République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10873-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Christian Dandrès, Anne Mahrer, Irène Buche, Sylvia Nissim, Jacqueline Roiz, Lydia Schneider Hausser, Roger Deneys, Jean-Louis Fazio, Christine Serdaly Morgan, Manuel Tornare, Anne Emery-Torracinta, Marie Salima Moyard, François Lefort modifiant la loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL) (I 4 05) (Fondation pour le logement des jeunes)
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (L)
Rapport de première minorité de Mme Sylvia Nissim (Ve)
Rapport de deuxième minorité de Mme Irène Buche (S)

Suite du premier débat

Le président. Nous reprenons l'examen du PL 10873-A, qui figure au point 19. Je vous rappelle que s'étaient annoncés les députées et députés suivants, dans l'ordre: Christo Ivanov, Christophe Andrié, Jacqueline Roiz, Jacques Béné, Irène Buche, Sylvia Nissim et M. le conseiller d'Etat François Longchamp. La parole est à M. le député Christo Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, créer une fondation pour le logement des jeunes est une fausse bonne idée. En effet, comme cela a été dit par mes préopinants, de nombreuses fondations de droit public existent, tant sur le plan cantonal que sur le plan communal. Je citerai les fondations Jean Dutoit, Camille Martin, Emma Kammacher, la FPLC, qui pilote de nombreuses constructions, la Fondation de la Ville de Genève pour le logement social ainsi que des fondations communales, comme la fondation HLM de Carouge, celle de Vernier et d'autres communes. Ces fondations ont intégré dans leurs structures la problématique du logement pour les jeunes, sans parler de la FULE, de la Ciguë, de l'Hospice général, etc., qui relaient les demandes de logement des étudiants, des apprentis, de tous ceux qui cherchent un logement.

Des acteurs privés, comme récemment à Sécheron, en l'occurrence, M. de Picciotto que l'on peut remercier, ont également construit du logement pour les étudiants, avec 155 appartements. Qu'ils soient ici remerciés. Sans eux, Genève n'existerait pas.

La question est de savoir s'il faut créer une nouvelle fondation. La réponse est clairement non, car ce qui existe déjà est largement suffisant, sans compter que les caisses de l'Etat sont vides. Par conséquent, le groupe UDC refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi.

M. Christophe Andrié (MCG). Créer une fondation, c'est un signal politique fort pour les jeunes, c'est sûr. Le problème, c'est que ce n'est pas d'une fondation que l'on a besoin, c'est de logements, et pour cela il faut des terrains. On a étudié le dossier et reçu beaucoup de fondations, qui nous ont dit que ce qui manquait, ce n'étaient pas des fondations, mais des terrains. C'était il y a un an. Il y a des terrains qui sont en déclassement; on parlait tout à l'heure d'un terrain de 15 000 mètres carrés: il n'est toujours pas déclassé, il n'est toujours pas à l'ordre du jour pour nous. Les choses pourraient bouger beaucoup plus vite, mais je ne crois pas que c'est en mettant des couches dans ce mille-feuille qu'on va pouvoir faire avancer la situation: c'est en prenant le problème à son origine, c'est-à-dire en trouvant des logements qu'on peut rénover, des terrains qu'on peut aménager et des endroits où l'on peut construire des nouveaux logements pour les jeunes.

Il faut savoir qu'il manque des logements pas uniquement pour les jeunes, mais aussi pour les autres personnes. On n'a donc pas forcément besoin d'avoir une fondation spécifique. Aujourd'hui, on a des solutions et je pense que, même s'il est bien de débattre de ce sujet parce qu'il relève d'un problème actuel et d'un problème important sur le canton de Genève, il faut que nous fassions bouger les choses en donnant des terrains, en donnant des immeubles aux fondations existantes pour pouvoir créer des logements pour les jeunes.

Mme Jacqueline Roiz (Ve). Concernant ce projet de loi sur le logement, je voudrais juste faire un petit aparté, car ce projet n'est pas simplement lié à une fondation pour le logement comme toutes les autres fondations. Dans cet aparté j'aimerais vous parler un petit peu du monde du travail actuellement. Ce monde demande de se former constamment et d'être de plus en plus performant et professionnel. Donc en fait, à travers ce projet de loi, on soutient les personnes qui cherchent à se former, soit pour avoir un travail dans le futur, soit pour garder leur travail actuel, puisqu'on sait que les métiers se transforment sans arrêt. Et quel est le public cible ? On a parlé des jeunes, parce qu'effectivement l'intitulé du projet contient les termes «logement des jeunes». Mais le public cible, ce sont en réalité les jeunes étudiants, les jeunes apprentis; on n'en parle pas assez, des apprentis, alors qu'on en voudrait beaucoup. Ce sont aussi les jeunes «un peu moins jeunes» qui reprennent des formations. Toute cette population, en fait, voudrait continuer à se former, malgré les difficultés que peuvent avoir ces personnes, que ce soit parce que dans leur famille il y a trop d'agressivité et qu'elles sont obligées d'aller habiter ailleurs, parce qu'elles n'ont pas de soutien ou que, parfois, il n'y a personne. Ce sont des personnes qui, si elles sont en formation, doivent peut-être diminuer leur taux d'activité pendant une période, des personnes qui ne peuvent pas avoir d'autre logement et que les régies ne laisseront jamais habiter dans d'autres appartements.

On a déjà parlé de toutes les fondations qui ont été citées; ce qui est très clair, c'est que, souvent, elles n'ont pas la vocation de construire, et puis leurs objectifs sont très divers; elles sont souvent orientées vers les étudiants, mais toutes ces fondations disent qu'elles sont saturées par leurs propres activités.

En conclusion, ce que propose ce projet de loi, ce n'est pas une machine à gaz - pas plus que, pour les gourmets, une couche supplémentaire de mille-feuille - ce n'est pas non plus une fondation doublon, mais c'est un moyen concret de soutenir ceux qui avancent, qui se forment, qui étudient, qui prennent leur destin en main, justement, malgré toutes les vicissitudes qu'ils peuvent connaître ! Ce sont des personnes qui vont développer des compétences qui vont nous être nécessaires dans le canton, des compétences que nous serons bien obligés d'aller chercher ailleurs si nous ne les avons pas chez nous. Je trouve donc cela assez dommage, parce que je considère que pour nous, les politiques, c'est la moindre des choses que d'aider ces personnes qui cherchent justement à s'en sortir et à développer leur responsabilité individuelle. Et ne me dites pas qu'il n'y a pas de terrains: c'est faux ! Il ne faut pas non plus donner une preuve par l'absurde, en disant: «Mais pourquoi créer une fondation pour les jeunes étudiants et apprentis, puisqu'on pourrait faire d'autres fondations ?» Bien évidemment, mais faisons d'autres fondations qui s'organiseraient de la même manière ! Voilà, merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de deuxième minorité. J'aimerais rappeler que, effectivement, il existe plusieurs fondations, différents acteurs qui construisent des logements pour les jeunes. Le problème, c'est que leur activité est très morcelée. La Ciguë, par exemple, ne loge que ses membres. La FULE ne loge que les étudiants, et d'autres ne logeront qu'une autre catégorie de personnes. Il faut une véritable politique publique et ce n'est possible que si l'on crée un organisme qui va se préoccuper de cette politique-là uniquement. On ne peut pas demander à la FPLC de se charger du logement des jeunes, alors qu'elle doit s'occuper du logement de toutes les autres personnes, enfin de toute la population ! C'est donc une question de politique publique, une question de signal fort - je l'ai entendu tout à l'heure dans la bouche de M. Andrié. Effectivement, ce serait un signal fort que d'accepter ce projet de loi et de créer cette fondation, qui, je vous le rappelle, ne coûtera pas grand-chose, puisqu'elle sera créée dans le cadre d'une structure existante.

Le président. Merci, Madame la rapporteure. La parole est maintenant à Mme la rapporteure de première minorité Sylvia Nissim.

Mme Sylvia Nissim (Ve), rapporteuse de première minorité. Je renonce, Monsieur le président, car il me semble que tout a été dit.

Le président. Très bien. La parole est maintenant à M. le rapporteur de majorité Jacques Béné.

M. Jacques Béné (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on croit un peu rêver ! Moi cela me fait plaisir d'avoir un débat sur le logement à 22h30 un jeudi soir... Pourquoi pas ? Mais on nous laisse en fait croire ce soir, avec ce projet de loi, que parce qu'il y aurait une fondation pour le logement des jeunes, on va construire plus de logements. Eh bien, non ! En effet, le territoire cantonal étant ce qu'il est, le nombre d'intervenants sur le territoire étant ce qu'il est aussi, cela ne va pas créer plus de logements. Ce n'est pas parce qu'on a un intervenant nouveau qui va se battre pour le logement des jeunes qu'on va créer plus de logements. C'est illusoire de penser cela !

Il y a aujourd'hui 6000 demandes en suspens à l'office du logement, des gens qui attendent de trouver un logement. Alors on a dit tout à l'heure, avant la pause - je me suis un petit peu calmé entre-temps - qu'il y avait des gens qui renonçaient à venir à Genève. Mais, Mesdames et Messieurs, le problème c'est qu'il y a aussi des gens qui sont à Genève et qui doivent en partir, parce qu'ils ne trouvent pas de logement ! Donc en quoi est-ce crédible de venir avec des arguments selon lesquels il y a des gens qui ne peuvent pas venir à Genève ? Gardons déjà les gens qui y sont !

Alors moi je veux bien, encore une fois, dans un monde idéal, je suis d'accord: une fondation pour les jeunes, une fondation pour les chômeurs, une fondation pour les assurés, une fondation pour les familles monoparentales... Mais nos enfants qui veulent se loger parce qu'ils quittent le noyau familial, ils ne trouvent pas; les personnes qui se mettent en couple et qui veulent créer une famille et avoir un enfant ne trouvent pas ! Et où vont ces gens ? Ils vont en France voisine ! Alors je veux bien qu'on donne une priorité... On parle de politique publique pour le logement des jeunes, mais je crois rêver ! La politique publique, c'est la création de logements sur le canton ! Et nous avons aujourd'hui tous les organismes administratifs pour le faire !

Tout à l'heure, Mme Buche a dit qu'un cadre existe. Oui, un cadre existe: c'est le secrétariat des fondations immobilières de droit public. Donc pourquoi créer quelque chose d'autre si le cadre existe déjà ? En plus, il faut savoir une chose, c'est qu'aujourd'hui, si vous lancez une procédure pour, je ne sais pas, un terrain, sur n'importe quelle commune du canton, en proposant un droit de superficie, et que vous mettez une annonce dans le journal, vous aurez au minimum cent intervenants qui souhaiteraient y construire quelque chose ! Et même du LUP ! Pourquoi ? Parce que les fonds LUP sont à disposition pour construire, il n'y a pas besoin d'autre financement, tel qu'il est proposé aujourd'hui dans ce projet de loi et dans cette fondation. Quel que soit l'organisme qui souhaite aujourd'hui faire du logement étudiant bon marché, si c'est bon marché et soumis à la LGL, il y a des dotations LUP; elles existent, cela a été voté par ce parlement.

Tout le monde est pour la création de logements. Mais pas de cette manière ! C'est totalement illusoire et, comme je l'ai dit au début de ce débat, c'est purement démagogique ! Je vous invite donc à refuser ce projet de loi.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il y a un constat et une piste de solution. Le constat, c'est que, parmi les diverses catégories qui ont des difficultés à se loger, il y en a peut-être une qui est oubliée, celle précisément des jeunes en formation, des apprentis, des stagiaires, qui ne peuvent pas répondre aux critères du logement étudiant et pour lesquels certaines dispositions de la LGL ont quelques difficultés à s'appliquer, notamment celle de l'obligation de résidence.

Puis il y a une proposition qui est ici formulée pour répondre à ce constat et trouver une solution en faveur de cette catégorie particulière de jeunes qui mérite notre soutien: créer une fondation qui leur soit spécifiquement dédiée. Je crois que cette piste n'est pas à suivre, parce qu'une fondation qui leur soit spécialement dédiée, c'est une structure supplémentaire, une structure qui est, par définition, coûteuse. Une structure d'autant plus délicate qu'il y en a aujourd'hui d'autres qui ont pour mission précisément de construire du logement, de construire du logement pour tous ou de construire du logement pour étudiants. Il y a des fondations qui ont cette expérience et cette expertise. Je pense notamment à la FPLC qui a réussi à mettre aujourd'hui sur le marché - conformément aux engagements qui avaient été pris lors de sa création il y a maintenant onze ans, à l'instigation d'une députée qui s'appelait, à mon souvenir, Michèle Künzler - 263 chambres pour étudiants et qui en a près de 300 en construction.

Mesdames et Messieurs, si nous voulons faire un effort pour les jeunes stagiaires, pour les jeunes apprentis, pour les jeunes en formation qui ne répondent pas aux critères du logement étudiant classique, il faut élargir la mission de la FPLC et non pas créer une fondation qui leur soit spécifiquement dédiée. C'est trouver une fausse réponse à un vrai problème. Je vous invite donc à agir dans ce sens et je suis prêt, au nom du Conseil d'Etat, à vous donner l'appui de l'administration pour faire évoluer le but de la FPLC vers cela. Si nous avons ce constat - et je crois que tout le monde peut le reconnaître ici - ne créons pas une nouvelle structure qui sera, par définition, coûteuse, complexe, et qui n'aura pas forcément l'expertise, les forces et les moyens nécessaires pour pouvoir atteindre ces buts. Utilisons les structures publiques qui sont à disposition. Il existe cinq fondations immobilières de droit public, et il y en a une - la FPLC - qui répond précisément à ce besoin. Elargissons son but et nous pourrons ainsi proposer des solutions concrètes aux jeunes en formation, aux stagiaires, aux apprentis. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Roger Deneys, je suppose que c'est pour le vote nominal ? (Remarque.) Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter la prise en considération de ce PL 10873.

Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10873 est rejeté en premier débat par 53 non contre 28 oui et 3 abstentions.

Appel nominal