République et canton de Genève

Grand Conseil

M 2096
Proposition de motion de Mmes et MM. François Lefort, Anne Mahrer, Mathilde Captyn, Jacqueline Roiz, Brigitte Schneider-Bidaux, Catherine Baud, Miguel Limpo, Olivier Norer, Morgane Odier-Gauthier, Sylvia Nissim pour une protection accrue du corridor biologique de l'Arve en accompagnement du déclassement des Grands Esserts

Débat

Le président. Nous passons au point 43 de l'ordre du jour. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ce débat est classé en catégorie II: trente minutes. La parole est au premier signataire.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion invite tout bonnement le Conseil d'Etat à voir s'il serait possible d'augmenter la surface du corridor biologique existant des rives de l'Arve, en prévision de l'augmentation de la population aux Grands Esserts - vous savez qu'il y a un projet de construction aux Grands Esserts. Il s'agit donc de voir s'il est possible de mettre en oeuvre cette augmentation du périmètre protégé pour, justement, faire face à l'augmentation de fréquentation qu'on va avoir dans cette région-là !

Les débats récents sur les déclassements de zones villas ou agricoles pour le logement ont souligné la nécessité majeure de construire tout en préservant les corridors biologiques, qui sont les garants de la biodiversité et d'un service à la communauté. Ce sujet a aussi été largement abordé à la commission de l'environnement, lors des travaux de la loi sur la biodiversité.

En l'occurrence, le cas du déclassement des Grands Esserts est un cas d'école: nous avons d'un côté l'intérêt pour le canton et pour la population d'un projet de construction majeur de 1200 logements, et d'un autre côté, nous avons le souci de la préservation d'un espace naturel d'un des corridors biologiques parmi les plus importants du canton, un des plus importants pour la biodiversité du canton, mais également pour la population qui bénéficie, à côté des zones d'habitation, d'un site naturel de délassement.

Ce site a été jugé suffisamment important pour qu'on lui consacre une loi spéciale: la loi sur la protection générale et l'aménagement des rives de l'Arve, qui détermine une zone de protection dans le cadre de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire; et cette loi fixe les utilisations et les limites de ce corridor biologique.

En commission, lorsque nous avons voté le projet de loi de déclassement de zones agricoles pour construire les Grands Esserts, l'association Pro Natura a attiré l'attention des commissaires sur, précisément, l'impact que représente cette hausse de population sur le corridor biologique des rives de l'Arve.

Qui dit augmentation de population dit augmentation de la fréquentation des rives de l'Arve, et dit donc un impact certain sur ce réservoir de biodiversité. Un agrandissement de ce périmètre protégé permettrait alors simplement de mieux résister à l'augmentation des utilisations qui aura lieu. Et c'est dans ce sens, et parce que la loi le permet, que nous invitons le Conseil d'Etat à étudier cette augmentation du périmètre de protection, et, s'il est possible de le faire rapidement, à la mettre en oeuvre. Pour ces raisons, nous vous serions reconnaissants, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.

Mme Christina Meissner (UDC). Oui, les rives de l'Arve - avec celles du Rhône - sont un des corridors biologiques les plus importants de notre région, puisqu'ils la traversent complètement, et dans ce sens-là, il est important de les préserver. Nous avons beaucoup fait au niveau législatif, et il conviendrait maintenant d'examiner - et ce sera un bon test - comment peut-on continuer à préserver et à garantir la fonctionnalité d'un tel corridor quand, juste à côté, on décide la construction de plus d'un millier d'appartements, avec tout ce que cela comporte comme impacts sur la nature.

Alors c'est vrai - Mme la conseillère d'Etat l'a répété juste avant - on a aujourd'hui des instruments, notamment la nouvelle loi sur la biodiversité et le programme «Nature en ville», et je crois qu'il serait important de pouvoir analyser comment peut-on continuer à cohabiter avec la nature pour ne pas être désavantagés les uns et les autres, mais, au contraire, pour en profiter les uns et les autres. Le groupe UDC sera donc favorable à ce qu'un examen de cette proposition de protection accrue se fasse dans le cadre d'une commission. La commission de l'environnement et de l'agriculture me semble être adéquate pour voir dans qu'elle mesure il est nécessaire d'entamer quelque chose ou non.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien soutient le renvoi à la commission de l'environnement. Nous avons les mêmes soucis que les motionnaires, car il est très difficile dans un canton comme Genève de préserver une certaine biodiversité. Il est vrai que le couloir de l'Arve - toute cette partie de l'Arve - est essentiel pour Genève, cela est reconnu par la loi dont M. Lefort a parlé, par le plan directeur cantonal, de même que par les PACA.

On en parle, mais cette région, si vous la connaissez, est déjà actuellement extrêmement fréquentée pour le délassement, par les gens qui se promènent avec leurs animaux, et il est vrai qu'ajouter des milliers d'habitants posera un gros problème.

Il faut donc y réfléchir, comme on l'a déjà fait à propos de la mobilité lors de la construction des Grands Esserts. Il est donc juste de faire des projets, mais il faut aussi penser à leur impact sur l'environnement et sur cette super région qui est celle de l'Arve. Ainsi, nous vous proposons de renvoyer cette motion à la commission de l'environnement; ce sera une discussion très intéressante.

Mme Patricia Läser (R). Cette motion demande une nouvelle fois plus, plus et encore plus ! Dans le périmètre des Grands Esserts, il y a déjà un corridor biologique de prévu, et l'agrandissement va donc se faire sur un périmètre dédié à du logement. Je vous rappelle que le déclassement du périmètre des Grands Esserts a été voté par ce Grand Conseil pour permettre la création d'habitations. On a déclassé de la zone agricole pour construire du logement et non pour agrandir ce couloir biologique !

N'oublions pas, Mesdames et Messieurs les députés, que ces corridors biologiques sont, depuis la loi sur la biodiversité que vous avez votée en septembre - je vous le rappelle - des couloirs à tout jamais inviolables. Nous venons donc de voter une loi sur la biodiversité qui protège les couloirs biologiques existants et qui incite à en créer, mais nous avons voté un projet de loi pour du logement et non pour un couloir biologique.

De grâce, n'en voulez pas toujours plus, et sachez une fois vous montrer raisonnables avec la grandeur des corridors prévus dans cette zone. Je pense que vous l'avez compris, le groupe radical vous propose de refuser cette motion et de ne pas la renvoyer à la commission de l'environnement; la discussion sur les corridors biologiques et les auditions ont déjà été faites lors du projet de loi sur la biodiversité.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va soutenir cette proposition de motion qui vise à améliorer ces couloirs de protection pour tout ce qui est biologique. En revanche - je le dis, j'en ai fait l'expérience grâce à mon ancienne profession - il faut savoir que, bien évidemment, la faune se déplace sur les bords de l'Arve, et passe malheureusement aussi sous les ponts, puisqu'elle n'a guère d'autres possibilités à cause des rues et des artères où il y a de la circulation automobile. Mais cette faune est partiellement dérangée par des gens qui dorment sous ces ponts, c'est-à-dire les Roms. Il faut savoir que... (Exclamations.) Eh oui ! C'est un véritable problème: le soir ils sont sur place, ils allument des feux.

L'année passée, la police a enlevé plus de quarante tonnes de... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...matelas, de matériel et autre ! Et puis bien sûr, il y a des campements sauvages qui gênent la faune; c'est un réel problème ! Je pense que si l'on veut créer des couloirs biologiques, on doit le faire, mais il faut, ma foi, en assurer le respect... (Brouhaha.) ...et cela est l'une des causes qui va poser problème.

Cela n'a pas l'air très sérieux, mais c'est un problème réel. Et je pense que Mme Künzler - ou en tout cas le Conseil d'Etat - devra un peu s'atteler à cette question, puisque chaque semaine des dizaines de tonnes de matelas, de réchauds sont enlevés et empêchent la faune de se déplacer normalement. (Exclamations. Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, après les propos de M. Golay, j'en déduis que les corridors biologiques protègent les poulets, mais pas les Roms, ce qui est très bien pour notre canton d'ailleurs; ils sont nourris au grain et protégés, c'est parfait ! (Commentaires.)

Pour le reste, on pourrait dire que cette motion est effectivement intéressante, parce qu'il est vrai qu'il y a un enjeu réel dans la préservation de biotopes particuliers et, notamment, des corridors biologiques, puisqu'ils préservent cette continuité de milieux permettant à la faune et à la flore de survivre dans notre environnement construit et humanisé.

Mais en même temps, il est vrai que, dans un projet comme celui-là - Mme Läser l'a dit - c'est à mettre dans la balance avec les projets de déclassements pour réaliser du logement. A partir du moment où - comme M. Lefort l'indique - cela a été étudié à la commission de l'aménagement dans le cadre d'un déclassement, cela mérite donc un retour à la commission de l'aménagement, afin de vérifier si c'est bien compatible avec les projets de déclassement envisagés. C'est certainement une pesée d'intérêts. Je pense qu'on peut faire un effort, il faut simplement que ce soit proportionné par rapport aux enjeux concernant le logement et la protection de l'environnement. Et puis au demeurant, le PLR, pour être convaincu, j'aimerais vous suggérer de proposer que la traversée du lac soit un corridor biologique ! (Commentaires. Rires.)

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Effectivement, les Grands Esserts sont un périmètre qui sera maintenant dévolu au logement, mais cela n'exclut absolument pas la biodiversité, ni un couloir de biodiversité ! Ce qu'on a vu tout à l'heure - comme par exemple les toitures végétalisées - et d'autres éléments qui peuvent être intégrés dans les constructions doivent être pris en compte. Il faut arrêter cette dichotomie entre bâti et nature ! Ces deux choses sont tout à fait conciliables, il faut les rendre plus vivantes et plus compatibles ! Et à cet endroit, il y a effectivement un périmètre strictement protégé qui est celui de l'Arve.

Ensuite, il y a une transition à faire, et c'est dans un projet qui est déjà étudié par le Conseil d'Etat - le projet «paysage-Arve.»

Peut-être qu'on pourrait continuer cette réflexion autour d'un parc d'agglomération, tel qu'il est défini maintenant au niveau fédéral, ce qui permet d'inclure des régions protégées dans les régions urbanisées et les projets de «Nature en ville». Il faut vraiment voir cela d'une manière extrêmement souple et autoriser cette biodiversité jusque dans les nouveaux centres urbains, et je pense que c'est vraiment cela un quartier moderne.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons d'abord voter le renvoi à la commission de l'environnement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2096 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 40 oui contre 33 non et 2 abstentions.