République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Renaud Gautier, président.

Assiste à la séance: Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Mark Muller, président du Conseil d'Etat, Pierre-François Unger, Charles Beer, David Hiler, François Longchamp et Isabel Rochat, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Eric Bertinat, Beatriz de Candolle, Prunella Carrard, Mathilde Chaix, René Desbaillets, Fabienne Gautier et Patricia Läser, députés.

Communications de la présidence

Le président. Je tiens, en votre nom à tous, à remercier très chaleureusement notre collègue, le bon docteur Morel, qui a jugé nécessaire - et j'imagine qu'il a raison - d'offrir au service du Grand Conseil un défibrillateur... Commentaire du président: ne vous sentez pas obligés, dès ce soir, de demander une démonstration de cet appareil, dont j'ai appris avec délectation qu'il pouvait aussi bien être un défibrillateur qu'un fibrillateur. (Rires.) Je me charge d'utiliser la fonction «fibrillateur»; le docteur s'occupera de la partie «défibrillateur». Merci beaucoup, Monsieur le député ! (Applaudissements.)

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, dans le calme et la sérénité, nous reprenons nos travaux là où nous les avions laissés.

PL 10804-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05)
Rapport de majorité de Mme Aurélie Gavillet (S)
Rapport de première minorité de M. Patrick Lussi (UDC)
Rapport de deuxième minorité de Mme Catherine Baud (Ve)

Deuxième débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en deuxième débat sur le projet de loi 10804.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 11 (abrogé) à 24, al. 6 (nouvelle teneur).

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement à l'article 25, alinéa 3, proposé par M. Florey. Monsieur Florey, vous avez la parole.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Un petit détail a échappé à la sagacité de la commission des droits politiques. En effet, l'article 25, alinéa 3, stipule que les listes déposées pour les élections cantonales doivent être signées par 50 électeurs non candidats. Or, il apparaît dans la loi qu'il n'en est pas de même pour les communes, puisque les candidats qui se présentent aux élections communales peuvent signer les listes déposées. Cet amendement propose simplement de rectifier l'inégalité entre le canton et les communes, pour mettre tout le monde au même niveau, à savoir qu'un candidat puisse signer les listes déposées, que ce soit au niveau du canton ou celui d'une commune.

Le président. Merci, Monsieur le député. J'ai oublié - vous voudrez bien m'en excuser - de rappeler que, dans ce débat, chaque groupe dispose de cinq minutes pour l'ensemble des amendements. Monsieur Stauffer, je vous donne la parole.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Le groupe MCG va soutenir cet amendement, et, Mesdames et Messieurs, vous ne pourrez pas contrer l'argument que je vais avancer. Un candidat a bel et bien le droit de vote. C'est donc un électeur, il peut voter pour lui-même ou pour qui il veut. En vertu de quoi un candidat déclaré n'aurait-il pas, en tant qu'électeur, le droit de signer une liste de soutien ? Cela ne tient pas la route ! En fin de compte, cet amendement découle du bon sens.

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de majorité. Je m'exprimerai sur la forme de cet amendement. Je trouve en effet toujours un peu dérangeant de voter des amendements présentés en plénière, alors que nous avons, en commission, discuté de ce projet pendant de nombreuses semaines.

Une voix. Saloperie de démocratie ! (Rires. Commentaires.)

Mme Aurélie Gavillet. Comme nous venons de renvoyer... (Brouhaha. L'oratrice s'interrompt.) Monsieur le président... (Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président ! Comme nous venons de renvoyer, hier, à la commission des droits politiques un nouveau projet de loi modifiant la LEDP, j'aurais trouvé plus important de la part du groupe libéral... du groupe UDC: pardon ! ...de déposer à nouveau cet amendement en commission, ce qui nous permettrait de procéder dans les formes.

Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. J'irai dans le même sens que la rapporteure de majorité. Je n'apprécie pas que des amendements soient présentés en plénière... (Brouhaha.) ...alors que nous avons eu tout loisir d'étudier différents amendements en commission. (Exclamations. Le président agite la cloche.)

La solution la plus sage consiste à refuser temporairement cet amendement, de sorte que l'on puisse l'étudier de manière cohérente, avec différentes autres dispositions, à l'occasion d'un prochain débat en commission. Il est donc beaucoup plus logique de surseoir à cet amendement pour l'instant.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Comme vous l'a expliqué M. le député Florey qui a présenté l'amendement - et je fais également amende honorable - il s'agit d'un élément qui nous a échappé: d'une disposition actuelle, et pas d'une modification qui serait rectifiée encore par rapport à ce qui est visé dans ce projet de loi de toilettage. En fait, il s'agit d'une disparité qui a dû passer au CoDH, lequel fait une différence entre les candidats qui se présentent dans les communes et ceux qui se présentent au niveau du canton: les uns peuvent s'inscrire sur les listes et les signer, même en étant candidats, alors que les autres ne le peuvent pas.

C'est vraiment d'une mesure de toilettage. Nous n'entendons pas en faire une argutie politique, Madame la rapporteuse de majorité, mais cet article 25, alinéa 3, n'a rien à voir avec le projet de loi qui vous a été renvoyé.

Certains ont exprimé leur souhait de renvoyer ce projet de loi en commission... Bien sûr, nous l'avons déjà indiqué, nous serions d'accord, mais, comme il s'agit d'un détail de toilettage, il nous semble que le sort de cet amendement pourrait être réglé lors de cette session.

Le président. J'en déduis, malgré vos propos que j'ai un peu de peine à suivre, que vous ne demandez pas le renvoi en commission. (M. Patrick Lussi acquiesce.) (Commentaire de M. Jacques Jeannerat.) Monsieur Jeannerat, chacun sait ici que vous comprenez plus rapidement que les autres !

Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Je vous soumets l'amendement proposé par M. Florey, à l'article 25, alinéa 3: «Les listes pour les élections cantonales doivent être signées par 50 électeurs ou électrices au moins ayant le droit de vote en matière cantonale.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 41 oui contre 13 non et 9 abstentions.

Mis aux voix, l'article 25, al. 3 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 26, al. 3 (nouveau), est adopté, de même que les articles 28, al. 2 (nouveau), à 31, al. 3 (nouvelle teneur).

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement proposé à l'article 34, alinéa 2, par M. Patrick Lussi, à qui je passe la parole.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. A une époque où le slogan: «A travail égal, salaire égal» fait fureur, certains pensent et veulent inscrire dans la loi une exception et confirmer une différence de traitement pour les présidents, vice-présidents et jurés de locaux de vote selon leur lieu de domicile. Cette proposition «Les communes peuvent» est offensante - c'est le «peuvent»! - pour tous les citoyens qui, sur convocation officielle, ont l'obligation, un dimanche, d'aider au bon déroulement de notre démocratie directe dans les locaux de vote.

Certains ont défendu l'autonomie communale, disant que les communes doivent pouvoir décider des montants octroyés pour ces tâches... Bien ! Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, il me semble que cette argumentation est - je ne dirai pas «pas sérieuse» - spécieuse. En effet, les votations sont les mêmes sur l'ensemble de notre canton, et la personne convoquée doit assumer la même tâche, avec la même célérité et la même responsabilité. Elle doit donc, en définitive, avoir droit à la même indemnité.

Il nous semble donc plus judicieux de conserver la version ante, stipulant que le Conseil d'Etat fixe les indemnités dans un règlement, plutôt que d'avoir des sommes disparates. Car nous savons bien - ce n'est pas une critique - que certaines communes sont prodigues, et d'autres, chiches.

C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'accepter cet amendement.

M. Eric Stauffer (MCG). Je voulais juste réagir par rapport aux propos de la rapporteuse de majorité...

Le président. Sur l'amendement, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Mais je parle de l'amendement, Monsieur le président ! Vous savez, vous allez perdre plus de temps à m'expliquer comment je dois m'exprimer qu'en me laissant m'exprimer !

La rapporteuse de majorité a indiqué qu'il était très désagréable de déposer des amendements en plénière, après avoir étudié un projet de loi en commission... Je voudrais - vous transmettrez, Monsieur le président - lui rappeler que, dans un débat précédent, son propre parti a déposé pas moins de 35 amendements. Merci, Monsieur le président.

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de majorité. Je ne vais pas répondre... Il s'agissait en l'occurrence d'un amendement dont nous n'avions jamais parlé en plénière. Par contre, déposer en plénière des amendements dont on a beaucoup discuté en commission, là c'est admissible !

En ce qui concerne l'article 34, alinéa 2, qui porte sur l'indemnisation des présidents, vice-présidents et jurés des locaux de vote, il faut bien voir que le projet de loi 10804 n'apporte aucune modification par rapport à la situation actuelle. L'article 34, alinéa 2, et la LEDP actuelle prévoient certes que l'indemnité est fixée par voie réglementaire. Mais le règlement qui devait fixer cette indemnité indique, en son article 11, alinéa 1, lettre a), que l'indemnité est fixée par les communes et qu'elle est à leur charge !

Il s'agit donc simplement de clarifier la situation. Mais vous voyez bien qu'en pratique les communes sont déjà compétentes pour indemniser ces personnes et que, dans les faits, elles les indemnisent. Cela ne pose donc aucun problème: pas une commune ne s'est opposée à indemniser les personnes qui participent au dépouillement dans les locaux de vote. Nous vous demandons par conséquent de refuser cet amendement qui n'a pas lieu d'être.

Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Nous refuserons également cet amendement qui n'apporte strictement rien. Les communes étant autonomes, il est tout à fait normal que ce soient elles qui décident du montant des indemnités à allouer aux différentes personnes concernées. Nous refuserons donc cet amendement.

M. Stéphane Florey (UDC). La question n'est pas de savoir si les communes payent plus ou moins que les autres. L'important, c'est qu'une indemnité soit fixée: c'est la seule chose qui compte !

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. C'est vrai, j'ai une fine juriste devant moi, les nombreux rapports bien faits qu'elle rédige le prouvent.

En l'occurrence, nous sommes en train de parler d'un texte de loi. Nous nous rendons compte - vous l'avez justement dit - que ce texte tient à rallier les minimas, c'est-à-dire à entériner un règlement. On nous a demandé, en commission des droits politiques, de ne nous occuper que de la loi... Le texte de loi prévoit un règlement. La prochaine étape consistera à examiner si le règlement du Conseil d'Etat est vraiment conforme. Mais si l'on tient compte de la hiérarchie des textes, raison pour laquelle nous soulevons ce point, il s'agit d'une action citoyenne - et non pas d'une action communale - je dirai une action décente. J'invite tous les députés à bien analyser cette proposition et à en mesurer réellement les conséquences. Il me semble que l'on se bloque sur des arguties. Il faut bien voir que nous cherchons à indemniser uniformément tous nos braves citoyens qui sont convoqués dans les bureaux de vote le dimanche. Je vous enjoins donc d'accepter cet amendement. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Je vous soumets l'amendement proposé par M. Lussi: «Article 34, alinéa 2: biffer la modification.» Ceux qui sont favorables à cet amendement votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 27 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 34, al. 2 (nouvelle teneur), est adopté.

Mis aux voix, l'article 36 (abrogé) est adopté, de même que les articles 37, al. 1, dernière phrase (nouvelle), à 84A (nouveau).

Le président. A l'article 87, nous sommes saisis de deux amendements. Le premier est déposé par M. le député Lussi: «Article 87, alinéa 1, lettre c): biffer la modification.» Le deuxième amendement est déposé par M. le député Jornot: «Article 87, alinéa 1, lettre c, chiffre 6 (biffé, le chiffre 7 ancien devenant le chiffre 6).

Monsieur Lussi, vous avez la parole pour présenter votre amendement.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, d'aucuns vont se gausser, pérorer... Bien sûr. Cette modification, nous dit-on, est motivée pour renforcer et, surtout, faciliter le contrôle, par les fonctionnaires désignés, de la validité des signatures et indications sur les formules officielles récoltées pour lancer un référendum, pour des initiatives et autres... Bien ! Sur la liste des cases à remplir, des précisions supplémentaires sont requises. En plus de l'année de naissance qui était déjà demandée, il faut ajouter le jour et le mois; pour l'adresse du domicile, il faut ajouter le numéro postal, la localité et le numéro de téléphone...

Mesdames et Messieurs les députés, je sais que la récolte de signatures est l'apanage, peut-être, de quelques partis d'extrême-gauche - et d'extrême-droite, pour faire plaisir à tout le monde - mais il n'en demeure pas moins que c'est un acte citoyen. Et il ne me semble pas tolérable de compliquer à loisir le travail des citoyens militants - j'utilise ce terme à dessein - qui s'engagent gratuitement en vue de récolter des signatures pour des actions relevant de notre démocratie directe. Compliquer les choses à souhait, rajouter ceci... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je m'exprimerai ensuite sur les alinéas 2 et 3.

J'ai le sentiment que ce supplément d'information vise un autre but que celui de contrôler les citoyens: c'est d'essayer d'entraver, une fois de plus, la récolte de signatures, que beaucoup décrient, à tort ou à raison. Mais la question n'est pas là. Les institutions prévoient des choses compliquées, et, si cela continue ainsi, les citoyens devront bientôt prendre leur ordinateur avec eux pour arriver à répondre aux cinquante questions qui leur sont posées ! Et, encore, avec le filtre qui aura été mis en place, on ne sait pas ce que cela donnera !

Mesdames et Messieurs les députés, trêve de plaisanterie, nous vous demandons d'accepter cet amendement, qui vise uniquement à revenir à la situation ante, et de ne pas accepter les demandes de renseignements supplémentaires qui sont proposées.

Le président. Je vous signale, Monsieur le député, que vous avez épuisé votre temps de parole et que vous «mangez» maintenant celui de votre parti. Monsieur Jornot, vous avez la parole.

M. Olivier Jornot (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, quand j'ai pris connaissance de ce rapport, je dois avouer qu'il m'a fallu un moment pour me remettre de l'idée que le Conseil d'Etat et, ensuite, une commission du Grand Conseil exigeaient qu'il faille donner son numéro de téléphone pour pouvoir signer une initiative populaire... Pourquoi pas nos mensurations, pendant qu'on y est !

Tout cela pourquoi, en définitive ? Pour s'assurer que les personnes qui signent vivent bien à Genève. Mais comme avoir un numéro de téléphone n'est pas encore obligatoire - ce sera peut-être le cas un jour - il a été ajouté: «s'il existe»... C'est obligatoire si vous en avez un, mais ça ne l'est pas si vous n'en avez pas ! (Rires.) Franchement, c'est du grand-guignol !

Résultat, toute personne qui voudra signer une initiative ou un référendum se dira que les gens qui recueillent les signatures pourront désormais savoir non seulement où elle habite mais aussi quel est son numéro de téléphone ! Cela ne va pas, tout simplement !

Par conséquent, je vous propose un amendement, lequel, à la différence de celui de M. Lussi, concerne exclusivement la demande de numéro de téléphone. Pour le reste, les modifications apportées à cet article ne portent pas à conséquence. Le fait d'exiger la date de naissance complète plutôt que l'année seulement est en effet un critère d'identification parfaitement acceptable. Et le fait de demander leur nationalité, dans les occasions où elles peuvent signer, aux personnes qui ne sont pas de nationalité suisse est également une adaptation nécessaire aux nouveautés du droit.

Je vous recommande par conséquent, Monsieur Lussi, d'avoir l'amabilité de retirer votre amendement, de telle manière que nous puissions voter sur celui qui pose problème - à savoir cette affaire de numéro de téléphone - et que je vous recommande en revanche d'accepter.

Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Les Verts accepteront l'amendement présenté par M. Olivier Jornot... (Commentaires.) ...qui consiste à supprimer le chiffre 6 relatif au numéro de téléphone. Car, pendant les discussions en commission, nous nous sommes effectivement interrogés sur la pertinence de demander le numéro de téléphone sur ce type de listes. Finalement, nous avons plutôt accepté l'amendement socialiste qui proposait de le rendre facultatif lorsque les mentions pouvaient être incomplètes ou erronées. En réalité, ce numéro n'avait pas de valeur et, finalement, il est beaucoup plus simple de le supprimer.

En conséquence, nous refuserons l'amendement proposé par M. Lussi et nous accepterons celui de M. Jornot.

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de majorité. Je confirme les propos de Mme Baud. Il faut refuser l'amendement Lussi et accepter l'amendement Jornot.

Je profite néanmoins de mon temps de parole pour féliciter et remercier sincèrement M. Jornot pour son bon sens... (Exclamations.) ... dans la mesure où Mme Baud et moi-même faisions partie d'une minorité qui avait proposé en commission un amendement allant dans le sens de ce dernier. (Commentaires. Le président agite la cloche.) Mais une majorité, composée des collègues de M. Jornot, avait jugé bon de le refuser. Je vous invite donc à soutenir fermement l'amendement Jornot.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Nous n'allons pas jouer les caciques ! J'ai quand même le plaisir de vous entretenir sur un point, puisque M. Jornot a indiqué qu'il était normal de spécifier sa nationalité pour pouvoir signer... C'est oublier qu'il s'agit d'une récolte de signatures et que ces formulaires vont être contrôlés, en fonction de l'objet, selon une liste électorale où figurent les noms des personnes ayant le droit de voter. Si l'on poursuit ce raisonnement consistant à demander la nationalité, pourquoi ne pas leur demander de présenter leur titre de séjour pour pouvoir signer ? Non, ce n'est pas sérieux !

Nous sommes restés dans un esprit militant ! Que l'on demande la date de naissance complète, parce que l'année ne suffit pas, soit... Pour les militants, ce qui compte, c'est le contenu ! Les citoyens signent, et, ensuite, les signatures et les coordonnées sont contrôlées. Mais nous n'irons pas jusque-là. Si c'est pour faciliter le travail de récolte dans la rue, c'est bien volontiers, en accord avec mon chef de groupe, que nous retirons notre amendement... (Exclamations.) ...et que nous nous prononcerons sur l'amendement proposé par M. Jornot.

Le président. Très bien. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Suite au retrait de l'amendement proposé par M. Lussi, reste à voter l'amendement déposé par M. Jornot. Je vous le soumets: il s'agit simplement de supprimer le chiffre 6 de l'article 87, alinéa 1, le chiffre 7 ancien devenant le chiffre 6.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 75 oui et 2 abstentions.

Le président. Il s'agit d'un score soviétique, Monsieur le député !

Mis aux voix, l'article 87, al. 1, lettre c, chiffre 6 (biffé, le chiffre 7 ancien devenant le chiffre 6), ainsi amendé est adopté.

Le président. A l'article 87, alinéa 2, nous sommes saisis d'un amendement présenté par M. Lussi, à qui il ne reste presque plus de temps de parole.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, pour cet amendement - nous nous soumettrons à la majorité du vote, bien entendu ! - nous serons inflexibles. Il me semble, une fois de plus, que, avec cette mesure contraire à la démocratie directe, on atteint les cimes du processus antidémocratique ! En effet, il est exigé que toutes les indications fixées à l'alinéa 1 - c'est-à-dire tout ce que nous venons d'évoquer, à part le numéro de téléphone qui vient d'être supprimé - doivent être écrites de la main de la personne qui signe... Cela montre bien le vide sidéral qu'il y a entre le politicien militant de rue, au contact des citoyens et citoyennes, et le technocrate qui pond des inepties dans un bureau aux fenêtres et aux volets clos ! Qui, parmi ceux qui sont actifs lors de récoltes de signatures, n'a jamais dû aider un citoyen à remplir un formulaire ? Une personne qui, par exemple, a oublié ses lunettes et veut signer. Qui n'a pas eu affaire à une personne âgée n'écrivant plus très bien, qui demande que l'on remplisse le formulaire pour elle, et qui le signe parce qu'elle est d'accord avec l'objet de la récolte ? Une fois de plus, vous entravez le travail du militant, avec ce type de textes légaux ! Et vous me permettrez, Monsieur le président, vous qui êtes fanatique de ces derniers, de citer une phrase de Paul Valéry avec laquelle on ne peut qu'être d'accord: «La politique est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde» ! (Exclamations.) En fonction de cela, nous vous demandons d'accepter cet amendement.

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de majorité. Il faut quand même clarifier ce point, puisque M. Lussi parle de personnes âgées qui auraient du mal à remplir un formulaire sur un coin de table, dans la rue, dans des conditions parfois difficiles... Mais, Monsieur Lussi, la commission a prévu cette éventualité, puisque l'article 87, alinéa 3, prévoit bien que l'alinéa 2 ne s'applique pas à la personne incapable de le faire par elle-même pour cause d'infirmité - pouvant être la perte de lunettes ou tout ce que vous voulez de ce genre. La personne incapable de remplir un formulaire pour de telles raisons pourrait donc tout à fait bénéficier de l'alinéa 2.

Par contre, Monsieur Lussi, il n'est absolument pas justifié de permettre le remplissage d'un tel formulaire par quelqu'un d'autre lorsque les personnes sont capables de le remplir elles-mêmes. En ce sens, votre amendement ne doit pas être suivi.

M. Frédéric Hohl (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai rien à dire ! C'est un collègue MCG avec une cravate rouge qui a appuyé sur mon bouton, alors je le salue ! (Commentaires.)

Le président. Puisque nous en sommes aux sujets légers, je me réjouis que les auteurs de cet article m'expliquent ce qu'ils entendent par «incapable de le faire par elle-même pour cause d'infirmité». Je ne vois pas très bien quelle autre cause il peut y avoir ! Je donne la parole à Mme le rapporteur Catherine Baud.

Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je n'aurai pas grand-chose à ajouter, car Mme Gavillet a tout à fait bien expliqué que cette proposition d'amendement ne se justifiait pas compte tenu de l'existence de l'alinéa 3.

Le président. Merci, Madame le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Je vous soumets l'amendement proposé par M. Lussi: «Article 87, al. 2 et al. 3 (biffer la modification).

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 22 oui.

Mis aux voix, l'article 87, al. 2 (nouvelle teneur) et al. 3 (nouveau), est adopté.

Le président. A l'article 91, alinéa 3, nouvelle teneur, nous sommes saisis de deux amendements. Le premier est proposé par M. Lussi; le deuxième, par Mme la députée Lydia Schneider Hausser - à qui je demande de réfléchir pour savoir s'il a encore du sens suite au vote antérieur.

Mais nous allons procéder dans l'ordre. Monsieur le rapporteur de première minorité Patrick Lussi, vous avez la parole. Il vous reste, à vous et votre groupe, trente secondes.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Ce sera vite fait, Monsieur le président. L'alinéa 3, nouvelle teneur, vise à pérenniser les indications demandées et que nous venons de voter à l'alinéa 1. Je propose donc, pour nous épargner des débats, de retirer les deux amendements que nous avons déposés à l'article 91, alinéa 3, et à l'article 91, alinéas 6 et 7.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme  Lydia Schneider Hausser.

Mme Lydia Schneider Hausser (hors micro). Je ne prends pas la parole pour l'instant. Je laisse Mme la rapporteure de majorité s'exprimer.

Le président. Très bien. La parole est à Mme le rapporteur de majorité Aurélie Gavillet.

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de majorité. Merci Monsieur le président. Il faut simplement annoncer que l'amendement de Mme Lydia Schneider Hausser est, bien sûr, retiré dans la mesure où l'amendement de M. Jornot a été accepté.

Le président. Je vous ai bien comprise. Vous le retirez: parfait. Monsieur Lussi, je voudrais en être sûr: vous retirez cet amendement, de même que celui qui porte sur l'article 91, alinéas 6 et 7. Je vous ai bien entendu ou vous les maintenez ?

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. C'est cela: je retire aussi l'amendement portant sur l'article 91, alinéas 6 et 7.

Le président. Vous retirez donc les deux amendements.

M. Patrick Lussi. Les deux amendements ! Excusez-moi, Monsieur le président !

Le président. Dans ce cas-là, l'article 91, alinéa 3, est non modifié.

Mis aux voix, l'article 91, al. 3 (nouvelle teneur), est adopté.

Mis aux voix, l'article 91, al. 6 et 7 (nouveaux, avec nouvelles sous-notes), est adopté, de même que les articles 103, al. 2 (nouvelle teneur), à 108, al. 1 (nouvelle teneur).

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, à l'article 166, nouvelle teneur, nous sommes saisis d'un amendement proposé par M. Patrick Lussi. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole. Il vous reste douze secondes et demie.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. On pourrait penser que la nouvelle teneur de cet article est anodine: un chiffre a été changé, comme cela... En fait, cette modification a des conséquences politiques, et c'est par rapport à ces dernières que j'ai déposé cet amendement. Je vais tenter de vous l'expliquer, mais je vous demande surtout de réfléchir quant au vote qui va suivre.

Accepter de faire passer le délai de trois à six mois implique que dans nos conseils municipaux, et même dans ce parlement, lorsqu'un siège sera vacant, suite à une démission ou pour une raison n'ayant aucun rapport avec une quelconque forme de malhonnêteté politique, eh bien, six mois avant une prochaine élection générale, donc avant un nouveau tour de scrutin, si une formation politique a une liste initiale sans viennent-ensuite, elle perdra un suffrage lors des votes parlementaires. Et c'est bien cet aspect que nous avons l'outrecuidance de porter à votre attention, même si nous en avons discuté en commission.

Que cela veut-il dire ? Que si un parti n'a plus de viennent-ensuite sur sa liste et qu'un député démissionne, pendant les six mois avant la prochaine législature il manquera à ce parti une personne pour défendre ses positions. Ce sera considéré comme une abstention ou ce qu'on voudra... Cela nous semble illégitime ! Cela ne nous semble pas juste ! Auparavant, pour la même situation, ce délai était de trois mois... C'était discutable, mais nous l'acceptons.

C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de revenir à la situation ante et d'accepter que le libellé de cet article reprenne le délai de trois mois au lieu de six, le reste du texte ne changeant pas. J'en appelle à votre conscience politique et vous demande d'accepter cet amendement.

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de majorité. En ce qui concerne l'article 166, nous avons voté cette disposition - l'augmentation du délai de trois à six mois avant la fin de la législature, pour procéder à une élection tacite en cas d'épuisement d'une liste - parce que la chancellerie nous a expliqué que la procédure prévue par l'article 164 prenait du temps. Il s'agit en effet de retrouver la majorité des signataires d'une liste. En réalité, même plus de trois mois avant la fin de la législature, le siège vacant n'est pas remplacé. Le délai de trois mois est donc trop court, et, en ce sens, il s'agit d'une simple mise en conformité avec la pratique. Par conséquent nous ne voyons pas l'utilité de l'amendement de M. Lussi.

Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Nous avons effectivement écouté les explications qui nous ont été données en commission et elles nous ont convaincus. Le délai de trois mois est trop court, en pratique, et il convient donc d'avoir davantage de souplesse. Il faut donc maintenir cet article tel qu'il a été rédigé, c'est-à-dire en fixant ce délai à six mois, et refuser cet amendement.

Le président. Merci, Madame le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'amendement déposé par M. Patrick Lussi: «Article 166. Biffer la modification.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 71 non contre 6 oui.

Mis aux voix, l'article 166 (nouvelle teneur) est adopté.

Mis aux voix, l'article 172, al. 1 (nouvelle teneur), est adopté, de même que les articles 181 (nouvelle teneur), à 187 (nouveau).

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement proposé par M. Miguel Limpo à l'article 188, alinéa 2. Monsieur le député, vous avez la parole.

M. Miguel Limpo (Ve). Merci, Monsieur le président. C'est avec une grande déception que nous arrivons maintenant à ce débat qui, pour nous, est capital concernant ce projet de loi. Jusqu'à maintenant, nous avons soutenu l'ensemble de cette loi, car elle nous convenait. Oui, elle apporte un certain nombre d'améliorations, mais, malheureusement, on a voulu aussi mettre dans ce projet de loi un concept qui n'a absolument rien à voir avec le reste et auquel nous ne sommes pas favorables: je veux parler de l'e-voting.

Jusqu'ici, le parlement a décidé de simplifier la procédure: nous avons pu le constater puisque le numéro de téléphone a été enlevé. On considère, en fin de compte, que les droits populaires, les droits politiques, doivent être rendus plus simples pour les citoyens, mais, en l'occurrence, on ajoute une couche plus compliquée en proposant le vote par internet ! Pourtant, ce mode de scrutin va exclure une bonne partie de la population, qui aura plus de peine à comprendre le système électoral, lequel impliquera désormais de faire appel à des experts informaticiens qui sauront comment il fonctionne. Personne dans cette salle ou très peu de personnes comprendront comment les choses se passent. Actuellement, tout le monde comprend comment fonctionne le mode de scrutin dans les locaux de vote: les citoyens peuvent intervenir et poser des questions. Malheureusement, avec le vote électronique, il va se fondre dans une grande machine où il n'y aura aucune vérification possible. Et je m'étonne un peu que certains partis ici, qui prônent ordinairement le vote populaire, le fait que le citoyen soit impliqué dans les décisions, acceptent l'e-voting, qui va exclure, comme je viens de le dire, une partie de la population qui ne comprendra pas comment fonctionne le système.

Nous avons entendu tout à l'heure que cela allait permettre le vote des Suisses de l'étranger... Mais vous oubliez - et nous en avons parlé en commission - qu'un bon nombre de pays ne permettent pas le vote par internet, car il n'y a pas la sécurité nécessaire. Il est donc mensonger de dire que ce mode de scrutin sera possible dans tous les pays ou à l'étranger... C'est faux ! Il ne sera pas possible de voter par ce moyen dans de nombreux pays, et les Suisses de l'étranger continueront à recevoir leur matériel de vote en raison, je le répète, du manque de sécurité nécessaire à ce mode de scrutin.

Nous avons eu cette discussion en commission... Les Verts souhaitent vraiment que cette question soit séparée du reste. Nous allons donc demander à nouveau le renvoi en commission pour pouvoir scinder ce projet en deux. Nous voterons à nouveau de manière responsable la première partie de ce projet, sur laquelle nous sommes tous d'accord, et nous refuserons l'e-voting pour les raisons que je viens de mentionner, car les Verts tiennent à une démocratie qui reste proche de la population.

Pour toutes ces raisons, nous représenterons notre amendement en troisième débat, nous demanderons le renvoi en commission et nous refuserons ce projet de loi si l'e-voting, l'e-electing, est maintenu. Je vous remercie.

Le président. Monsieur le député, je résume bien votre pensée: vous demandez à la fois l'adoption de votre amendement et le renvoi en commission de ce projet ?

M. Miguel Limpo. Je demande que l'on vote d'abord sur l'amendement, puis, ensuite, sur le renvoi en commission.

Le président. Bien, je reprends ! Vous demandez, dans un premier temps, que je soumette cet amendement au vote du parlement et, subsidiairement, que je soumette le renvoi en commission.

M. Miguel Limpo. Tout à fait ! C'est bien ça !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Je vous soumets l'amendement proposé... (Remarque. Le président est interrompu.) Maintenant que j'ai bien compris le sens de votre démarche, la parole est à M. le député Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Le groupe démocrate-chrétien a de la peine à comprendre le débat actuel, dans la mesure où l'e-voting est une manière supplémentaire de voter offerte aux citoyens. C'est une possibilité de plus ! Les citoyens ont toute liberté d'utiliser les autres manières d'exercer leurs droits politiques: ils peuvent voter le dimanche en se rendant au bureau de vote ou par correspondance. L'e-voting ne fait que s'ajouter à ces deux possibilités ! En quoi cela empêche-t-il la démocratie de fonctionner ? Nous refuserons cet amendement.

M. Claude Jeanneret (MCG). Le Mouvement Citoyens Genevois a toujours été très favorable à l'e-voting. Nous avons, du reste, déjà voté positivement lors de la première votation à ce sujet. Le MCG tient toutefois à préciser que l'e-voting doit rester une option de plus offerte à l'électeur, comme cela a été extrêmement bien expliqué par M. Forte tout à l'heure.

Par contre, comme à son accoutumée, le PDC est ambigu. En effet, M. Mettan est intervenu, il a expliqué que cela coûtait très cher d'envoyer la documentation et que les étrangers pourraient ne voter que par internet, que cela économiserait de l'argent pour la République... Non, l'e-voting ne doit pas se substituer aux autres moyens de vote ! Chaque citoyen a le droit d'aller voter au local de vote; chaque citoyen a le droit d'envoyer son bulletin de vote par la poste; chaque citoyen a le droit d'utiliser l'e-voting. C'est une option supplémentaire, et nous sommes favorables à cette option supplémentaire, car elle représente un grand progrès.

Toutefois, il ne faut pas dire que nous allons supprimer, comme le laissait entendre M. Mettan, l'envoi de la documentation pour voter aux personnes qui vivent à l'étranger, sous prétexte que cela nous coûte cher ! Non, nous devons maintenir toutes les manières de faire et accepter l'e-voting comme une possibilité supplémentaire !

M. Guy Mettan (PDC). Je préciserai simplement à M. Jeanneret que lorsque les Suisses de l'étranger - il ne s'agit pas «des étrangers» ! - votent, ils ne disposent pas de la possibilité de le faire dans un local de vote. Donc, de toute façon, c'est déjà une inégalité, et c'est pour cela que l'e-voting est un moyen de voter qui s'adapte particulièrement bien pour eux.

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de majorité. Nous terminons donc enfin, Mesdames et Messieurs les députés, avec le sujet important de l'élection par internet... Mme Baud relève trois éléments dans son rapport. D'abord, la sécurité du vote ou de l'élection par internet. Il ne faut pas, bien sûr, minimiser les risques, mais nous avons reçu à ce sujet de la part de la chancellerie toutes les informations possibles qui nous permettent de penser que le système est sûr. Naturellement, il n'y a jamais de risque zéro. Mais il n'y a pas non plus de risque zéro pour l'élection ou le vote par correspondance, ni pour le vote à l'urne. Et la majorité de la commission a estimé que le système ainsi que l'attention que portent la chancellerie et la commission électorale centrale à la sécurité du vote offrent des garanties suffisantes.

Mme Baud estime ensuite qu'il est difficile d'authentifier la personne qui vote derrière son ordinateur... A cela aussi, il faut objecter que le problème se pose exactement de la même manière pour le vote ou l'élection par correspondance. Ce n'est donc pas un problème propre au scrutin par voie électronique, et je suspecte Mme Baud d'avoir été inspirée par les dernières péripéties politico-juridiques que nous avons vécues ce printemps, lors des élections municipales, puisque l'un de ses collègues de parti avait malheureusement voté par correspondance à la place de quelqu'un de sa famille. Donc, nous voyons bien que le problème ne se pose pas spécifiquement pour le vote électronique.

Et, enfin, Mme la rapporteure de la seconde minorité pense que le rapport coût/bénéfice de l'élection par voie électronique ne convient pas... Cette question ne concerne pas la commission des droits politiques: elle doit être étudiée par la commission des finances. Et puis, le canton de Genève ne développe pas un système de vote et d'élection par internet pour des raisons commerciales. Nous le faisons parce que nous estimons qu'il est important, même en matière d'administration publique, d'être à la pointe de la technique et parce que c'est le signe d'un Etat dynamique et proche de ses citoyens.

Mesdames et Messieurs les députés, aucun des arguments de la minorité n'a convaincu la majorité. La commission des droits politiques manifeste, par son vote positif sur ce projet de loi, son soutien et sa confiance à la chancellerie et à ses différents départements, surtout à Mme la chancelière, qui saura, nous en sommes persuadés, mettre en place un système sûr et fiable d'élection par internet et montrer par là même que l'Etat peut et doit s'adapter à l'évolution technologique.

Je vous demande donc de soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Effectivement, comme cela nous a été fait remarquer, la chancellerie est particulièrement enthousiaste pour tous les projets de vote électronique, mais nous ne partageons pas cet enthousiasme...

Il faut, pour la clarté des débats, expliquer que le vote électronique a été accepté, qu'il peut effectivement être utilisé dans notre droit et qu'il peut se révéler efficace. En revanche, s'agissant d'élections par internet, c'est tout à fait différent, c'est beaucoup plus complexe. Et nous sommes en effet sceptiques sur la sécurité de ce moyen de vote, car la complexité même de ce système rend les risques d'intrusion bien plus élevés.

Nous considérons par conséquent que cette possibilité offerte à l'électeur n'arrive pas au bon moment: elle est totalement prématurée. Et tant que nous n'aurons pas, au niveau fédéral, des résultats corrects... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...sur les votations, il n'est pas pertinent de passer aux élections par internet, qu'il s'agisse des Suisses résidant en Suisse ou qu'il s'agisse des Suisses de l'étranger.

Par ailleurs, je rappellerai quand même que les Suisses de l'étranger vont continuer à recevoir leur bulletin de vote par la poste. C'est seulement après, au moment du vote, qu'ils pourront voter par la voie électronique. Je ne suis donc pas du tout convaincue - et les Verts, d'une manière générale, ne sont pas convaincus - que le coût et les risques que ce mode de scrutin va entraîner soient raisonnables par rapport à l'avantage qu'il peut apporter à la démocratie, dans la mesure où, finalement, il est déjà possible de voter autrement et d'une façon beaucoup plus simple. Il est en effet très aisé de faire une croix dans la case de son choix ou de biffer des noms sur un bulletin papier. C'est beaucoup plus facile que de se loguer à un système où il faut entrer différents mots de passe.

Par conséquent, nous maintenons cet amendement et nous vous demandons de le soutenir. Nous aurions bien aimé pouvoir voter cette loi dans sa quasi-intégralité, car tous les autres articles sont pleins de bon sens et apportent beaucoup plus de clarté à notre ordre juridique. Il est dommage qu'à cause de cet article 188, alinéa 2 - que nous ne pouvons vraiment pas accepter - nous ne puissions pas voter cette loi dans son intégralité.

Le président. Merci, Madame le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'amendement déposé par M. Miguel Limpo: «Article 188, alinéa 2 (biffé, l'alinéa 3 ancien devenant l'alinéa 2).»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 22 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 188, alinéas 2 et 3 (nouveaux, l'alinéa unique devenant alinéa 1), est adopté.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Les rapporteurs qui disposent encore de temps de parole peuvent s'exprimer... Ce n'est pas le cas. Je vous soumets donc la proposition de M. Limpo, soit de renvoyer ce projet de loi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10804 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 61 non contre 22 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Troisième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 11 (abrogé) à 31, al. 3 (nouvelle teneur).

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, à l'article 34, alinéa 2, nous sommes saisis d'un amendement déposé par M. Stéphane Florey. Le texte de la nouvelle teneur est refusé. L'amendement propose le retour à la formulation initiale: «Le règlement d'application fixe le montant des indemnités pour les présidents, vice-présidents et secrétaires de locaux de vote.» (Commentaires. Le président est interpellé par une députée.) Alors je vais répéter, Madame ! Comme vous me dites cela fort aimablement à chaque séance, je vais relire lentement, juste pour vous ! Il s'agit donc de l'article 34, alinéa 2... Nous y sommes ? Le texte de la nouvelle teneur est refusé. L'amendement propose le retour à la formulation initiale. Alinéa 2: «Le règlement d'application fixe le montant des indemnités pour les présidents, vice-présidents et secrétaires de locaux de vote.» Nous y sommes. (Remarque.) Monsieur Lussi, le temps qui vous est imparti est épuisé ! La parole est à M. Olivier Jornot.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons déjà, sur les bancs du PLR, accepté cet amendement lors du deuxième débat. Il ne nous paraît en effet pas raisonnable, en matière de votations et d'élections, d'avoir un fédéralisme communal s'agissant de l'indemnisation des personnes qui sont appelées à travailler dans les bureaux de vote. Il ne s'agit de rien d'autre ! En effet, le Conseil d'Etat doit pouvoir fixer une indemnisation, une indemnisation correcte qui s'applique partout, parce que le travail est le même et que le temps consacré à cette tâche est le même. Il n'y a donc aucune raison de créer des disparités.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Lussi. Je vous prie de m'excuser, Monsieur le député, je rectifie: vous disposez de temps en troisième débat.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Vous me prenez de court, dans la mesure où vous m'aviez annoncé que je n'avais plus de temps de parole.

Mon préopinant, M. Jornot, a clairement expliqué quel était réellement le fondement de notre amendement. Il a utilisé le terme «fédéralisme»: je le reprends avec plaisir. Je précise simplement qu'il me semble inadéquat d'avoir, au niveau de notre canton, des disparités en matière d'indemnités. C'est le seul motif de notre intervention à ce sujet, nous n'avons aucune autre arrière-pensée politique. Je vous remercie d'accepter cet amendement.

M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG va soutenir cet amendement. En effet, lors du deuxième débat, nous n'avions pas très bien compris, mais cela doit venir de la qualité des micros... (Brouhaha. Commentaires.) Oui, ce sont certainement les cordes vocales, si vous me le permettez, Monsieur le député ! Maintenant que l'amendement a été répété beaucoup plus lentement... (Exclamations.) Je viens à la rescousse de notre collègue ! ...eh bien, le MCG va accepter cet amendement. (Brouhaha.)

Une voix. C'est magnifique ! (Brouhaha.)

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de majorité. Je ne peux pas parler dans ce bruit, Monsieur le président, et je vous demande, si c'est possible, d'obtenir un peu de silence.

Des voix. Oh ! (Commentaires.)

D'autres voix. Oui ! (Le silence se rétablit.)

Mme Aurélie Gavillet. Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs les députés. Comme nous l'avons indiqué, le projet de loi ne proposait qu'une modification formelle: il n'y aura pas de changement par rapport à la réalité et par rapport à la pratique. Si vous voulez accepter l'amendement Lussi, cela ne changera rien concrètement. Vous pouvez le faire si cela vous amuse, mais ce n'est pas très intelligent ! (Exclamations.)

Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. En voyant comme il est possible de changer une majorité entre le deuxième et le troisième débat, je garde tout à fait l'espoir que nous puissions arriver à faire passer notre amendement ! (Commentaires. Rires.)

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Je pense que cet amendement doit effectivement être retenu. (Brouhaha.) Certes, l'autonomie communale existe, mais ce n'est pas pour créer des disparités ou des injustices ! (Brouhaha.) Chaque travail mérite salaire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et il me semble donc nécessaire d'amender ce projet de loi. Cet élément m'avait déjà frappé... Et puis, je pense que c'est le bon moment de changer les lois injustes. Dans le cas présent, comme la loi prévoit des indemnités disparates, il paraît fondé de changer cela !

Des voix. Bravo !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'amendement déposé par M. Florey, consistant à refuser le texte de la nouvelle teneur pour revenir à la formulation initiale, soit: «Le règlement d'application fixe le montant des indemnités pour les présidents, vice-présidents et secrétaires de locaux de vote.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 52 oui et 27 abstentions.

Mis aux voix, l'article 34, al. 2 (biffé), est adopté, de même que les articles 36 (abrogé) à 187 (nouveau).

Le président. Nous sommes saisis d'un deuxième amendement, déposé par M. Limpo, consistant à supprimer l'alinéa 2 de l'article 188 concernant le recours ponctuel au vote électronique. Souhaitez-vous vous exprimer, Monsieur le député ? (Commentaires.)

M. Miguel Limpo (Ve). Merci, Monsieur le président. Je voudrais revenir davantage sur le côté symbolique de l'e-voting, de l'e-electing. Je ne sais pas si les députés du Grand Conseil ont une confiance aveugle en l'informatique ou s'ils ne voient pas vraiment bien quels sont les enjeux. Quoi qu'il en soit, en commission, le débat ne portait pas sur le fait de savoir si la sécurité était parfaite, et je suis surpris d'entendre dans cette salle que ce mode de scrutin sera encore plus sûr que le vote par correspondance et que c'est un aboutissement !

Je suis aussi surpris de voir une sorte de contradiction entre ce qu'on demande à la population, c'est-à-dire d'avoir une confiance aveugle en l'informatique, et ce que nous faisons dans d'autres domaines. Peut-être qu'un jour nous voterons depuis chez nous... Cela posera sans doute un certain nombre de problèmes, mais enfin, pourquoi pas, si cette assemblée y est favorable.

Comme je le disais, je suis surpris de voir à quel point, dans ce parlement, nous donnons de l'importance à certains événements - nous ritualisons des choses, par exemple avec la loi sur le protocole - et nous donnons aussi de l'importance à la présence des personnes; or finalement, pour la population, eh bien, on demande le contraire, c'est-à-dire de voter chez soi... (Brouhaha.) ...de ne pas ritualiser quelque chose d'important, le droit de vote, qui se pratique ainsi dans le monde parce que c'est encore la manière la plus logique de faire. (Brouhaha.)

Et puis, il a été dit plusieurs fois que les citoyens auront toujours la possibilité de voter par bulletin... Oui, peut-être, mais les conséquences qui découleront du vote par internet, tout le monde devra les assumer. C'est pour ces raisons que les Verts s'opposeront fermement à l'e-electing et accepteront cet amendement. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Comme l'a dit fort justement ma préopinante - ou, plutôt, la rapporteuse de deuxième minorité - ce ne sont pas les mentalités qui évoluent, mais peut-être que l'on pourrait arriver à reconsidérer les choses différemment, car les discussions n'ont pas été complètes. En lisant bien l'article 188, alinéa 2, on peut s'interroger sur le fait que «Le Conseil d'Etat peut décider par arrêté». Et il est vrai qu'en commission l'UDC s'est interrogée par rapport à cette phrase - «par arrêté». En effet, l'actualité nous montre que la virtualisation est devenue omniprésente. Or, c'est une passoire ! Pas plus tard que ces derniers temps, nous avons appris que, en utilisant Skype ou je ne sais quel autre système, des logiciels malicieux, à l'insu de tout le monde, peuvent tout savoir...

Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC soutiendra cet amendement par rapport à cet arrêté, mais par le fait que l'on parle uniquement d'élections, et pas de votations. Dans les élections, tellement de paramètres interviennent ! Et peut-être qu'il est si facile de tricher que, même si la sécurité est actuellement optimale - des experts nous en ont parlé - elle n'est pas maximale, car il semblerait que le maximum n'est pas atteignable en ce domaine.

Je le répète, nous sommes sensibles à l'amendement des Verts, mais uniquement parce qu'on parle là d'arrêté - en somme, la décision quant aux élections échapperait une fois de plus à votre Grand Conseil. C'est la raison pour laquelle nous accepterons l'amendement présenté par les Verts.

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de majorité. Monsieur Limpo, «confiance» ne veut pas dire «confiance aveugle»... Si vous lisez les débats qui ont conduit à la mise en place du vote par correspondance il y a déjà quelques années, vous verrez que les parlementaires avaient à peu près les mêmes craintes que les vôtres. Pourtant, personne maintenant ne cherche à remettre en question le vote par correspondance !

Monsieur Limpo, il faut parfois savoir faire confiance, et c'est ce que nous désirons avec ce projet de loi: nous faisons confiance au Conseil d'Etat; nous faisons confiance aux différents services; nous faisons confiance à la chancellerie et à Mme la chancelière, pour mettre en oeuvre un véritable projet d'élection par internet.

Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Nous arrivons à la fin de ce débat...

Des voix. Ah !

Mme Catherine Baud. Nous souhaitons que l'amendement présenté par les Verts soit accepté et que le vote par internet soit refusé. Si tel n'est pas le cas, nous devrons malheureusement refuser l'intégralité de ce projet de loi. Nous le regretterions sincèrement, parce que les différents éléments de ce projet de loi - nous l'avons déjà indiqué - sont tout à fait utiles. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas accepter le principe d'un paquet ficelé, car le sujet est important.

Nous vous demandons donc d'accepter cet amendement, tel qu'il est proposé par M. Limpo.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons nos travaux - nous sommes en troisième débat... (Remarque.) Monsieur Jacques Jeannerat, vous avez la parole.

M. Jacques Jeannerat (R). J'aimerais juste, Monsieur le président, exprimer mon étonnement. En effet, pour moi, le parti des Verts est un parti progressiste, un parti qui... Qui regarde devant. (Applaudissements. Commentaires.) Qui regarde devant ! Alors, quand ses représentants nous parlent de symbolique et nous expliquent leur opposition à cet outil moderne permettant à la démocratie de se développer, je m'inquiète ! Je suggère aux Verts, plutôt que de présenter un amendement supprimant le vote électronique, de demander l'introduction de la Landsgemeinde sur la plaine de Plainpalais ! Ce sera plus sûr ! (Rires. Applaudissements. Exclamations. Le président agite la cloche.)

Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Juste quelques mots encore. Nous ne voulons pas supprimer le vote électronique, nous demandons simplement que le Conseil d'Etat ne mette pas en oeuvre les élections par internet. Le reste est rentré dans notre système juridique, et nous ne demandons pas de le supprimer ! Nous souhaitons simplement que l'on en reste là, que l'on n'aille pas plus loin dans cette démarche.

Nous les Verts sommes effectivement progressistes, mais nous sommes aussi méfiants et - je crois, à juste titre - nous ne faisons pas aveuglément confiance à la chancellerie ni au Conseil d'Etat.

Des voix. Oh !

Mme Catherine Baud. Et nous avons aussi le droit de donner notre avis ! (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'amendement proposé par M. Miguel Limpo: «Article 188, alinéa 2 (biffé, l'alinéa 3 ancien devenant l'alinéa 2).»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 23 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 188, al. 2 et 3 (nouveaux), est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Mise aux voix, la loi 10804 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui contre 16 non et 2 abstentions.

Loi 10804

M 2019
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Bavarel, François Lefort, Lydia Schneider Hausser, Mathilde Captyn, Jacqueline Roiz, Eric Leyvraz, Jean-Louis Fazio, Antoine Droin, Brigitte Schneider-Bidaux : L'Etat de Genève ne doit pas être complice de l'accaparement des terres dans les pays du sud

Débat

M. Christian Bavarel (Ve). Nous venons de terminer un débat important... (Brouhaha.) ...et nous allons en commencer un autre... (Brouhaha.)

Des voix. Chut !

M. Christian Bavarel. ...ce qui explique peut-être la difficulté d'avoir le silence dans cette salle.

Mesdames et Messieurs les députés, une conférence de financiers s'occupant d'acheter des terres agricoles dans les pays du Sud s'est tenue à Genève le 7 juin. Ce n'est pas le sujet qui préoccupe notre parlement, j'en conviens, il y a des groupes financiers qui se réunissent à Genève. Ce qui nous a touchés ici, en relation avec cet objet, c'est que cela s'est fait avec le soutien de l'Etat de Genève; cette conférence a été convoquée avec le logo de l'Etat de Genève et son aide. (Brouhaha.)

Je rappelle que dans notre pays, pour pouvoir être propriétaire agricole - nous nous sommes fixé des règles pour participer à notre souveraineté alimentaire - il faut être agriculteur. Si vous ne l'êtes pas, vous ne pouvez pas acheter du terrain agricole; et les sociétés, les personnes morales, ne le peuvent pas non plus.

Nous nous trouvons ici avec des pratiques qui sont contraires à notre loi fédérale sur l'agriculture et à notre loi genevoise sur la promotion de l'agriculture. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Elles vont à l'encontre de ce que défendent les agences onusiennes, s'agissant de l'alimentation des populations; elles vont à l'encontre des sommes que nous dépensons pour l'aide au développement; elles vont à l'encontre des conventions de Genève sur la dignité humaine et sur le fait que les uns et les autres puissent être respectés dans leur droit à la propriété, même s'ils n'ont pas de titre de propriété au sens classique... (Brouhaha.) ...mais notre droit fédéral reconnaît le droit coutumier; et, enfin, elles vont à l'encontre des règles concernant l'utilisation des armoiries de ce canton. Cela fait beaucoup de règles qui sont, je dirai, violées par ce soutien, et nous demandons qu'au moins cette motion soit étudiée à la CACRI, de sorte que nous puissions examiner plus en détail la manière dont l'Etat de Genève apporte son appui.

Nous devons défendre extrêmement clairement notre agriculture en Suisse, mais je pense que nous devons aussi le faire pour les pays du Sud. Nous avons eu un débat tout à l'heure concernant les personnes qui fuient leur pays pour des questions politiques ou financières et qui demandent l'asile; nous sommes nombreux ici à dire qu'il est essentiel que les pays du Sud puissent produire de la nourriture à l'endroit où vivent les gens et nous pensons que l'Etat de Genève ne doit pas soutenir le type de conférence ou d'action dont il est question au début de mon intervention. (Applaudissements.)

Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président

M. Eric Leyvraz (UDC). J'avais déposé, un mois avant cette motion, une interpellation urgente écrite intitulée: «La République et canton de Genève n'a-t-elle rien à faire du développement durable ?» Il me semblait en effet, ainsi que l'a indiqué M. Bavarel, que l'Etat de Genève soutenait, comme en 2010, un cycle de conférences où les orateurs développaient les thèmes chers à l'agriculture industrielle et prônaient la mainmise de grands groupes sur les ressources naturelles.

Or, il est patent que cette politique se propage principalement dans les pays pauvres du Sud qui bradent leurs terres en les louant ou en les vendant à des pays inquiets de l'approvisionnement futur de leur population. Cela conduit aussi à une utilisation détournée de l'eau indispensable aux habitants locaux. Les petits paysans de ces pays sont chassés de leurs terres. Nous savons qu'il n'y a pas de cadastre et qu'il n'y a pas de titres propriété dans ces pays. On détruit les connaissances sur les plantes indigènes, les méthodes de culture et, aussi, la culture paysanne. Et tout cela est très grave - je suis d'ailleurs désolé qu'il y ait aussi peu de monde pour écouter - car ce sera une source de conflits futurs ! Cela a du reste déjà commencé... La révolution ayant eu lieu récemment à Madagascar était liée à la proposition d'achat, faite par un groupe coréen, de 1,3 million d'hectares de terres cultivables ! Je vous rappelle aussi que 70 millions d'hectares - c'est plus que la surface de la France - ont été achetés ou loués, et cela principalement en Afrique, par certains pays voulant s'assurer de pouvoir nourrir leur population.

Vous savez que le rapport du Conseil mondial de l'agriculture, projet mondial élaboré à la demande des Nations Unies par 400 spécialistes de l'agriculture, parvient à la conclusion - donc ce que je vous signale n'est pas dépassé ou n'est pas une vision idéale de l'agriculture ! - eh bien, il parvient à la conclusion sans ambiguïté que la solution durable du problème de la faim dans le monde ne peut être trouvée que grâce à une agriculture multifonctionnelle, régionale et portant sur des petites surfaces. Par conséquent, tuer les petits paysans, c'est tuer la nourriture dans le monde, c'est tuer les gens du tiers monde, qui ont déjà faim ! Et cela, nous ne pouvons pas l'accepter !

Mesdames et Messieurs, je n'ai pas l'intention de donner des leçons au monde entier: je veux simplement vous dire, à vous, à l'Etat, à nos assurances, à nos caisses de pension, à nos fonds de placement que, non, nous ne voulons pas que vous placiez de l'argent dans des projets spoliateurs ! Non, ne voulons pas de ce néocolonialisme - c'est un mot galvaudé, mais, en l'occurrence, il est tout à fait pertinent...

Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !

M. Eric Leyvraz. ...ce néocolonialisme qui va à l'encontre du développement durable et qui se fait au mépris des plus miséreux de la planète !

Je demande donc que cette motion ne soit pas votée à la va-vite, mais qu'elle soit d'abord renvoyée à la CACRI, afin que nous puissions discuter de ce sujet essentiel qu'on ne peut pas mettre de côté. (Applaudissements.)

M. Roger Golay (MCG). Certaines invites de cette motion n'apportent rien de plus par rapport à ce qui existe déjà. Je pense notamment aux invites suivantes: «à vérifier que les fonds de pension publics ne soient pas impliqués dans l'accaparement des terres agricoles; à rendre les caisses de pension publiques attentives aux enjeux des investissements liés à l'agriculture». Vous savez tous que les caisses de pension ont aujourd'hui d'énormes difficultés à parvenir au taux de couverture de 100%. La quasi-totalité des caisses en Suisse sont en dessous, alors qu'elles doivent fournir les prestations des pensionnés. Et nous sommes conscients des risques que courent ces caisses par rapport aux garanties de l'Etat ou à l'augmentation des cotisations des sociétaires.

Que propose-t-on aujourd'hui ? Une surcharge de tracasseries supplémentaires à ces caisses, alors qu'elles ne maîtrisent pas leur gestion ! Vous le savez, la LPP - loi sur la prévoyance professionnelle - a des implications très strictes, avec des stratégies de placement: un tiers dans les marchés financiers, un tiers dans les obligations, un tiers dans l'immobilier, 10% pour les liquidités, etc. Je ne vais pas faire un cours à ce sujet, mais vous devez savoir que les caisses ont des contraintes très strictes à ce niveau.

Cette motion représente un manque de considération envers les conseils d'administration, qui veillent déjà à respecter une éthique. Du reste, pratiquement toutes les caisses publiques et privées font partie de la fondation Ethos, qui est suisse et favorable au développement durable. Cette fondation a été créée en 1997 à Genève. Elle a pour but, premièrement, de favoriser la prise en compte, dans les activités d'investissement, des principes du développement durable et des règles de bonne pratique en matière de gouvernement d'entreprise; et, deuxièmement, de promouvoir un environnement socioéconomique stable et prospère au bénéfice de la société civile dans son ensemble, qui préserve les intérêts des générations futures.

Les caisses de pension veillent par exemple à ne pas investir dans l'armement. Mais il faut tout de même savoir que les fonds de placements des caisses comportent des centaines, voire des milliers d'actions différentes; dès lors, comment leur demander de vérifier que chaque action va bien dans le sens de ce que veulent les Verts ? Prenons, par exemple, le leadership de l'agroalimentaire suisse...

Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !

M. Roger Golay. Oui, je conclus ! Qui nous dit que les filiales de cette société respectent tous les critères fixés ?

Pour terminer - puisque nous ne disposons pas de beaucoup de temps pour discuter - je dirai que cette motion est malicieuse, sournoise, et qu'elle va à l'encontre des intérêts des milieux économiques de notre pays: demain, on s'attaquera aux banques; ensuite, à la pétrochimie; et nous finirons par fermer nos usines et nos entreprises ! Seulement, c'est le but - sournois, comme je l'ai dit - des Verts, qui est de s'attaquer à l'économie privée de notre pays et aux caisses publiques.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien est préoccupé par ce problème et soutient vigoureusement les invites de cette motion. Or un souci se manifeste au niveau de la discussion de cette motion, car il y a eu des allégations quant au comportement du Conseil d'Etat. Nous ne sommes pas d'accord avec le parti des Verts: nous avons une autre vision des choses. Nous avons entendu d'autres explications données par certains conseillers d'Etat; nous voulons par conséquent que la CACRI se saisisse de cette motion, afin de savoir exactement quelle a été l'implication du Conseil d'Etat dans cette affaire.

Il est évident - cela a été indiqué par M. Leyvraz et par le groupe des Verts - que nous ne pouvons pas demander à d'autres pays d'effectuer ce que nous ne faisons pas dans notre propre pays ! En Suisse, nous protégeons les terrains agricoles, seuls les agriculteurs pouvant être propriétaires de terres agricoles, mais nous ne pouvons pas demander aux pays étrangers d'agir différemment de ce qu'ils font, ni demander aux entreprises se trouvant en Suisse de se comporter autrement à l'étranger.

M. François Haldemann (R). Ecoutez, cette motion part du principe que l'Etat de Genève, en patronnant une conférence donnée à Genève, soutiendrait - j'insiste sur l'emploi du conditionnel - l'accaparement des terres dans les pays du Sud... Rien n'est plus faux !

Sur la forme, nous observons que les considérants de cette motion, qu'il s'agisse de la loi fédérale sur l'agriculture ou de la loi cantonale sur la promotion de l'agriculture, ne concernent en rien l'agriculture pratiquée hors de notre territoire ! Sur le fond, le PLR soutient le modèle d'exploitation agricole familiale, tel qu'il prévaut en Suisse depuis toujours, mais ce modèle n'est pas forcément applicable partout dans le monde, il faut le savoir !

Ce qui est certain - mais vraiment certain ! - c'est que l'agriculture, en tant que secteur économique, nécessite toujours - toujours ! - des sources de financement pour pouvoir se développer. Et il nous paraît évident que certains pays souhaitent développer leur secteur agricole, parfois le seul secteur capable de créer de la richesse et de l'emploi chez eux.

Nous pouvons clairement adhérer à tous les principes édictés par le rapporteur spécial des Nations Unies - principes qui figurent clairement dans la motion - sur le droit à l'alimentation, de sorte que si des investisseurs internationaux acquièrent des terres, cela ne signifie pas qu'ils puissent spolier les populations locales. Néanmoins, cette motion suppose que c'est systématiquement le cas... Et franchement, nous ne pouvons pas le croire ! Les investissements dans l'agrobusiness ne se réalisent pas forcément et pas toujours uniquement en acquérant des terres... Mais, souvent, ils se font dans des sociétés qui traitent, analysent, transforment, expédient des matières premières; cela ne passe donc pas forcément par l'acquisition de terres.

Pour terminer, les fonds de pension publics ou privés comme fonds d'investissement sont souverains ! Souverains en tant que représentants légaux des cotisants et des futurs bénéficiaires, qui doivent orienter la politique d'investissement de leurs établissements. En aucun cas le Conseil d'Etat, même sous l'impulsion d'une motion issue du pouvoir législatif, ne détermine ce que doivent faire ces fonds d'investissement. Raison pour laquelle nous souhaitons que vous refusiez cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, ne trouvez-vous pas qu'il est agréable de débatte dans le calme et la sérénité, comme c'est le cas en ce moment ? Puissions-nous continuer de cette manière jusqu'à 23h ! Je donne la parole à M. le député Antoine Droin.

M. Antoine Droin (S). J'espère, Monsieur le président, que je ne vais pas allumer de feu, mais je crois rêver en entendant les propos de M. Golay ou de M. Haldemann ! Quels sont les grands défis du XXI  siècle ? Précisément l'alimentation, les questions liées à l'agriculture ! Et que peut-on constater aujourd'hui ? Qu'un tiers de la population, même pas, vit au détriment des deux autres tiers ! On ne parle pas forcément d'agriculture, mais de souveraineté d'un territoire ! On parle de populations locales ! On parle de personnes qui doivent avoir le droit de pouvoir travailler leurs terres ! On ne parle pas de fonds de pension ou d'Etats qui deviendraient, pour leur bénéfice, propriétaires dans des pays tiers ! Alors que nous sommes déjà archinantis ! La colonisation est terminée, Mesdames et Messieurs les députés !

L'achat de terres actuellement n'est rien moins qu'une nouvelle colonisation: une colonisation économique ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est proprement inadmissible de nos jours ! Nous devons absolument penser en termes de partage des ressources, en termes d'agriculture qui profite à tous et pour tous, en incluant aussi les populations locales si l'on devait utiliser une partie de leurs terres.

Mesdames et Messieurs, aujourd'hui j'aurais envie de vous demander de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, afin de donner le signal fort que notre parlement est solidaire avec les populations du Sud. Mais je me rallierai tout de même à la proposition de renvoi de cette motion à la CACRI; puisque débat il doit y avoir, débat il y aura ! Et j'invite celles et ceux qui ont un peu de courage à renvoyer cette motion, afin que nous puissions avoir un vrai débat en plénière.

Présidence de M. Renaud Gautier, président

M. Edouard Cuendet (L). Cette proposition part d'une intention tout à fait louable et les principes qui sont défendus sont également tout à fait honorables, mais ils sortent évidemment du champ de compétence du canton, c'est le cas de le dire !

Ce qui me gêne un peu, c'est le ton de ces motions où l'on tombe vite dans le procès d'intention. C'est un ton moralisateur. J'ai aussi un peu de peine à suivre le soutien inconditionnel au rapporteur de l'ONU sur la nutrition. On sait bien que c'est M. Jean Ziegler qui s'est beaucoup occupé de ces questions... (L'orateur est interpellé.) Oui, mais il s'est beaucoup prononcé sur ces questions et il a beaucoup décrédibilisé ce message !

Quant aux caisses de pension étatiques, M. Bavarel sait très bien - nous en parlons souvent à la commission des finances et nous sommes assez d'accord sur ce sujet - qu'on leur fait aussi un procès d'intention. Elles sont très conscientes de ces problématiques; elles travaillent étroitement avec la Fondation Ethos, qui est l'exemple même d'une fondation préoccupée par le développement durable.

Et puis, je suis d'accord avec mon collègue Golay: quand on sait que le taux de couverture de la CIA est en dessous de 50%, il faudrait aussi s'en préoccuper, de même que de ses actions en matière de développement durable. Car les premiers à couiner quand ils ne perçoivent plus leurs rentes sont les mêmes qui viennent nous dire maintenant comment les caisses de pension doivent agir pour le moindre investissement... Il y a donc une contradiction entre la réalité et la pratique. Dès que le porte-monnaie des auteurs de la motion est touché, ils sont déjà beaucoup moins enthousiastes.

Encore un élément sur lequel je voudrais revenir. J'ai été très touché par le vibrant plaidoyer de mon collègue UDC Eric Leyvraz, mais, sachant que son parti n'est pas forcément le plus grand ami du tiers monde, je trouve qu'il devrait montrer plus de cohérence avec la politique générale de son parti, lequel passe le plus clair de son temps à taper sur les pays du Sud. Et sa grande envolée lyrique pour l'agriculture mondiale me paraît moyennement crédible.

J'imagine que le parlement va décider de renvoyer cette motion à la CACRI... A mon avis, ce texte revêt une certaine hypocrisie et adopte un ton moralisateur qui me paraît assez déplacé.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Philippe Morel, à qui il reste une minute cinquante.

M. Philippe Morel (PDC). Je renonce, Monsieur le président !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Nous allons nous prononcer sur le renvoi de cet objet à la CACRI.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2019 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est adopté par 45 oui contre 32 non et 1 abstention.

R 672
Proposition de résolution de Mmes et MM. Roger Deneys, Marie Salima Moyard, Anne Emery-Torracinta, Lydia Schneider Hausser, Christine Serdaly Morgan, Irène Buche, Antoine Droin : Solidarité avec la Grèce : pour le gel immédiat des avoirs grecs déposés en Suisse ! (Droit d'initiative cantonal)

Débat

M. Roger Deneys (S). Cette proposition de résolution socialiste vise à obtenir le soutien rapide et immédiat de la Suisse à nos voisins, certes lointains, grecs. (Brouhaha.)

Aujourd'hui, la Grèce traverse une crise sans précédent. (Brouhaha.) Sa dette extérieure est de l'ordre de 350 milliards et l'on demande aux citoyens grecs de contribuer quotidiennement à un plan d'austérité... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) J'espère que vous rajouterez quelques secondes à mon temps de parole, Monsieur le président ! ...donc, un plan d'austérité sans précédent. Les rentes sont revues à la baisse - environ 20% - les salaires sont diminués de façon conséquente et les licenciements sont nombreux. La Grèce connaît une crise très grave, qui n'est pas sans répercussions sur le reste de l'Europe, vous le savez sans doute. L'Europe entière est en émoi, en ébullition, au bord de l'effondrement, parce qu'elle n'arrive pas à se mettre d'accord pour aider un de ses membres, la Grèce.

En quoi cela concerne-t-il la Suisse ? Eh bien, la réponse est très simple: les Grecs, depuis toujours, pratiquent massivement l'évasion fiscale en déposant notamment leur argent dans les banques suisses. Le ministre grec des finances a évalué que cela représentait 10 à 15 milliards d'euros par année - cela figure dans un article du «Figaro» de juin dernier - et le montant total des avoirs grecs déposés en Suisse pourrait atteindre 280 milliards d'euros !

Face à cette situation, on peut se demander si l'argent déposé par les riches contribuables - théoriques - grecs ne pourrait pas préserver la Grèce et l'Europe d'un dépôt de bilan ou d'un échec politique majeur susceptibles de remettre en cause un des principaux acquis du XXe siècle, à savoir la construction d'une Europe de paix et de solidarité.

Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, les Suisses ne peuvent pas ignorer leurs responsabilités: la Suisse a de l'argent grec dans ses banques, argent qui n'est pas déclaré au fisc grec. Pour cette simple raison, il n'est pas admissible de tolérer, alors que les classes moyennes et les classes défavorisées grecques font des efforts importants...

Le président. Monsieur le député, il vous reste quinze secondes !

M. Roger Deneys. ...il n'est pas admissible que les Grecs les plus aisés ne soient pas aussi mis à contribution pour résoudre la crise grecque, peut-être sous forme d'un accord de double imposition. Taxés comme dans le cadre de l'accord avec la Grande-Bretagne, ces montants permettraient de recueillir rapidement 40 à 50 milliards d'euros, ce qui résoudrait les problématiques actuelles de la Grèce.

Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons par conséquent d'accepter cette résolution, pour que les Chambres fédérales soutiennent cette démarche. Genève est une place financière, elle doit penser à son avenir. Le secret bancaire à la papa est terminé... (Exclamations.) ...et il faut aussi songer à l'avenir de la Suisse ! Je vous demande donc d'assumer vos responsabilités en soutenant cette résolution. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Edouard Cuendet.

Des voix. Ah ! (Chahut.)

M. Edouard Cuendet (L). Monsieur le président, tout d'abord, je précise que je ne suis pas soumis à l'article 24, car je ne suis pas grec ! (Rires.)

Cela étant dit, je constate qu'une partie du groupe socialiste a déposé cette résolution. Je dis bien «une partie», seulement. Et, d'ailleurs, il est assez intéressant de constater que les signataires ont été peu suivis... En effet, les autres députés ayant compris le caractère totalement illégal et anticonstitutionnel de cette résolution, ils ne l'ont pas signée, et je les en félicite ! Au fond, le parti socialiste demande, dans sa résolution, le gel immédiat, sans base légale, de, sans distinction, tous les avoirs placés par des citoyens ou entreprises grecs dans les banques exerçant en Suisse et de transmettre, sans autre forme de procès, au gouvernement grec la liste de tous les déposants et montants déposés... Evidemment, ces invites sont totalement contraires à la Constitution fédérale, puisque celle-ci prévoit une protection de la sphère privée, notamment financière. Par conséquent, c'est déjà anticonstitutionnel !

De plus, le parti socialiste genevois préconise la transmission sauvage de données à un pays étranger, ce qui est totalement incompatible avec nos principes de droit fondamentaux, alors même qu'il existe une convention de double imposition signée avec la Grèce. Et si cette dernière le jugeait utile, elle pourrait tout à fait formuler des demandes d'entraide. D'ailleurs, des discussions ont commencé entre la Suisse et la Grèce dans la perspective d'un accord légal - mais pas une solution sauvage, comme présentée par le parti socialiste - en vue d'une coopération entre les deux pays pour des cas avérés.

Mais le plus grave dans cette résolution proposée par les socialistes, c'est qu'ils cachent - évidemment, et l'on comprend bien pourquoi - la vraie raison de la situation de la Grèce ! La Grèce, tout le monde le sait, a une fonction publique pléthorique. Puisque les socialistes aiment bien citer les études de Transparency International, je vous signale que la Grèce se trouve au 78e rang - ça va vers le haut, donc ! - des pays les plus corrompus, juste après la Chine et Vanuatu; son taux de corruption est donc élevé. L'économie au noir représente plus de 25%. En outre, le gouvernement grec et son administration ont cru bon d'investir entre 3,5 et 4% des revenus dans l'armement et l'armée grecque. On voit bien que le gaspillage est gigantesque. Et c'est cela que le parti socialiste soutient, ce qui m'étonne de la part d'un parti qui est en général contre l'armée !

En réalité, le parti socialiste ne s'intéresse absolument pas au sort de la Grèce. Ce qui l'intéresse, c'est de taper, comme d'habitude, sur la place financière genevoise et ses 34 000 emplois. La liste est longue: la dernière en date c'est quand, dans une feuille de chou financée par les contribuables, Mme Sandrine Salerno a vomi sur la place financière; et M. Sommaruga a aussi récemment souhaité que la place financière genevoise subisse la même cure d'amaigrissement que l'horlogerie dans les années 70.

Le président. Monsieur le député, il vous reste quinze secondes !

M. Edouard Cuendet. M. Jean Ziegler a également crié sa haine contre la place financière... Tout cela s'inscrit dans une stratégie globale du parti socialiste contre la banque et l'emploi bancaire. Je vous invite à rejeter cette proposition illégale et anticonstitutionnelle. Merci !

Des voix. Bravo ! (Exclamations. Applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC). En effet, comme l'a dit mon préopinant, la résolution déposée par le groupe socialiste est purement démagogique et, à mon sens, inique. Les invites de cette résolution - c'est assez dramatique - sont tout à fait anticonstitutionnelles. Il s'agit en réalité d'une attaque en règle contre la Suisse et contre son système financier; 34 000 emplois dans ce secteur à Genève, sans compter la sous-traitance, c'est certainement le domaine numéro un à Genève.

Pourtant, notre pays a été le premier à geler les avoir tunisiens de la famille Ben Ali et de ses proches. M. Ben Ali comme du reste M. Kadhafi sont des membres de l'Internationale Socialiste, faut-il le rappeler... (Brouhaha.)

Récemment, dans l'affaire lyonnaise, le procureur Schmid, qui est l'un de vos... L'un de vos - comment dire...

Une voix. Un de vos proches !

Une autre voix. Acolytes !

M. Christo Ivanov. Un de vos acolytes, un de vos proches, n'est-ce pas... (Brouhaha.) ...a été chargé d'instruire l'affaire de Lyon par le ministère public, ce qui prouve, si besoin était, que la Confédération collabore avec les Etats à tous les niveaux. La Suisse est d'ailleurs très bien notée par l'OCDE en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment. Beaucoup de pays devraient en prendre de la graine, à commencer par le Royaume-Uni et ses nombreux paradis fiscaux, sans oublier les Etats-Unis avec l'Etat du Delaware !

Dans cette affaire, le gouvernement grec de M. Papandréou - qui est aussi socialiste, faut-il le dire - a demandé l'aide de la Confédération, et une négociation est en cours. Par conséquent, votre résolution n'est qu'un coup d'épée dans l'eau.

En ce qui concerne la crise grecque, la dette publique s'élevait à 142,5% du PIB à la fin du premier trimestre 2011. Imaginez, Mesdames et Messieurs les socialistes, que nous soyons dans l'Europe aujourd'hui... Eh bien, nous devrions passer à la caisse ! Et c'est grâce à l'UDC que nous ne sommes pas dans cette galère européenne, il convient de le relever ici.

Une voix. Bravo !

M. Christo Ivanov. Par conséquent, le groupe UDC vous demande bien évidemment de refuser cette résolution démagogique et inique. (Applaudissements.)

M. Philippe Morel (PDC). La Grèce appartient aux Grecs.

Des voix. Ah !

M. Philippe Morel. C'est vrai, ce pays est malade, mais, pour soigner la maladie encore faut-il que le patient veuille se laisser traiter ! Il y a un problème dans la fiscalité: environ 12 à 14% des Grecs remplissent une déclaration d'impôts... Nous les aimons tous - nous sommes allés en vacances en Grèce - ce sont des gens charmants, mais il faut savoir que seuls 15% d'entre eux remplissent une déclaration d'impôts, et beaucoup ont un deuxième travail sur lequel ils ne payent pas d'impôts. C'est un premier problème.

Le deuxième problème, bien sûr, c'est la fuite des capitaux. Sur ce point, les chiffres varient. En 2009, il y avait, semble-t-il, environ 2 milliards d'euros dans les banques suisses. Depuis lors, les instances grecques ont déclaré qu'environ 38 milliards ont été placés en Suisse. Ce qui fait à peu près 40 milliards d'euros sur une dette qui est de 400 milliards d'euros. Ce montant est certes important, mais, par rapport à la dette de la France, qui atteint presque 1300 milliards d'euros, ou celle de l'Italie, qui s'élève à 2000 milliards, comment devrons-nous faire avec nos banques pour aider à résoudre le problème des capitaux italiens ou français qui ont fui en Suisse ? C'est un problème extrêmement difficile.

Il est vrai que si la Grèce devait arriver à la faillite, à la banqueroute, ce serait une catastrophe pour le reste de l'Europe. Parce qu'un défaut de paiement de la Grèce aboutirait à un défaut de paiement de l'Italie, de la France, de l'Espagne, et, finalement, à l'écroulement du système monétaire européen.

L'autre possibilité, évidemment, c'est que la Grèce sorte de l'euro, sorte de l'Europe, reprenne la drachme et dévalue de 40 à 50% - l'Europe est soulagée, mais la Grèce croule à ce moment-là et la population grecque souffre... Nous devons donc soutenir ce pays, c'est indiscutable. Mais pour soutenir le malade, il faut qu'il accepte de se faire traiter et il faut que les autorités grecques acceptent de régler les problèmes qui existent au sein de l'Etat.

Des négociations sont en cours, cela a déjà été dit, entre le ministère grec et la Suisse. Cela a été confirmé par M. Mario Tudor, du ministère des finances. Ces négociations en cours vont peut-être aboutir à des transactions, mais, évidemment, il est actuellement illégal de bloquer ces avoirs. Illégal parce que, en Grèce, la procédure pénale ne peut être instituée que contre une seule personne. Et, en Suisse, la faute pénale pour fuite de capitaux n'est pas reconnue. D'autre part, l'entraide administrative systématique est, bien sûr, refusée par notre pays, on le comprend, et on a tous - presque tous - regretté les pressions auxquelles les banques ont été soumises ces derniers temps. Il s'agit donc d'une négociation, qui est en cours, laquelle doit aboutir au traitement de la maladie...

Le président. Monsieur le député, il vous reste quinze secondes !

M. Philippe Morel. Merci, Monsieur le président ! ...avant de tenter de combler le déficit grec. Combler le déficit n'est donc qu'une petite partie du problème: il faut éviter qu'il ne se creuse ultérieurement. Par conséquent, nous vous recommandons - le PDC - de refuser cette résolution.

M. Mauro Poggia (MCG). Nous pouvons parfois avoir quelques affinités passagères avec nos amis socialistes, mais, là, cette proposition de résolution est d'une irresponsabilité crasse. Je ne pense pas une seconde que le premier signataire, M. le député Roger Deneys, ait imaginé pouvoir convaincre cette assemblée du bien-fondé de ce qu'il nous demande. Manifestement, il recherche une tribune pour pouvoir vomir sur un capitalisme qui lui permet de subvenir à ses besoins. Parce qu'il considère sans doute qu'il faut rester à mai 68, heure à laquelle son horloge biologique a dû s'arrêter... (Rires. Applaudissements.)

Quoi qu'il en soit, nous remercions les socialistes de «penser à la place financière suisse» - pour reprendre les propos de M. Deneys. «Penser à la place financière suisse», c'est donc la miner de l'intérieur. C'est faire une autoflagellation et ouvrir grand les portes à l'entraide internationale, même à ceux qui n'ont encore rien sollicité ou, en tout cas, dont les demandes n'ont jamais été acceptées.

Nous ne sommes pas les agents des fiscs étrangers, que les choses soient bien claires ! L'argent sale ne doit pas rester chez nous. Mais, si les personnes qui placent leurs économies chez nous considèrent qu'il y est plus en sûreté que chez elles, ce problème vient de chez elles et doit être réglé chez elles. Nous n'avons pas à prêter la main à des méthodes comme celles qui oppriment notre système financier depuis maintenant des mois ! Ce que vous faites, Monsieur Deneys, c'est miner la place financière dont ont besoin ceux qui vous élisent et qui vous placent là où vous êtes !

Cette proposition de résolution est, je le répète, totalement irresponsable ! Nous ne pouvons que la rejeter. Parce qu'il en va de la crédibilité de la Suisse non seulement à l'égard de l'étranger, mais à l'égard de ceux qui nous ont fait confiance jusqu'aujourd'hui et qui ont contribué à notre richesse. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Patrick Lussi, à qui il reste trente secondes.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je suis bien entendu d'accord avec tous ceux qui s'opposent à cette résolution. Néanmoins, je crois que ce débat nous permet d'affirmer que l'enfer socialiste est pavé d'intentions revanchardes ! Monsieur Deneys, la faillite du système grec, c'est la faillite du système socialiste ! Nous aurons d'ailleurs l'occasion de nous exprimer prochainement à ce sujet. Vous ne cessez de dire, dans vos chapelles, dans vos cellules, que la dette publique est nécessaire au bon fonctionnement. Eh bien, nous pouvons constater que nous sommes arrivés aux limites, et ces limites sont la faillite et la mise...

Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !

M. Patrick Lussi. Refusons, mais unanimement, cette résolution ! Je rejoins toutes les autres conclusions qui ont été faites ! Vous changez de sujet pour nous faire avaler une pilule ! Regardez plutôt ce que vous avez fait et où nous en sommes à cause de vous ! (Commentaires.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Eric Stauffer, à qui il reste cinquante secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Ce sera largement suffisant pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que, ce soir, j'ai honte d'être député. Parce que nous sommes en train de parler du problème grec au lieu de traiter les problèmes des Genevois: chômage, logement, j'en passe et des meilleurs !

Monsieur Deneys, je vous dirai ceci: si vous voulez un euro «light», c'est un euro «sans Grèce» ! Et je conclurai ainsi: si vous ne comprenez pas ce que je dis, eh bien, allez vous faire voir chez les Grecs ! (Exclamations.)

Monsieur le président, je demande une motion d'ordre, afin que le débat cesse et que nous passions au vote: nous avons assez perdu de temps avec les Grecs ! (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une motion d'ordre. Celles et ceux d'entre vous qui entendent priver M. Deneys de parole votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent. (Brouhaha durant la procédure de vote.)

Mise aux voix, la motion d'ordre (interruption du débat et vote immédiat de la proposition de résolution 672) est rejetée par 44 non contre 32 oui et 4 abstentions.

Le président. Monsieur Deneys, je suis ravi de vous passer la parole... (Rires.)

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier les démocrates qui siègent au sein de ce parlement, qui me donnent la possibilité de m'exprimer quelques minutes de plus sur ce sujet éminemment important... (Exclamations.)

Mon horloge biologique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ne s'est certainement pas arrêtée en 1968 ! Parce que la paix en Europe est l'un des enjeux majeurs du XXe siècle et date de la Deuxième Guerre mondiale. Ce n'est pas une anecdote ! Ce n'est pas un sujet d'humour ! Envisager une Europe collective dans un monde de paix aujourd'hui représente une avancée importante. Mais c'est difficile à vivre et difficile à réaliser. Et, en ce sens-là, Genève, place financière, porte sa part de responsabilité. (Exclamations.)

Il a d'ailleurs été évoqué, justement, que les hedge funds - que certains conseillers d'Etat souhaitent voir s'implanter à Genève - ont contribué à la spéculation contre la Grèce. Donc, la crise grecque actuelle est également liée aux pratiques financières, qui posent problème à toute l'économie réelle ! Le problème, c'est que la chimie, l'industrie horlogère, les PME, les machines-outils souffrent des pratiques actuelles des milieux bancaires !

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, le monde bancaire helvétique doit se réformer ! Le secret bancaire ne peut plus être pratiqué en accueillant des capitaux n'importe comment ! Je peux comprendre, évidemment, que certaines propositions de cette résolution puissent vous choquer, comme la diffusion des noms, mais, en réalité, ce qui compte le plus, c'est de bloquer les avoirs en question à très court terme, parce que, justement - mon éminent collègue Vert, François Lefort, l'a évoqué tout à l'heure - des négociations sont en cours ! Dès aujourd'hui, la Grèce demande un accord de double imposition, sur les mêmes bases que celui conclu avec l'Angleterre ! Après taxation, cela signifie que 20 à 30% de ces avoirs seront reversés au gouvernement grec, qui en a besoin !

Mesdames et Messieurs les députés, Genève, comme place financière, porte une double responsabilité en tant que Suisse et en tant que responsable du développement économique de ce canton. Il faut savoir s'adapter au monde d'aujourd'hui ! Si vous préférez subir les nuisances des Américains, de l'Allemagne ou de la France, qui peuvent exercer sur nous leur pouvoir économique...

Le président. Monsieur le député, il vous faut atterrir et terminer !

M. Roger Deneys. Merci, Monsieur le président ! ...si vous voulez en subir les conséquences, eh bien, soit, refusez cette résolution ! Par contre, si vous voulez réformer le monde bancaire helvétique et participer à la construction de la paix en Europe, il faut accepter cette résolution.

Le président. Monsieur le député, vous devez vraiment terminer !

M. Roger Deneys. Je vous remercie par avance de votre soutien. (Applaudissements.)

Le président. Nous allons... (Le président est interpellé.) Vous n'avez plus de temps de parole, Monsieur le député ! Mesdames et Messieurs, nous sommes en procédure de vote. Celles et ceux d'entre vous qui sont favorables à la proposition de résolution 672 votent oui... (Remarque.) Monsieur Lefort - tel le «renfort de Sézegnin»... Je veux bien vous céder la parole.

M. François Lefort (Ve). Monsieur le président, je serai bref. Je vous saurais gré, en général, de bien vouloir contenir les débordements orduriers, tels que ceux que nous avons pu entendre ce soir... (Remarque.) ...à l'encontre du peuple grec qui mérite notre respect. Quant à M. Deneys, il a le cuir suffisamment dur pour résister aux quolibets minables du MCG. (Brouhaha.)

Une voix. Bravo ! (Commentaires.)

Le président. Monsieur Stauffer, vous avez exactement dix secondes !

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, ce sera largement suffisant pour dire que nous n'avons pas de leçon à recevoir des Verts: au lieu de dépenser de l'énergie - eux qui veulent la préserver - qu'ils se taisent !

Le président. La parole est à Mme la députée Catherine Baud... (Remarque.) Qui renonce. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. (Commentaires. Brouhaha.) La vie privée des députés ne concerne pas ce parlement. (Rires.)

Mise aux voix, la proposition de résolution 672 est rejetée par 61 non contre 15 oui et 1 abstention.

PL 10827-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit autofinancé de 25'443'914F pour des travaux de renaturation du cours d'eau de l'Aire et de ses affluents - sécurisation du quartier Praille - Acacias - Vernets (3e étape : réalisation du tronçon aval pont de Lully - pont des Marais)

Premier débat

Le président. Nous entamons le point 21 de notre ordre du jour. Auparavant, je tiens à remercier la seule et unique représentante du Conseil d'Etat à être présente ce soir... (Applaudissements.) J'ai donc le plaisir de lui offrir un sujet qu'elle apprécie particulièrement: la renaturation de l'Aire. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Eh bien, écoutez, je vous propose de quitter les doux rivages de la mer Egée et du détroit de Corinthe pour revenir à un sujet bien de chez nous, je veux parler de la renaturation de l'Aire.

La commission des travaux a examiné ce projet de loi pendant deux ou trois sessions avec beaucoup d'attention et l'a accepté à l'unanimité. Ce projet présente deux avantages: le premier, c'est d'embellir cette région, qui a été sinistrée, comme on le sait, suite aux inondations qui ont eu lieu à Lully il y a quelques années; le deuxième, c'est de permettre la renaturation de tout ce secteur et la sécurisation du quartier Praille-Acacias-Vernets, actuellement menacé par les inondations qui pourraient se produire dans ce secteur. Il faut noter aussi que la Confédération apporte sa contribution à raison de 10 millions de francs de subventions fédérales pour ce projet. L'enveloppe globale de ce projet se monte à 40 millions et la participation du canton pourrait atteindre 25 millions.

Comme je l'ai déjà indiqué, la commission s'est prononcée à l'unanimité, et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre cette recommandation.

Il faut savoir que l'adoption de ce projet de loi était liée à l'adoption d'une motion concernant le pont de la Praleta. Cette motion ayant été acceptée hier soir par notre Grand Conseil, il n'y a plus aucune raison de rejeter ce projet de loi qui présente un immense avantage pour tout le secteur: Champagne, Confignon, Lully, Bernex, Acacias.

M. Pierre Weiss. Soral !

M. Guy Mettan. Soral, effectivement ! Du point de vue des affluents un peu plus lointains de l'Aire.

Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président

M. Christo Ivanov (UDC). Le projet de loi 10827 traite de la troisième étape de la renaturation de l'Aire et de ses affluents. Comme l'a indiqué notre collègue Guy Mettan, ce projet a été accepté à l'unanimité de la commission des travaux, car il est excellent. Et son financement est assuré.

Il convient de remercier ici les services de l'Etat en charge du dossier, MM. Wisard et Delavy, du service de renaturation des cours d'eau, qui effectuent un travail remarquable. Pour ceux qui se promènent vers la Seymaz ou dans la région de la Carisaie, allez aussi vers Choulex: vous verrez, tout a été fait dans les règles de l'art, avec la récupération des cailloux qui ont été traités sur place, et c'est une réussite fantastique.

Mais ce projet comportait un bémol, soit la suppression de la route de la Mourlaz qui reliait la route de Base à Confignon; hier soir, en votant la motion concernant le pont de la Praleta, cette affaire a été réglée. Par conséquent, le groupe UDC vous demande d'accepter le projet de loi 10827.

M. Serge Dal Busco (PDC). Depuis que les travaux de la deuxième étape - nous parlons maintenant de la troisième - ont été réalisés, c'est-à-dire ces dernières années, les rivages de cette rivière capricieuse qu'est l'Aire sont presque aussi doux que ceux de la mer Egée... Nous aspirons évidemment à ce que le prolongement de ce projet en direction de la ville, pour la concrétisation de cette troisième étape telle qu'elle est proposée par ce projet de loi, se réalise rapidement. L'hypothèque - la légère hypothèque ! - que nous avons évoquée hier concernant la coupure de la circulation ayant été levée, c'est avec un enthousiasme sans réserve que le groupe démocrate-chrétien vous invite à adopter ce projet de loi.

Je saisis cette occasion pour vous signaler que demain, à 11h, aura lieu sur le site, à proximité des tennis de Perly-Certoux, l'inauguration d'un ouvrage marquant de la deuxième étape, à savoir une magnifique passerelle en bois qui relie, et ce n'est pas si courant que cela, deux communes genevoises, celle de Perly-Certoux et celle de Bernex. Ce sera l'occasion, pour celles et ceux d'entre vous qui êtes disponibles, de voir sur le site cette magnifique réalisation, laquelle anticipe celle qui va faire l'objet de ce projet de loi. Donc, demain à 11h, inauguration de la passerelle des Bis entre Perly-Certoux et Bernex.

Mme Anne Mahrer (Ve). Effectivement, la renaturation de l'Aire est un succès, comme c'est un succès pour la Seymaz. Les très nombreux promeneurs qui y viennent chaque week-end nous le prouvent. C'est un succès pour les habitants, c'est un succès pour les communes, c'est un succès pour les pêcheurs; c'est un succès pour la faune et pour la flore, et nous nous en félicitons. La rivière a retrouvé un cours, elle s'étend à son aise. On pourrait dire qu'elle «se la coule douce», et nous nous en réjouissons. (L'oratrice est interpellée par un député.) Oui, et c'est une bonne chose ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous engage donc à voter ce projet de loi.

Mme Christiane Favre (L). J'ai eu le privilège, à l'époque, en tant que maire de Perly-Certoux, de faire partie du jury qui a récompensé le projet mis en oeuvre pour la renaturation de l'Aire. Les premiers tronçons qui ont été construits, notamment celui qui concerne le territoire de ma commune, que je connais particulièrement bien, est extrêmement réussi. C'est une réalisation magnifique, et je vous encourage, comme mon collègue Dal Busco, à venir voir cela sur place, demain samedi.

Mais il a fallu se battre, à l'époque, pour que ce projet ne soit pas seulement une réserve naturelle et qu'il profite aussi aux humains qui cohabitent dans cette région depuis toujours avec les hérons et les grenouilles... (L'oratrice est interpellée.) Certainement aussi avec les hérissons ! Il a fallu se battre pour conserver les équipements sportifs, existants, que les concepteurs du projet voulaient sacrifier sous prétexte que la sauvegarde du martin-pêcheur était plus importante que les Perlysiens qui pratiquent le tennis... C'était évidemment un point de vue, mais il n'était pas question que l'on sacrifie le bien-être des gens, des sportifs, des familles, pour le seul aspect écologique d'une réalisation - dont le but premier est la préservation des biens et des personnes contre les crues de l'Aire. Et nous avons bien fait de nous battre, à l'époque, parce qu'aujourd'hui cette réalisation fait l'unanimité. Elle remporte une adhésion complète: l'adhésion des usagers des lieux, mais aussi - j'ai eu le plaisir de le lire dans le rapport - celle des oiseaux. J'ai en effet appris que des espèces rares d'oiseaux commençaient à nicher dans les environs. Ce qui veut dire que le tennis et l'ornithologie ne sont pas incompatibles.

Le problème du pont de Mourlaz est finalement du même ordre. Il est très vite apparu, à l'époque, qu'on ne pouvait pas sacrifier une voie de communication à la renaturation sans proposer une solution de rechange. Et le pont de la Praleta avait été envisagé, à l'époque déjà, par M. Cramer aussi, comme un itinéraire possible de remplacement.

Je suis donc un peu sidérée qu'il ait fallu une motion - traitée hier - pour demander cette réalisation, alors que les maires des communes concernées sont demandeurs, et ont toujours été demandeurs de cet équipement.

Ce projet est magnifique, Mesdames et Messieurs les députés, mais, pour qu'il le reste, il faut qu'il s'adapte aux nécessités du bassin de population qu'il sert ! La population qu'il sert est importante; avec les projets d'urbanisation en cours, elle va augmenter encore et, avec ce que nous promettent les PACA, elle va exploser.

Le président. Madame la députée, il vous reste vingt secondes !

Mme Christiane Favre. Merci, Monsieur le président ! Il est donc indispensable que ce tronçon de renaturation tienne compte de tous ces paramètres.

C'est donc extrêmement rassurés par l'envoi de la motion 2020 au Conseil d'Etat que les libéraux et les radicaux voteront ce projet de loi avec enthousiasme - avec un enthousiasme sans réserve, comme le disait mon collègue Dal Busco. (Applaudissements.)

Présidence de M. Renaud Gautier, président

Mme Christina Meissner (UDC). En 2002, nous avons commencé la renaturation de l'Aire, modestement, avec un tronçon pilote de 600 mètres. Il s'agit de l'une de nos rivières qui nous tient le plus à coeur, une rivière transfrontalière.

Nous allons franchir aujourd'hui une étape importante, parce qu'il s'agit du tronçon le plus long. De la sécurisation des biens sur une petite parcelle du territoire de Lully, nous allons passer à la sécurisation d'un grand territoire: Praille-Acacias-Vernets.

En ce qui concerne les humains, c'est un travail conséquent et d'importance. La nature va en bénéficier, car cette réalisation va permettre aux éléments de reprendre leur place. Nous avons notamment retrouvé dans cette rivière des truites et des blageons. C'est toute la faune et la flore qui vont en profiter; cela va évidemment améliorer la qualité de vie de la population qui viendra s'installer au bord de cette rivière. Ce sera évidemment une rivière urbaine, mais elle restera naturelle et gardera toute son âme.

Je tiens à remercier aussi - je ne peux m'empêcher de repenser au travail auquel j'ai contribué - toutes les personnes qui ont oeuvré pour sauver cette rivière et les autres. Par conséquent, je vous encourage à voter ce projet magnifique !

M. Jean-Louis Fazio (S). C'est avec enthousiasme que les socialistes voteront la troisième étape de cette renaturation. Celle-ci constitue un nouveau parc... (Remarque.) ...pour les Genevois, dans un quartier qui va beaucoup s'urbaniser. Donc, nous... (Un instant s'écoule.) Nous... J'ai perdu le fil ! Désolé, j'ai perdu mes mots ! (Brouhaha.)

Je vous invite donc à soutenir ce projet de loi. Néanmoins, le groupe socialiste regrette que cette zone soit coupée en deux par un magnifique pont en béton à trois voies.

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. C'est l'un des projets majeurs de Genève concernant la renaturation, puisqu'il s'agit du tronçon le plus important de l'Aire. Nous avons réalisé des projets très importants sur la Seymaz, mais ce projet représente l'une des dernières très grandes étapes de l'histoire des renaturations. C'est un projet magnifique.

J'aimerais remercier les associations qui ont oeuvré depuis fort longtemps pour réaliser ces projets, de même que les communes ayant participé avec enthousiasme à l'élaboration de ces derniers tout en étant parfois critiques. Quoi qu'il en soit, c'est une réalisation commune, et il faut souligner que ce travail extrêmement important reprend tous les éléments du développement durable. Il prend en compte le côté écologique - ce sera une des parties les plus importantes, la plus naturelle. Certains avaient l'air sceptiques en entendant parler de truites... Eh bien oui, il y a déjà actuellement des truites dans l'Aire, et nous espérons qu'avec le nouveau bassin elles pourront mieux prospérer encore.

Ce projet prend en considération le côté social, cela a été évoqué. Cette renaturation s'inscrit dans un périmètre qui va s'urbaniser de façon importante. On a beaucoup parlé des corridors biologiques... Voilà un espace naturel, un corridor biologique, qui permet un développement urbain à proximité. Ces deux éléments doivent aller de pair. Si nous faisons de la renaturation, ce n'est pas seulement pour les grenouilles, nous la faisons surtout pour nous, pour la survie des êtres humains.

Enfin, ce projet tient compte d'un élément économique très important: je veux parler de la sécurisation du nouveau quartier de la Praille-Acacias-Vernets. Ce projet relie donc toutes les fonctions du développement durable: écologiques, sociales et économiques. Ce projet est fédérateur pour les Genevois - cela ressort de toutes les interventions - et enthousiasmant: ce sera un cadeau pour les générations futures.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Je vous soumets la prise en considération du projet de loi 10827.

Mis aux voix, le projet de loi 10827 est adopté en premier débat par 81 oui contre 2 non.

La loi 10827 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10827 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 77 oui contre 2 non et 2 abstentions.

Loi 10827

M 1995
Proposition de motion de Mmes et M. Roger Deneys, Irène Buche, Marie Salima Moyard, Christine Serdaly Morgan, Lydia Schneider Hausser, Jacqueline Roiz : Renforçons la sécurité routière grâce à une meilleure complémentarité entre transports publics et vélos : pour que les vélos puissent être transportés dans les trams en dehors des heures de pointe

Débat

M. Antoine Droin (S). On sait que dans certaines grandes villes comme Zurich, Bâle, Berne - ou Copenhague et Strasbourg, en dehors de la Suisse - il est possible de prendre son vélo dans les transports publics. A Genève, et je cite les propos des TPG qui figurent en page 3 de la motion: «Les vélos repliés rendus peu volumineux et assimilables à des bagages à main sont admis et transportés gratuitement à bord des véhicules pour autant qu'ils ne causent aucune gêne aux autres voyageurs. Les vélos non pliables peuvent être transportés dans les véhicules TPG les samedis, dimanches et jours fériés, sur toutes les lignes régionales - A à Z - et uniquement sur celles-ci.»

Cela veut dire que c'est parfaitement interdit au centre-ville, ce qui est très dommage, car il faut savoir qu'une partie de la population vit à la périphérie du centre-ville. Certaines personnes pourraient utiliser leur vélo, par exemple lorsque leur voiture est en panne; de même que des jeunes qui rentreraient tardivement seraient enchantés de pouvoir mettre leur vélo dans les transports publics. Il ne faut pas oublier non plus qu'en ville de Genève les 36% de la population n'ont pas de voiture. Ces personnes sans voiture pourraient aussi être intéressées, à un moment ou à un autre, par la possibilité de mettre leur vélo dans les transports publics. C'est pour cette raison que notre parti a déposé cette motion.

Par conséquent, nous vous invitons non seulement à la soutenir, mais à la renvoyer à la commission des transports.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. André Python. (Le président est interpellé.) Pour les motions, c'est à la fin qu'on vote, Monsieur le député !

M. André Python (MCG). Suite à l'acceptation de l'initiative 144 par le peuple, des pistes cyclables et des bandes cyclables vont bientôt couvrir tout le canton. Les cyclistes ont déjà largement pris possession des trottoirs et des voies piétonnes; ne les laissons pas prendre l'un des rares lieux où le piéton peut encore être en sûreté, sans risquer de se prendre les jambes dans les pédales ou les roues des vélos ! Par ailleurs, sur certaines lignes de trams, il est difficile de définir quelle est l'heure de pointe... Le groupe MCG vous demande donc de rejeter cette motion.

M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président... (L'orateur est interpellé.) Non, pas du tout ! (Rires.) Transporter les vélos dans les trams induit un certain danger... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Voilà pourquoi c'est interdit, principalement dans les trams, car rien n'est prévu pour fixer les vélos. En cas de freinage en urgence, si un vélo part... je ne vous explique pas les dégâts que cela pourrait causer.

Ensuite, il faudrait déterminer ce qu'est, de nos jours, une heure de pointe dans un tram ! Dès leur sortie du dépôt - et jusqu'à leur rentrée - les trams sont aussitôt bondés, les usagers sont déjà très nombreux et il n'y a plus de place pour les vélos.

Comme l'a indiqué M. Droin, les vélos ne sont acceptés que les dimanches, sur les lignes de campagne. Pour quelle raison ? Parce que ce sont des lignes très peu fréquentées et qu'il a été admis qu'il fallait pouvoir, en cas de crevaison ou de pluie, dépanner des cyclistes en les admettant dans le bus. Or ce n'est pas possible dans les trams, car, comme je viens de l'expliquer, les vélos peuvent présenter un danger en cas de freinage d'urgence.

C'est la raison pour laquelle nous refuserons cette motion, et je vous invite vivement à faire de même.

M. Roger Deneys (S). Je vous remercie par avance de bien vouloir accepter de renvoyer cette motion à la commission des transports. (Brouhaha.)

C'est vrai que cette problématique peut paraître anecdotique, voire irréelle à certains d'entre vous, mais c'est une possibilité qui existe dans d'autres villes en Suisse et en Europe. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) A mon avis, cette motion mérite au moins d'être étudiée pour savoir s'il serait possible d'offrir cette opportunité à Genève.

Je reconnais toutefois bien volontiers un défaut majeur à ma proposition: je suggère d'admettre les vélos en dehors des heures de pointe - mais on sait que, pour les trams à Genève, l'heure de pointe, malheureusement, commence à 6h du matin et finit à 23h... Je vous propose néanmoins d'étudier cette possibilité en commission des transports. Il me semble que, comme cela se fait dans d'autres villes suisses ou, par exemple, comme cela se fait dans le métro à Copenhague, nous pourrions au moins effectuer un essai. Soyons pragmatiques: si nous nous rendons compte qu'il faut y renoncer, nous y renoncerons, mais étudions d'abord cette possibilité !

Il me semble par ailleurs que c'est un élément de sécurité pour les jeunes qui se déplacent à vélo et qui, parfois, rentrent tard chez eux; ils aimeraient sans doute mieux pouvoir prendre le bus que de rentrer en zigzaguant au bord de la route après une soirée très festive. Au nom de la sécurité publique - je vous rappelle le nombre de morts que les routes genevoises connaissent - et en pensant aux jeunes de notre canton, je vous invite à, au moins, accorder une certaine écoute à cette proposition et, donc, à la renvoyer en commission. Je vous remercie.

M. Hugo Zbinden (Ve). Nous les Verts estimons que l'invite de cette motion est tout à fait justifiée. En effet, cela peut être très pratique ou très utile de pouvoir mettre son vélo dans un tram ou dans un bus, par exemple en cas de crevaison, ou si l'on est avec des enfants, ou si l'on est surpris par un orage. Cette possibilité est offerte dans d'autres villes, il n'y a donc pas de raison que cela ne se fasse pas aussi à Genève. Les TPG ne sont malheureusement pas très souples, et je pense qu'il devrait y avoir matière à améliorer les choses pour les cyclistes. C'est la raison pour laquelle nous soutenons le renvoi de cette motion en commission.

Permettez-moi d'ajouter que nous - les Verts - n'avons pas vraiment apprécié certains considérants et l'exposé des motifs de cette motion, ni, surtout, le titre. Car il peut laisser croire que la seule manière, à Genève, de se déplacer à vélo en sécurité, c'est de l'embarquer dans un tram ! Certes, le trafic représente un certain risque pour tous les usagers de la route, mais affirmer que le vélo est particulièrement dangereux, c'est une erreur ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Et cela va surtout à l'encontre de tous nos efforts pour encourager l'utilisation du vélo.

M. Florian Gander (MCG). Quand je lis l'intitulé de cette motion: «Renforçons la sécurité routière grâce à une meilleure complémentarité entre transports publics et vélos...», laissez-moi rire ! Apprenons peut-être aux cyclistes à conduire ! Et à s'arrêter aux feux rouges ! Et à respecter les règles de la circulation ! (Commentaires.) Je suis mort de rire quand je vois une motion - qui va nous faire encore perdre un temps fou - préconiser de mettre des vélos dans un tram ! Mais de qui se moque-t-on ?

Je suis désolé, cette motion n'a rien à faire ici ! Si les cyclistes veulent utiliser leur vélo pour aller en discothèque et boire, eh bien, qu'ils fassent comme les conducteurs de moto ou de voiture: s'ils boivent, ils n'ont qu'à rentrer en taxi ou en transports en commun ! Et ils laissent leur vélo sur place. Sinon, à ce moment-là, moi je décide ce soir de faire la fête, je prends mon scooter, et puis, quand je rentre, je le mets dans le tram ! (Rires.) Non mais, il faut arrêter ! De qui se moque-t-on ? C'est vraiment, de nouveau, une motion qui vient du côté socialiste, et que je ne peux pas comprendre !

Je vous demande juste, Mesdames et Messieurs, de refuser purement et simplement cette motion ! Et nous refuserons aussi le renvoi en commission ! (Commentaires. Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Michel Ducret.

Des voix. Ah !

M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, vous voudrez bien m'excuser, mais, pour des raisons indépendantes de ma volonté, ma prononciation est un peu difficile. (L'orateur porte un pansement sur le visage.)

Il est vrai que, les soirs où l'on a un peu trop bu, on aimerait pouvoir accrocher sa voiture derrière un tram pour rentrer à la maison sans risque... C'est aussi une bonne suggestion que je vous invite à considérer, Mesdames et Messieurs les socialistes. Ce serait bien de penser aussi aux automobilistes... Et l'on pourrait peindre l'avant des trams en rouge, ça ferait «Nez Rouge», c'est très sympathique !

Quand on dit que les autres villes de Suisse... D'abord, ce n'est pas vrai. Sur les réseaux urbains, les vélos ne sont pas acceptés ! Les vélos ne sont acceptés que sur les réseaux régionaux. C'est extrêmement différent ! Il se trouve que les transports régionaux dans les villes de Berne, de Bâle et de Zurich rentrent en ville, mais ce n'est pas le cas sur les transports urbains.

Ensuite, vous avez parlé du métro... Excusez-moi, mais le gabarit entre en ligne de compte ! Je vous rappelle simplement que les trams font 2,20 mètres de large et que les métros font souvent 3,65 mètres. C'est tout à fait différent en termes de place et d'accessibilité !

Venons-en maintenant au fond. A Genève, nous avons déjà les vélos sur les trottoirs et dans les rues piétonnes; les vélos roulent à fond, les vélos sont sur nos pieds, les vélos brûlent les feux rouges, les vélos roulent à contre-sens... Bref, les vélos sont partout !

Je vous rappelle que - et c'est extraordinaire - le peuple vient d'accepter l'initiative 140 pour faciliter la circulation des vélos. Mais alors, tout d'un coup, les cyclistes ne veulent plus pédaler ! (Rires.) On a aussi inventé le vélo électrique... Mais maintenant, ils veulent pouvoir utiliser les trams ! Parce qu'il n'y a pas de toit sur le vélo ! Evidemment, c'est difficile de tenir un parapluie quand on est sur un vélo électrique... Alors il faut pouvoir prendre le tram quand il pleut. Bien sûr, le moment intéressant, pour prendre le tram, c'est lorsqu'il fait mauvais temps ! Le cycliste entre dans le tram et prend la place de trois usagers... Tout en ne payant qu'un billet ! (Exclamations.) Son vélo est bien dégoulinant et va «dégueulasser» les sièges - excusez ce terme, Monsieur le président ! Il va salir les sièges et salir les habits des autres usagers qui, la prochaine fois, préféreront prendre leur voiture - ou le taxi, s'ils en ont les moyens.

Une voix. Le vélo !

M. Michel Ducret. Ou bien ils iront à vélo, eux ! Mais vraiment à vélo !

Le président. Monsieur le député, il vous reste vingt secondes !

M. Michel Ducret. Donc, résultat des courses, c'est une mesure tout à fait contre-productive et qui serait très négative pour encourager l'usage des transports publics.

Mesdames et Messieurs les députés, pour d'obscures raisons qui m'échappent totalement, le groupe PLR soutient malgré tout le renvoi de cette motion en commission... (Exclamations.) J'ai pas compris... Je n'ai pas compris pourquoi ! Mais...

Le président. Monsieur le député, vous devez conclure !

M. Michel Ducret. Mais, pour ma part, je ne voterai en tout cas pas ce renvoi. Et je demande le rejet immédiat de cette proposition.

Des voix. Ah !

M. François Gillet (PDC). Cela va être difficile... (Rires.) J'aimerais tout d'abord vous dire qu'au PDC nous ne sommes pas des anti-cyclistes primaires... (Exclamations.) Et j'ajouterai à l'endroit de mes deux préopinants que j'arriverai aux mêmes conclusions que les leurs, mais en passant par un chemin différent.

Nous, au PDC, et vous le savez, nous croyons à la complémentarité des modes de transport, nous avons du reste activement soutenu l'initiative 144. Il nous paraît cependant que l'enjeu est maintenant d'améliorer la sécurité des cyclistes non pas en leur ouvrant tout grand les portes des trams, mais en améliorant le réseau, en améliorant la sécurité du réseau, en le complétant et en l'aménageant. C'est là l'enjeu, Mesdames et Messieurs les députés !

Nous pensons, s'agissant des trams, que l'entrée en vigueur du concept des lignes est le défi à relever. Vous le savez, une petite révolution se prépare à ce sujet pour la fin de l'année: nous espérons que le report modal se fera massivement et que davantage d'usagers emprunteront le tram. Si cela fonctionne, nous pouvons imaginer que les heures creuses seront plus rares, ce qui laissera peu de place pour les vélos. Je rappelle au passage qu'il est aussi important, dans les trams, de laisser de la place disponible pour les poussettes, qui doivent également pouvoir accéder au tram à tout moment.

Par conséquent, oui à la promotion des vélos à Genève, mais non à cette proposition qui ne paraît effectivement pas la plus adaptée à la situation. Le PDC refusera donc cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Patrick Lussi, à qui il reste une minute vingt.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je serai bref. Je profite de cette occasion pour dire - une fois de plus - une chose qui va vous fâcher: le vélo est sans doute le moyen de locomotion le plus discriminatoire de notre société ! (Exclamations.) En effet, si vous n'êtes pas jeune, pas en bonne santé, si vous manquez de souffle, si vous n'avez pas ci, si vous n'avez pas ça, eh bien, ça limite l'usage du vélo ! De plus, quand la pluie arrive, il faut rentrer à pied... A propos de discrimination, je rappelle qu'en général les gens n'ont pas le choix - du reste, mon préopinant a relevé tout à l'heure avec humour que, lorsqu'un automobiliste prend sa voiture, il n'a pas le choix de changer de mode transport. Soit on va à pied, soit on utilise les transports publics, soit on prend sa voiture.

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai eu l'occasion il y a quelque temps - car j'utilise les transports publics - de voir, à midi et demi, place du 1er-Août - et vous allez encore me dire que j'en veux aux jeunes - eh bien, j'ai vu un jeune entrer avec son vélo dans un bus bondé: il a bousculé tout le monde, notamment une dame avec une poussette. Et, bien entendu, pour ne pas risquer un esclandre, voire une rixe, personne n'a rien osé lui dire ! Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition peut vous sembler être une bonne idée, or son application serait désastreuse.

Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !

M. Patrick Lussi. L'UDC vous demande donc de rejeter purement et simplement cette proposition de motion.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au cycliste Alain Meylan.

Des voix. Ah !

M. Alain Meylan (L). Monsieur le président, comme vous l'avez dit en préambule, j'ai effectivement l'occasion de me déplacer à vélo. Mais c'est un choix: soit je me déplace à vélo, et à ce moment-là je compte sur lui pour rentrer; soit je décide d'utiliser les transports publics, ou un véhicule individuel motorisé, qu'il s'agisse d'un scooter ou d'une voiture. Et je crois qu'il faut en rester là. Sous réserve de remettre en question l'initiative 144 ! Ce que je suis prêt à faire si les députés des bancs d'en face sont d'accord. Car il ne sert à rien d'imaginer réaliser des pistes cyclables qui vont coûter des dizaines de millions, comme cela a été dit récemment, alors qu'il existe, à côté, une ligne de tram qui pourrait servir de piste cyclable. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Là, nous serions en parfaite contradiction par rapport à tout ce qu'on a fait.

Il me semble donc que cette proposition de motion ne peut pas être soutenue, à moins - à moins ! - que le Conseil d'Etat ne réalise ce qu'il a prévu dans le discours de Saint-Pierre ! Si vous relisez attentivement ce discours, vous verrez que le Conseil d'Etat a prévu des trams commerciaux, c'est-à-dire des trams qui pourraient transporter de la marchandise. (Brouhaha.) Cela figure dans le discours de Saint-Pierre ! Et s'il est possible de convoyer de la marchandise par ce biais, alors pourquoi ne pas, à ce moment-là, permettre aux cyclistes de mettre leur vélo dans ces trams dits «de marchandises» ? Pourquoi pas ? Je le redis: cela figure dans le discours de Saint-Pierre du Conseil d'Etat.

J'attendrai donc la réponse de Mme la conseillère d'Etat sur ce point. Si elle nous répond qu'elle pense pouvoir d'ici à quelques mois mettre à disposition des entreprises ce moyen de transport de marchandises, et, pourquoi pas, envisager de transporter des vélos, il faudra peut-être aussi prévoir une manière de fixer les vélos et les casques - cela va bientôt être obligatoire pour les vélos électriques - pourquoi pas... Mais non, arrêtons.

Je crois que cette motion a suscité assez de discussions. Elle était fort sympathique, mais rejetons-la !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Roger Deneys, à qui il reste une minute trente.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on ne mène pas une politique publique avec des anecdotes ! (Commentaires.) Cette problématique... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...est une réalité.

Et vous avez beau gloser et suggérer que les gens prennent un taxi pour rentrer chez eux en fin de soirée, la possibilité de mettre un vélo dans un transport public est offerte dans beaucoup de grandes villes. Mon collègue Manuel Tornare m'a rappelé pertinemment qu'à Berlin il était possible... (Brouhaha.) ...de transporter, dans tous les trams, les vélos, quand c'était nécessaire ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Et, la réalité, c'est qu'il n'y aura pas d'invasion de vélos dans les trams, ça n'est le cas nulle part ! Il s'agit juste d'offrir une possibilité. Et si elle permet de sauver ne serait-ce qu'une vie, elle vaut la peine d'être étudiée ! (Brouhaha.)

Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à renvoyer à la commission des transports cette proposition de motion, qui est basée sur des expériences pratiquées au quotidien dans d'autres villes. Je comprends bien vos doutes, je comprends bien vos craintes, mais, au moins, étudions cette problématique, afin de pouvoir nous prononcer sur la base de chiffres concrets. Sachons ainsi combien il pourrait y avoir de vélos dans les trams ! Si c'est moi qui vous donne des chiffres, je sais bien que vous ne me croirez pas; il serait bien plus utile...

Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !

M. Roger Deneys. ...qu'un expert puisse vous donner des informations à ce sujet ! Il ne s'agit pas d'une question de démagogie, mais d'une question de pragmatisme. Donc renvoyons cette motion à la commission des transports, je vous en remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Olivier Sauty, à qui il reste une minute vingt.

M. Olivier Sauty (MCG). Merci, Monsieur le président, je n'aurai pas besoin de tout ce temps ! En quelques mots, je dirai que, personnellement, je ne suis pas un adepte de la vélosophie. Quoi qu'il en soit, le MCG vous invite à refuser fermement cette motion ainsi que son renvoi à la commission des transports. Car, si d'aventure elle était acceptée, on ouvrirait la boîte de Pandore ! Si demain les vélos étaient autorisés dans les trams, j'ai l'intime conviction que les groupes d'en face nous proposeraient sous peu de faire des pistes cyclables dans les trams ! Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser cette motion.

Des voix. Très bien ! Bravo !

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Plusieurs solutions sont possibles. Mais il a sans doute échappé au député motionnaire que le règlement des TPG a été modifié après le dépôt de sa motion. Il est actuellement possible, les dimanches et les jours fériés, de mettre son vélo dans le tram ou le bus; il faut cependant payer un billet supplémentaire pour le vélo, élément qui a réfréné l'expansion de cette façon de se déplacer.

Cela soulève cependant d'autres problèmes, comme le manque de place pendant les heures de pointe, heures qui s'étendent de plus en plus. Comme il l'a été relevé, cela peut faire courir des risques aux autres voyageurs - il est vrai qu'il n'est pas forcément agréable pour les usagers des TPG d'être heurtés par un vélo - et cela peut aussi augmenter la durée du parcours, car il n'est pas toujours facile de charger un vélo dans un bus. Quoi qu'il en soit, les TPG offrent maintenant cette possibilité durant les dimanches et les jours fériés.

De toute façon, la solution d'avenir, ce n'est pas de pouvoir mettre son propre vélo dans le tram - à moins d'avoir un vélo pliable - mais de passer au vélo en libre-service, solution que nous proposerons en fin d'année prochaine ou en 2013. L'avenir, ce sera de prendre le tram et, à sa descente, de pouvoir disposer d'un vélo; l'avenir, c'est, de la propriété, de passer à l'usage. C'est cela la modernité. Et exceptionnellement, le dimanche, les cyclistes peuvent déjà mettre leur propre vélo dans un moyen de transport collectif, le règlement ayant été assoupli à la demande des usagers. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Je pense qu'on peut à la fois refuser cette motion et donner gain de cause aux motionnaires, puisque le règlement des TPG a déjà anticipé leur demande autant que faire se peut.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Avant de passer au vote, je voudrais vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que je vais prendre congé de vous dans quelques jours, mon année de présidence prenant fin. J'ai beaucoup aimé exercer cette fonction; d'ailleurs, je ne suis pas certain d'ouvrir les candidatures pour ma succession... Si j'ai pu effectuer ma tâche, c'est grâce à l'équipe de présidence élargie dont j'ai bénéficié. Je tiens à remercier particulièrement Pierre Losio, Elisabeth Chatelain, Fabiano Forte, Eric Bertinat, Antoine Droin et Charles Selleger, qui m'ont aidé... à gérer les problèmes que me crée Eric Stauffer ! (Exclamations. Rires. Sifflets.)

Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote: nous nous prononçons sur le renvoi de cet objet à la commission des transports.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1995 à la commission des transports est rejeté par 45 non contre 30 oui et 2 abstentions. (Commentaires et exclamations durant la procédure de vote.)

Le président. Je vous soumets cette proposition de motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 1995 est rejetée par 47 non contre 15 oui et 7 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance. Bon retour chez vous !

La séance est levée à 22h50.