République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10854-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat soutenant la restructuration de la Compagnie Générale de Navigation sur le lac Léman (CGN) par l'abandon de créances de 7'776'699F, la transformation du capital social, la prise de participation à hauteur de 2'867'000F et l'ouverture d'une subvention d'investissement de 3'685'400F
Rapport de majorité de M. Roger Deneys (S)
Rapport de minorité de M. Renaud Gautier (L)

Premier débat

Le président. Nous sommes en catégorie II: quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, voilà un projet de loi qui devrait, en tout cas dans son esprit, rallier l'ensemble des forces politiques présentes dans ce Grand Conseil, parce qu'il s'agit d'éviter que, dans des jours plus ou moins lointains, la CGN, nos chers bateaux qui naviguent sur le Léman, ne coulent. Bien entendu, nous sommes toutes et tous attachés à la CGN, aux bateaux qui naviguent sur le Léman, que ce soit pour les touristes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...le transport de pendulaires ou la préservation du patrimoine historique que constituent les anciens navires de la CGN.

En fait, un petit retour historique est certainement nécessaire pour expliquer aussi pourquoi nous sommes aujourd'hui saisis d'un tel projet de loi et d'un tel rapport. Entre fin 2009 et début 2010, vous l'avez peut-être oublié, «Le Matin dimanche», pour le citer, avait évoqué le fait que la CGN était au bord du dépôt de bilan. La situation était suffisamment grave pour que les médias et les parlements se saisissent de ce dossier de façon un peu plus efficace que par le passé. En effet, la CGN, en réalité, année après année, fonctionnait certes à satisfaction des touristes et des usagers occasionnels, mais accumulait en même temps des pertes qui étaient comblées par les autorités publiques, genevoises en partie mais surtout vaudoises. D'ailleurs, j'ai retrouvé un très joli article du «Messager», un journal de nos amis français, dans lequel le directeur de la CGN évoquait le fait qu'il n'y avait pas de problème à la CGN puisque, chaque année, il y avait ce qu'il appelait une «subvention d'équilibre». La «subvention d'équilibre», voilà une jolie notion pour dire que l'on n'a pas de problème financier. Mais, en réalité, on a depuis plusieurs années, avec la CGN, un problème de financement.

Ce projet de loi vise d'une part à abandonner des créances. L'Etat de Genève a effectivement prêté de l'argent à la CGN, depuis de nombreuses années; il n'a jamais pu le récupérer. Alors plutôt que de le garder en pied de bilan de l'Etat, on se dit ceci aujourd'hui: tournons la page, envisageons la CGN d'une autre façon, en essayant déjà de clarifier les missions de la CGN, entre l'entretien du patrimoine historique, le transport de passagers et bien entendu la vocation touristique. Ces différents enjeux ont été étudiés à la commission des finances.

En fait, ce projet de loi du Conseil d'Etat répond très exactement au souhait des cantons romands, au souhait exprimé ici dans notre Grand Conseil, pour demander que l'on essaie de garantir un financement de la CGN à long terme, de façon plus intelligente et en évitant ces fameuses subventions d'équilibre qui viendraient combler les trous - qu'il vaudrait d'ailleurs mieux éviter dans les bateaux de la CGN.

Le président. Il vous faut bientôt conclure, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. Alors je vais conclure, Monsieur le président, en vous invitant, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce rapport. Je souhaite encore exprimer ceci. Je n'ai pas très bien compris pourquoi le rapporteur de minorité, le capitaine Haddock - pardon: M. Renaud Gautier - avait décidé qu'il ne fallait pas voter ce projet de loi, dans la mesure où ses camarades PLR estimaient que c'était quand même une solution intéressante, à défaut d'être la solution idéale. Je pense que ce projet de loi est la seule façon d'aller de l'avant de façon positive, à moyen terme. Donc je vous invite à le soutenir.

Le président. Je vous remercie. Votre humour est désopilant. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité Renaud Gautier.

M. Renaud Gautier (L), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Edward John Smith: rappelez-vous bien ce nom, Mesdames et Messieurs. Né le 27 janvier 1850, il est décédé dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, soit il y a un siècle moins un mois très précisément. Edward John Smith, représenté ici par notre excellent collègue, était le capitaine du Titanic. M. le rapporteur de majorité, exactement comme le capitaine du Titanic, nous explique qu'il s'agit là d'un projet qui, comme le Titanic, ne pourra pas couler. C'est le truc qu'il faut, la construction la plus extraordinaire qui soit. J'ai donc quelques minutes pour vous expliquer le nombre d'icebergs qui vont se trouver sur le chemin de ce projet de loi.

Le premier iceberg, Mesdames et Messieurs, est que, à ce jour, le canton abandonne, suivant comment on calcule - parce qu'ils ont fait preuve d'une certaine créativité comptable - en gros 11,5 millions de francs, que le canton de Genève a investis à ce jour et qui se transforment en fait simplement en 7 776 699 F. Tout cet argent, Mesdames et Messieurs, qui a été voté au cours des temps, passe aux pertes et profits.

Le deuxième iceberg, Mesdames et Messieurs, est le brouillard. Vu l'état catastrophique des finances de la CGN - et le capitaine Smith en face de moi a très bien démontré les principes des subventions de comblement - on entend donc dans un même projet de loi construire une holding, à savoir une société qui va s'occuper de la gestion des bateaux d'époque et une société qui va, elle, exploiter les bateaux un peu plus modernes. Tout cela, bien évidemment, Mesdames et Messieurs, a un coût. C'est d'une part 2 867 000 F comme participation d'entrée, après les 11,5 millions que l'on a déjà dépensés, qui vont servir d'une part à la rénovation du bateau «Ville de Genève» et d'autre part, je vous le donne en mille, l'assainissement du chantier naval basé à Ouchy, extraordinairement important pour le développement de Genève, comme chacun sait !

Le troisième iceberg, Mesdames et Messieurs, est une subvention d'investissement - à fonds perdus je vous prie ! - de 3,7 millions, qui doit permettre la rénovation du bateau «Vevey», bateau dit de la classe Belle Epoque.

Le quatrième iceberg en vue, Mesdames et Messieurs, est le fait que, malgré ces dépenses absolument somptuaires, chaque année, vous aurez encore à voter à peu près 2 millions de budget de fonctionnement pour que la CGN daigne venir aborder aux différents ports de notre canton. C'est donc l'autorisation que vous avez, en dépensant tout cet argent-là, d'être sûrs que vous allez encore dépenser 2 millions de plus par année pour le contrat de prestations fourni avec la CGN. Ce sont donc 7,8 millions comme ticket d'entrée pour payer 2 millions.

Enfin, venons-en au fond du problème. Il s'agit-là d'une construction que l'on aurait dû présenter dans ce parlement sous des tranches différentes, à savoir d'une part la recapitalisation, d'autre part la création de la Holding, enfin l'exploitation entre la flotte dite «Belle Epoque» et la flotte «traditionnelle», ce qui nous aurait laissé un certain nombre de choix. Car il ne faut pas nous bercer d'illusions, Mesdames et Messieurs, l'agenda des parties prenantes, des cantons prenants, à savoir les cantons de Vaud et du Valais, n'est pas l'agenda du canton de Genève. Celles et ceux qui siègent dans ce parlement depuis suffisamment longtemps se rappellent chaque année les discussions qu'il y avait avec la CGN pour obtenir de celle-ci qu'elle veuille bien desservir l'entier des ports genevois - ce fut chaque fois et à chaque printemps les mêmes négociations - cela pour vous dire que les agendas ne sont pas communs.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Renaud Gautier. Mesdames et Messieurs, la seule chose que vous pouvez faire avant que ce projet de loi ne sombre corps et biens est tout au mieux, ou tout au pire, de le renvoyer à la commission des finances, de façon que ce projet soit séparé entre les trois composantes qui en font son thème aujourd'hui, de sorte que ce parlement puisse décider ce qui est nécessaire et le distinguer de ce qui est superflu.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi de ce projet de loi à la commission des finances. La parole est à chacun des rapporteurs pour trois minutes ainsi qu'au Conseil d'Etat. Je redonne la parole à M. le rapporteur Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. L'éventuel renvoi en commission de ce projet de loi pourrait avoir un sens si nous n'étions pas en plein milieu de la traversée. En effet, le but aujourd'hui est justement d'avoir un projet ficelé pour essayer de changer la gouvernance de la CGN. Aujourd'hui, le problème est celui des dix, vingt, trente, quarante dernières années, où la CGN est venue, année après année, nous demander un financement complémentaire, que nous avons toujours accordé ! Pour quelles raisons ? Parce que nous sommes toutes et tous attachés à ces magnifiques bateaux et que personne ne veut mettre en péril l'activité économique de la CGN ! C'est tout simplement une vache sacrée - ce n'est pas le terme à utiliser, parce qu'une vache sacrée ne va pas très bien dans l'eau ! En l'occurrence, c'est bien le phénomène de l'objet intouchable auquel nous sommes attachés et auquel nous sommes prêts à passer tous les caprices. Pour cette simple raison, le projet de loi doit aujourd'hui être voté, parce que la CGN doit, au niveau de sa structure, de la société anonyme, prendre des décisions pour rendre possible l'évolution de sa gouvernance et permettre aux pouvoirs publics de ne pas continuer à payer à fonds perdus en fonction des caprices des uns et des autres.

Donc pour cette simple raison, même si ce projet de loi n'est pas parfait - je ne l'ai jamais affirmé - il faut aller de l'avant et voter ce projet de loi, qui est d'ailleurs conditionnel et qui ne sera appliqué que si la CGN prend les décisions en assemblée générale pour constituer la fameuse holding. Aujourd'hui, le canton de Genève, avec le canton de Vaud, paie mais ne décide rien. Ce projet de loi permet de changer cette gouvernance. Nous paierons toujours, mais au moins nous pourrons décider.

M. Renaud Gautier (L), rapporteur de minorité. Monsieur le président, l'excellent capitaine Deneys l'a très justement dit: il s'agit d'une vache sacrée; et si c'est une vache sacrée, alors il ne faut rien changer. C'est exactement contre ce type de raisonnement que je m'oppose. Je reste convaincu que découpler les différents projets qu'il y a à l'intérieur de ce projet de loi permettra à ce parlement de préserver ce qui doit l'être, en ayant d'autre part la garantie de ne pas participer à des montages de type financier qui risquent de l'emmener financièrement beaucoup plus loin que ce que l'on vous propose aujourd'hui.

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat pense au contraire qu'il s'agit maintenant d'arrêter le flottement qui entoure toute cette question. Vous nous avez demandé une clarification. On payait à fonds perdus; on subventionnait à bien plaire. Nous avons clarifié la situation. L'assemblée générale qui entérinera, nous l'espérons, ces projets qui tiennent à coeur des trois cantons a lieu le 16 mai. C'est le moment de clarifier les choses, après plus de cinquante ans où elles ont été à la dérive.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons donc sur le renvoi du rapport PL 10854-A à la commission des finances.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10854 à la commission des finances est rejeté par 52 non contre 28 oui et 1 abstention.

Le président. Nous poursuivons le premier débat. La parole est à M. le député André Python.

M. André Python (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, depuis 189 ans, la CGN sillonne le lac Léman avec des bateaux à aubes. Ces bateaux représentent la plus prestigieuse flotte Belle Epoque du monde. Cela a un coût. Vaud et Valais ont déjà compris qu'il fallait soutenir la CGN. Afin que ces navires, dont l'attrait touristique est incontestable, puissent continuer à nous émerveiller et à naviguer, le groupe MCG vous demande d'accepter ce projet de loi.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet est avant tout un projet de loi de gouvernance. Il s'agit de séparer la flotte Belle Epoque de l'entreprise de transport. C'est ce que ce parlement avait demandé lors de la précédente législature. Nous remercions le département d'avoir négocié avec les Vaudois et de l'avoir fait. En même temps, cela établit et consacre un partenariat public-privé. Il s'agit aujourd'hui, dans une entreprise qui a des actionnaires privés, de revenir à quelque chose de plus sain; pendant des années, les collectivités publiques payaient mais n'avaient pas les droits de vote. Alors nous remercions les gens et les quelques familles qui ont mis énormément d'argent dans la CGN, mais il se trouve que les collectivités publiques en ont mis encore plus et entendent avoir un actionnariat qui corresponde à la part à laquelle ils contribuent.

C'est aussi un partenariat avec nos amis vaudois et valaisans. On nous dit à longueur de temps dans ce parlement: «Mais pourquoi ne va-t-on pas voir comment font les Vaudois et les Valaisans ? Ne pourrait-on pas s'associer avec eux ?» C'est le cas ici.

Donc nous sommes aujourd'hui face à un projet qui correspond aux demandes de ce parlement - qui est un préalable afin de pouvoir commencer à travailler plus finement avec la CGN - à savoir d'assurer la gouvernance. C'est ce qui est proposé dans ce projet de loi. C'est pour cela que les Verts vous invitent à le soutenir.

M. Edouard Cuendet (L). Comme souvent, dans ce dossier, il y a un aspect émotionnel et un aspect rationnel. L'émotionnel, évidemment, porte sur le maintien et la rénovation de la flotte Belle Epoque de la CGN. Je pense que personne dans cet hémicycle n'imagine le lac de Genève - on peut aussi dire «Léman» - sans ces magnifiques bateaux. Mais cet attachement au patrimoine historique lacustre ne doit pas occulter les aspects matériels et structurels; il ne doit donc pas y avoir de rideau de vapeur dans ce dossier. Ainsi vous ne m'en voudrez pas de parler aussi du côté rationnel du projet. Je ne m'appesantirai pas sur les erreurs matérielles que le département a faites dans la rédaction du projet de loi et qui ont dû être corrigées sur le siège en commission, ce qui était difficile. Je m'étendrai plutôt sur les aspects - cela n'étonnera personne - financiers et structurels.

Comme cela a été rappelé ici, le Grand Conseil a effectivement demandé que l'on sépare les activités de transport, de navigation, et les activités de conservation du patrimoine. Cela, je crois que personne ne le conteste. Mais il n'a jamais été question, dans le mandat donné par le Grand Conseil, d'abandonner une créance et de prendre une participation dans la holding à hauteur d'à peu près 11 millions, ce qui coûte extrêmement cher pour le droit de payer davantage à l'avenir, lorsqu'il s'agira de renflouer à nouveau la flotte, ce qui ne manquera pas d'arriver dans un futur assez proche.

En termes d'actionnariat, aussi, il ne faut pas se leurrer. On nous dit: «Les cantons de Genève et de Vaud ont la majorité.» Mais il faut encore regarder de près le fonctionnement de la S. A. Il s'avère que Pro Vapore, qui représente des actionnaires historiques et privés, dispose d'une minorité de blocage. Or cette minorité de blocage rend totalement illusoire la majorité virtuelle qu'ont les cantons de Vaud et de Genève. Au passage, d'ailleurs, on relèvera que la France participe de manière extrêmement congrue à ce redressement, à ce financement, alors qu'elle bénéficie énormément des prestations de la CGN; notamment Evian est un grand bénéficiaire de ces prestations. On nous a dit qu'il y avait bien eu des approches mais que ce n'était encore pas très concret.

Surtout, on relèvera aussi que la commission des finances à ce stade n'a pas eu connaissance du contrat de prestations, et c'est un point essentiel. On l'a demandé. Il nous a été répondu: «Il n'est pas encore rédigé.» Or ce contrat de prestations fixera les services que la CGN fournira à l'avenir. Donc on a payé 11 millions pour voir, on n'a pas vu le contrat de prestations, et l'on sait que la CGN est très encline à supprimer des stations, d'ailleurs, puisque beaucoup de communes genevoises se sont plaintes du fait que la CGN avait décidé de supprimer des haltes à certains pontons qui ne lui paraissaient pas rentables. En plus, on a vu que la gestion n'était pas parfaite. Mon collègue Renaud Gautier se souvient parfaitement de l'épisode du...

Une voix. Titanic !

M. Edouard Cuendet. Pas du Titanic ! Concernant les citernes de Vernier, il se souvient des options prises pour l'avenir sur le coût du mazout, épisode qui a été un désastre financier absolu. Donc la gestion n'était pas super rigoureuse. Bref, on paie à l'avance 11 millions pour ensuite voir le contrat de prestations sur lequel on nous dira: «On veut bien vous accorder ces prestations si vous payez tant et tant.» Donc là, on est un peu pieds et poings liés.

Le président. Il vous faut conclure !

M. Edouard Cuendet. Mais au fond, pour le groupe libéral, évidemment que l'on s'est rendu compte que l'élément émotionnel était extrêmement fort et pesait plus dans la balance que l'élément rationnel, ce qui a conduit la grande majorité du groupe à vouloir s'abstenir sur ce projet de loi.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons ce que nous avons demandé, soit la scission des activités de la CGN. Ce Grand Conseil voulait que la rénovation des bateaux soit distinguée de l'exploitation; c'est chose faite, ou presque. Nous ne sommes pas majoritaires. C'est le canton de Vaud qui assume la grande partie. Vaud et Valais ont accepté une solution élaborée avec toutes les parties. Allons-y, et cette fois-ci aux côtés de toutes les autres collectivités publiques qui ont retrouvé leur place.

Il faut renoncer à de vieux prêts datant des années soixante. Allons de l'avant et ne plombons pas la CGN en restant aujourd'hui sur une situation que nos prédécesseurs n'ont pas réglée. A l'avenir, nous continuerons à verser une subvention annuelle de 2 millions, certes, et nous pourrons décider, au coup par coup, projet de loi par projet de loi, si nous soutenons la rénovation ou non. Qui voudrait donc couler CGN ? Tout de même pas le député Gautier, Monsieur le président, qui, bien qu'attaché au bon fonctionnement des institutions, a tenu à nous concocter un rapport de minorité et un petit renvoi en commission pour que nous en discutions longuement ici alors que, finalement, nous avons ce que le Grand Conseil a voulu et ce que le PLR, habituellement, aime, soit la bonne gouvernance et les structures claires. Alors sommes-nous tous des «babas cool» ici et y a-t-il uniquement le PLR pour maîtriser le rationnel sur l'émotionnel ? Nous ne le pensons pas et nous vous invitons à voter ce projet de loi.

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, bien évidemment, je remercie le rapporteur de minorité, mais je remercie également le rapporteur de majorité, qui nous a dit tout à l'heure que, ma foi, ce projet de loi n'était pas parfait. C'est exactement pour cela que l'on s'est posé des tas de questions durant les auditions. Alors si la question principale était: «Etes-vous pour ou contre la CGN ?», nous répondrions: «Mais bien évidemment que nous sommes pour la CGN !» On est tous fiers de cette magnifique flotte. C'est un attrait touristique. C'est notre patrimoine. Il n'y a aucune discussion là autour.

Vous l'avez rappelé dans vos différents rapports, il y a trois volets. Le premier est l'abandon de la créance de 7,7 millions. On a bien compris que personne ne pourrait rembourser cela, donc on est d'accord avec ce point-là. Ensuite, le deuxième volet consiste justement à l'entrée dans le capital de la holding, avec d'un côté la flotte Belle Epoque, et, de l'autre côté, l'exploitation. C'est là que nous nous sommes posé pas mal de questions. La première est celle-ci: somme toute, serons-nous obligés de payer ces rénovations sans pouvoir avoir notre mot à dire dans ce Conseil ? Certes, les projets de rénovation passeront quand même devant le Grand Conseil, mais c'est l'une des questions que l'on s'est posée. Voici la deuxième question: cette holding ne fera-t-elle pas fuir les richissimes familles qui, traditionnellement, aident la CGN ? Peut-être ces grandes familles vont-elles se dire: «Voilà, maintenant que la holding est en place et que les cantons de Vaud et de Genève, ainsi que la France - je l'espère, parce c'est aussi l'une des questions - participent à cela, on va peut-être gentiment se retirer.» C'est probablement ce qui va arriver. Or l'une des grandes questions, c'est la France ! Mesdames et Messieurs, quand vous êtes à Evian, à Thonon, vous bénéficiez de cet aspect touristique. La flotte de la CGN est quelque chose d'exceptionnel. Je trouve que la France devrait être, au même titre que Genève, dans cette holding.

Alors voilà pourquoi ces questions ouvertes, somme toute restées sans réponses, nous ont fait plutôt basculer sur une abstention pour ce projet, et nous vous encourageons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire de même.

M. Guy Mettan (PDC). J'ai écouté avec attention les deux rapporteurs, qui nous ont parlé des capitaines Haddock et Smith. J'avoue que je ne sais pas lequel vaut l'autre. Si nous devions choisir entre l'un et l'autre, nous serions bien empruntés. Il se trouve que, dans le débat qui nous occupe, ce n'est pas du tout une question de capitaine qui nous importe, mais d'armateur. On nous demande de jouer le rôle d'armateur, au fond, c'est-à-dire d'accepter de prendre les risques, le risque économique, de soutenir la flotte de la CGN.

Or le projet de loi qui nous est proposé ce soir est tout à fait acceptable. Pourquoi ? Parce qu'il nous permet de mener à bon port la CGN, c'est-à-dire dans son budget de fonctionnement, et en même temps de sauvegarder son patrimoine. A partir de là, Mesdames et Messieurs, je vous suggère de renoncer au rôle de vaillant capitaine, de tenir celui, plus modeste, de remorqueur et d'amener ce projet de loi à bon port.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pascal Spuhler, à qui il reste trois minutes et vingt secondes.

M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu pas mal de choses. Effectivement, je pense que M. Mettan a raison. Il faut amener ce projet à bon port et ne pas le laisser couler. On parle ici d'un fleuron touristique, d'une activité quand même importante pour le lac Léman, le lac de Genève, et pour nos villes que sont Lausanne, Genève et d'autres au bord du lac. On parle d'une vieille dette de 7 millions, qui date des années soixante ou juste après. Finalement, cette dette, il y a longtemps qu'elle est effacée par l'apport touristique que nous amènent ces bateaux, directement et indirectement.

Il nous paraît quand même important que l'on puisse décider de l'avenir de cette compagnie, que l'on puisse justement maîtriser les coûts. Cela se fera en allant au sein de cette holding pour mener à bon port ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roger Deneys. Je suppose que vous vous exprimez sur le temps du groupe socialiste... (Remarque.) Il vous reste deux minutes.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais inviter les députés, qui hésitent à voter ce projet de loi, à se replonger dans le PL 10711, notamment aux pages 22 et suivantes, qui contiennent un audit de gestion de la CGN qui avait été demandé en 2009. Je vous relis simplement les conclusions: «Il est vite apparu comme une évidence que les problèmes opérationnels rencontrés par la CGN, depuis bientôt plus d'un an, ne sont pas uniquement conjoncturels. Certes, des points de gestion courante peuvent encore être améliorés et ceci sans trop de difficulté. Néanmoins, une stabilisation financière de la CGN, garantissant sa pérennité et, sans aucun doute, une productivité améliorée, n'est envisageable que si des mesures stratégiques radicales - radicales ! - sont prises. Dès lors, l'avenir de la CGN ne réside pas seulement dans les mains de sa direction, mais bien plus dans la vision que les cantons voudront définir et que le conseil d'administration de la CGN se chargera de faire mettre en oeuvre par sa direction.»

Donc il s'agit bien d'une vision politique que nous devons donner à la CGN pour qu'elle puisse continuer de voguer de façon sûre dans les prochaines années. Je crois que c'est vraiment la mission de ce projet de loi: garantir la pérennité de la CGN. En effet, jusqu'à aujourd'hui, malgré tous les arguments évoqués par les libéraux dans le rapport de minorité, malheureusement, nous n'avons fait que payer et continuer à faire durer de mauvaises habitudes. Or ce projet de loi est une occasion unique de faire changer cette vision des choses, ma foi, un peu dépassée. Donc il faut voter ce projet de loi.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de minorité Renaud Gautier, vous avez épuisé votre temps de parole, votre groupe politique aussi. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Michèle Künzler.

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Rationnel ou émotionnel ? Je crois que ce qui a été émotionnel est le comportement de nos ancêtres, si l'on peut parler ainsi des gens des années soixante... (Commentaires.) ...et de l'Etat de Genève, qui a, longtemps, amené du financement, par à-coups, en prêtant, en donnant des subventions diverses, sans aucune rationalité ! Ce que nous demandons actuellement est de revenir à quelque chose de rationnel. Depuis 2008, le Conseil d'Etat a été alerté par la situation financière de la CGN. Un audit a été commandé qui conclut à des mesures de gouvernance strictes et à une séparation de deux activités, le transport et la conservation du patrimoine.

Les trois cantons se sont mis d'accord. Je salue le travail que nous avons fait avec MM. Marthaler et Melly, des cantons de Vaud et du Valais, pour faire aboutir ce projet. Effectivement, c'est là que l'émotionnel se joue, notamment dans le canton de Vaud. Cela a été un long cheminement pour arriver à ce résultat, et nous espérons bien que l'assemblée générale de la CGN, le 16 mai, adoptera ce projet. Nous avons déjà procédé par étapes, puisque vous avez adopté en 2010 une loi entrée en vigueur le 1er février 2011 qui donnait une base légale au financement de la CGN. En effet, auparavant, on donnait simplement de l'argent sans aucune base légale, à bien plaire ! Maintenant, il s'agit d'avoir une vraie gouvernance et de respecter une forme juridique appropriée.

Vous avez là tous les éléments pour mettre d'un côté toutes les prestations de transport, de l'autre tout ce qui concerne le patrimoine. Il a maintenant vocation à être conservé à long terme, puisque le canton de Vaud a procédé au classement de tous ces bateaux Belle Epoque. Donc il y a là une sécurité pour les membres de Pro Vapore, qui militent pour le maintien de ce patrimoine. Ainsi, étape après étape, on procède à une meilleure gouvernance, à une légalisation des choses. Et c'est maintenant le dernier pas pour avoir une meilleure gouvernance.

Ensuite, nous viendrons avec un contrat de prestations. Mais là, on pourra enfin choisir les prestations ! Si certaines communes demandent à être desservies davantage il faudra qu'elles participent. Je rappelle juste que, si la CGN ne dessert plus certains ports, c'est aussi parce qu'elles ne payaient plus ce qu'elles devaient. Le contrat de prestations s'élèverait à environ 2 millions de francs par année, c'est ce que nous payons déjà maintenant Quant à la France, elle participe déjà, mais de manière insuffisante. C'est à peu près à hauteur d'un million; j'estime, comme vous, qu'il devrait y avoir une participation plus importante. Ce sera plus facile de les faire participer quand la situation sera clarifiée entre les différents acteurs cantonaux.

C'est pourquoi le Conseil d'Etat vous demande d'approuver ce projet de loi, qui amène cette clarté souhaitée et qui termine une histoire un peu émotionnelle par une fin beaucoup plus rationnelle et permettant de préserver l'avenir.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote d'entrée en matière sur le projet de loi 10854.

Mis aux voix, le projet de loi 10854 est adopté en premier débat par 61 oui contre 13 non et 14 abstentions.

La loi 10854 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10854 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 13 non et 15 abstentions.

Loi 10854