République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1861-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Alain Etienne, Pablo Garcia, Elisabeth Chatelain, Thierry Charollais, Alain Charbonnier, Lydia Schneider Hausser : Votation du 8 février 2009 sur la libre circulation des personnes : le gouvernement doit s'engager !

Débat

M. Roger Golay (MCG). Je m'étonne de prendre la parole en premier et qu'il n'y ait pas de réaction de nos collègues socialistes au sujet de ce rapport. Je rappelle, pour les téléspectateurs... (Commentaires.) ...qu'il s'agit d'une motion intitulée «Votation du 8 février 2009 sur la libre circulation des personnes: le gouvernement doit s'engager !» Alors à la lecture de ce rapport, à quoi avons-nous droit, nous, députés, au sujet de cette motion qui a été renvoyée au Conseil d'Etat pour que ce dernier s'engage contre la sous-enchère qui règne à Genève ? A rien ! Si on lit le contenu de la réponse du gouvernement, on voit que c'est une sorte d'inventaire de ce qui se fait aujourd'hui, et rien d'autre. Il n'y a pas de propositions de mesures alors que nous savons tous qu'aujourd'hui il y a un dumping salarial qui est terrifiant à Genève et qui met sur la paille des dizaines de milliers de salariés genevois, ce qui fait que lorsque ceux-ci ont payé leurs charges, leurs obligations sociales, leurs assurances sociales et autres, ils n'ont plus de quoi vivre décemment à cause de cette sous-enchère, de cette forme de dumping salarial qui existe bel et bien dans notre canton.

Alors ce que nous aurions souhaité de la part du gouvernement, c'est qu'il renforce la commission tripartite cantonale. Ici on n'est pas à Fribourg, on n'est pas à Zurich; Genève est une ville frontière, on est sujet à énormément de passages, notamment de la part des frontaliers, au niveau des entreprises, et c'est là que se situe l'essentiel de cette motion: il s'agit de protéger en tout cas les personnes qui viennent travailler avec des conditions salariales qui ne sont pas celles de notre canton, mais celles du pays des entreprises qui ont été mandatées. Moi je regrette, lorsque je lis dans ce rapport que, «s'agissant des conventions collectives de travail (CCT), le Conseil d'Etat est convaincu qu'elles représentent le meilleur dispositif de régulation du marché du travail»... On reparle de régulation, et on ne dit pas qu'on doit tirer à boulets rouges cette fois sur le patronat, sur les entrepreneurs - on l'a peut-être évité pour les cervidés tout à l'heure - mais moi je pense quand même qu'il y a des mesures à prendre, c'est important ! Nous sommes un canton qui souffre de ce dumping salarial, il y a aussi le dumping des compétences et il est important que l'on puisse avoir une réponse beaucoup plus intéressante que de savoir ce qui se passe depuis quelques années, comme si tout allait bien, Madame la Marquise ! Moi je ne me satisfais pas de cette réponse du Conseil d'Etat, on a des milliers de frontaliers, non des dizaines de milliers, bientôt cent mille frontaliers en 2020, qui prennent l'emploi des Genevois, alors c'est clair que si les Genevois sont encore tributaires d'un dumping salarial et qu'ils n'ont plus les moyens de boucler leurs fins de mois, là ça ne va plus. Sur ce sujet, le MCG restera combattif, a contrario de beaucoup de personnes qui se trouvent dans cette salle.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai que la réponse du Conseil d'Etat est pour le moins sommaire, d'autant plus que cette question de la sous-enchère salariale est un dossier que nous avons eu l'occasion d'aborder à maintes reprises au sein de ce Grand Conseil. En réalité, on a l'impression que le Conseil d'Etat nous répète toujours la même chose, document après document: tout va très bien, Madame la Marquise, il n'y a pas de problème, on procède à des contrôles, il n'y a quasiment pas de sous-enchère à Genève. On l'entend chaque fois, et c'est vrai que, malheureusement, ce type de réponse entretient aussi le sentiment anti-frontaliers, parce que cela donne l'impression à une partie de la population que nous ne reconnaissons pas l'existence éventuelle ou l'existence réelle de problèmes. Je pense qu'on doit donner de façon régulière des chiffres et des informations, et que le renforcement des contrôles se fait aussi en faveur de l'économie genevoise, parce que les entreprises genevoises qui jouent le jeu, qui ne recourent pas à la sous-traitance, qui paient correctement et qui respectent les conventions collectives sont aujourd'hui directement menacées par les tricheurs. Donc les contrôles, c'est pour le bien de l'économie genevoise.

J'aimerais maintenant évoquer la fin du rapport, où il est dit que, «s'agissant de la transmission au Grand Conseil d'un rapport annuel sur la surveillance du marché du travail à Genève, le Conseil d'Etat rappelle que les informations essentielles concernant les missions d'observation et de contrôle effectuées par l'OCIRT figurent dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat». Eh bien donc on nous dit que l'on ne va pas rédiger de nouveau rapport, que nous n'avons qu'à lire le document a, puis le document b, parce que le SECO fait aussi un rapport, et ensuite on nous dit que l'on étudie la possibilité d'en rédiger un troisième. Donc en gros, je dois le dire, on se moque quand même des députés et de la population genevoise quand on nous dit que nous n'avons qu'à aller chercher des informations partout sur internet pour obtenir des réponses. Nous, nous aimerions un rapport factuel, année après année, sur l'évolution des contrôles et des procédures mises en place contre les entreprises qui trichent. Et moi j'ai envie de dire que l'exemple récent de Gate Gourmet à l'aéroport montre quand même que le Conseil d'Etat est complice de pratiques de dumping salarial... (Remarque.) Eh oui ! ...et de recours à des intérimaires qui ne viennent pas forcément toujours d'ici, parce que ce sont des gens qui sont prêts à payer quelques centaines, voire quelques milliers de francs en moins par mois, et ce n'est pas normal, Mesdames et Messieurs, quand il s'agit d'une régie publique autonome comme l'aéroport. Je vous invite donc à renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat, afin qu'il revoie sa copie et rédige un nouveau rapport. (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (UDC). L'UDC soutiendra bien évidemment le renvoi au Conseil d'Etat de ce rapport car, comme mes préopinants l'ont dit, ça fait longtemps qu'on demande d'avoir des explications claires, parce que la situation sur le terrain en matière d'emploi est très préoccupante. Les cas de dumping salarial existent, vous le savez, la situation du marché de l'emploi est extrêmement rude pour les habitants de ce canton, l'Europe est en crise et tous ceux qui arrivent ici sont prêts à travailler pour des salaires les plus bas et dans n'importe quelles conditions, que nous ne pouvons pas accepter. Cette libre circulation débridée ne va pas, et la réponse que le Conseil d'Etat nous a donnée ne va pas non plus. J'aimerais véritablement qu'il n'y ait pas ce genre de réponse qui suscite finalement nos réactions, lorsqu'il est dit que la commission des mesures d'accompagnement a «entamé des réflexions sur la publication d'un rapport consolidé concernant la surveillance du marché du travail à Genève». Mais entamer des réflexions sur la publication d'un rapport signifie-t-il qu'on est en train de réfléchir à la question de savoir si on va vraiment en publier un ? C'est-à-dire qu'on n'est même pas sûr qu'il y en ait un qui soit publié ? Ça ne va pas ! Ecoutez, donnez-nous des réponses précises, nous les apprécierons; en attendant, nous allons renvoyer ce document à son auteur.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix la demande de renvoi au Conseil d'Etat de son rapport.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 1861 est adopté par 48 oui contre 23 non.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1861 est donc refusé.