République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 11147-A
Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport annuel de gestion, le compte de profits et pertes et le bilan des Services industriels de Genève pour l'année 2012

Premier débat

Le président. Nous passons au point 125 de l'ordre du jour, le PL 11147-A. La parole n'étant pas demandée, je mets aux voix l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11147 est adopté en premier débat par 58 oui et 4 abstentions.

Deuxième débat

Le président. Nous sommes en deuxième débat et je vous rappelle qu'il n'y a pas d'amendements possibles.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 3.

Troisième débat

Le président. Nous sommes maintenant en troisième débat. La parole est à M. le député Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'acceptation des comptes des SIG est relativement formelle puisqu'il n'y a pas d'amendements possibles et que nous ne pouvons que prendre acte de ce que cette entreprise a fait. En même temps, on l'a rappelé hier, un projet de loi prévoyant une ponction de 60 millions dans les comptes des SIG a été voté par ce Grand Conseil, par une majorité de 70 députés qui se trouvent sur les bancs d'en face et à mes côtés. Seuls trois députés s'y étaient opposés et les socialistes s'étaient majoritairement abstenus. On a eu l'occasion de parler de ce projet de loi hier, dans la mesure où il n'influence pas les comptes 2012 du canton de Genève. Cela étant, la problématique se pose dans l'autre sens pour les comptes des SIG, puisqu'en réalité on pourrait dire que les comptes de ces derniers sont améliorés de 60 millions, ce qui double presque le bénéfice. Mais certainement pour les mêmes raisons qu'hier, on ne va pas revenir en arrière et changer cette écriture. Il n'empêche que le procédé qui a consisté à aller piquer 60 millions de francs dans la caisse des SIG, en spoliant l'intérêt des autres actionnaires que sont les communes, n'était pas acceptable. (Brouhaha.) Nous l'avions évoqué à l'époque, et nous pouvons donc nous féliciter de la santé financière des SIG.

Il faut aussi remarquer que quand les SIG dégagent, bon an mal an, 100 millions de bénéfices pour leurs activités, eh bien en fait ça permet aussi des investissements qui sont ensuite contestés par certains partis, ici, dans cette enceinte. Cela est regrettable, parce que je crois qu'il faut louer l'esprit d'entreprise des SIG, et plutôt que de venir année après année donner des leçons sur les investissements qu'il aurait fallu faire ou ne pas faire, je pense qu'il faut vraiment avoir une vision à long terme de la capacité de cette entreprise - qui est un petit acteur à l'échelle européenne, un petit acteur même à l'échelle suisse, mais un acteur indispensable pour Genève - à permettre des productions d'énergie inscrites dans une logique de développement durable et de proximité. Donc dans ce sens-là, contester la politique d'investissement des SIG au moindre obstacle relève d'une politique à court terme, que les socialistes ne partagent pas. En conclusion, nous voterons bien entendu ces comptes, et nous vous invitons à faire de même.

M. Eric Stauffer (MCG). Vous ne serez pas étonnés que le groupe MCG ne partage pas cette vision du parti socialiste sur ce que doivent être les engagements énergétiques pour le canton de Genève. Le parti socialiste, on le sait, a dirigé les Services industriels, à cause d'un bug légal, pendant six ans au lieu de quatre ans, et je pense ici à Daniel Mouchet, président du conseil d'administration des Services industriels jusqu'à il y a deux ans - vous savez, ce président socialiste qui gagnait 420 000 F pour un poste à 40% et qui avait menti au Conseil d'Etat et à la presse en déclarant qu'il ne gagnait que 110 000 F par année. (Commentaires. Brouhaha.) Heureusement, bon ordre a été mis dans les rémunérations. Alors sous sa présidence, eh bien des impulsions ont été données pour faire des investissements - je passerai comme chat sur braise sur les petites invitations dont M. Mouchet a fait l'objet à Paris avec EDF, avec des soirées en grande pompe, et je m'arrêterai là - ce qui a eu pour conséquence que certains investissements, prétendument bénéfiques pour le canton de Genève, ont été faits et se sont avérés extrêmement malheureux. Et je vais citer ici Alpiq, puisque vous savez que, chez Alpiq, l'un des actionnaires est aussi EDF France.

Alors il faut le savoir, la politique qui est prônée par les socialistes, c'est soi-disant de faire du développement durable, mais c'est surtout la tonte organisée des citoyens du canton de Genève. Je vais essayer de vous le synthétiser en quelques secondes: les Genevois ont payé pendant trente ans le barrage de la Grande Dixence, en Valais. Pendant trente ans... (Remarque.) ...absolument. Et nous avons payé des tarifs d'électricité au-dessus du prix du marché pour financer ce barrage, qui a été fait au travers d'une société vaudoise qui s'appelle EOS, Energie Ouest Suisse, laquelle est devenue EOS Holding - parce qu'évidemment nous n'avons pas affaire à des gens qui font de l'énergie, nous avons affaire à des financiers qui créent non pas des sociétés offshore, même s'il est vrai qu'on pourrait se poser la question...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député, je suis désolé.

M. Eric Stauffer. Je vais conclure. EOS Holding a cédé le barrage de la Grande Dixence à Alpiq, société cotée en bourse. (Remarque.) Vous m'expliquerez déjà pourquoi, quand on a comme mission de fournir de l'électricité, de l'eau et du gaz au meilleur prix, on doit être coté en bourse ! Il y a quelque chose qui me choque ! Parce qu'être coté en bourse, ce n'est pas pour faire de la philanthropie, c'est pour faire du bénéfice ! (Brouhaha.) Résultat des courses, Alpiq a investi comme Swissair à une époque, et aujourd'hui Alpiq est au bord de la faillite avec l'argent des Genevois. Alors je vous le dis: non, nous ne sommes pas d'accord avec la politique d'investissement des Services industriels ! On en a marre que les citoyens genevois se fassent prendre pour des imbéciles, et qu'ils ne soient bons qu'à payer...

Le président. Monsieur le député, voyons !

M. Eric Stauffer. ...et à se taire ! Nous refuserons donc cet objet.

M. Bernhard Riedweg (UDC). La bonne gestion financière des SIG se reflète dans le bénéfice d'exploitation consolidé qui est de 172 millions, malgré la hausse des redevances dues à l'Etat et une baisse des tarifs de l'électricité... (Brouhaha.) ...alors que les charges d'exploitation baissent de 27 millions, pour passer à 905 millions. Le résultat net du groupe est négatif de 72 millions suite à une augmentation de 55 millions des redevances aux collectivités publiques, qui s'élèvent à 134 millions. Les SIG connaissent une stabilité des charges d'exploitation et un niveau record d'investissement. Ces bons chiffres sont malheureusement ternis par la dépréciation de la société Alpiq, qui a subi une diminution de la valeur de ses actifs et dont l'avenir reste incertain. Cela entraîne une perte sur le résultat net consolidé du groupe. Les fonds étrangers s'élèvent à 47%, ce qui est bon. On relèvera que seuls 25% des investissements n'ont pas pu être financés par la capacité d'autofinancement des SIG, mais l'endettement n'a pas augmenté. Toutefois, avec la recapitalisation de la caisse de pension - la CAP - l'endettement des SIG frôlera le milliard. En effet, dans la caisse de pension le patrimoine s'élève à 900 millions, mais il y a des engagements pour 1,8 milliard envers les retraités et les actifs. Il est prévu que les SIG devront verser 510 millions pour mettre la caisse de pension aux normes.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Meissner pour une minute trente.

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Mon collègue l'a dit, l'entreprise SIG est menée et gérée de manière raisonnable, même si elle est grevée, aujourd'hui, par la nécessité de recapitaliser sa caisse de pension. Je voulais simplement rappeler ici que le groupe UDC - notamment moi-même, avec Eric Leyvraz - avait relevé qu'il était parfaitement illégal et déraisonnable d'aller piquer dans la caisse d'une entreprise qui dégageait des bénéfices pour éponger le déficit de l'Etat, et nous sommes très satisfaits de voir que finalement le Tribunal fédéral a donné raison aux communes qui s'y sont opposées. Cela étant, une manière de nous rattraper, nous tous dans ce parlement aujourd'hui, pour ces méthodes de racket, c'est justement de voter ces comptes des SIG, et c'est ce que fera très volontiers l'UDC.

M. François Haldemann (R). Je me vois contraint de répondre aux vociférations de certains de mes préopinants, qui n'offrent en fait aucune alternative si ce n'est celle de tirer constamment à boulets rouges sur les SIG. Quel que soit l'objet dont on parle, dès qu'il y a les SIG, il s'agit de leur tirer dessus sans apporter aucun type de solution ou de proposition. En fait, les SIG se trouvent pris en tant qu'actionnaires d'EOSH, lequel est, lui, actionnaire d'Alpiq. C'est ça, le fond du problème ! Donc maintenant, si l'objectif est de pouvoir désengager, à terme, les SIG d'Alpiq, il faut offrir des solutions, venir avec des propositions de motions ou de résolutions lors des travaux en commission. Moi je veux bien qu'on tire systématiquement sur les SIG et sur un ancien président du conseil d'administration, mais ça fait déjà un certain temps qu'il n'est plus là et il s'agit peut-être de changer d'argumentaire et de venir avec de vraies propositions. Alpiq est une société qui connaît des problèmes uniquement par le fait que, au niveau européen, il y a une baisse de tous les actifs des grands acteurs de l'énergie. Il faudra donc m'expliquer comment on va faire pour que les actifs d'Alpiq puissent progresser ! Aujourd'hui, tous les acteurs européens ont vu leurs actifs baisser. On dit que c'est une mauvaise gestion, mais c'est juste ridicule. Si on veut se désengager, c'est un autre point sur lequel il faut peut-être travailler, mais le désengagement ne va pas se faire de cette manière. Il faut savoir qu'à EOSH il y a beaucoup d'acteurs romands qui comptent sur les Genevois pour pouvoir continuer à travailler. Alors arrêtons peut-être de crier et travaillons ! (Applaudissements.)

Une voix. Très bien !

M. François Lefort (Ve), rapporteur. Beaucoup de choses ont été dites, et il faut quand même rappeler certaines réalités. (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.)

Le président. Poursuivez, Monsieur le rapporteur !

M. François Lefort. Il y a d'abord un contexte européen, avec des prix de l'électricité en baisse depuis 2008. Cela entraîne évidemment une diminution de la valeur des actifs dans toute l'Europe, et en Suisse aussi. Ces prix en baisse depuis 2008, c'est 15% pour le client captif. En 2012, à Genève, cela a représenté -2,4% pour l'utilisation du réseau et -8,3% pour l'énergie. C'est une bonne nouvelle pour le client, mais une mauvaise nouvelle... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour les SIG.

Un autre problème est celui de la libéralisation du marché de l'électricité. Quatre ans après l'ouverture du marché pour les clients éligibles - pas pour les clients captifs, bien sûr - si une majorité des clients a renouvelé sa confiance aux SIG, la proportion connaît quand même une baisse importante en 2012: on est passé de 97% en 2011 à 77% en 2012, et ça c'est un vrai sujet de préoccupation, parce que cela représente des rentrées moindres pour les SIG.

On a mentionné Alpiq. Cette société subit donc le contrecoup de la dépression des actifs due à l'augmentation de la capacité de production en électricité en Europe, basée sur des centrales à gaz mais aussi sur des énergies renouvelables. Les capacités de production d'énergie renouvelable, l'éolien en particulier, ont très largement augmenté, ce qui entraîne cette baisse des prix de l'électricité. (Brouhaha.) Monsieur Stauffer, s'il vous plaît !

Le président. Poursuivez, Monsieur le rapporteur. (Commentaires.)

M. François Lefort. Les entreprises auxquelles participe Alpiq sont engluées dans la sortie du nucléaire, dans la gestion des déchets, ce qui a un certain coût. Alors Alpiq, en 2012, a encore perdu 1 milliard de francs et s'est dépréciée de 1,3 milliard. Et ça, c'est la principale conséquence grave sur le budget des SIG, qui est donc un résultat négatif sur les comptes consolidés de -149 millions. Il faut le mettre en comparaison avec le résultat positif des SIG, qui est de 72 millions. Avec 72 millions, les SIG se portent bien à Genève, et cela est réjouissant. Les SIG vont bien, ils investissent et ils s'endettent pour le bien de la communauté, et ils vont s'endetter encore l'année prochaine avec la recapitalisation de leur caisse de retraite, la CAP. Il faut le mentionner, les SIG sont l'un des acteurs économiques les plus importants du canton, avec une force d'investissement, en 2012, de 231 millions de francs. Et quand j'entends le MCG dire qu'il n'est pas d'accord avec la politique d'investissement des SIG, eh bien on s'interroge, parce que ces 231 millions de francs... (Remarque.) ...ils sont injectés dans l'économie locale ! C'est la rénovation des réseaux de distribution d'eau, c'est la rénovation des installations de distribution de courant de moyenne et de haute tension, ce sont des travaux, et ça fait marcher l'économie genevoise, pour le bien de la communauté.

Enfin, pour conclure, quelques nouvelles intéressantes. Parmi les faits notables, le programme éco21: il a été primé par le Watt d'Or de l'Office fédéral de l'énergie...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur !

M. François Lefort. ...au début de l'année, et il a permis d'économiser trois fois plus d'électricité qu'en 2011, c'est-à-dire 79 GWh. Le contrat de performance énergétique pour les entreprises a également été récompensé par le Watt d'Or, la consommation d'électricité est pour la première fois en baisse et la consommation d'eau continue de diminuer, preuve que les mesures d'économie prônées par les Verts et d'autres portent leurs fruits. Et...

Le président. Vous avez épuisé votre temps, Monsieur le rapporteur !

M. François Lefort. Je conclus. Si la majorité de la commission a accepté les comptes 2012, elle le fait en exprimant son inquiétude, comme l'année dernière, au vu des pertes des comptes consolidés qui se sont accrues, cette année, pour les mêmes raisons que l'année dernière. La commission reste donc inquiète, et elle dit...

Le président. Monsieur le rapporteur, voyons !

M. François Lefort. ...pour être entendue par le conseil d'administration et par le Conseil d'Etat...

Le président. Non, non, non !

M. François Lefort. ...que la prudence suggère une autre stratégie à développer avec précaution, pour s'éloigner sûrement de ce vortex gourmand qu'est Alpiq. Merci.

Le président. Vous êtes quand même arrivé à vos fins, Monsieur le rapporteur ! Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter ce projet de loi 11147.

La loi 11147 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11147 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 42 oui contre 15 non et 11 abstentions.

Loi 11147