République et canton de Genève

Grand Conseil

M 2078
Proposition de motion de Mmes et MM. Pascal Spuhler, Thierry Cerutti, Sandro Pistis, Henry Rappaz, Dominique Rolle, André Python, Guillaume Sauty, Florian Gander, Marie-Thérèse Engelberts : Ecoles primaires des Pâquis : trafic de drogue, spectacle permanent pour les enfants...

Débat

Le président. Nous sommes au point 32 de l'ordre du jour. Le premier motionnaire est M. Pascal Spuhler, à qui je donne la parole.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la motion que vous propose ce soir le MCG est simplement pour vous expliquer que, depuis un certain temps déjà, nous aimerions une action forte à l'encontre des dealers qui traînent à longueur de jour et de nuit autour de l'école des Pâquis. Si leur activité nocturne peut, entre guillemets - je dis bien: entre guillemets - «me déranger un peu moins», c'est surtout leur activité diurne qui me perturbe profondément. Ces dealers sont présents 24h/24, autour de l'école de la rue de Zurich - angle rue de Berne et rue de Zurich, rue de Neuchâtel; ces dealers effectuent leur trafic, boivent et utilisent tous les expédients possibles et imaginables: ils se battent, ils urinent et commettent d'autres incivilités sur la chaussée, face à une école primaire... Mesdames et Messieurs, les habitants de ce secteur n'en peuvent plus ! Nous avons encore entendu - il y a une semaine, en commission des pétitions - des habitants et des commerçants de la rue de Zurich qui n'en peuvent plus, qui ne peuvent plus travailler, qui sont obligés de zigzaguer entre les dealers pour rentrer chez eux ! Mesdames et Messieurs, cette situation est insupportable. Il est insupportable que nos enfants, dans nos écoles, soient obligés de subir, quand ils veulent regarder par la fenêtre de leur classe ou quand ils se trouvent dans la cour de récréation, le trafic de stupéfiants, les incivilités permanentes et les bagarres de ces gens-là qui ne respectent plus rien !

Mesdames et Messieurs, la situation est grave. Avant qu'il n'arrive un accident irrémédiable à un enfant, à cause de l'un de ces dealers, je vous demande de soutenir cette motion.

J'ajouterai que l'Association des parents d'élèves des Pâquis s'est réunie quelques mois auparavant en apportant les preuves et les explications de leurs enfants quant à ce qu'il se passe dans cette école. Des dealers ont été surpris dans l'école... Pas à l'extérieur: à l'intérieur ! A l'intérieur des locaux scolaires, Mesdames et Messieurs ! Les enfants se sont plaints d'avoir vu des bagarres, des faits et gestes tels que je vous l'expliquais - les dealers urinent n'importe où, etc. Mesdames et Messieurs, cette situation n'est plus tolérable ! Si vous fermez les yeux sur cet état de fait, c'est que la sécurité de vos concitoyens ne vous regarde pas: allez prendre des vacances sur les îles, mais ne faites pas de la politique.

Mme Nathalie Fontanet (L). Eh bien, voilà à nouveau une proposition de motion que nous pouvons soutenir. Pourquoi ? Nous allons la soutenir, preuve à l'appui. Vous vous rappelez qu'en début de séance, cet après-midi, nous avons traité du projet de loi visant à interdire la prostitution dans un périmètre de 500 mètres des écoles et à éradiquer la prostitution dans le quartier des Pâquis. A cette occasion, nous avons entendu différents représentants, y compris de la police. Surtout, il nous a été rapporté que le grand problème des directeurs d'école de ce quartier n'était pas la prostitution, mais bien le deal de drogue qui se déroule aux abords du préau, même dans le préau et devant les enfants. Ils sont constamment soumis à ce spectacle et au risque de se trouver avec de la drogue, laquelle, comme vous le savez, ne se trouve pas directement sur la personne qui deale mais est cachée aux abords de l'école: cela nous pose un réel problème de sécurité. Il faut protéger nos enfants. Ce sont les premiers que nous devons protéger, car il s'agit de personnes faibles et qui n'ont pas à être mises en contact directement avec le trafic de drogue.

Je pense que cette motion doit impérativement être renvoyée à la commission judiciaire, afin d'examiner de quelle façon nous pouvons utilement faire coïncider toutes les forces de police du canton, c'est-à-dire un mix entre les forces de la gendarmerie, les forces de la police municipale, voire celles d'autres personnes que l'on pourrait associer à cette lutte contre le trafic de drogue qui se déroule dans le préau de l'école des Pâquis, devant nos enfants, qui méritent de pouvoir passer leur récréation en toute tranquillité et se déplacer de la même façon dans les locaux de leur école, sans avoir peur de tomber sur des individus n'ayant rien à y faire et qui sont pour le moins dans une situation indélicate, à savoir qui se promènent avec de la drogue, se battent et sont dans un état physique déplorable. Pour ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral du PLR vous invite à renvoyer cette motion à la commission judiciaire.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Certes, la situation de l'école de Pâquis-Centre et celle de la rue de Zurich nécessitent une attention particulière - et cela même avant que le MCG présente cette motion - depuis des années. Les acteurs locaux, scolaires, de même que les forces de l'ordre - respectivement: le conseil d'école des Pâquis, le centre-école de Zurich, les polices cantonale et municipale, le domaine public, les associations - travaillent sur la situation du quartier, et plus particulièrement celle des préaux et de leurs alentours. Les parents ont également été associés aux réunions d'école, comme à l'Espace solidaire Pâquis, sur ces questions.

Durant les heures scolaires, les préaux sont à disposition exclusive des élèves ! Les agents municipaux sont là régulièrement, tous les jours, et sont particulièrement vigilants au moment des rentrées et sorties de l'école; la police cantonale et la police municipale sont en tout temps à disposition du corps enseignant de ces écoles et agissent avec rapidité si nécessaire; dans le préau de Pâquis-Centre, une agence privée de police effectue des rondes pendant la nuit, déjà actuellement; pratiquement tous les mois, des réunions de coordination ont lieu - réunion de police, voirie, gestion du domaine public, Unité d'action communautaire - pour coordonner ce périmètre et d'autres endroits du quartier; des réunions de parents et des conseils d'établissements ont lieu également régulièrement. Et, pour l'instant, la fermeture du préau de Zurich n'est pas souhaitée par ces partenaires-là.

En résumé, sans banaliser les choses, et en reconnaissant que le quartier des Pâquis mérite une attention importante, nous devons admettre que la situation que vous, le MCG, évoquez dans cette motion est très alarmiste par rapport à la réalité, dans laquelle des partenaires travaillent déjà depuis longtemps. Effectivement, les partenaires que nous avons auditionnés disent que, pour l'instant, la situation de ces préaux est sous contrôle, qu'elle peut s'améliorer, mais qu'une vigilance s'opère depuis plusieurs mois, depuis plusieurs années, autour de ces préaux. Cela montre que, bien sûr, des policiers sont nécessaires. Bien sûr, une présence policière est nécessaire à Genève vis-à-vis de cette insécurité - ou, pour certains, ce sentiment d'insécurité. Mais cela ne suffit pas ! Dans ces écoles et aux Pâquis, nous avons l'exemple que d'autres techniques et d'autres manières d'agir que le recours à la police peuvent exister. Pour cette raison, nous refuserons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat - si l'on demande directement son renvoi. Par contre, si vous n'êtes pas convaincus par les propos que je viens de tenir et que vous avez besoin d'auditionner les partenaires précités, nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission, cela afin que vous puissiez les questionner.

M. Philippe Morel (PDC). Oui, c'est vrai, depuis plusieurs heures, on décortique les problèmes de la sécurité à Genève ! Celui-ci n'en constitue qu'un de plus: il est vrai, il est objectif, il est grave, il nous donne du souci ! Mais si je comptabilise - et je l'ai fait à peu près - le nombre d'heures-police qu'il faut pour régler ne serait-ce que les problèmes évoqués ce soir, ce n'est pas la police cantonale qu'il faut; ce n'est pas la police communale qu'il faut... C'est l'armée ! Et c'est l'armée avec des chars, qu'il faut mettre à chaque carrefour pour pouvoir régler ce problème... Soyons raisonnables !

Nous sommes en train de dépecer, de décortiquer et de segmenter le problème général de la sécurité à Genève ! Problème qui ne date pas d'hier, qui ne peut être incriminé à une seule personne, en l'occurrence la ministre actuellement en charge de ce secteur ! C'est un problème de fond qui s'établit sur de nombreuses années et qui mettra malheureusement de nombreuses années à être résolu. Il commence au-delà de nos frontières ! Et vous savez qu'au plan fédéral des actions sont prévues, sont en cours, pour que, jusqu'à Lyon et jusqu'à Marseille, des opérations puissent être entreprises pour parer au fait que des gangsters viennent chez nous ou envoient du «personnel» chez nous. C'est ensuite au niveau des frontières qu'il faut essayer de régler le problème ! Mais déjà rien que là c'est un investissement majeur ! C'est ensuite dans les cantons, puis à l'intérieur de notre canton, qu'il faut agir. Et à l'intérieur de notre canton il y a plusieurs types de forces: les forces visibles, celles qui travaillent sur le terrain, et les forces invisibles, celles qui enquêtent et qui sont peut-être plus efficaces et plus utiles. Il faut une politique plus globale de la sécurité ! Elle ne peut pas être mise en place en un jour ou en un mois; il lui faudra des années pour être mise en place, comme il lui a fallu des années pour se dégrader ! Nous portons tous le poids de cette responsabilité, car nous avons tous participé à cette évolution, bon gré, mal gré, bon an, mal an !

Il s'agit donc d'un travail de fond ! Et peut-être de l'idée, aussi, d'une task force ou d'une autre solution permettant de voir dans la profondeur et dans la distance quels sont les moyens à mettre en oeuvre. Mais dans l'ensemble, avec ce que je vois ce soir, la police n'y suffira évidemment pas ! Alors, au PDC, nous proposons d'être actifs, nous proposons d'être très interventionnistes; mais nous proposons aussi de réfléchir et, dans le cadre de cette réflexion, de renvoyer cette motion à la commission adéquate. Nous ne pouvons pas prendre des décisions ponctuelles: nous devons adopter une stratégie globale et nous avons une stratégie à long terme ! Et non pas une stratégie électoraliste ! Merci !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Hugo Zbinden (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il se trouve que j'habite à 100 mètres de ces écoles, mes enfants les fréquentent, je connais donc bien la situation. Et j'oserai quand même dire que les motionnaires me paraissent exagérer un peu. (Brouhaha.) Il me semble que la sécurité des enfants n'est pas en cause et que la qualité de l'enseignement n'est pas péjorée par la présence des trafiquants. Cela dit, il est vrai que le trafic s'est intensifié autour de ces écoles et que la criminalité liée à ce phénomène est un réel problème.

Or, que propose cette motion ? Elle propose une lutte contre les symptômes. Elle veut augmenter la présence policière; dans le meilleur des cas, elle chassera les dealers ailleurs - ils sont venus de Cornavin aux Pâquis, ils iront ailleurs, etc. Cela ne finira jamais, et nous allons encore traiter beaucoup de motions !

Les Verts, depuis des années, demandent une autre politique de la drogue. Nous sommes tous d'accord au sujet de la prévention. Mais si nous voulons casser le trafic de drogue, il faut légaliser les drogues douces... (Exclamations. Brouhaha.) ...et en réglementer la vente: les drogues douces peuvent très bien être vendues à la Coop, aux kiosques, comme l'alcool et la nicotine; les drogues dures peuvent être vendues à la pharmacie, sur ordonnance. Par cette mesure, il est possible de limiter la criminalité liée à la drogue, de limiter les bagarres entre différents dealers - je vois mal les pharmaciens se taper dessus - et c'est une vraie possibilité de changer quelque chose dans ce problème. Ce que vous proposez, vous, c'est une mesure qui prouve depuis trente ans qu'elle ne sert absolument à rien ! La répression ne suffit pas, essayons autre chose ! C'est pourquoi nous refusons cette motion. (Applaudissements.)

M. Florian Gander (MCG). Vous vous rappelez peut-être qu'en début de législature j'avais déposé une motion en faveur des sourds et malentendants. Ce soir, je préfèrerais être sourd que d'entendre ce que je viens d'entendre ! Quelle honte de vouloir légaliser la drogue ! Cela va tuer nos enfants ! Il est inadmissible d'entendre cela dans ce parlement ! Nous sommes présents ici pour faire appliquer les lois, pour légiférer, et non pas pour autoriser la drogue ! Cela ne se fait pas ! Enfin, je ne vais pas m'éterniser là-dessus, je risquerais de m'énerver, ce serait dommage.

Des voix. Allez, allez ! (Commentaires.)

M. Florian Gander. Je vous ai parlé de mon passé quinze jours auparavant, je vais vous parler de mon présent. Pour ceux qui ne le savent pas, je suis informaticien au département de l'instruction publique, dans le service des écoles primaires; je m'occupe du service écoles-médias. Il s'avère que je gère les écoles des Pâquis, dans lesquelles je me rends régulièrement, deux à trois fois par semaine, afin d'y dépanner l'informatique. Alors, quand j'entends des députés prétendre qu'il n'y a pas de problèmes de stupéfiants !... Eh bien, je vous dis... (L'orateur montre à l'assemblée une tablette informatique.) Je ne sais pas si vous arrivez à voir. (Exclamations.)

Des voix. Des dealers !

M. Florian Gander. La dernière fois que je me suis rendu devant l'école de Pâquis-Zurich, en vingt minutes, quatre dealers, trois deals ! La cloche de la récréation a sonné: la police est arrivée, pendant dix minutes plus personne ne se trouvait aux abords de l'école. La cloche a sonné une nouvelle fois: les élèves sont rentrés, et les quatre ou cinq dealers étaient à nouveau en place ! Alors oui, la police fait son travail. Or elle ne peut rien faire vraiment, si elle ne peut pas arrêter et garder ces dealers en prison ! Nous devons donc à nouveau insuffler un impact politique en disant «Stop ! Nous ne voulons plus de ces dealers devant les préaux d'école !» Et cela, c'est dès 7h du matin ! Car, à 7h du matin, les dealers sont déjà présents, sont déjà au travail ! Et les gamins vont à l'école en passant devant les dealers ! (Brouhaha.) Tout à l'heure, nous parlions des prostituées; mais là, ce sont des dealers ! Ce n'est pas possible, on ne doit pas tolérer cela ! Ce n'est pas parce qu'une chose est habituelle qu'elle doit devenir acceptable ! Voilà pourquoi je vous demande de soutenir cette motion.

Une voix. Bravo Florian ! (Commentaires.)

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, avec son titre «Trafic de drogue, spectacle permanent pour les enfants...», forcément, aucun citoyen, aucun politicien, personne n'a envie d'être contre cette motion ! Mais vous pouvez en produire des dizaines, des dizaines et des dizaines par session du Grand Conseil... Votre motion est une sorte de piège. Parce qu'on peut en présenter beaucoup... Forcément: vous avez raison ! (Remarque.) Bien sûr ! Vous avez raison ! Mais si chaque fois... Vous pouvez en sortir dix par session du Grand Conseil, sans aucun problème ! C'est un piège !

Alors OK, nous allons renvoyer cette motion à la commission judiciaire, afin d'écouter à nouveau les partenaires. Et nous serons aussi intéressés d'écouter les partenaires sociaux, pour savoir comment cela se passe, comment ils fonctionnent - oui, on va le faire, c'est intéressant ! Mais cessez de produire des motions comme celle-ci. Parce qu'on pourrait en sortir... à gogo ! Alors, Mesdames et Messieurs, on renvoie cette motion à la commission judiciaire. Mais, s'il vous plaît... Heureusement, dans une semaine les élections seront passées, nous en aurons peut-être un peu moins.

M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, voilà quelques jours, Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat a déclaré que Genève était la sixième ville la plus sûre du monde. Si elle avait dit «Genève est la sixième ville la plus sûre de Suisse romande», j'aurais déjà eu un doute - et, «de Suisse», je n'y croyais pas. Mais dire que Genève est la sixième ville la plus sûre du monde, là je me pose la question: quels sont donc les quartiers de Genève qui vont si bien pour compenser ceux qui vont si mal ? Car, aux Pâquis, cela va très mal ! Au centre-ville, cela va très mal. A la place des Volontaires, cela va très mal ! Quelles sont donc les régions en ville de Genève qui permettent un score aussi flatteur ? Je n'en vois pas, je comprends simplement que nous avons un problème d'appréhension des difficultés que l'on connaît. L'une de ces difficultés, liées aux effectifs de la police, est celle des patrouilles et de l'absence de gendarmes, sur place, là où surgissent ces problèmes, là où il est nécessaire de combattre la délinquance, laquelle ordinairement, quotidiennement, nous pourrit la vie. Ces places, nous les connaissons, je les ai citées: les Pâquis, Cornavin, les Volontaires - elles ne sont pas nombreuses. Vous m'expliquerez que cela relève certainement du rôle de la police municipale... Nous en avons parlé la semaine dernière, en commission de la sécurité de la Ville de Genève, et quelle n'a pas été ma surprise, sur cette question, de m'entendre répondre que les agents de la police municipale n'avaient plus envie d'appeler la police ! Car celle-ci est surchargée et, même, que les appels incessants de la police municipale pour que la police cantonale intervienne - c'est son rôle, ce sont ses prérogatives - provoquaient une surcharge de travail. Donc cette motion met le doigt sur un problème géographique, mais surtout sur un problème dont nous débattons depuis le début de cette séance.

L'UDC acceptera de renvoyer cette motion en commission, en espérant qu'il ne s'agira pas d'une goutte jetée dans l'océan - ni d'un appel au secours adressé à l'armée, comme le souhaite notre collègue M. Morel - mais que les tâches, les prérogatives qui incombent à la police, soient suffisantes, on l'espère - nous allons bientôt voter les comptes et nous nous apercevrons que nous mettons beaucoup d'argent pour la police - pour que la délinquance puisse être combattue.

Des voix. Bravo Eric ! (Commentaires.)

M. Pascal Spuhler (MCG). Vous aurez entendu les propos du député Vert, M. Zbinden, dont l'enfant fréquente l'école de la rue de Zurich... Moi aussi, Monsieur Zbinden. Vous habitez à l'est de l'école, et moi à l'ouest. On n'a peut-être pas la même vision du même côté, effectivement... On n'a pas la même vision ! (Brouhaha.) Mais, en l'occurrence, les dealers sont là ! Et je vous conseille de vous procurer des lunettes. Parce que, si vous ne les voyez pas... A moi la peur ! Mesdames et Messieurs, j'ai l'impression d'entendre une sorte de défaitisme dans cette assemblée, lorsque - vous transmettrez, Monsieur le président - M. Hohl dit: «Vous pouvez produire encore de nombreuses motions, cela ne va rien changer», etc. Il ne faut pas être défaitiste ! Il faut y croire ! M. Morel aimerait envoyer les tanks et l'armée... Mais, Monsieur Morel, il faut y croire ! Il faut croire que l'on puisse prendre les bonnes décisions. Je prends pour exemple les opérations PréDiRe: pour les rentrées scolaires, une patrouille de gendarmerie se place à proximité des écoles et procède à des contrôles de circulation, afin d'empêcher que des automobilistes fous roulent trop vite lorsqu'ils se trouvent à proximité des écoles - qu'ils ne fassent que passer c'est d'ailleurs très bien. Alors c'est marrant, quand ces patrouilles-là sont présentes, il n'y a plus de dealers dans les environs immédiats de l'école... Les environs «immédiats», je vous rassure ! Mais 100 mètres plus loin, au prochain carrefour, ils y sont !

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous propose de renvoyer cette motion à la commission judiciaire, afin de trouver - de discuter, peut-être - mais surtout trouver des solutions ! Afin que nous puissions, en toute tranquillité et en toute sérénité, envoyer nos enfants à l'école et leur inculquer les sciences de la vie.

Le président. Je vous remercie. Je donne la parole à M. Broggini, à qui il reste cinquante secondes.

M. Roberto Broggini (Ve). La situation autour de l'école des Pâquis n'est effectivement pas acceptable. Le député Morel nous a indiqué qu'une autre solution devait être trouvée. Cette autre solution, je ne l'ai pas forcément. Cependant, quand je lis qu'en France on procède actuellement à des réflexions, quand je lis que la majorité des présidents sud-américains sont pour la dépénalisation des drogues - car il y a plus de 100 000 morts par année en Amérique latine, des décès dus au trafic mafieux dont les enjeux économiques sont monstrueux ! - et quand je lis aussi qu'aux Etats-Unis, ces vingt dernières années, 6 milliards ont été dépensés pour la lutte contre les stupéfiants et la construction de prisons... Eh bien, ce n'est pas cela, la solution. Souvenez-vous de la prohibition de l'alcool aux Etats-Unis: ils ont dû l'abandonner. C'est à Genève, en 1919, lors de la conférence de la Société des Nations ou de la Conférence de l'opium, qu'a été mise en place, avec différents pays, cette politique erronée.

Le président. Il vous faut conclure !

M. Roberto Broggini. Je conclus très rapidement, Monsieur le président, pour dire que la commission de l'ONU sur les stupéfiants - dont est membre Kofi Annan - présente un nouveau paradigme et veut vraiment que l'on réfléchisse différemment. Et c'est ce qui manque cruellement dans cette motion.

M. Renaud Gautier (L). Mesdames et Messieurs, voilà une dizaine d'années que j'entends, dans ce parlement, les mêmes dénonciations. Il y a le trafic de drogue à la gare - c'est ainsi que nous avons débuté la soirée - puis nous descendons de la gare pour arriver aux Pâquis... La prochaine fois, nous traverserons le lac pour nous rendre au Jardin Anglais...

Ce que je trouve très curieux, c'est qu'on n'est jamais que dans la dénonciation. Et pour la première fois, ce soir, j'entends une députée socialiste parler du travail communautaire qui est effectué. J'étais tout à fait partisan de renvoyer cette motion, elle aussi, à la poubelle, mais je pense qu'écouter ce qui peut se réaliser en multipliant les intervenants, plutôt que d'attendre toujours que la police fasse ceci ou cela - car, Monsieur Spuhler, lorsque la police sera aux Pâquis, elle ne sera pas ailleurs; donc il y aura, la fois d'après, des gens d'ailleurs qui demanderont: «Pourquoi est-ce que la police n'est pas chez nous»... Ainsi, je pense qu'il serait intéressant de procéder à des auditions, mais je vous rends attentifs, Mesdames et Messieurs, au fait que cela fait dix ans que ce parlement traite de ces questions-là - et, jusqu'à ce jour, manifestement sans avoir trouvé de réponse, puisque ce sujet revient très régulièrement ! Espérons effectivement que, dans le cadre du travail communautaire, ce parlement puisse favoriser ou trouver des solutions à cette question un peu lancinante.

M. Patrick Lussi (UDC). Ce sera très court. Je rappelle à mon préopinant Vert qu'il n'y a pas que le canton de Genève qui est en phase électorale: la France aussi ! Et je crois que M. François Hollande a clairement dit qu'il n'entendait en aucune manière dépénaliser la drogue.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Quel florilège, ce soir, en faveur d'actions menées par la police ! Encore une fois, je crois que tout procède de ce que je vous ai présenté l'année dernière, à savoir une réorganisation en profondeur de la police, de façon à lui donner, une fois de plus, les moyens d'être sur le terrain. Elle ne pourra pas être partout ! Une priorisation est à faire; elle est effectuée de la façon la plus juste possible. La priorité pour le poste des Pâquis a toujours été cette école et cette zone qui a toujours été identifiée comme étant extrêmement compliquée; les rencontres ayant eu lieu avec l'Association des parents d'élèves des Pâquis, l'Unité d'action communautaire, le directeur de l'établissement, les animateurs de l'Espace solidaire Pâquis en sont véritablement la démonstration. La police cantonale n'a pas besoin d'appeler la police municipale, cette dernière se rend six fois par semaine, en ronde, à l'école des Pâquis. J'espère simplement que la police cantonale ne vient pas uniquement à l'heure de la récréation, quand la cloche sonne - c'est en tout cas ma préoccupation. J'ajouterai que la population de trafiquants régnant dans cette zone est une population difficile pour la police et que l'ensemble des acteurs se trouvant sur ce terrain doivent pouvoir travailler dans un esprit de collaboration. Je ne vous cacherai pas, Mesdames et Messieurs, que ce secteur est compliqué à gérer, tout comme l'est la gare, particulièrement s'agissant des trafiquants de drogue. Nous avons décidé, avec le canton de Vaud, de mener une action conjointe sur ce trafic, considérant l'impact énorme que cela a sur nos forces de police.

Je ne vais pas vous rappeler ici la relativité du monde, mais parlant de Genève comme étant la sixième ville la plus sûre du monde, j'invite ceux qui remettent en cause ce classement - pourtant internationalement reconnu - à le placer en relation avec la ville de Paris, citée en exemple dans ce débat, qui a été classée au soixantième rang des villes les plus sûres du monde. J'invite à voyager ceux pour lesquels les frontières semblent difficiles à franchir autrement que par la toile - il est important de sortir de nos frontières - de façon à se rendre compte que notre police fait un travail remarquable. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons nous prononcer sur le renvoi de cette motion...

M. Eric Stauffer. Vote nominal !

Le président. Etes-vous suivi ! (Appuyé.) Nous procédons par appel nominal sur le renvoi de cette motion à la commission judiciaire.

Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi de la proposition de motion 2078 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 65 oui contre 14 non et 2 abstentions.

Appel nominal