République et canton de Genève

Grand Conseil

M 2007
Proposition de motion de Mmes et MM. Jean-Marie Voumard, Jean-François Girardet, Florian Gander, Patrick Lussi, Marc Falquet, Sandro Pistis, Pascal Spuhler, Eric Stauffer, Thierry Cerutti, Dominique Rolle, Marie-Thérèse Engelberts, Claude Jeanneret, Henry Rappaz, Mauro Poggia pour le déplacement du "Quai 9"

Débat

Le président. Nous sommes au point 30. La parole est à M. le député Jean-Marie Voumard.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, permettez-moi de corriger la petite faute qui s'est glissée dans l'exposé des motifs. Il s'agit bien d'une proposition de motion, et non de résolution.

Comme vous l'avez compris à la lecture de cette proposition de motion, le MCG n'est pas contre les soins nécessaires aux drogués. On veut simplement déplacer Quai 9, qui n'a rien à faire au centre-ville. Je vous rappelle que les 37,2% de la population genevoise ont peur, se sentent en insécurité vis-à-vis de la drogue, du deal qui se déroule là-bas dans le quartier - la moyenne suisse est de 15%. Alors n'y a-t-il pas à Genève un lieu mieux adapté que ce carrefour entre les rues de Lyon et de la Servette, carrefour proche de la gare Cornavin, centre touristique au milieu de la ville ? Ne peut-on pas déplacer ce lieu ? Et éventuellement prévenir ou diminuer la présence de ces drogués, qui n'ont rien à faire là ? Ou faire en sorte qu'ils soient plus cachés ? Je vous le demande.

Tous partis confondus, ces derniers ont récemment, lors d'élections fédérales, parlé de la sécurité. Qu'en est-il ce soir ? Allez-vous suivre cette proposition de motion ? Pensez aux Genevois, pensez à mes enfants, à vos enfants, qui voient ces drogués tous les jours dans la gare Cornavin.

Je me permets de citer un député libéral vaudois, devenu conseiller d'Etat, qui écrivait dans son blog: «Qu'on le veuille ou non, la création et l'exploitation par une collectivité publique d'un local permettant aux drogués de se shooter accréditent l'idée que la consommation d'une drogue dure n'est plus un délit et qu'elle ne nuit guère à la santé. L'existence d'une telle structure favorise indirectement le trafic et donc la diffusion de drogues en regroupant dans un même lieu les consommateurs de ces dernières. L'exemple genevois est, à cet égard, édifiant.» Fin de la citation.

Dès lors, Mesdames et Messieurs, je pense qu'il faut bien réfléchir, si l'on veut bouger, faire bouger les choses et empêcher cette présence de drogués aux alentours de la gare Cornavin. Je vous demande donc d'apporter votre soutien à cette proposition de motion et me réjouis de voir les résultats de ce soir.

Mme Jacqueline Roiz (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion demande de déplacer Quai 9 le plus loin possible des utilisateurs dépendants de la drogue et d'ouvrir une antenne de prévention qui existe déjà à l'hôpital. Elle voudrait faire croire que Quai 9 est un problème, alors que, au contraire, cette structure diminue l'incivilité, aussi. Là, ce n'est pas la voix du peuple qui s'exprime, mais c'est celle de certains députés MCG qui, au lieu de chercher des solutions à des problèmes existants, préfèrent se laisser dominer par leurs propres peurs et la projettent sur leurs concitoyens.

Qu'est-ce que le Quai 9 ? C'est un petit édifice en forme de cube se trouvant près de la Servette, derrière la gare, qui a comme objectif d'améliorer les conditions des personnes toxicodépendantes. On n'y distribue pas de drogue et l'on refuse toute personne qui serait soupçonnée de rechercher un réseau commercial. Les utilisateurs y trouvent seulement du matériel d'injection et d'inhalation, propre, et ne sont ainsi pas infectés ou blessés par des escarres; bien qu'anonymes, les employés les connaissent, ils discutent avec eux, évaluent leur état, les conseillent, leur demandent, si nécessaire, d'attendre un peu et de se calmer. Un médecin vient aussi deux fois par semaine pour entamer éventuellement une démarche auprès de l'hôpital lorsqu'ils sont prêts à vouloir sortir de leur addiction.

Il faut comprendre; les consommateurs de drogue, lorsqu'ils sont en manque, ont un besoin impulsif et immédiat de soulager leur état. Imaginez comme c'est déjà dur pour un fumeur ! Qui, en manque, sort la nuit, dans le froid, sous la pluie, dans le vent, pour s'acheter un paquet de cigarettes, parce qu'il a peur de ne pas pouvoir s'en passer jusqu'au lendemain... On peut donc se figurer l'état du consommateur de drogues dures qui est en manque, qui a des angoisses et qui panique; on comprend son envie de se calmer. Le Quai 9 se trouve donc là où il en a besoin, là où il arrive encore à se raisonner pour agir dans des conditions meilleures. Il ne faut pas non plus oublier que certains drogués gèrent leur situation, ont des moyens financiers, un appartement, et sont invisibles. Mais ceux dont on parle n'ont souvent pas de logement fixe et n'ont que la rue.

En lisant les considérants, la population serait en droit de s'inquiéter. Il convient de rétablir des vérités qu'elle doit savoir. Par exemple, les utilisateurs dérangent les habitants du quartier ? Faux ! Je suis allée voir les habitants et les commerçants du quartier, précisément. Une seule pétition a existé. Elle demandait justement que le centre soit encore ouvert 24h/24. Les alentours du Quai 9 sont devenus un haut lieu du trafic à Genève ? Faux ! C'est juste Genève qui est devenu une plate-forme de la manne financière spécialisée dans l'import-export et le pétrole, qui remue de grosses sommes d'argent et, donc, transforme le canton en une plate-forme de trafiquants et d'acheteurs aux gros moyens - et d'autres, aux petits moyens ! Le reportage de M6 montre que le Quai 9 aurait produit plus de tourisme de la drogue ?

Le président. Il va falloir conclure, Madame la députée.

Mme Jacqueline Roiz. D'accord, Monsieur le président. Cela aussi est faux ! Cette proposition de motion mélange deux aspects: la sécurité et la prévention de la santé. Elle fait une exploitation démagogique d'un problème de santé publique et demande ce qui existe déjà. Le Quai 9 permet de canaliser les besoins des malades sous dépendance et empêche une recrudescence du taux du sida et de l'hépatite. Et il faudrait encore détruire ces aspects bénéfiques ?!

Nous savons que toutes les familles politiques, toutes les classes sociales et culturelles connaissent ce fléau et sont touchées de près ou de loin. Donc aussi dans vos rangs...

Le président. Il vous faut conclure !

Mme Jacqueline Roiz. ...parmi vos électeurs, Mesdames et Messieurs les députés MCG, il existe probablement des personnes qui sont passées par là.

C'est pour ces raisons évidentes que le groupe des Verts rejettera cette proposition de motion, désastreuse pour la mission de prévention du canton, et pour les familles qui gardent l'espoir qu'un jour leur proche...

Le président. Je vous remercie, Madame la députée.

Mme Jacqueline Roiz. ...voudra pouvoir sortir de la drogue. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, s'il y a une addiction qui touche quelques députés, ce doit être la cécité - c'est donc visuel - ou la surdité ! Jamais il n'a, dans les propos du MCG, été question de supprimer les soins pour les toxicomanes. Ce sont avant tout des gens malades. Avant d'être, malheureusement, des criminels de rue pour assouvir leur addiction. Ce que nous voulons, c'est arrêter cette hypocrisie, cet angélisme, quand vous venez dire que nous propulsons nos propres peurs sur la population... Mais vous en êtes encore au stade, les Verts, du sentiment d'insécurité ? Vous êtes des anges - où «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil» ?! Peace and love, camarades, allons fumer un joint ! C'est cela que vous voulez pour la population ?!

Définitivement non, Mesdames et Messieurs ! Nous devons soigner les toxicomanes, mais nous ne devons pas faire de Genève l'Amsterdam du milieu de l'Europe, comme ce fut le cas avec la libéralisation de la drogue. Et c'est cela que vous voulez. Vous voulez vous donner bonne conscience en disant: «Nous, nous ne donnons pas de substitution à la drogue, c'est un centre d'injection et d'aspiration...» - je ne sais quel terme vous avez utilisé... (Remarque.) Enfin, ceux qui sniffent de la coke. Donc que fait-on ? Eh bien, on importe tout le tourisme des toxicomanes, avec malheureusement la criminalité qui l'accompagne, pour un petit deal, pour acheter une dose, parce qu'ils sont sous dépendance. Et vous vous donnez bonne conscience avec cela !

Non, Mesdames et Messieurs, allons plus loin ! Renforçons cette antenne qui se trouve dans les HUG et apportons les soins à ces malades qui en ont grandement besoin pour sortir de leur dépendance. Mais non, vous, vous êtes des hypocrites ! On cache la merde sous le tapis, pour dire ensuite: «Mais vous voyez, nous faisons quelque chose pour les toxicomanes; il faut laisser cela.» Non, Mesdames et Messieurs, la gare, le quartier des Pâquis, cela ne fonctionne plus ! Il y a des dealers à tous les coins de rue ! Cela, évidemment, il faut sortir pour le voir. Mais aujourd'hui, vous vous êtes embourgeoisés; vous habitez tous dans de beaux appartements, dans de beaux quartiers, et vous ne voyez plus ce qui se passe dans les rues de Genève !

Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs... (Remarque.) Oui, vous pouvez rigoler, Monsieur Broggini ! Nous irons boire un verre tous les deux... (Exclamations.) ...à la santé du Quai 9, ensuite !

Mesdames et Messieurs, je vous demande de faire les choses avec responsabilité ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Je vous demande de renvoyer cette proposition de motion en commission, pour que nous puissions procéder aux auditions nécessaires et pour voir ce que nous pouvons améliorer afin de soigner les toxicomanes. Et ça, ce sera un acte responsable ! De députés responsables ! Qui ne font pas de l'angélisme en disant que, finalement, tout va bien et que les habitants autour de Quai 9 - où plein de toxicomanes viennent et, évidemment, des dealers - sont satisfaits. Eh bien, que voulez-vous faire ? La fête des voisins ? «Ici haschich, ici cocaïne» ?! Dans les allées, pour la fête des voisins ?! C'est extraordinaire, Madame la députée ! Définitivement, nous ne pourrons jamais - jamais ! - être d'accord avec les Verts. Or, à la fin, c'est la population qui décide.

Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette proposition de motion en commission. (Commentaires.)

Des voix. Bravo ! Bien !

Le président. Merci, Monsieur le député. Voudriez-vous préciser dans quelle commission.

M. Eric Stauffer. A la commission de la santé. Cela me paraît le plus adéquat.

Le président. Je vous remercie. Je vous fais poliment observer, Monsieur le député, que je me suis tellement embourgeoisé que j'habite depuis vingt-cinq ans au 46, rue de Berne.

M. Eric Stauffer. Oui, mais je sais que vous êtes pour le déplacement du Quai 9. (Rires.)

Le président. La parole est à M. le député Frédéric Hohl.

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, retrouvons notre calme. Somme toute, avec votre proposition de motion, vous ne critiquez pas le travail de Quai 9, si j'ai bien lu. Je ne vais pas revenir sur l'excellent travail que fait l'association Première Ligne, on en a longuement parlé dernièrement, quand on a traité d'une proposition de motion où, là, vous critiquiez le travail de Quai 9. Principalement, ici, il est question du déplacement de Quai 9, avec pour motif qu'on choque la population, les touristes, etc. Alors j'ai essayé de développer un peu.

D'abord, je tiens à féliciter l'association Première Ligne, parce que je trouve que le bâtiment est extrêmement discret. J'ai mes bureaux depuis peu à côté et cela fait deux semaines que je m'adonne pratiquement tous les jours à l'exercice suivant. Je suis devant Quai 9, j'arrête quelqu'un et je dis: «Bonjour Madame - ou bonjour Monsieur - pouvez-vous me dire ce qu'est ce bâtiment ?»... Personne ne sait ce que c'est ! Personne ne sait ce qu'est ce bâtiment. Personne ! Voilà le point numéro un.

Point numéro deux - puisque vous avez l'air de vous intéresser au tourisme, et je connais pas mal le tourisme aussi - eh bien, il n'y a pas de touristes; là, il n'y en a pas ! (Remarque.) Il n'y a pas de touristes devant Quai 9 ! Il n'y en a pas. (Commentaires.) Et ceux qui prennent le bus ne sont pas devant, ils sont en dessous. (Commentaires.) Il n'y en a pas ! Je suis là-bas tous les jours, je peux vous dire qu'il n'y en a pas.

Ensuite, vous voulez déplacer Quai 9 à l'hôpital... Alors, à l'hôpital, Mesdames et Messieurs du MCG, là il y a des touristes ! Là il y a des Genevois ! Là il y a des enfants !... C'est complètement aberrant, je ne vous comprends absolument pas.

En outre, si vous enlevez Quai 9, pensez-vous que vous allez écarter les dealers des alentours de la gare ? Mais, Mesdames et Messieurs, vous devriez savoir - si vous avez voyagé - que, dans toutes les villes du monde, les dealers sont en principe toujours près de la gare.

Donc votre proposition de motion est amusante, mais ne sert absolument à rien ! Et c'est dramatique si on la suit ! Ainsi je vous encourage, Mesdames et Messieurs les députés, à la rejeter. (Applaudissements.)

Présidence de M. Gabriel Barrillier, premier vice-président

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, à entendre M. Stauffer, avant lui, c'était le déluge. Les considérants et les invites de cette proposition de motion, pour moi, sont un méchant cocktail qui mérite non pas des mesures de réduction en matière de drogue, mais en matière de MCG.

Plus sérieusement, pour mener à bien sa mission de réduction des risques, Première Ligne - et en particulier le Quai 9 - déploie toute une série d'activités et de mesures. Il faut relever que la plus grande majorité du personnel provient des professions sociales et non pas médicales, même si, à Quai 9, il y a tout un volet d'actions qui sont de l'ordre du domaine sanitaire: oui, échanges de seringues, lieu d'inhalation, injections contrôlées. Cependant, la partie sociale et l'imbrication, justement, avec le quartier... (Brouhaha.)

Une voix. Chut !

Mme Lydia Schneider Hausser. ...représentent des activités très importantes de Quai 9. L'aspect réduction des risques sanitaires - hépatites, HIV, overdoses - a permis de sauver un grand nombre de vies, mais il ne saurait pas trouver une place dans le cadre hospitalier, étant donné le type de personnes accueillies et le type d'interventions menées par Première Ligne dans le Quai 9.

L'amélioration de la situation du voisinage... Mais parlons-en ! Voici juste un petit rappel. Quai 9 n'a pas été parachuté là, comme cela ! C'est le quartier qui l'a demandé ! Parce que, avant Quai 9, ce quartier était invivable. Oui, avant Quai 9, des deals avaient lieu dans toutes les maisons et dans toutes les cours, c'était invivable. Quai 9 est bien là parce que les habitants l'ont voulu, l'ont plébiscité, à l'époque, auprès de ce parlement et auprès du ministre de la santé.

Le Quai 9 accorde d'ailleurs beaucoup d'attention au travail effectué avec le quartier, que ce soit lors de réunions avec les habitants ou lors d'interventions, lorsque des habitants téléphonent à Quai 9 parce qu'ils ont des problèmes avec des consommateurs de drogue, voire des dealers. Je puis vous assurer que le trafic était beaucoup plus important avant Quai 9.

La promotion de la solidarité par la sensibilisation des usagers est une partie du travail qu'effectue Quai 9, à savoir un ramassage de seringues, à savoir de l'aide, aussi dans des associations, dans le quartier, une aide à la distribution de repas, voire d'autres choses. Donc il y a là un grand effort fourni par Quai 9 en termes de valorisation des compétences professionnelles de personnes dépendantes.

Les invites de la proposition de motion du MCG vont bien au-delà du problème de Première Ligne et de Quai 9: réviser toute la politique de la drogue à Genève. Mais...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !

Mme Lydia Schneider Hausser. Oui, merci ! Je vais conclure en disant que le dispositif en matière de drogue et de dépendance se trouve aux hôpitaux, mais également au Grand-Pré.

Pour finir, ce qui est le plus dangereux pour le quartier de la gare, actuellement, ce n'est pas Quai 9: ce sont les rails CFF qui vont arriver. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, par rapport à cette proposition de motion, on dirait qu'il n'y a pas de problème ! Donc tout le monde est d'accord avec le Quai 9... Apparemment, c'est une réussite sociale. Vous savez que la lutte contre la drogue comporte quatre piliers, dont la réduction des risques. Mais il ne faut pas que la réduction des risques soit l'augmentation des risques pour d'autres ! Effectivement, c'est un fait - j'ai discuté avec une personne de la brigade des stupéfiants - cela catalyse le trafic de drogue aux alentours. C'est clair. Puisque les consommateurs viennent, cela catalyse automatiquement le trafic de drogue, ainsi que les vols et les receleurs. C'est une chose qui est vraie. Cela augmente la consommation - le conseiller d'Etat du canton de Vaud en a parlé, et je pense que ce n'est pas un imbécile. Il y a vraiment un problème à soulever, même si ce qu'a dit Mme Roiz est possible. Mais je ne suis pas sûr que ce le soit. Et je ne comprends pas pourquoi on ne transmet pas cette proposition de motion à la commission de la santé, en vue d'évaluer la situation. Et cela, pas seulement avec les professionnels, avec les assistants sociaux qui vivent de cela, mais aussi avec les commerçants, car j'ai entendu dire que le chiffre d'affaires de ces derniers baissait. Donc on n'a pas tout à fait les mêmes versions de la situation.

D'un point de vue global, ce serait quand même bien de transmettre cette affaire à la commission de la santé, pour évaluer la situation autour du Quai 9 et si cela favorise vraiment... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...la politique des quatre piliers ! Parce que la réduction des risques ne doit pas aller à l'encontre des trois autres piliers. Et si l'on étudie... cela va à l'encontre des trois autres piliers de lutte contre la drogue.

Voici un autre élément. C'est évidemment un constat, non pas une attaque contre Mme la conseillère d'Etat. Le trafic de drogue sur la voie publique est une honte - une véritable honte, à Genève - puisqu'on n'arrive même pas à le déstabiliser. On n'arrive même pas à déranger les trafiquants de drogue sur la voie publique ! Pour finir, on est sans arrêt interpellé pour cela... Moi, j'ai franchement honte. Je pense qu'il y a là quelque chose à faire pour éliminer, pour éradiquer le trafic de drogue sur la voie publique. On ne devrait plus voir cela à Genève, et on peut faire quelque chose !

L'UDC demande que cette proposition de motion soit transférée à la commission de la santé, afin que l'on étudie vraiment ce cas: pour savoir si ce que Mme Roiz a dit est effectivement vrai et s'il y a plus d'avantages que d'inconvénients. Surtout, s'il y a des inconvénients, il convient d'essayer de les diminuer, parce qu'il ne doit pas y avoir d'effets collatéraux sur cette politique de réduction des risques.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Je crois que, pour le parti démocrate-chrétien, il est clair que la politique des quatre piliers est une évidence que l'on doit poursuivre et que, vraisemblablement, ceux qui se sont exprimés au MCG et à l'UDC ne connaissent ni la réalité ni les statistiques, n'ont absolument pas lu la documentation relative au travail de Quai 9, de Première Ligne, et ne connaissent pas son importance. Un exemple: dans le domaine de la réduction des risques, la délinquance a baissé de 85% dans le quartier, notamment par l'implantation du Quai 9. C'est un exemple extrêmement concret ! Des publications ont eu lieu dans ce domaine, il suffit de s'y référer et de ne pas simplement faire des effets de manche.

Je travaille depuis dix-sept ans dans le quartier des Grottes et je puis vous dire que, depuis que Quai 9 existe, il y a une réelle concertation, un réel travail, avec les commerçants, avec les habitants, avec la police municipale et avec la police cantonale, et il y a beaucoup plus de sécurité et de contrôles. Il y a au moins un élément important: on sait où se trouvent les personnes ayant besoin de soins et de traitements. Et ça, c'est essentiel.

Nous savons également - cela a été très bien dit par M. Frédéric Hohl - que, justement, parce qu'il y a la nécessité de diversifier les lieux qui doivent être à disposition des personnes ayant besoin de pouvoir s'injecter les produits dans des conditions sanitaires et de sécurité - précisément, pour le quartier - eh bien, c'est pourquoi Quai 9 doit être absolument maintenu à cet endroit. Il devrait même peut-être y avoir d'autres Quais 9 ailleurs, parce que c'est le meilleur moyen de contrôler les personnes ayant besoin de traitements ! C'est le meilleur moyen de contrôler qu'il n'y a justement pas de vente proche d'un lieu de soins ! Malheureusement, cela ne peut pas empêcher ceux qui ont besoin de se servir de ces produits. Parmi ces gens, évidemment, il y a ceux que l'on voit et qui sont à la gare, comme dans toutes les villes du monde, M. Hohl l'a relevé. Mais il y a aussi ceux, en col blanc, que l'on ne voit pas, parce qu'ils ont les moyens de se fournir ! Et ceux-là, effectivement, dérangent beaucoup moins.

Aujourd'hui, nous devons continuer cette politique des quatre piliers ! Et Quai 9 en est un élément incontournable, indispensable. Merci de rejeter cette proposition de motion, elle est vraiment la preuve que les gens qui l'ont déposée ne connaissent rien au problème ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Bertrand Buchs, à qui il reste trente secondes.

M. Bertrand Buchs (PDC). Ce sera amplement suffisant. Je pense que l'on a tendance à créer une catégorie de personnes: parce qu'elles prennent de la drogue, elles n'ont pas le droit d'être soignées; parce qu'elles prennent de la drogue, elles doivent rester dans leur coin et ne doivent pas être visibles. On a vu qu'avec ce genre de structure on avait une bien meilleure prise en charge sociale et médicale des gens qui se droguaient et qu'on pouvait faire avec eux un travail de réinsertion sociale qui était beaucoup plus important, plutôt que de les laisser dans des arrière-cours - ou dans les caves ou les escaliers des immeubles - pour s'administrer leur drogue. On sait que le problème est aussi celui des maladies transmissibles. Et grâce à Quai 9 ou à d'autres structures...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Bertrand Buchs. ...les risques de maladies transmissibles sont diminués. Donc ce genre de proposition de motion est dangereux pour la santé publique.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous sommes arrivés au terme de ce débat. Je vais vous faire voter le renvoi... (Remarque.) Monsieur le conseiller d'Etat, excusez-moi, vous avez la parole.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en raison du déplacement de M. Unger, qui est dûment excusé à cette séance, et étant donné ma qualité de suppléant, vous me permettrez, au nom du DARES, d'expliquer quelques éléments qu'il me paraît essentiel de rappeler. Vous avez tous évoqué les quatre piliers, à savoir la prévention, la réduction des méfaits, les soins - l'accès aux soins - et bien entendu la répression, qui représente le quatrième des piliers. Par rapport à la politique que mène le Conseil d'Etat depuis vingt ans, il faut quand même remarquer que c'est la complémentarité entre les piliers qui est déterminante. Je dis «complémentarité entre les piliers» parce que, nous le voyons bien, l'installation, il y a de cela pratiquement onze ans, de Quai 9 a permis, du point de vue de l'accès aux soins, un certain nombre de développements qu'il est important d'évoquer, notamment la réduction du nombre de contaminations relatives au sida, aux hépatites B et C, ou encore à des éléments constituant des atteintes à la santé qui sont très directement le fait des injections.

Il convient, effectivement, de constater le lien qu'il y a avec l'accès aux soins et de voir que Quai 9, aujourd'hui, est également le fruit d'une collaboration entre les HUG et, bien entendu, le lieu-dit Quai 9. Puisque notamment un infirmier spécialisé dans les addictions et un médecin de la médecine de premier recours participent très directement à cette politique, qui vise à la fois à la prévention et la réduction des méfaits et qui est très directement liée à l'accès aux soins.

On le voit, avoir choisi une telle implantation, qui forcément n'est pas que joie pour le voisinage, est un élément qui a d'abord cherché une rationalité: la rationalité qui veut tout simplement que c'est en fonction de la localisation d'un certain nombre de trafics et risques que s'est développée cette politique de prévention et d'interaction entre les différents piliers.

Il sied enfin de rappeler que par la remise en cause de l'un des quatre piliers, c'est l'ensemble de la politique qui tomberait. La réduction des méfaits est donc très directement liée aux trois autres piliers - avec la décision du peuple suisse, du 30 novembre 2008. C'est un élément important, qui cadre et qui vient finalement remarquer que Genève a agi plutôt en pionnier, même s'il convient d'être relativement modeste, puisque le fait d'avoir autant de trafic et de consommation...

Le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, Monsieur le conseiller d'Etat.

M. Charles Beer. ...reste un élément considérable et perturbant pour Genève, et contre lequel il convient de se mobiliser à travers la politique des quatre piliers.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais d'abord vous faire voter le renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé.

M. Eric Stauffer. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui ! Nous passons au vote.

Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi de la proposition de motion 2007 à la commission de la santé est rejeté par 58 non contre 16 oui.

Appel nominal

Le président. Nous nous prononçons à présent sur la prise en considération de cette proposition de motion.

M. Eric Stauffer. Vote nominal !

Le président. Le vote nominal est-il appuyé ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous êtes suffisamment nombreux. Nous votons.

Mise aux voix à l'appel nominal, la proposition de motion 2007 est rejetée par 58 non contre 19 oui.

Appel nominal