République et canton de Genève

Grand Conseil

M 2064
Proposition de motion de Mmes et MM. Irène Buche, Christian Dandrès, Roger Deneys, Melik Özden, Anne Emery-Torracinta, Lydia Schneider Hausser, Alain Charbonnier, Marie Salima Moyard, Christine Serdaly Morgan : Jeu de Monopoly à Chancy, aux Cherpines et ailleurs, ça suffit : place aux promoteurs publics !

Débat

Le président. La première motionnaire est Mme Irène Buche, à qui je donne la parole.

Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a une constatation à l'origine de cette proposition de motion, à savoir que le Conseil d'Etat, jusqu'à maintenant, a refusé de mener une politique d'acquisition foncière digne de ce nom permettant de construire des logements d'utilité publique correspondant aux besoins prépondérants de la population. Cela avait déjà été illustré dans la réponse qui avait été donnée par le Conseil d'Etat à l'IUE 944 déposée en mars 2010. Je cite un extrait, c'est très parlant: «Par ailleurs, une transaction qui fait intervenir un professionnel de l'immobilier est, dans la règle, une indication qu'un programme de logement va être mené à bien. Dans cette situation, l'Etat renonce en principe à exercer son droit de préemption, l'objectif de réalisation de logements étant atteint.»

Cette politique, que l'on peut qualifier de choquante, a été confirmée récemment par deux cas concrets qui ont été relayés par la presse. (Brouhaha.) Il y avait d'une part le refus du DCTI de soutenir la commune de Chancy pour acquérir par voie de préemption un terrain situé sur le territoire de la commune aux fins d'y construire des logements constituant à 100% des LUP, et ce au motif qu'il faut privilégier les promoteurs privés prêts à construire sur ce terrain. La même chose s'est produite aux Cherpines: de nouveau, le DCTI a refusé... (Brouhaha. Un instant s'écoule. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président ! (Brouhaha.) Je reviens sur la question des Cherpines, où le DCTI avait décidé de ne pas acheter de terrains pour de nouveau laisser la voie libre aux promoteurs privés.

C'est une manière de favoriser les promoteurs privés qui est inacceptable, car elle est contraire aux intérêts de la population, en particulier des locataires genevois qui attendent impatiemment des logements à des prix abordables. Force est de constater que la politique du logement actuelle du DCTI est un échec, et il est vraiment urgent que l'Etat ou plutôt que le Conseil d'Etat dans son ensemble adopte une véritable politique d'acquisition foncière, notamment en exerçant son droit de préemption ou en donnant aux communes les moyens d'exercer le leur. Il doit également soutenir les communes, les fondations immobilières de droit public, les coopératives et les caisses de pension publiques qui veulent construire des LUP. Enfin, il doit cesser de favoriser les promoteurs privés. A défaut, il est clair que la situation actuelle de grave pénurie de logements à Genève va encore s'aggraver, car on sait très bien - et vous vous souvenez certainement des chiffres - que l'année 2011...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !

Mme Irène Buche. Monsieur le président, je prends encore un tout petit peu de temps sur celui de mon groupe. Je rappelle juste que le nombre de logements construits en 2011 a été le plus faible en soixante ans et que la moitié des logements réalisés, sur 1018 environ, sont des logements en propriété par étage ou des villas. Encore un dernier chiffre: 736 nouveaux logements d'utilité publique ont été construits entre 2007 et 2011, soit en moyenne 150 par année ! En conclusion, ce sujet est extrêmement important et je vous remercie de faire bon accueil à cette motion.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG accueille favorablement cette motion, étant donné déjà l'afflux massif de frontaliers. Il y a eu en effet 11% d'augmentation, ce qui empêche de nombreux Genevois de trouver du travail et fait que ceux-ci tombent dans une certaine précarité. Il faut donc commencer à prévoir des logements d'utilité publique pour enfin pouvoir loger ces gens qui n'auront plus les moyens de se payer un logement normal. Mais ça c'est aussi le résultat de votre politique qui favorise toujours l'afflux des frontaliers. Comme je l'ai dit, on a connu une augmentation de 11% en une année, ce qui est énorme.

A ce niveau, il est clair que nous estimons que cette motion est la bienvenue; nous regrettons simplement que dans les invites on parle uniquement, pour les institutions de droit public, de construire des logements d'utilité publique, car je pense que les caisses de prévoyance - qui sont, comme on les appelle, des institutions de droit public - ont besoin aussi de construire pour survivre. On connaît les problèmes actuels des caisses de retraite de la fonction publique, qui se trouvent dans des situations difficiles, or rien n'est fait pour celles-ci afin qu'elles puissent trouver des emplacements pour construire. On sait pourtant que les taux de rendement des logements permettent à ces caisses de prévoyance de tenir encore un certain rendement pour pouvoir payer les retraites des fonctionnaires.

La situation est donc urgente, et j'en appelle au Conseil d'Etat par rapport au PAV, car on a là quand même une capacité d'intervention pour favoriser ces institutions de droit public de façon qu'elles puissent construire non seulement des LUP, car je pense qu'il est intéressant pour les caisses de prévoyance de construire des LUP, mais aussi d'autres catégories de logements. J'estime donc que cette motion est la bienvenue, et nous vous appelons à la soutenir pour enfin connaître le bilan de ce qui a été réalisé par rapport à début 2006, sauf erreur, où il a été décidé de créer des LUP.

Mme Sylvia Nissim (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les derniers chiffres sur le logement font peur et sont effrayants: 1018 logements construits l'année passée contre 2500 prévus, alors que, d'après les dernières estimations, il nous en faudrait 2990. Nous en sommes donc au tiers de ce qu'il faudrait pour rattraper notre retard, car oui, nous sommes en retard, et pas qu'un peu ! Il n'est pas étonnant que les loyers augmentent à Genève, vu la pénurie de logements qu'on connaît. Cette pénurie, dont on a déjà parlé en long et en large, n'est toujours pas près d'être résolue. (Remarque. Rires.) Et l'on peut rappeler que les coûts touchent en particulier et plus durement les plus précarisés, précisément ceux qui sont visés par la loi sur les LUP, une loi qui est loin de remplir son objectif aujourd'hui. Or que fait le Conseil d'Etat pour remédier à cette situation ? Il n'agit clairement pas assez. Comme l'a dit ma préopinante socialiste tout à l'heure, les cas de Chancy ou des Cherpines sont la preuve que le Conseil d'Etat ne fait pas assez et même qu'il va dans la mauvaise direction, ce qui est inquiétant pour les Verts. Nous avons d'ailleurs récemment déposé une IUE concernant cette question de Chancy.

Comme l'indique l'exposé des motifs de cette motion, la politique du DCTI est un échec ! Et l'on ne s'en sortira pas sans une politique véritable et forte d'acquisition foncière et un encouragement important des LUP. Les Verts vous recommandent donc de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat ou du moins, si vous n'acceptiez pas cette proposition, à la commission du logement pour étude.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien va refuser cette motion. Pour ce qui est du constat évoqué, tout le monde est d'accord, on ne construit pas assez à Genève. Tout le monde est d'accord ! Mais ce n'est pas la faute du Conseil d'Etat ! C'est dû aux règlements trop compliqués, aux communes qui ne veulent pas construire parce qu'elles n'ont pas les moyens d'assumer certains investissements... Donc, si l'on veut construire à Genève, il faut peut-être procéder autrement ! Et ce qu'il est important de préciser, c'est que lorsqu'on dit que les promoteurs privés sont des gens qui vont empêcher de créer des logements, c'est faux ! Les seuls programmes qui fonctionnent et qui sont construits sont des programmes réalisés par des promoteurs privés ! Dans une commune, quand des propriétaires, des promoteurs et la commune sont d'accord, on construit dans l'année ! Il faut donc quand même se dire que le seul système qui marche, c'est lorsqu'on a une participation privée à un programme. Vous voulez que l'Etat fasse tout. L'Etat va tout faire ! L'Etat peut tout faire ! L'Etat est omnipotent ! Mais qu'est-ce que cela va donner ?! L'Etat ne peut pas le faire...

D'autre part, il faut quand même avoir une mixité de logements, c'est important d'en parler. Si vous ne créez que des LUP à un endroit, vous aurez des problèmes sociaux ! Une mixité de logements est nécessaire, et si vous voulez une telle mixité, il faut permettre aux promoteurs privés de construire, parce que c'est seulement dans ce cas-là qu'on aura un pourcentage de LUP qui est prévu par la loi et qu'on pourra construire des immeubles et loger les gens.

Et il faut aussi penser à loger la classe moyenne ! On parlait des frontaliers tout à l'heure, mais la classe moyenne part dans le canton de Vaud ou en France voisine, et vous ne pensez pas à cette classe moyenne qui a besoin de se loger, Mesdames et Messieurs les députés !

Quant au cas de Chancy, c'est quand même de la désinformation: une commune a le droit de préempter un terrain ! L'Etat a trente jours pour préempter un terrain mais, s'il ne le préempte pas, la commune peut le faire. Pourquoi la commune de Chancy ne l'a-t-elle pas fait ? (Applaudissements.)

M. François Haldemann (R). La proposition de motion 2064 qui nous est soumise ce soir traite principalement de l'usage du droit de préemption que pourrait faire valoir l'Etat. Dans le périmètre qui nous concerne, à savoir celui des Cherpines-Charrotons, nous avons nous-mêmes décidé de voter une loi de modification de zones avec comme choix la zone de développement 3. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que ce périmètre est assujetti à la LGZD, laquelle précise, à l'article 4A notamment, qu'il est obligatoire de prévoir 25% de LUP dans tout le périmètre. Cela implique que, quel que soit le promoteur - que ce soit l'Etat ou un promoteur privé - il est obligatoire de construire 25% de LUP. C'est la loi qui le prévoit.

Alors le Monopoly, d'après les socialistes, c'est un prix du terrain verrouillé par une loi, c'est un plan financier verrouillé par une loi, c'est voir un risque de préemption si ces conditions ne sont pas remplies. Les socialistes ont en fait une drôle de conception du Monopoly, qui finalement serait un marché totalement libre. Non, le marché n'est pas totalement libre dans les périmètres de zone de développement 3 ! Et une fois que l'Etat aura acheté ce terrain, aura-t-il la capacité de mener à bien une promotion sur ce dernier ? J'en doute vraiment. Je crois que l'Etat n'est pas un promoteur, ce n'est pas son rôle.

Concernant les LUP, il est vrai que nous ne construisons pas assez, et de facto pas assez de LUP, mais il faut savoir que l'Etat dispose d'un fonds d'acquisition d'environ 30 millions qui permet d'acheter des LUP dans des immeubles déjà existants, et c'est ce qu'il fait toutes les années. Et je pense que là c'est aussi un moyen de pouvoir mettre à disposition des LUP pour les gens qui en ont besoin. Vous l'aurez donc compris, le PLR refusera cette motion.

M. Jacques Béné (L). Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit, il s'agit en fait toujours du problème de manque de terrains. Et quand il y a un manque de terrains, eh bien il faut déclasser ! Mais quand on déclasse de la zone agricole, ce sont les milieux agricoles et les Verts qui ne veulent pas ! Quand on déclasse de la zone villas, ce sont les propriétaires qui ne veulent pas, parce qu'ils sont spoliés d'une partie de la valeur de marché de leurs biens ! Ce sont aussi les communes qui ne veulent pas, parce que c'est une manne au niveau des impôts ! Et puis vous voudriez, vous, qu'on construise maintenant des LUP partout, y compris dans les endroits que l'on déclasse. Mais si l'on déclasse et que l'on ne crée que des LUP, on va de nouveau se retrouver avec des communes qui ne veulent pas avoir uniquement des LUP et qui vont s'opposer à tous les projets de déclassement qu'on pourrait avoir sur ce canton. C'est donc une aberration !

L'intérêt de votre motion, dites-vous, c'est qu'elle va permettre de diminuer la pénurie. Mais ce qui manque à Genève ce sont des logements, toutes catégories confondues, et pas que des LUP ! Et vous essayez de nous faire croire que, parce que l'Etat acquerrait des parcelles et n'y construirait que des LUP, on diminuerait plus vite la pénurie que si des privés en construisaient... Eh bien non, Mesdames et Messieurs les socialistes, pour une simple et bonne raison, c'est que quand un privé achète, le compteur commence à tourner pour lui dès le moment de l'acquisition - il a donc intérêt à ce que cela aille très très vite - alors que quand c'est l'Etat, on prend un peu plus de libertés. Si vous voulez des exemples, eh bien il y en a ! L'Etat est propriétaire aux Communaux d'Ambilly: des LUP ont-ils été construits jusqu'à maintenant ? Non ! L'Etat ou certains organismes sont propriétaires à La Chapelle-Les Sciers: est-ce que tout a été fait ? Non ! L'Etat est aussi propriétaire aux Vergers par le biais d'organismes, et ce n'est pas pour autant que cela avance plus vite.

Par ailleurs, j'aimerais rappeler aux socialistes que la politique en matière de droit de préemption a été appliquée exactement de la même manière par un certain M. Moutinot pendant huit ans au DAEL, à l'époque, et que cela n'a fait sourire personne ! J'en veux même pour preuve qu'aujourd'hui il y a un comité de pilotage pour le suivi de la mise en oeuvre de cette politique en matière de LUP, et je crois n'avoir jamais entendu quelqu'un s'opposer au fait que les onze dernières parcelles qui ont été mises à disposition d'organismes ces deux dernières années l'ont été à des coopératives privées, même si elles ont un but d'utilité publique, qui n'ont toutefois pas construit que des LUP. Est-ce que quelqu'un...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Jacques Béné. ...parmi vos représentants, Mesdames et Messieurs les socialistes, a dit quelque chose dans le cadre de ce COPIL ?

Et pour terminer très rapidement concernant les Cherpines, je tiens quand même à dire qu'il y a un groupe d'attribution de dotation LUP qui préavise les demandes de dotation et qu'il y a déjà plus de 17 millions de francs de demandes de dotation qui ont été préavisées favorablement sur des terrains, entre la commune de Confignon et des privés, pour y créer des logements. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Emery-Torracinta, à qui il reste deux minutes trente.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président, ce sera largement suffisant ! Mesdames et Messieurs les députés, il n'existe pas une solution simple, pour répondre notamment à M. Béné, afin de résoudre la crise du logement à Genève. Il y a certainement des solutions plurielles, et le droit de préemption en est une. Pourquoi ? Le problème à Genève est double. D'une part on ne construit pas assez de logements pour faire face à l'augmentation de la population - donc on est toujours en déficit, un déficit qui augmente perpétuellement - et d'autre part le coût des logements construits est trop élevé.

Le droit de préemption est un outil qui permet d'aider à résoudre partiellement ces deux problèmes. Pourquoi ? Parce que l'Etat, s'il achète du terrain, va essayer de le rentabiliser au maximum par rapport à la surface; on ne va pas gaspiller le sol, donc on va créer un maximum de logements et ne pas construire quelques villas isolées, par exemple. Deuxièmement, si l'Etat achète du terrain, il va pouvoir le mettre ensuite en droit de superficie et permettre à des coopératives ou à des fondations de droit public de construire du logement à un coût qui sera bien moindre, puisqu'il n'y aura pas le terrain à payer, ou en tout cas pas de la même manière.

Et j'aimerais, pour illustrer cela, vous donner quand même un chiffre ou deux concernant 2011, chiffres qui n'ont d'ailleurs pas été cités par ma préopinante. Vous savez que la loi concernant les LUP prévoit 35 millions que l'Etat peut utiliser chaque année à cet effet. Eh bien, en 2011, l'Etat n'a utilisé que 27 millions, et ce essentiellement pour des logements qui étaient déjà construits, et il n'a acheté que 10 000 petits mètres carrés de terrain. Alors je crois que, vu la crise du logement, 10 000 mètres carrés de terrain qui devraient permettre de construire 120 logements, c'est largement insuffisant. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à renvoyer cette motion à la commission du logement.

Et je terminerai avec un autre chiffre à l'intention de M. Golay: s'il a examiné le bilan social du canton de Genève, il aura vu qu'il y a 516 frontaliers français qui travaillent à Genève, mais 1344 fonctionnaires genevois qui doivent, faute de pouvoir se loger dans notre canton, aller habiter en France voisine.

M. Christo Ivanov (UDC). Ma préopinante m'a coupé l'herbe sous le pied, car je voulais demander le renvoi de cette motion à la commission du logement. L'UDC soutiendra donc ce renvoi.

M. Stéphane Florey (UDC). Comme l'a dit mon collègue, nous soutiendrons le renvoi en commission, mais, si ce renvoi est refusé, nous rejetterons la motion.

J'aimerais juste rappeler quelque chose: les grands périmètres qui sont cités dans cette motion ont été défendus par le groupe socialiste, lequel se fait le chantre de la zone de développement 3, qui est décriée non seulement par l'UDC, mais aussi par la plupart des groupes ici présents. Dans le fond, ce que vous demandez, c'est le beurre et l'argent du beurre, c'est-à-dire que l'Etat doit tout acheter, doit tout faire.

Mais ce que je veux surtout dire concernant le logement, c'est que - je suis désolé ! - les LUP constituent une partie du logement, mais il faut revenir à la réalité: il n'y a pas que la classe moyenne ou les classes les plus défavorisées qui cherchent et qui ont besoin d'un logement ! Il y a une loi sur les LUP, avec des critères précis bien établis, mais il faut penser à tout le reste de la population ! Les personnes que vous citez et qui doivent aller habiter de l'autre côté de la frontière, je suis désolé, mais ce ne sont pas spécifiquement les classes défavorisées ou la classe moyenne. C'est l'entier de la population ! C'est un problème qui concerne tout le monde, et pas seulement certaines couches de la population.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Roger Golay, à qui il reste vingt-cinq secondes.

M. Roger Golay (MCG). Merci, Monsieur le président, je serai bref. Nous avons parlé de résidents genevois qui sont obligés de quitter le territoire pour s'établir en France; eh bien c'est souvent pour être propriétaires ! C'est dans le but soit d'habiter de petites résidences sympathiques, soit - pour la plupart - d'acquérir leur propre villa.

Maintenant, à part les collectivités, les fondations immobilières et les institutions de droit public, qui peut construire des LUP ? Qui va s'intéresser à faire cela ? Personne pratiquement. Et aujourd'hui on constate une chose, c'est qu'au niveau du PAV il n'y a pas pour les institutions de droit public d'accès possible permettant d'acquérir des terrains afin d'y construire des logements. C'est ça le drame ! Et je vais simplement rassurer les milieux économiques: les LUP sont rentables ! On l'a vu sur la commune de Lancy, qui vient d'acquérir des LUP, il y a une rentabilité. Ce n'est pas une charge pour la collectivité, bien au contraire, c'est aussi intéressant. Donc il ne faut pas se barrer la route en croyant simplement que cela va coûter plus cher !

Et les 35 millions qui sont attribués viennent bien sûr du fonds qui est dû à l'or de la BNS, mais cela ne veut pas dire que l'on ne doit pas aller plus loin que ces fameux 35 millions ! On peut aussi commencer à créer un fonds supérieur à ce montant qui a été destiné aux LUP. Pourquoi s'en priver ? Aujourd'hui il y a tellement de Genevois...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Roger Golay. Je conclus. Il y a tellement de Genevois qui cherchent des appartements, et je pense que la priorité va également aux classes les plus défavorisées, qui sont aussi dues, comme je l'ai dit, à l'afflux des frontaliers qui prive les Genevois de trouver du travail.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. François Haldemann, pour quarante secondes.

M. François Haldemann (R). Merci, Monsieur le président. Mme Emery-Torracinta a fait mention de la possibilité de densifier sur des périmètres de développement 3, mais l'Etat ne peut pas plus densifier que les promoteurs ne pourraient le faire. D'ailleurs, les promoteurs auraient tout intérêt à densifier le maximum de ce qui pourrait leur être offert.

Au demeurant, la densification est d'abord un problème de communes, lesquelles ne veulent le plus souvent pas que des périmètres se densifient, de peur de voir arriver une nouvelle population. Ce qu'il est très important de dire aussi, et je crois que mon collègue Bertrand Buchs l'a relevé, c'est qu'une trop forte densité de LUP dans un périmètre pourrait nuire à la mixité sociale qui est souhaitée. Créer des ghettos, je crois que ce n'est souhaitable nulle part...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. François Haldemann. ...et l'objectif ne consiste pas du tout à avoir des ghettos dans notre canton.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Emery-Torracinta, il vous reste vingt-cinq secondes.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Je ferai deux remarques très brèves. Premièrement, je crois qu'il y a une confusion chez certains membres de ce parlement en ce qui concerne les logements d'utilité publique: ces derniers ne sont pas forcément bon marché, ce sont simplement des logements dont les prix sont contrôlés par rapport à leur rendement et à ce que l'Etat a décidé de faire.

Deuxièmement, je suis effarée d'entendre ici la réaction de certains qui disent que, lorsqu'on réclame des logements pour la population genevoise, on veut le beurre et l'argent du beurre. Monsieur le député, vous devriez avoir honte, quand on sait le nombre de personnes qui n'arrivent pas à se loger à Genève, le nombre de personnes qui se font expulser régulièrement ! Dire que l'on veut le beurre et l'argent du beurre, alors qu'il s'agit simplement d'avoir un toit sur sa tête, c'est particulièrement honteux. (Applaudissements.)

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion, déposée le 28 février 2012, aborde un sujet d'importance, et je crois qu'il sera bon en commission de rappeler certains éléments pour clarifier plusieurs points. Ma collègue Michèle Künzler me posait tout à l'heure une question en forme de boutade - elle ne s'adressait pas à moi, mais faisait allusion aux termes du sujet: est-ce que tu aimes mieux ton papa ou ta maman ? (Exclamations.) Il n'y a pas, Mesdames et Messieurs, de réponse définitive à cette question, pas plus qu'il n'y a de réponse définitive à la question de savoir si l'Etat est plus efficace ou moins efficace que d'autres organismes pour construire des logements. Cela dépend des circonstances, cela dépend des endroits, cela dépend des volontés et cela dépend des conditions.

Une voix. Et des conseillers d'Etat !

M. François Longchamp. Et cela dépend peut-être, aussi, des conseillers d'Etat. (Rires.)

Madame la députée Emery-Torracinta, cela a été rappelé par le député Haldemann, ce n'est pas parce que l'Etat possède des terrains qu'il peut pratiquer une densité plus forte. C'est si vrai que j'ai passé quelques jours à m'occuper d'un dossier particulier, celui d'une grande surface en zone agricole - une très grande surface - située dans une commune périphérique et propriété de l'Etat. Nous sommes en train d'essayer, avec la commune, de trouver une solution afin d'avoir une densité acceptable sur ce terrain, une densité acceptable pour la commune qui, pour toutes sortes de raisons, est évidemment réticente à ce qu'il y ait des densités trop fortes et des calendriers de construction trop rapides pour pouvoir être supportés par les budgets communaux.

Ensuite, imaginer que la préemption est la panacée est là aussi une notion qui doit être relativisée. Oui, le droit de préemption doit être utilisé et, oui, il doit probablement l'être avec un peu plus d'ardeur et de volonté qu'il ne l'a parfois été. Mais penser que le droit de préemption est un procédé qui, de manière automatique, va nous permettre de construire plus de logements est un leurre, et c'est dans certaines circonstances même une façon fort habile de s'assurer que l'on n'en construise pas ou que l'on en construise moins. Il y a, sur le dossier du département, certaines procédures qui traînent depuis des années, car des droits de préemption qui ont été exercés ont fait l'objet de recours et qu'ils s'éternisent dans des procédures judiciaires précisément parce que les personnes qui ont fait l'objet de droits de préemption recourent contre l'Etat pour certains éléments et certains frais qui ont été engagés par elles. En effet, quand un promoteur acquiert un terrain, le mobilise pendant plusieurs années dans l'optique de réaliser une opération et qu'il y a ensuite un droit de préemption sur des terrains nécessaires à la réalisation de cette opération, vous imaginez bien qu'il y a aussi des frais qui entrent en perspective.

Enfin, il y a un élément - et je m'étonne qu'il ait été si peu cité - qui par contre permet de dire que l'implication de l'Etat peut être incitative, c'est celui qui concerne la pérennité du logement, la capacité de garder et de conserver une densité de logements qui réponde aux besoins prépondérants de la population. Et cette pérennité du logement peut être assurée par les LUP, mais également par d'autres moyens, notamment un usage accru de la faculté d'offrir à des caisses de retraite, cela a été dit - à des caisses de retraite publiques en particulier - la possibilité de construire des logements qui répondent à l'intérêt général de la population, de toute nature qu'elle soit.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite donc à étudier calmement en commission cette motion déposée le 28 février 2012, afin que toutes ces questions soient examinées avec calme, détermination et volonté, de sorte que nous puissions ensemble trouver des solutions qui soient parfois plus rapides, mais qui n'impliquent pas forcément que l'Etat doive tout faire, tout de suite, tout le temps et de manière permanente.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets maintenant aux voix le renvoi de cette motion à la commission du logement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2064 à la commission du logement est rejeté par 45 non contre 35 oui et 1 abstention.

Le président. Je vous fais à présent voter sur la proposition de motion elle-même.

Mise aux voix, la proposition de motion 2064 est rejetée par 44 non contre 40 oui. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)