la loi n'en dispose autrement (art. 321 al. 1 et 2 CPC; ATF 141 III 270 consid. 3.3; 138 III 705 consid. 2.1).

Interjeté en temps utile et dans la forme prescrite par la loi, le recours est recevable (art. 130, 131, 142 al. 3 et 321 al. 1 et 2 CPC).

2. Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

3. Le recourant fait valoir une violation de son droit d'être entendu, reprochant au Tribunal d'avoir ordonné la suspension de la procédure sans lui avoir au préalable transmis la demande en justice dirigée à son encontre ni donné la possibilité de s'exprimer au sujet de la suspension de la procédure.

3.1 Le droit d'être entendu garantit notamment au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au Tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; 139 II 489 consid. 3.3; 138 I 484 consid. 2.1).

L'art. 222 al. 1 CPC concrétise cette garantie constitutionnelle en ce qu'il dispose que le Tribunal notifie la demande au défendeur et lui fixe un délai pour déposer une réponse écrite (haldy, Code de procédure civile commenté, bohnet/haldy/ jeandin/schweizer/tappy, 2011, n. 5 ad art. 53). Le Tribunal peut décider de limiter la réponse à des questions ou des conclusions déterminées (art. 222 al. 3 CPC).

La violation du droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne, par principe, l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours au fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1). Une violation - pas particulièrement grave - du droit d'être entendu peut exceptionnellement être guérie si l'intéressé peut s'exprimer devant une instance de recours ayant libre pouvoir d'examen en fait comme en droit (ATF 137 I 195 consid. 2.2 et 2.3.2).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a suspendu la procédure sans avoir au préalable transmis au recourant la demande introductive d'instance ni lui avoir donné la possibilité de se déterminer sur la question de la suspension. II n'a, ce faisant, pas respecté le droit d'être entendu du recourant, de sorte que le grief soulevé à cet égard est fondé. Cette violation ne peut être guérie devant la Chambre de céans, qui ne dispose que d'un pouvoir d'examen restreint dans le cadre de la présente procédure de recours.

Il convient en conséquence d'annuler l'ordonnance entreprise. Il appartiendra au Tribunal de transmettre au recourant la demande déposée à son encontre, et, s'il considère que la question de la suspension de la présente cause se pose, de recueillir les déterminations des parties sur cette question avant de rendre une nouvelle décision.

4. 4.1 Les frais, qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC), sont en règle générale mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Le juge peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation dans les cas visés à l'art. 107 al. 1 CPC.

Les frais judiciaires qui ne sont pas imputables aux parties ni aux tiers peuvent être mis à la charge du canton si l'équité l'exige (art. 107 al. 2 CPC). Cette disposition traite des frais judiciaires, non des frais au sens de l'art. 95 al. 1 CPC comprenant les dépens (140 III 385 consid. 4.1).

Dans certains cas particuliers, par exemple en cas d'admission d'un recours pour retard injustifié au sens de l'art. 319 let. c CPC ou contre une décision rendue d'office par une autorité sans requête préalable des parties, le canton peut être appelé à supporter également les dépens en application de l'art. 106 al. 1 CP, à moins que le droit cantonal ne l'en ait exonéré (ATF 140 III 385 consid. 4.1; 139 III 471 consid. 3; 138 III 471 consid. 7; arrêt du Tribunal fédéral 4A_569/2017 du 27 avril 2018 consid. 8).

4.2 En l'espèce, les frais judiciaires seront arrêtés à 800 fr. (art. 96 CPC; 41 RTFMC). Ils seront laissés à la charge de l'Etat de Genève en application de l'art. 107 al. 2 CPC, dès lors que le recourant a obtenu gain de cause et qu'ils ne sont pas imputables à l'intimé, qui n'a pas requis la suspension querellée et s'en est rapporté à justice devant la Cour. L'avance fournie à hauteur de 800 fr. sera en conséquence restituée à l'appelant.

Les dépens du recourant seront fixés à 600 fr., débours et TVA compris, au regard notamment de la valeur litigieuse de 4'625 fr. déterminée en fonction de la collocation litigieuse et du dividende prévisible (ATF 135 III 127 consid. 1.2; art. 23, 25 et 26 LaCC; art. 85, 87 et 90 RTFMC).

Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-avant, il apparaît inéquitable de mettre les dépens du recourant à la charge de l'intimé, alors qu'il s'en est rapporté à justice dans la procédure de recours contre une décision qu'il n'a pas sollicitée. Ces circonstances particulières justifient, dans le cas d'espèce, de mettre les dépens du recourant à la charge de l'Etat de Genève en application de l'art. 106 al. 1 CPC.

Les frais judiciaires seront en conséquence laissés à la charge de l'Etat de Genève, et ce dernier sera condamné à verser au recourant la somme de 600 fr. au titre de dépens de recours.

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance OTPI/162/2918 rendue le 21 février 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/27057/2017-22.

Au fond :

Annule cette ordonnance.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 800 fr. et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer 800 fr. à A______.

Condamne l'Etat de Genève à verser à A______ la somme de 600 fr. au titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.