République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10393-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Anne Mahrer, Emilie Flamand, Esther Alder, Ariane Blum Brunier, Mathilde Captyn, Morgane Gauthier, Michèle Künzler, Pierre Losio, Andreas Meister, Jean Rossiaud, Brigitte Schneider-Bidaux, Anne Emery-Torracinta, Virginie Keller modifiant l'horaire des sessions du Grand Conseil
Rapport de majorité de Mme Fabienne Gautier (L)
Rapport de minorité de Mme Emilie Flamand (Ve)

Premier débat

Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président

Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, vous vous interrogerez certainement quant au temps pris à la rédaction de mon rapport de majorité. Certains se plairont à penser que le rapporteur de majorité en avait conclu que le sujet n'était pas d'un grand intérêt. Que nenni ! Améliorer le fonctionnement de notre parlement est incontestablement toujours d'actualité. Comme le précise Mme le rapporteur de minorité Emilie Flamand, s'il est un constat sur lequel tout le monde est d'accord, c'est celui de la lenteur et de l'engorgement de notre parlement.

Que souhaite le PL 10393 ? Il propose de siéger quatre jours par mois, soit trois lundis pour les commissions et un lundi pour la plénière. En résumé, il propose aux députés qui ont une activité professionnelle à plein temps de ne travailler plus qu'à 80% et de consacrer 20% de leur temps de travail à leur mandat politique. Cependant, la commission des droits politiques a traité et a toujours en suspens de nombreux projets de lois visant à améliorer notre fonctionnement. Certains ont été votés en plénière, notamment celui qui a servi à classer les débats en différentes catégories. Parmi les projets de lois en suspens, il y a l'excellent projet de loi PDC qui vise à réunir des commissions parlementaires pour les réduire au nombre de 14 ou 15. Actuellement, nous en avons 25 environ. Cependant, là aussi, cette réforme est difficile à faire passer, plus particulièrement pour les partis de gauche. (Brouhaha.)

Une voix. Chut !

Mme Fabienne Gautier. Ce sont ces mêmes partis qui nous soumettent aujourd'hui le PL 10393, lequel propose le système des jours bloqués, en prenant pour exemple le fonctionnement de nombreux parlements cantonaux, plus particulièrement celui de Bâle-Ville, que l'on pourrait comparer à Genève, et celui du canton de Vaud. Pour le canton de Vaud, le système des jours bloqués a toute sa raison d'être. Vaud étant un grand canton, il serait impossible aux députés de se rendre deux à trois fois par semaine à Lausanne pour siéger. Oui, le canton de Bâle-Ville peut être cité en comparaison à Genève. Mais comme vous avez pu le lire dans l'annexe 3 de mon rapport, le parlement de Bâle-Ville fonctionne de la sorte depuis au moins 1927, avec le système des jours bloqués, soit deux jours par mois seulement. Et il n'y a jamais eu de modification d'heures de séance. J'en conclus que chaque parlement a ses spécificités. Et si Bâle-Ville ne siège que deux fois par mois, c'est que le nombre d'objets déposés n'est pas comparable avec celui du parlement genevois.

C'est bien là toute la problématique de notre fonctionnement. Cela a été relevé à plusieurs reprises par le professeur Sciarini lors de son audition par notre commission des droits politiques, ainsi que dans l'étude qu'il avait réalisée en 2003 sur le parlement genevois et les conditions dans lesquelles les députés exercent leur mandat. Aujourd'hui, le professeur Sciarini confirme encore que c'est tout le fonctionnement de notre parlement qui est à revoir et que cela passe par une réduction du nombre de nos commissions parlementaires, y compris par une diminution de l'usage abusif de la proposition de motion, qui charge le Grand Conseil genevois. En effet, selon ce rapport de 2003 - je cite un extrait figurant à la page 6 du PL 10664 - «beaucoup de motions sont avant tout déposées pour éveiller l'attention des médias et du public, plutôt que pour s'attaquer véritablement à un problème». Là encore, un excellent projet de loi de M. Saudan, visant à améliorer le traitement des propositions de motions en plénière, est en attente en commission. Selon le professeur Sciarini... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...on pourrait choisir de faire le travail en commission avec ensuite une simple validation des travaux par le plénum, ou de faire le travail en plénum. Actuellement, notre parlement cumule les deux.

En même temps, il est intéressant de relever que, suite à deux enquêtes réalisées par la commission consultative de l'égalité entre homme et femme, une majorité d'élues n'éprouvent pas de difficulté à concilier vie de famille et engagement politique, car elles bénéficient d'une aide de leur époux ou d'autres membres de la famille. Cependant, plusieurs entrent en politique lorsque leurs enfants sont plus grands.

Mme le rapporteur de minorité détaille à juste titre trois critères: vie professionnelle, vie familiale et vie parlementaire. Dans notre système actuel, les trois sont compatibles. J'en veux pour preuve les différents sondages effectués par le CLAFG, regroupement bien connu d'associations féminines, relevant une majorité des députées sondées en faveur du système des jours bloqués. Mais en même temps, elles soulignent qu'il est difficile de se libérer une journée complète dans un souci d'organisation familiale, qu'il faudrait le système des jours bloqués, mais le samedi uniquement, et que le parlement deviendrait un parlement semi-professionnel.

Sur demande de la commission, le secrétariat général du Grand Conseil a effectué un sondage parmi les députés lors de la dernière législature. Il ressort clairement du sondage - que vous avez trouvé aux pages 30 à 32 du rapport de majorité - que le système actuel convient à une grande majorité des élus.

En conclusion, le système des horaires du parlement permet d'exercer une profession à plein temps et un mandat politique. Si le fonctionnement du parlement sur un système de jours bloqués devait voir le jour, les jetons de présence ne permettraient pas à un indépendant, une femme seule ou un enfant... (Remarque.) Je me suis trompée, oui ! (Rires.) ...de combler la perte de gain salariale. On peut noter aussi qu'une femme peut également être cheffe d'entreprise. Avec ce projet de loi 10393...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame la députée.

Mme Fabienne Gautier. Je vais conclure. Avec ce projet de loi, souhaite-t-on réellement voir dans notre parlement des représentants associatifs, quels qu'ils soient - syndicaux, patronaux, défenseurs de ceci, défenseurs de cela - des représentants des lobbyistes, des retraités, mais plus d'entrepreneurs, plus d'employés, plus d'enseignants, plus de médecins, et j'en passe ?

Il ne fait aucun doute que notre ordre du jour est engorgé. Mais le système des jours bloqués ne réglera pas cette problématique. C'est tout le fonctionnement de notre parlement qui est à revoir, principalement celui des commissions, puis la question du nombre de motions déposées que l'on voit augmenter au moment des campagnes électorales. Soyons responsables et commençons par utiliser raisonnablement nos droits. Chaque fois que des projets de lois sont déposés dans le sens d'une amélioration de nos débats...

Le président. Votre temps de parole est épuisé, Madame la députée.

Mme Fabienne Gautier. ...ils se retrouvent avec des oppositions. Je conclurai par la suite, Monsieur le président.

Le président. Mais votre temps de parole est épuisé ! Je donne la parole à Mme le rapporteur de minorité Emilie Flamand.

Présidence de M. Renaud Gautier, président

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la rapporteure de majorité a très bien rappelé en quoi consistait notre projet. Elle va donc me laisser plus de temps pour notre argumentation de fond. Premièrement, je la remercie, finalement, d'avoir laissé passer un peu de temps avant d'avoir déposé son rapport, car plus le temps passe, plus les problèmes dans notre parlement se posent de façon aiguë et plus la solution proposée par le présent projet de loi semble pertinente.

Pour revenir d'abord sur un point, c'est-à-dire le sondage qui a été effectué auprès des députés, évidemment, ce genre de sondage est inévitablement biaisé, puisque les députés qui siègent au parlement et qui y siègent depuis trois ans - puisque l'on était à la fin de la précédente législature - sont des personnes qui ont pu s'accommoder des horaires en vigueur. Les personnes pour qui ces horaires ne sont pas viables ne siègent plus au parlement et ne peuvent donc participer à de telles décisions.

Le système du jour bloqué, comme on l'a dit, existe dans de nombreux cantons, des cantons tout à fait comparables au nôtre. Si l'on peut dire que le canton de Vaud est évidemment plus grand, des économies en termes de transport à Genève nous feraient gagner beaucoup de temps, sans parler de tout le CO2 que l'on pourrait économiser si l'on ne siégeait qu'un jour par semaine. Je pense que, pour chacun et chacune, devoir faire quatre ou cinq déplacements par semaine pour se rendre à l'Hôtel de Ville n'est pas ce qu'il y a de plus rationnel en termes d'organisation.

Pour revenir au professeur Sciarini, qui a été cité de manière un peu sélective par la rapporteure de majorité, dans son étude sur le fonctionnement du Grand Conseil réalisée en 2003, il avait noté que la majorité des députés consacraient l'équivalent d'un 50% à leur mandat politique, ce qui signifie que nous sommes un parlement de semi-professionnels, je crois qu'il faut se rendre à l'évidence. Les Verts et la minorité de la commission sont tout à fait attachés au système de milice, c'est-à-dire que chacun puisse poursuivre une activité professionnelle et avoir un contact avec la «vie réelle» - entre guillemets. Mais il faut se rendre à l'évidence: notre travail parlementaire nous demande beaucoup, beaucoup de temps, et il est extrêmement difficile d'avoir une activité professionnelle à 100% à côté, sauf évidemment pour les personnes qui travaillent dans des lobbies, dans des syndicats patronaux ou autres. Mais, actuellement, il y a assez peu de syndicalistes de gauche. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il y a plutôt des gens qui travaillent pour les syndicats patronaux et dont le temps passé au parlement est probablement considéré comme une partie de leur temps de travail, puisqu'ils viennent défendre les intérêts de leur employeur. Ce n'est pas le cas pour tout le monde.

Le professeur Sciarini, également, nous a donné ses trois critères que nous trouvons extrêmement intéressants pour évaluer une organisation parlementaire. Il y a d'une part la compatibilité avec la vie familiale. Il me semble tout à fait évident que le système actuel n'est pas compatible, n'est pas favorable, puisque nous siégeons soit à midi en commission, soit entre 17h et 19h, ou alors toute la soirée pour les plénières. Ce sont typiquement les moments où les enfants ont le plus besoin de leurs parents, hommes ou femmes, mais il faut reconnaître que c'est encore bien souvent les femmes qui ont la charge de l'organisation familiale.

La compatibilité avec la vie professionnelle, ensuite, est bien sûr celle qui nous a le plus retenus. On nous dit que le système actuel est particulièrement favorable aux indépendants. D'ailleurs, ils sont surreprésentés. A l'époque de l'étude du professeur Sciarini, ils étaient 38% au Grand Conseil, alors qu'ils représentent environ 10% de la population. A ce sujet, il semblait y avoir de grandes inquiétudes. Mais il faut dire que le parlement vaudois, qui a récemment modifié l'organisation de son parlement, n'a pas vu de modification fondamentale dans sa structure socioprofessionnelle. Cela va à l'appui de notre conviction, à savoir que le système du jour bloqué serait tout à fait favorable par rapport à la vie professionnelle, que ce soit pour les indépendants ou pour les personnes salariées.

Aujourd'hui, lorsque vous êtes député et que vous cherchez du travail, vous devez expliquer à votre employeur: «Tel jour, je dois m'absenter de 12h à 14h. Tel autre jour, je dois partir à 16h30 pour être à 17h à l'Hôtel de Ville. Et les jours de plénière, on commence à 15h. En plus, ces jours changent.» C'est extrêmement compliqué d'expliquer cela à un employeur, ou à ses employés si l'on est patron d'une entreprise. Le système du jour bloqué est beaucoup plus clair. On dit: «Voilà, le lundi, je ne suis pas là, je me consacre à la politique.» Le reste du temps, on est disponible pour exercer son activité professionnelle. A tout point de vue, cela nous paraît beaucoup plus clair.

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la rapporteure.

Mme Emilie Flamand. Très bien ! Le dernier point est la qualité du travail parlementaire. C'est le point qui devrait être le plus important - mais qui ne l'a visiblement pas été pour la majorité de la commission - puisque nous voyons bien comment se déroulent nos débats le soir, après une pause repas souvent bien arrosée. (Exclamations.) La moindre étincelle provoque un incendie dans le parlement. Alors que, lorsque nous avons siégé lors de séances supplémentaires à 8h du matin, je vous rappelle que nous avons traité une proposition de résolution sur l'affaire Kadhafi à 8h du matin, ce qui, un soir, aurait provoqué une véritable explosion. Là, comme c'était le matin, les gens étaient calmes et sereins; nous avons pu continuer nos travaux avec une grande efficacité.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Emilie Flamand. Je conclus, Monsieur le président. La minorité ne considère pas la compatibilité avec la vie de famille et la qualité du travail parlementaire comme des critères mineurs. Elle ne considère pas que le jour bloqué soit incompatible avec une vie professionnelle. Elle vous encourage donc à accepter le PL 10393. (Applaudissements.)

Mme Anne Mahrer (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, personne dans ce parlement ne s'oppose à améliorer l'efficacité et la qualité de notre travail parlementaire. (Brouhaha.)

Des voix. Chut !

Mme Anne Mahrer. Les modifications successives apportées à notre loi portant règlement du Grand Conseil n'ont eu en réalité que fort peu d'incidence sur le fond du problème, c'est-à-dire celui de se donner les moyens d'assumer notre travail dans de bonnes conditions.

Notre travail de député n'est pas un loisir ou un hobby que l'on pratique après une journée de travail, mais bien une responsabilité exigeante. Si nous restons des députés de milice - nous y tenons - nous devons admettre que notre engagement politique représente un travail à temps partiel, un temps partiel de semi-professionnel. Nous devons dès lors organiser nos activités professionnelles, familiales et politiques en conséquence. Le jour bloqué le permettra de manière beaucoup plus satisfaisante. Tous les autres cantons suisses peuvent le faire. Pourquoi Genève ne pourrait-il pas ? (Brouhaha.)

Pour les Verts, ce projet de loi va dans le sens de l'intérêt général et d'une meilleure représentation socioéconomique et de genre de notre Grand Conseil. En effet, la composition de notre parlement est peu représentative de la population cantonale. L'organisation actuelle favorise les indépendants, les cadres supérieurs, les professions libérales, les employés d'associations politiques.

Monsieur le président, vous l'avez constaté il y a peu... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...lorsque nous siégeons dès le matin, les débats se déroulent de manière plus efficace et plus calme. Vous avez d'ailleurs proposé à titre d'essai de siéger la journée. En tant qu'ancienne présidente du Grand Conseil, j'avoue que les fins de séances plénières, notamment le vendredi soir après 20h30, ne m'ont pas laissé des souvenirs impérissables. (Brouhaha.)

Mesdames et Messieurs les députés, faut-il conclure que, du fait que notre parlement fonctionne ainsi depuis des décennies, voire peut-être même un siècle, il ne faudrait rien changer ? Mais osons le changement, Mesdames et Messieurs les députés, osons le changement, et, pour la rentrée parlementaire de 2013, à la suite des prochaines élections de notre Grand Conseil, nous fêterons un jour bloqué de notre parlement et aurons peut-être, enfin, une représentation plus équitable, non seulement des femmes, mais de toutes les personnes représentant notre population. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est certain que Mme Mahrer, qui vient de terminer sa présentation, donne bien les vraies valeurs ou peut-être les vrais enjeux de ce projet de loi. Devons-nous considérer que nous sommes des semi-professionnels, des professionnels ? Devons-nous considérer que, en fait, dans un parlement législatif, l'investissement personnel, la volonté de servir sa société sont suffisants pour un engagement de milice ?

D'emblée, je vous le dis - et cela ressort des votes - l'Union démocratique du centre n'est pas favorable à un jour bloqué. Pour quelles raisons ? D'abord - et les différents rapports le montrent - cela ne correspond pas même à des volontés de dames, de certaines dames, qui aiment le système.

Deuxième élément: vous évoquez le canton de Vaud. Rappelons quand même que, quand le canton de Vaud a décidé de faire un jour fixe, il y avait d'autres questions que l'efficacité du parlement, à savoir les distances. Chaque soir ou tous les deux soirs, venir à Lausanne depuis la Vallée de Joux pour une séance de commission, c'est très difficile; cela implique des déplacements. Donc ne mélangeons pas les choses. Le jour fixe du canton de Vaud, me semble-t-il, n'a rien à voir avec notre affaire à Genève.

Enfin, voici l'un des derniers points qu'il nous semble très important de relever. Certains disent que l'on prend 20% de notre temps, qui mériteraient des indemnités, un salaire ou, du moins, certaines choses. Nous, nous aimons à dire que, actuellement, les députés de milice que nous sommes sont engagés partiellement et reçoivent des indemnités.

On l'a entendu et Mme la rapporteuse de majorité le dit: «Notre parlement est engorgé.» A la lumière de ces dernières semaines, l'Union démocratique du centre commence à en douter. En effet, comme cela a été justement dit, on discute de différents projets aux droits politiques. Or on s'aperçoit que, si l'on veut resserrer des commissions, ce sera davantage maintenant par le fait que ces commissions ne siègent plus que sporadiquement, c'est-à-dire qu'elles ne sont plus engagées chaque semaine comme auparavant.

Il est certain que le sujet est vaste mais, pour faire court, Monsieur le président, l'Union démocratique du centre refusera l'entrée en matière de ce projet de loi et vous incite à faire de même.

M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes face, ce soir, à une tentative de réforme parlementaire de notre système en utilisant la technique du jour bloqué qui, comme cela a été dit, permet de réserver un jour par semaine à une activité politique. La faisabilité d'un système de ce type nécessite un nouveau formatage du travail parlementaire. De notre groupe, il y a eu une abstention et un refus. Nous sommes donc plutôt du côté négatif, et je vais essayer de m'expliquer, car les comparaisons entre cantons ne sont à mes yeux pas tout à fait justes et ne tiennent pas compte des spécificités de notre bout du lac, des degrés d'activité de certains, ni de cet élément nécessaire qui s'appelle le système de milice.

Certes, les comparaisons ont été faites, notamment l'analyse de M. Sciarini. Puis il y a eu cette enquête parlementaire pour essayer de détecter quel système conviendrait le mieux. Mais, de fait, il n'y a pas de système idéal, et nous retrouvons toujours des cofacteurs qui interviennent et qui ont déjà été cités avec, pour les uns comme pour les autres, des avantages et des inconvénients. Mais enfin, retenons cette proportion de notre parlement genevois: 63% des députés étaient en faveur de la poursuite du système actuel.

Alors bien sûr, on peut entrer dans les batailles de chiffres, de statistiques, et s'interroger sur la motivation des uns, sur les principes d'organisation des autres, sur l'efficacité des travaux parlementaires dont la masse est toujours croissante. On peut cependant associer cela à trois éléments, qui sont nos trois moyens, à savoir une logique d'action, un pouvoir d'influence et surtout la conservation d'une légitimité démocratique. Or, pour réaliser cela, il n'y a pas besoin d'un jour propice.

D'autre part, le triangle des acteurs que nous sommes - c'est-à-dire face au pouvoir public, face au pouvoir privé et face au groupe cible - doit être interprété dans un véritable message. Je me permettrai, Monsieur le président, de revenir sur un célèbre «spin doctor», M. Campbell. Il travaillait pour M. Tony Blair et disait que, souvent, nous confondons les objectifs et les stratégies, mais également les stratégies et les tactiques. Cependant, la stratégie est la plus importante, car c'est elle qui permet de comprendre ce que veulent les gens pour y arriver, et la tactique ensuite en découle. Eh bien c'est exactement ce que nous faisons ce soir. Nous essayons de voir où il y a l'art d'une conjoncture propice à la décision et si nous pouvons lui coller un petit jour pour la réaliser.

Pour arriver finalement à une conclusion, disons que la bataille tactique a ses règles, ses ficelles et ses arrangements, mais elle permet aussi parfois de ronger son frein sans tomber dans le jeu de la provocation et en étant aussi suffisamment habile pour s'attirer la bienveillance des autres. Pour cela, il n'y a pas besoin d'un jour particulier. Faire son cinéma ou utiliser le compromis à la buvette peut donner au débat parlementaire une certaine accélération. Pour ce faire, il n'y a pas besoin de jour particulier.

Alors quel est le meilleur système qui puisse être choisi ? Je pense qu'il doit permettre de travailler avec la multiplication de nos textes le plus rapidement possible et d'éviter que nos statistiques continuent à grimper. Et si réforme il doit y avoir, adaptons-la en fonction de l'évolution de nos travaux parlementaires, en nous rappelant bien que le mandat que nous avons accepté nous est dédié par le peuple et qu'il convient de le réaliser.

Pour ces raisons, le groupe démocrate-chrétien ne suivra pas la minorité et se rangera à l'avis de la majorité.

M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, sous ses aspects bon enfant, nous propose de fonctionnariser la vie politique. J'ai dit «fonctionnariser la vie politique», parce que ce sont deux conceptions différentes que la réalité économique, du quotidien, et le fait de devenir des fonctionnaires - sans attaque sur les fonctionnaires, évidemment. C'est un projet qui vise à se couper du quotidien. Lorsque vous êtes un député de milice et que vous êtes dans une entreprise, vous êtes dans la réalité économique... (Brouhaha.)

Une voix. Chut !

M. Serge Hiltpold. Et la vie se construit tous les jours. La vie est faite de discussions, d'échanges, de confrontations. Or le fait de venir un jour par semaine vous coupe de cette confrontation. On se coupe des contacts humains et des confrontations que nous avons les uns et les autres. C'est simplement de la fonctionnarisation, ce que nous avons de la peine à concevoir.

Ensuite, s'agissant des horaires, je n'aimerais pas uniquement défendre les patrons et les indépendants. J'aimerais aussi défendre les employés des PME. Moi qui ai une PME avec dix-huit employés, je ne suis pas d'accord de mettre à disposition une journée par semaine pour une personne. Par contre, adapter un horaire qui peut être flexible - partir plus tôt - cela ne me pose pas de problème. Je pense que la majeure partie des patrons et des indépendants peuvent avoir cette flexibilité. En revanche, demander de consacrer un jour par semaine, c'est totalement exclu.

Voici encore un autre élément. Je crois que c'est une analyse que l'on a à faire sur le système politique en général. Le système démocratique suisse vise un certain dialogue, une conception politique, avec la notion de milicien et de citoyen engagé. En fonctionnarisant cette politique, on n'aura plus que des secrétaires patronaux et syndicaux, qui sont déjà assez présents dans le débat politique extérieur de ce parlement. Or je pense très sain que des citoyens engagés donnent leur avis, avec une certaine liberté de pensée.

Un petit clin d'oeil pour le rapporteur de la minorité: le patron n'a pas vraiment à expliquer à ses employés son emploi du temps. Voilà simplement un petit clin d'oeil. C'est une question d'organisation. J'espère, Mesdames et Messieurs les députés indépendants, que vous n'avez pas à vous justifier de vos absences. (Brouhaha.)

En finalité, je dirai simplement que la société se construit tous les jours. Elle est de dialogue; elle n'est pas dans un fonctionnariat. Ce projet ne demande qu'à être rejeté.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Le MCG va demander, et vous demande également, de soutenir ce projet pour le renvoyer à la commission des droits politiques qui, actuellement, est en train de revoir la question des fusions des différentes commissions. Donc avant de parler de l'organisation et des modes de fonctionnement de notre parlement, il serait probablement très utile d'associer ces deux projets de lois dans notre travail.

Sur le fond des problèmes posés, ils sont tous extrêmement intéressants, mais on a vu que les avis étaient très divergents. Nous sommes pour un parlement de milice, avec justement cet aspect de volontariat et cet aspect volontaire de décision. (Brouhaha.)

Quant à la question de la participation des femmes dans ce type de parlement, je voudrais souligner le fait que, pour les femmes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...le point fondamental est la répartition des tâches et des responsabilités. Il ne serait en aucune manière question de réduire cet élément éminemment important à la simple réorganisation d'un parlement quant aux horaires, que ce soient ceux de midi, du soir ou de toute la journée. Je crois que c'est là un alibi qui me semble exister depuis de nombreuses années et qui n'a pas vraiment de sens.

Maintenant, quant à l'âge, on dit également que, finalement, pour être dans un parlement de milice, il vaut mieux être très jeune et sans responsabilités ou âgé et sans responsabilités non plus. Je crois que c'est une vision du monde un peu restrictive. Il me semble qu'il y a un bon mélange. (Brouhaha.) Je rappelle que si, par exemple, à la Constituante, il peut apparaître - voyez la page 4 du rapport - que la moyenne d'âge est de 58 ans, ce qui est fort possible, j'ai cependant l'impression que, finalement, on peut être assez jeune aussi bien à 30 ans qu'à 50 ou 68 ans... (Brouhaha.) ...et que nous vivons extrêmement longuement. Il faut peut-être donc que nous revoyions un peu la répartition de la pyramide des âges.

Par conséquent, le MCG souhaite le renvoi de ce projet de loi à la commission des droits politiques.

Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission. L'une ou l'autre des rapporteures souhaite-t-elle s'exprimer ? (Remarque.) J'en déduis que Mme le rapporteur de majorité souhaite s'exprimer.

Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse de majorité. Oui, Monsieur le président. Concernant le renvoi en commission, ce projet de loi rejoindra d'autres projets de lois, qui sont actuellement bloqués à la commission des droits politiques. Nous essaierons de les étudier - puisque je suis membre de la commission des droits politiques - nous les étudierons ensemble pour essayer de trouver une meilleure solution, qui rapproche les conseils donnés par le professeur Sciarini, c'est-à-dire moins de commissions parlementaires et moins d'objets déposés inutilement. Nous travaillerons pour essayer de faire en sorte que notre parlement fonctionne mieux, puisque tout le monde convient que notre parlement fonctionne avec quelque retard.

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, c'est magnifique: la majorité et la minorité se rejoignent ! Nous sommes également favorables au renvoi en commission... (Brouhaha.) ...si vous souhaitez faire un nouveau petit tour de carrousel devant cette commission pour discuter d'autres problèmes en même temps. Nous considérons que, à priori, ces problématiques ne sont pas complètement liées, puisque le présent projet de loi ne change pas... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...le nombre d'heures ou de commissions. C'est simplement une autre organisation du temps. Si vous estimez que l'organisation des commissions peut être liée, nous renvoyons volontiers le projet, puisque le débat, selon nous, est toujours intéressant, et cela permettra de l'approfondir encore un peu.

Le président. Merci, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote sur le renvoi de ce rapport à la commission des droits politiques.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10393 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 44 non contre 40 oui et 1 abstention.

Le président. La parole est à Mme la députée Catherine Baud, à qui il reste deux minutes.

Mme Catherine Baud (Ve). Cela devrait aller ! C'est dommage que ce projet n'ait pas été renvoyé à la commission des droits politiques. (Brouhaha.) Effectivement, il aurait pu être judicieux d'en discuter à nouveau. Néanmoins... (Bruit de larsen. Exclamations.)

Le président. Peut-on prier le «docteur Larsen» de quitter la salle ?

Une voix. Quelle technique !

Mme Catherine Baud. Néanmoins, ce projet, qui est un projet Vert à la base, reste la solution... (Remarque.) Pardon ? (Commentaires.) Justement, justement ! Ce projet est la solution la plus pertinente pour arriver à une meilleure gestion de notre temps. Je pense que nous finirons par y arriver, parce que non seulement il faut une meilleure organisation et une meilleure qualité du travail parlementaire, mais il faut aussi une meilleure organisation et une meilleure qualité de vie des parlementaires. Or ce n'est actuellement pas le cas, pour les raisons qui ont déjà été évoquées, dont le problème des charges de famille. Il est difficile pour les personnes ayant de jeunes enfants de pouvoir siéger.

Pour le problème également de la compatibilité avec une activité professionnelle, il semble que, pour quelques personnes, le principe du jour bloqué soit quelque chose d'extraordinaire. Mais je rappelle tout de même que, dans les autres cantons, les députés ne sont pas des fonctionnaires et qu'ils fonctionnent, en revanche, avec ce système du jour bloqué. Donc c'est pour le moins curieux de critiquer ce système pour les Genevois et de l'accepter pour les autres.

Enfin, troisième point, il y a le problème de la vie même de nos débats parlementaires, puisque - vous en êtes tous conscients - le vendredi soir n'est pas un jour optimal pour nos débats parlementaires.

Pour toutes ces raisons, il nous semble opportun de modifier l'organisation de nos activités. Je pense que nous finirons par y arriver, parce que nous serons tenaces. Et je crois que, petit à petit, l'idée fait son chemin.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Stéphane Florey, à qui il reste deux minutes et vingt secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, s'il est vrai qu'il fut un temps où notre Grand Conseil croulait sous les objets et que notre ordre du jour dépassait allègrement les 200 points, il n'en est plus de même aujourd'hui. Notre ordre du jour ne compte que 120 points, et la plupart des commissions ne siègent que très rarement, voire pas du tout. Quant à la vie de famille - je suis bien placé pour en parler - c'est en toute connaissance de cause que je me suis engagé à siéger au Grand Conseil, et j'espère qu'il en va de même pour tous les députés. Ainsi, il n'est pas nécessaire d'être vieux ou d'être jeune pour s'engager en politique, mais simplement d'avoir un attrait pour la chose publique et l'envie d'oeuvrer pour la collectivité.

En conclusion, ne changeons pas un système qui fonctionne. Refusons ce projet de loi, restons fidèles à notre parlement de milice et disons non - et clairement non - à une professionnalisation de la politique.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Pour passer, comme ce projet de loi nous y invite, à un travail à 80%, j'aimerais dire que, à moins d'être indépendant, avec l'organisation actuelle - au minimum deux commissions par personne et une plénière par mois - la réduction du temps de travail est inévitable pour un employé. Or la compensation financière n'est pour beaucoup pas au rendez-vous. Notre président nous a invités il y a quelque temps à tester partiellement la formule; ses constats, comme les nôtres d'ailleurs, ont été excellents: efficacité et qualité au rendez-vous.

Mesdames et Messieurs les députés, la question n'est pas de débattre autour de la milice ni de la remettre en cause. Mais la question est de trouver une organisation du travail cohérente, qui nous permette d'accomplir un travail de député à la hauteur des attentes de ceux qui nous ont élus. Aujourd'hui, le travail est morcelé et ne favorise certainement pas la rencontre avec la population, comme l'appelait de ses voeux le député Hiltpold - qui n'est pas très concentré.

Pour les femmes, est-il nécessaire d'attendre cinquante ans pour s'engager en politique ? Ou bien faut-il être très jeune et sur le balan quant à un projet de maternité ? En tout cas, notre groupe a testé la formule et rien n'est très satisfaisant.

En tous les cas, ce projet de loi ne s'oppose ni à des mesures visant à un meilleur usage des objets parlementaires... (Brouhaha.) ...ni à une rationalisation des commissions. Bien au contraire, il invite à un travail conjoint sur l'organisation des commissions et celle des sessions plénières. (Brouhaha.) Monsieur le président, peut-on avoir un peu de silence ?

Le président. Oh, je veux bien essayer, Madame la députée ! (Le président agite la cloche.)

Mme Christine Serdaly Morgan. Je vous en remercie. Je disais donc que ce projet de loi n'était pas contraire à une réflexion sur l'organisation des commissions, laquelle est actuellement travaillée à la commission des droits politiques, et qu'il pourrait même relancer ou réarticuler cette réflexion. En troisième débat, nous redemanderons le renvoi à la commission des droits politiques.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Claude Jeanneret, à qui il reste deux minutes et vingt secondes.

M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, le renvoi en commission étant refusé, nous allons bien sûr rejeter ce projet, parce qu'il ne convient pas du tout dans l'idée que l'on peut se faire d'une démocratie et des représentants de la démocratie de milice. Nous sommes en train, par une approche un peu anodine à première vue mais qui ne l'est pas, de fonctionnariser - c'est peut-être un grand mot - ou en tout cas de professionnaliser les politiciens. Je ne pense pas que ce soit souhaitable.

Nous avons un mode de vivre intéressant. Nous avons, pour tout le monde, une solution qui devrait être louable ou reconnue comme telle. Nous avons la possibilité de passer notre temps de pause de midi, entre 12h et 14h, pour assister à une commission - je parle de ceux qui travaillent, bien sûr - ainsi qu'à partir de 17h. Or on sait que des horaires de 12h à 14h ou à partir de 17h sont parfaitement conformes et modulables avec les horaires à la carte, qui prévoient des troncs communs. Mais en général, dans ces heures-là, le tronc commun est libre. Donc pour cette raison, nous pensons que l'organisation actuelle est parfaitement satisfaisante.

En plus de cela, si l'on diminue - pour ceux qui travaillent, bien sûr - le temps de travail à 80%, lorsque les personnes ne sont pas élues, on reprendra peut-être le modèle de certains voisins qui professionnalisent leurs députés et qui, au moment où ces députés ne sont pas élus, les paient quand même pendant la nouvelle législature, le temps de leur permettre de refaire leurs armes pour se représenter à la prochaine occasion sans perdre leurs revenus. Je pense que, là, nous ne sommes pas dans une démocratie. Nous sommes dans une institution d'Etat qui fonctionnarise ou qui salarie des gens qui devraient pouvoir établir des lois, être au-dessus de l'Etat. Là, on a quelqu'un qui dépend de l'Etat... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...parce que ce n'est plus pour des commissions que l'on est payé, mais uniquement pour une présence d'une journée. C'est absolument inadmissible.

En plus de cela, je pense que, pour certains qui sont payés de toute façon par des lobbies ou par des institutions qui n'en ont rien à faire, cela ne changera rien du tout, qu'ils soient là une semaine...

Le président. Il vous reste dix secondes, Monsieur le député !

M. Claude Jeanneret. Oui, merci ! Donc pour toutes ces bonnes raisons et pour maintenir une démocratie respectable, nous nous opposons à ce genre de procédé.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote d'entrée en matière sur le PL 10393.

Mis aux voix, le projet de loi 10393 est rejeté en premier débat par 59 non contre 27 oui et 2 abstentions.