République et canton de Genève

Grand Conseil

R 642
Proposition de résolution de Mme et MM. Stéphane Florey, Marc Falquet, Antoine Bertschy, Patrick Lussi, Céline Amaudruz, Christo Ivanov du Grand Conseil genevois demandant à l'Assemblée fédérale de ne pas légaliser l'inceste (Initiative cantonale)

Débat

Le président. Monsieur le résolutionnaire, vous avez la parole.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, quelle ne fut pas ma stupeur d'apprendre par voie de presse que le Conseil fédéral avait l'intention d'abolir l'article 213 du code pénal suisse, afin de légaliser l'inceste, notamment entre adultes ! Chose que, fort heureusement, nous ne pouvons accepter. Tolérer l'inceste revient pour nous à remettre en cause une règle sociale universellement acceptée. De plus, pour certains psychologues, l'inceste, même entre adultes consentants, n'est pas anodin: c'est un acte lourd de conséquences, qui pèse sur le fonctionnement psychique des individus. En outre, on peut se poser la question de savoir si le consentement est vraiment libre de toute contrainte, ce qui n'est pas facile à démontrer.

C'est pour ces excellentes raisons que nous vous demandons de soutenir cette résolution. Merci.

M. Manuel Tornare (S). Mesdames et Messieurs, Monsieur le vice-président, personne ici ou à l'extérieur de cette salle n'est pour l'inceste. Nous ne sommes plus au temps des pharaons. Mais, Monsieur le député qui venez de vous exprimer, vous reconnaîtrez que c'est un sujet extrêmement délicat qui ne peut pas être jeté comme cela, en pâture au public, sans qu'il y ait une réflexion, une discussion entre nous et sans esprit polémique.

Je rappelle quand même, Mesdames et Messieurs, Monsieur le vice-président, que tous les conseils d'Etat de la Suisse ont été consultés en la matière, et le seront encore. J'en ai eu encore l'assurance ce matin en téléphonant à quelques conseillers nationaux et conseillères nationales. Tous les partis politiques suisses et le vôtre aussi - et vous êtes le premier parti de Suisse - ont été consultés et ont pu dire ce qu'ils en pensaient. Cela dit, je suis d'accord avec vous: c'est tabou, c'est délicat, c'est une discussion qui oscille entre le juridique et le politique. Donc, il y a ces deux volets: politiquement, c'est difficilement défendable de ne pas condamner l'inceste, mais, juridiquement, nous devons quand même avoir cette discussion. C'est pour cela que, avec d'autres partis certainement, je propose que votre résolution - et vous voyez que nous faisons preuve de bonne volonté - soit renvoyée à la commission judiciaire.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le PDC soutient la résolution. Pourquoi ? Je crois que M. Tornare a très bien exprimé les choses, c'est aussi l'inconscient, à savoir qu'on ne peut pas discuter de l'inceste comme ça; il faut faire attention à ce que l'on dit. Précaution et respect de ce que l'on dit. Mais c'est quand même un interdit fondateur de notre civilisation.

Ce qui nous gêne, même si à Berne les gens ont indiqué qu'ils étaient d'accord et que nul n'a fait la remarque, j'ai l'impression que personne n'a vu que dans le nouveau code pénal on allait supprimer le terme d'«inceste». Nous, ce qui nous gêne, c'est que le terme disparaisse. Nous voulons qu'il reste quelque part et qu'il y ait un article de loi qui parle de l'inceste. Nous refusons que ce terme disparaisse du code pénal. Je vous remercie.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Effectivement, parler de ce sujet qui est extrêmement délicat, pour ne pas dire tabou... Le tabou de l'inceste existe pour des quantités de raisons dans la majeure partie des sociétés. Et la prohibition de l'inceste n'est pas une règle banale, mais date de bien avant les recherches en sociologie et autres qui ont été faites.

On pourrait... Je dirai que M. Tornare a eu absolument raison de relever que c'est un sujet entre la politique et le droit. Effectivement, il est fort délicat d'abolir un vocable qui est en fait un terme de protection pour beaucoup de personnes, même si pour d'autres il représente simplement une façon d'exprimer sa sexualité, quand il s'agit d'adultes consentants bien évidemment.

Je dirai que le renvoi en commission proposé par M. Tornare est une bonne solution pour s'épargner toute polémique dans ce parlement. Je pense qu'une discussion s'impose, même si, après, c'est effectivement au niveau fédéral que cela se jouera. Je vous dirai que chez les Verts la discussion a eu lieu. On a passé à peu près une heure sur le sujet, ce qui prouve que c'est un sujet non anodin; et les décisions de mes colistiers étaient très partagées. Donc je salue le renvoi en commission.

Présidence de M. Renaud Gautier, président

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je salue aussi le renvoi en commission et j'aimerais vous dire que le Conseil d'Etat a fait part de sa réponse, dans le cadre de la procédure de consultation fédérale. On a répondu à Mme Sommaruga. Quant à la base légale cantonale, elle est en préparation et devrait pouvoir être présentée à la commission judiciaire dans un délai très raisonnable.

Le président. Nous sommes en procédure de vote sur le renvoi de cette proposition de résolution à la commission judiciaire et de la police.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 642 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 54 oui et 12 abstentions.