Aller au contenu principal

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/15498/2010

ACJC/1231/2012 (3) du 31.08.2012 sur JTPI/14661/2011 ( OA ) , CONFIRME

Descripteurs : ; LÉGITIMATION ACTIVE ET PASSIVE ; ACTION EN CONTESTATION DE L'ÉTAT DE COLLOCATION ; CESSION DE CRÉANCE(CO)
Normes : LP.250 CO.164
Résumé : 1. Condition d'aboutissement de l'action, la légitimation active doit être examinée à la clôture de l'instruction, avant le prononcé du jugement, et non pas à l'ouverture d'instance (consid. 3.1). 2. Une créance ne peut pas être scindée en une prétention de fond et un droit d'action. Le droit suisse ne connaît pas de cession portant sur la seule faculté de déduire une créance en justice. Ainsi, le créancier qui a cédé sa créance colloquée ne peut plus ouvrir action en contestation de l'état de collocation (consid. 3.2). 3. Le droit suisse admet notamment l'institution de la cession aux fins de garantie. La titularité de la créance ou de la prétention cédée à titre de sûreté passe au fiduciaire (ou cessionnaire), à l'instar de ce qui vaut sous l'angle de l'art. 164 CO (consid. 3.2).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15498/2010 ACJC/1231/2012

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 31 AOÛT 2012

 

Entre

MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA, p.a. Office des faillites, 2, avenue Reverdil, case postale 1304, 1260 Nyon (VD), appelante d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 octobre 2011, comparant par Me Serge Fasel, avocat, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA, p.a. Office des faillites de Genève, 13, chemin de la Marbrerie, 1227 Carouge (GE), intimée, comparant en personne,

 


EN FAIT

A.           Par jugement du 3 octobre 2011, communiqué pour notification aux parties le 4 octobre 2011, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure accélérée, a débouté la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA de toutes ses conclusions (ch. 1), condamné celle-ci aux dépens, comprenant une indemnité de procédure de 4'000 fr. à titre de participation aux honoraires du conseil de la MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA (ch. 2) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 4 novembre 2011, la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, l'appelante conclut à l'annulation de la décision de l'administration spéciale de la MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA du 23 juin 2010 écartant en totalité comme non due et non justifiée sa production à concurrence de 1'720'951 fr. 37, à l'admission de sa créance à l'état de collocation à hauteur de 1'570'951 fr. 37 et à ce que cette créance soit colloquée par préférence sur le produit des gages, soit l'ensemble des mouvements, calibres et têtes de montre propriétés de Y ______ SAen mains de l'Office des faillites de la Côte, le solde non couvert de la créance devant être colloqué en 3è 3ème classe.

A l'appui de son appel, LA MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA produit un bordereau de pièces complémentaires comprenant trois conventions de cession générale entre la Z ______et X ______ SA des 2 octobre 2006, 5 février 2008 et 6 février 2009, une convention de rétrocession de créance entre elle-même et la Z ______du 23 septembre 2011, ainsi qu'un courrier de son conseil au Tribunal daté du 27 septembre 2011.

b. Dans ses écritures de réponse du 23 février 2012, la MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA conclut principalement à la confirmation du jugement entrepris et subsidiairement au déboutement de l'appelante de toutes ses conclusions. Plus subsidiairement, la MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA conclut à ce qu'il soit constaté qu'elle est fondée à opposer en compensation une créance de 12'049'454 fr. 25. Encore plus subsidiairement, l'intimée conclut à l'admission de la production de la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA à hauteur de 1'179'517 fr. 14 plus intérêts.

A l'appui de ses conclusions, la MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA produit un bordereau complémentaire de pièces comprenant un inventaire sur commission rogatoire établi par l'Office des faillites de la Côte le 3 juin 2011 et un courrier du conseil de l'appelante à elle-même, du 27 avril 2011.

c. Dans un second échange d'écritures, les parties ont persisté dans leurs conclusions, sous réserve de ce que la MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA a conclu "encore plus subsidiairement" à l'admission de la production de la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA à hauteur de 61'950 fr. plus intérêts, en troisième classe.

La MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA a par ailleurs produit un nouveau bordereau complémentaire de pièces comprenant un courrier de sa part à l'appelante du 25 avril 2012 et la réponse de celle-ci du 30 avril 2012.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. X ______ SA, à Nyon, était active dans la recherche et le développement en matière de prototypage et microtechnologie, principalement pour l'horlogerie haut de gamme.

, à Genève, était une société active dans le développement, la fabrication, le montage, la promotion, la distribution et la représentation de montres.

b. En date du 24 octobre 2005, X ______ SA et Y ______ SA ont conclu une convention intitulée "contrat cadre de développement et production de produits horlogers", aux termes de laquelle la première devait réaliser le développement et la fabrication de produits horlogers à livrer à Y ______ SA.

Concrètement, X ______ SA concevait et fabriquait les mouvements de montres qu'elle conservait ensuite dans ses locaux jusqu'à réception de boîtes livrées par Y ______ SA. X ______ SA procédait alors à l'emboîtage des mouvements.

Selon l'article 6 de la convention, Y ______ SA s'engageait à payer X ______ SA selon les modalités définies dans l'annexe II de la convention, pourvu que l'avancement du travail corresponde à ce qui avait été défini contractuellement. Les termes de cette annexe ne sont pas connus.

En principe, un tiers du prix était payé par Y ______ SA au moment de la commande et les deux tiers restants lors de la prise de possession par celle-ci des mouvements emboîtés. Les mouvements restaient la propriété de X ______ SA tant qu'ils n'étaient pas montés et passés en possession de Y ______ SA.

c. Le 21 janvier 2009, Y ______ SA s'est adressée à X ______ SA pour lui faire grief de problèmes de délais et de qualité dans la livraison de mouvements, suite à un second retour par un client d'une montre «Tourbillon». Y ______ SA indiquait que «dans ces circonstances, nous n'avons d'autre choix que de cesser toute collaboration à long terme avec votre entreprise et de retirer les modèles Tourbillon de notre proposition commerciale 2009».

Par courrier du 10 mars 2009, X ______ SA a réfuté la mise en cause dont elle faisait l'objet de la part de Y ______ SA. Elle a demandé à celle-ci de régler le solde des factures ouvertes, fournissant un extrait du "livre client" sur lequel figuraient des factures établies au nom de Y ______ SA pour des échéances situées entre le 10 juillet 2008 et le 31 janvier 2009, pour un montant total de 1'641'770 fr. 99.

d. En date du 6 février 2009, X ______ SA a signé une convention générale de cession de créances actuelles et futures à fin de garantie avec la Z ______ .

L'article 7 de cette convention prévoyait que la cession ne donnerait en principe pas lieu à une notification au débiteur. Le cédant avait le pouvoir d'encaisser pour le compte de la banque les créances cédées à fin de garantie, sous réserve de règlement avec la banque. Il incombait également au cédant de procéder aux interventions en cas de faillite, de concordat ou d'inventaire du débiteur.

e. La faillite de Y ______ SA a été prononcée le 10 novembre 2009 par le Tribunal de première instance de Genève.

Par courrier du 21 janvier 2010, la Z ______ , cessionnaire générale de créances de X ______ SA à titre de garantie, a demandé à cette dernière d'identifier trente-six mouvements de montre ayant fait l'objet de factures adressées à Y ______ SAet non livrés. Il y avait lieu d'apposer sur ces biens une mention selon laquelle ils faisaient l'objet de droits en faveur de la banque et de ne s'en départir sous aucun prétexte.

f. La faillite de X ______ SA a été prononcée le 25 janvier 2010 par le Tribunal d'arrondissement de la Côte.

L'administration de la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA, soit pour elle l'Office des faillites de l'arrondissement de la Côte, a produit dans la faillite de Y ______ SA une créance de 1'720'951 fr. 37, correspondant selon elle aux factures ouvertes dans les livres de X ______ SA au moment de la faillite de Y ______ SA, augmentée des intérêts.

La MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA faisait valoir un droit de gage au sens de l'art. 895 CC sur des boîtiers appartenant à LA MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA et s'étant trouvés en sa possession au moment de la faillite de Y ______ SA.

g. En date du 23 juin 2010, l'Office des faillites de Genève a informé la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA du dépôt de l'état de collocation dans la faillite de Y ______ SAet du fait que la créance produite par la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA était "écartée car non due et non justifiée (marchandise non livrée, stock en mains de X ______ SA, Office de la Côte, non restituée, non réponse à notre courrier échéance 11 juin 2010)". Le dividende prévisible des créanciers de troisième classe était estimé à 30%.

h. Le 13 juillet 2010, la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA a agi en contestation de l'état de collocation par devant le Tribunal de première instance. Elle a conclu principalement à l'annulation de la décision de l'administration spéciale de la MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA du 23 juin 2010 écartant sa production et à l'admission de sa créance à hauteur de 1'720'951 fr. 37.

i. A l'audience de comparution personnelle du 18 janvier 2011 et par mémoire de réponse du 17 février 2011, la MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA s'est opposée à l'action, considérant notamment que la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA ne disposait pas de la qualité pour agir, en raison de la cession de ses créances à la Z ______ .

La MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA a également indiqué que des acomptes versés à hauteur de 335'079 fr. 71 n'étaient pas imputés sur les montants produits et qu'elle avait subi un dommage en raison des violations du contrat par X ______ SA, de sorte qu'en tout état de cause, elle excipait de compensation à hauteur de 12'000'000 fr.

j. Les parties ont persisté dans leur position lors de l'audience de plaidoiries du 11 mai 2011, à l'issue de laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger.

Par ordonnance du 17 août 2011, le Tribunal a imparti à la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA un délai au 12 septembre 2011 pour produire la convention de cession générale conclue entre X ______ SA et la Z ______le 6 février 2009. A la requête de la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA, ce délai a été prolongé au 27 septembre 2011.

k. Par convention du 23 septembre 2011, la Z ______a déclaré rétrocéder à la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA, aux fins de recouvrement, les créances produites par celle-ci dans la faillite de Y ______ SA.

l. Par courrier de son conseil du 27 septembre 2011, la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA a produit la convention de cession générale du 6 février 2009.

Simultanément, elle a soumis au Tribunal la convention de rétrocession conclue le 23 septembre 2011, en indiquant que cette rétrocession constituait la formalisation à des fins de recouvrement d'une situation juridique claire et conforme au droit entre cédant et cessionnaire.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu en substance que la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA n'avait pas démontré que le paiement des marchandises devait intervenir avant la livraison de celles-ci. Elle ne pouvait dès lors faire valoir à l'encontre de la MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA une créance en paiement de marchandises qu'elle n'avait pas livrées et celle-ci pouvait lui opposer l'exceptio non adimpleti contractus. Le montant de la créance invoqué était de surcroît sujet à caution, dans la mesure où tous les acomptes versés par Y ______ SA n'avaient pas été pris en compte.

A supposer que X ______ SA disposât d'une créance exigible à l'encontre de Y ______ SA, cette créance avait en tout état de cause été cédée à la Z ______et la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA n'en était plus titulaire lors de l'établissement de l'état de collocation. C'était dès lors à juste titre que la demande de collocation formée par celle-ci avait été écartée par l'Office des faillites de Genève.

E.            L'argumentation juridique des parties en appel sera examinée ci-dessous, dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1.             1.1 Aux termes de l'art. 405 al. 1 du Code de procédure civile entré en vigueur le 1er janvier 2011 (CPC; RS 272), les recours sont régis par le droit en vigueur au moment de la communication de la décision entreprise.

En l'occurrence, le jugement querellé a été expédié pour notification aux parties le 3 octobre 2011, de sorte que le procès devant la Cour est régi par le nouveau droit de procédure.

1.2 En vertu de l'art. 308 al. 1 let. a CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance. Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (al. 2).

En cas de contestation de l'état de collocation, la valeur litigieuse est égale au dividende que le demandeur peut espérer percevoir dans le cas où son action aboutirait (ATF 135 III 545 consid. 1). En l'espèce, cette valeur s'élève à 516'285 fr. (30% de 1'720'951 fr.), ce qui ouvre la voie de l'appel (art. 308 al. 2 CPC).

Interjeté dans le délai de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi, l'appel est recevable (art. 130, 131,311 al. 1 CPC).

1.3 S'agissant d'un appel (art. 308 al. 1 let. a CPC), la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2.             2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.

La Cour examine en principe d'office la recevabilité des pièces produites en appel (ACJC/1431/2011 du 4 novembre 2011, consid. 4; REETZ/HILBER, in Kommen-tar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2010, n. 26 ad art. 317 CPC).

2.2 En l'espèce, les parties ont chacune produit devant la Cour un certain nombre de pièces non soumises au premier juge. Parmi celles-ci, les conventions de cession générale des 2 octobre 2006 et 5 février 2008 produites par l'appelante sont antérieures à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Il en va de même de l'inventaire sur commission rogatoire du 3 juin 2011 et du courrier du 27 avril 2011 produits par l'intimée. Les parties ne donnent pas d'explication convaincante sur les raisons pour lesquelles elles n'auraient pas été en mesure de produire les pièces susvisées devant le premier juge. Par conséquent, ces pièces sont irrecevables.

En revanche, les pièces nouvelles produites par l'intimée datées des 25 et 30 avril 2012 sont recevables, car établies postérieurement au jugement querellé.

3.             3.1 L'action en contestation de l'état de collocation au sens de l'art. 250 LP est dirigée contre une décision des organes de la masse en faillite et son exercice suppose que les intervenants, qui ont produit ou dont la prétention a été inscrite d'office, figurent sous leur identité dans l'état de collocation (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Lausanne 2001, ad art. 250 n. 45 et réf. citées).

N'ont qualité pour agir que les personnes dont le droit a été inscrit à l'état de collocation, sur requête ou d'office, indépendamment du fait de savoir si ce droit a été écarté ou non (JAQUES, Commentaire romand, Poursuite et faillite, Bâle 2005, n. 39 ad art. 250 LP). La légitimation active dépend du droit matériel et suppose que le demandeur possède le droit de faire valoir la créance ou le droit invoqué en justice. L'éventuel défaut de légitimation donne lieu à une décision au fond (HIERHOLZER, Basler Kommentar, SchKG II, n. 21 et 22 ad art. 250 LP).

Condition d'aboutissement de l'action, la légitimation active doit être examinée à la clôture de l'instruction, avant le prononcé du jugement, et non pas à l'ouverture d'instance. Il incombe au demandeur de prouver les faits desquels il tire sa légitimation (arrêt du Tribunal fédéral no 4A_248/2008 du 1er septembre 2008 et ATF cités). Cette question doit être examinée d'office et librement (ATF 126 III 59 consid. 1a et les arrêts cités).

3.2 L'art. 164 al. 1 CO dispose que le créancier peut céder son droit à un tiers sans le consentement du débiteur, à moins que la cession n'en soit interdite par la loi, la convention ou la nature de l'affaire. La cession n'est valable que si elle a été constatée par écrit (art. 165 al. 1 CO).

La cession opère la substitution du titulaire d'une créance par un nouveau titulaire (ATF 130 III 248 consid. 3.1). La créance faisant l'objet de la cession est ainsi transférée du patrimoine du cédant à celui du cessionnaire. En vertu de cette opération juridique, le cédant perd le pouvoir de disposition sur la créance cédée, ce qui se manifeste notamment par le fait qu'il ne peut plus la transférer à une autre personne ni la faire valoir en son propre nom, que ce soit pour demander son exécution ou pour procéder à une compensation (Probst, Commentaire romand, Code des obligations I, n. 61 ad art. 164 CO). L'effet de la cession se produit en principe dès le moment où celle-ci est parfaite (Probst, op. cit., n. 62 ad art. 164 CO).

En application de ces principes, le Tribunal fédéral a notamment jugé que le créancier qui a cédé sa créance colloquée ne peut plus ouvrir action en contestation de l'état de collocation. D'une manière générale, une créance ne peut pas être scindée en une prétention de fond et un droit d'action (Klagerecht). Le droit suisse ne connaît pas de cession portant sur la seule faculté de déduire une créance en justice; il connaît seulement la cession de la créance comme telle, qui fait passer au cessionnaire la qualité pour intenter action. En conséquence, une personne ne peut pas être chargée de faire valoir en son propre nom le droit d'autrui (ATF 78 II 265, JdT 1953 I 351).

3.3 Le droit suisse admet notamment l'institution de la cession aux fins de garantie (ou à fin de sûreté ou à titre de garantie), fréquemment utilisée pour garantir des crédits bancaires. Dans ce cas, en couverture de ses engagements envers le cessionnaire, le créancier cède, à titre fiduciaire, sa prétention à celui-là. La titularité de la créance ou de la prétention cédée à titre de sûreté passe au fiduciaire (ou cessionnaire), à l'instar de ce qui vaut sous l'angle de l'art. 164 CO (Bauer, Commentaire bâlois, 2ème éd., 2003, n. 9 ad art. 899 CC; Steinauer, Les droits réels, tome III, 2ème éd., Berne 1996, n. 3154b; cf. aussi ATF 130 III 417 consid. 3.4. p. 427 et les arrêts cités).

Si le cessionnaire cède au cédant la créance qui lui a été transférée antérieurement par ce dernier, on parle de rétrocession. Toutes les conséquences juridiques de la cession s'appliquent à la rétrocession (ATF 130 III 248 consid. 3.1).

3.4 En l'espèce, l'appelante a produit dans la faillite de l'intimée une créance d'un montant de 1'720'951 fr. 37, fondée sur des factures dont les échéances se situent entre 10 juillet 2008 et le 31 janvier 2009. Compte tenu de ces dates, il apparaît que cette créance est comprise dans la cession générale de créances opérée par l'appelante en faveur de la Z ______le 6 février 2009, ce que l'appelante ne conteste pas.

Conformément aux principes rappelés ci-dessus, il faut admettre que la banque susvisée était dès lors pleinement titulaire de la créance alléguée, quelle que fût son étendue exacte, et que l'appelante ne pouvait plus, suite à cette cession, faire valoir ladite créance en son nom. En particulier, l'appelante n'était pas légitimée à contester la décision de l'administration de la faillite écartant la créance litigieuse de l'état de collocation, lorsqu'elle a formé la présente action.

Le fait que la convention de cession du 6 février 2009 ait octroyé à l'appelante le pouvoir d'encaisser les créances cédées, voire lui ait imposé de procéder aux interventions nécessaires en cas de faillite du débiteur, ne change rien à ce qui précède. S'il est admissible que la Z ______puisse produire dans la faillite de l'intimée par le biais d'un représentant, tel que l'appelante (pour autant que l'identité réelle du créancier soit indiquée), les principes rappelés ci-dessus interdisaient en tous les cas à l'appelante d'agir en justice en son nom pour contester la collocation d'une créance dont elle n'était plus titulaire.

C'est également en vain que l'appelante se prévaut de ce que la créance litigieuse lui aurait été rétrocédée par convention du 23 septembre 2011. A supposer qu'elle soit valable, cette rétrocession est intervenue après la clôture de l'instruction et l'appelante n'est dès lors plus fondée à s'en prévaloir pour justifier de sa légitimation à la présente action, conformément aux principes rappelés ci-dessus. Le cas échéant, il incombe à l'appelante procéder à une nouvelle production (tardive) dans la faillite de l'intimée, une telle production pouvant être admise jusqu'à la clôture de la faillite (art. 251 al. 1 LP), notamment en cas de faits nouveaux postérieurs à la décision de collocation (JAQUES, op. cit., n. 3 ad art. 251 LP).

L'appelante doit ainsi être déboutée des fins de son action en contestation de l'état de collocation, faute de légitimation active. Le jugement entrepris sera confirmé, par substitution de motifs.

4.             Les frais judiciaires d'appel seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 95 et 106 al. 1 CPC). Ceux-ci seront arrêtés à 5'000 fr. et compensés à due concurrence avec l'avance de frais fournie par l'appelante (art. 111 al. 1 CPC; art. 17 et 35 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile, RTFMC - E 1 05.10).

La Cour ordonnera la restitution à l'appelante du solde de 10'000 fr. versés par celle-ci à titre d'avance de frais.

L'appelante sera également condamnée aux dépens de l'intimée, arrêtés à 5'000 fr., comprenant les débours nécessaires et une indemnité équitable (art. 95 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA contre le jugement JTPI/14661/2011 rendu le 3 octobre 2011 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15498/2010-20.

Déclare irrecevables les pièces nouvelles no 19 et 20 produites par la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA le 4 novembre 2011 ainsi que les pièces nouvelles produites par la MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA le 23 février 2012.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'000 fr.

Les met à la charge de la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais fournie par celle-ci.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA le solde de 10'000 fr. versé à titre d'avance de frais.

Condamne la MASSE EN FAILLITE DE X ______ SA à payer à la MASSE EN FAILLITE DE Y ______ SA la somme de 5'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Valérie LAEMMEL-JUILLARD, présidente; Monsieur Pierre CURTIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Barbara SPECKER, greffière.

 

La présidente :

Valérie LAEMMEL-JUILLARD

 

La greffière :

Barbara SPECKER

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.