République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 10h15, sous la présidence de M. Renaud Gautier, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Pierre-François Unger, François Longchamp et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Mark Muller, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, David Hiler et Isabel Rochat, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Céline Amaudruz, David Amsler, Guillaume Barazzone, Alain Charbonnier, Serge Hiltpold, Miguel Limpo, Vincent Maitre et Ivan Slatkine, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

M 1983
Proposition de motion de Mmes et MM. Esther Hartmann, Sylvia Nissim, Marie Salima Moyard, Jean-François Girardet, Jean Romain, Pierre Losio, Charles Selleger pour donner les moyens à l'école primaire de mettre en place de vraies mesures d'accompagnement

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, comme il a été voté tout à l'heure, nous allons traiter en urgence la proposition de motion 1983, au point 89 de l'ordre du jour. Il n'y a pas de demande de parole. Par conséquent, d'après la demande qui a été faite... (Remarque.) La parole est à M. le député Jean Romain.

M. Jean Romain (R). Nous demandons le renvoi sans débat à la commission de l'enseignement de cette proposition de motion 1983.

Une voix. Bravo ! (Remarque.)

Le président. Merci, Monsieur Romain. La parole n'est pas demandée. Nous nous prononçons donc sur le renvoi de la M 1983 à la commission de l'enseignement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1983 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est adopté par 68 oui (unanimité des votants).

Le président. Je salue à la tribune notre ancien collègue, M. Sébastien Brunny, qui est ici fort bien habillé de son uniforme de gendarme. (Exclamations et applaudissements.)

M 1857-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Françoise Schenk-Gottret, Didier Bonny, Christian Brunier, Michel Forni, Alain Charbonnier, Thierry Charollais, Alain Etienne, Guy Mettan, Lydia Schneider Hausser, Anne Emery-Torracinta, Sylvia Leuenberger invitant le Conseil d'Etat à favoriser l'achat des produits du commerce équitable
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Débat

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. La M 1857 et une proposition de motion de gauche qui a été... (Commentaires.) Non, mais cela a son importance, vous verrez pourquoi ! (Commentaires. Brouhaha. Le président agite la cloche.) Elle a été signée par deux PDC et demi. (Exclamations.) Ce nombre d'une demie n'est pas anodin, parce que le statut de l'un des PDC signataires n'est pas encore très clair du point de vue institutionnel dans le parti. Voilà pourquoi je voulais donner cette précision.

Cette proposition de motion 1857 invite, en substance, le Conseil d'Etat «à favoriser les achats de produits issus du commerce équitable.» Quel beau programme ! Il est intéressant que, d'après les motionnaires, on a l'impression que l'Etat a attendu cette sublime proposition de motion pour se pencher sur cette problématique et n'avait rien fait avant que les motionnaires ne déposent ce texte. Rien n'est plus faux, puisque les travaux en commission ont démontré que l'Etat de Genève était tout à fait exemplaire en la matière, ce qui donne à cette proposition de motion un caractère de procès d'intention particulièrement désagréable.

Je ne m'étendrai pas sur l'audition du représentant de l'OSEO, qui, au fond, nous a débité une suite de banalités n'ayant aucun rapport concret avec la politique genevoise. Mais il nous a parlé des pavés à Bienne, Zurich, Saint-Gall et ailleurs. Donc ce n'était pas lié à la motion.

En revanche, je m'attarderai plus longuement sur l'audition de la représentante de la centrale d'achat de l'Etat de Genève, qui a démontré par son intervention qu'elle était parfaitement consciente des enjeux liés au commerce équitable et qu'elle avait développé, de concert avec son département de tutelle, une politique tout à fait responsable. Elle a expliqué de long en large les mesures prises pour respecter ces critères. Elle nous a fourni une documentation sérieuse, détaillée et expliquée. D'ailleurs, en annexe à mon rapport, j'ai joint la «directive d'achats en matière de développement durable» de l'Etat de Genève, qui montre toutes les procédures que doivent respecter les fournisseurs en la matière. Depuis lors, nous avons aussi appris qu'un «guide des achats professionnels responsables», élaboré de concert avec le service du développement durable, avait été mis sur pied, aussi avec le soutien actif du Conseil d'Etat.

Donc si vous en veniez par malheur à soutenir cette motion, ce serait un vote de défiance grave par rapport à l'administration, par rapport au Conseil d'Etat. Ce dernier a développé une politique cohérente et efficace en la matière, à tel point, d'ailleurs, que les PDC, dont certains avaient soutenu et signé la motion, s'y sont opposés en commission et qu'une députée Verte a souligné - cela ressort du p.-v. et du rapport de majorité - que les précisions fournies notamment par la centrale d'achat démontraient que l'Etat de Genève était tout à fait au point sur ce dossier et que les réponses étaient tout à fait satisfaisantes.

C'est pour toutes ces raisons que je vous invite à rejeter cette proposition de motion.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, en fait, cette motion est extrêmement pragmatique. Elle fait suite à une autre proposition, la M 1856, qui demandait que le Conseil d'Etat tienne compte des conventions de l'OIT dans l'attribution des marchés publics. Je trouve que c'était simplement raisonnable de vouloir par exemple éviter le travail des enfants lorsque l'Etat recourait à des produits qui venaient de pays extérieurs à l'Europe et donc respecter les conventions de l'OIT. C'était une manière de l'affirmer clairement.

Maintenant, dans cette motion-ci, nous demandons de favoriser les achats du commerce équitable. Evidemment, l'Etat n'est pas complètement passif en la matière. Cela n'a d'ailleurs jamais été l'affirmation centrale de cette motion, contrairement à ce qu'affirme M. Cuendet, qui aime bien les caricatures. En réalité, l'Etat de Genève peut-il faire plus aujourd'hui ? La réponse est certainement oui. Il y a différents domaines dans lesquels les produits du commerce équitable ne sont aujourd'hui pas utilisés par l'Etat de Genève.

J'en veux d'ailleurs pour preuve, à titre anecdotique - mais quand même pas si anecdotique que cela - les produits de la multinationale Nestlé. On voit que, dans les alentours, ici, au sein de ce Grand Conseil, on a des machines à café Nespresso. Or on sait que Nestlé a des comportements antisyndicaux reconnus... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à l'échelle internationale. Du reste, une campagne appelée «Nespressure» dénonce les conditions de travail particulièrement affligeantes dans lesquels sont maintenues les employés de Nestlé en Indonésie. Il y a un site: nespressure.org. Ce sont des faits. Et j'aimerais attirer l'attention des députés sur les conséquences du fait que nous ne recourons pas aux produits du commerce équitable.

Aujourd'hui, une partie de ce parlement s'inquiète de l'immigration massive - prétendument massive, en tout cas - en direction de la Suisse et des pays riches. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que des conditions de travail déplorables dans les pays pauvres incitent évidemment les victimes de ces conditions de travail à chercher refuge dans des Etats qui offrent de meilleures conditions. Et, bien entendu, le commerce équitable vise à rémunérer davantage les producteurs dans les pays pauvres et donc à améliorer leurs conditions de travail. En favorisant le commerce équitable, on essaie de payer davantage les gens là où ils habitent. C'est par conséquent une façon de les inciter à rester sur leur lieu de vie au lieu de chercher meilleure fortune dans un pays soi-disant plus riche. Ainsi, simplement par pragmatisme, l'Etat fait déjà quelque chose.

Il peut encore faire plus, notamment au niveau des produits alimentaires dans les cantines scolaires et les crèches, et même au Grand Conseil - c'est l'exemple flagrant - avec le café Nestlé. Pour cette simple raison, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes et les Verts - je pense en tout cas - vous invitent à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour simplement renforcer les efforts faits.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Lussi.

Patrick Lussi (UDC). C'est une erreur, Monsieur le président.

Le président. La parole est à M. le député Henry Rappaz.

M. Henry Rappaz (MCG). Chers collègues, pensez-vous vraiment que le réseau et les labels de produits équitables soient de manière significative équitables pour tous ? Depuis à peu près dix ans, par un souci d'«équitabilité» commerciale, on apprend que trois célèbres maisons ont fusionné - Fairtrade, MaxHavelaar et Transfair - pour donner naissance à un système international et unique. Une énorme machine commerciale s'est mise en route, avec, comme fonds de commerce, un seul slogan porteur, celui du développement équitable. Bien sûr, comme le sujet est payant, de nombreuses initiatives diverses, de partout, provenant d'entreprises, se présentent aujourd'hui sous cette belle étiquette verte du label du commerce équitable.

Aujourd'hui, le commerce équitable touche d'abord les produits alimentaires - même les bananes le savent ! - mais pas uniquement. Il y a toutes sortes de produits artisanaux, vendus dans les boutiques spécialisées, comme «Artisans du Monde», etc. Et, depuis peu, il y a des produits labellisés MaxHavelaar en coton comme des t-shirts, etc., ainsi que des meubles. Mais, en la réalité, qui me dit que le petit paysan ou l'agriculteur concerné est vraiment favorisé ? Il est pratiquement impossible d'obtenir réellement la preuve et les contrôles. Et la différence est si minime... C'est clair qu'il y aura une différence, mais elle n'aura pas changé le fond. Un beau label, on le sait, fait vendre plus que le produit; c'est connu. Et pour se donner bonne conscience, souvent, le consommateur ferme les yeux sur le processus situé en amont. En contrepartie, il faudrait établir des contrôles plus sévères pour nous rassurer sur le fait qu'un tel label profite réellement aux plus démunis.

Le MCG se demande si les socialistes et les libéraux, initiateurs de cette motion... (Commentaires.) ...demanderont un jour à l'Etat d'acquérir sous le label du commerce équitable un peu de bon sens envers ce genre d'attrape-nigauds.

Pour terminer, le MCG souhaite que nous nous penchions davantage sur un commerce équitable envers nos entreprises nationales en difficulté et nos compatriotes chômeurs genevois, que l'on vend trop souvent à bon prix en faveur du label vert, celui marqué du sceau... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de la libre circulation.

Mme Christina Meissner (UDC). Produire, acheter et consommer des matériaux issus d'une exploitation durable fait aujourd'hui partie intégrante de la politique menée par l'Etat de Genève, les directives de la centrale d'achat de l'Etat en atteste, les procédures et directives de l'Etat d'une manière générale également. L'Etat s'engage d'une manière très concrète dans le développement durable à tous les niveaux.

Par exemple, l'usage du papier recyclé a été adopté pour l'ensemble de l'Etat. Cet engagement s'est aussi concrétisé en renonçant aux fontaines à eau, dévoreuses d'énergie, dans la plupart des endroits où cela pouvait se prêter. Enfin, au niveau de l'exploitation que l'Etat fait de ses propres matières, il faut quand même signaler l'exploitation durable des forêts, qui intègre aujourd'hui très clairement la biodiversité. En l'occurrence, les faits l'attestent, l'Etat s'engage, et s'engage de manière durable pour l'exploitation, mais également pour l'achat des matières.

Evidemment, il existe encore quelques couacs. On l'a vu avec l'achat de crayons chinois en lieu et place d'un produit durable et de proximité, tels que nos Caran d'Ache. Mais on a vu la réaction, une réaction très forte, par rapport à cet achat. Je crois qu'il faut véritablement que l'engagement soit l'objet de l'observation très attentive de tous pour éviter ce genre de couacs. Inutile d'aller au-delà, comme le demande la motion. Restons simplement attentifs.

Enfin, comme mon préopinant l'a mentionné, aujourd'hui, ce n'est pas l'Etat qui fait faux, mais beaucoup d'entreprises qu'il faut encore sensibiliser dans notre canton pour qu'elles fassent juste. Il y a encore là du travail. Cette motion ne permettra pas d'y répondre, et nous ne pouvons pas, en tant que groupe UDC, la soutenir.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour les démocrates-chrétiens, cette proposition de motion a eu deux mérites. Oui, nous avons été cosignataires. Le premier mérite a été de poser des questions absolument essentielles sur le bien-fondé de favoriser ou non, au niveau de l'Etat, l'achat de matériel, de produits issus du commerce équitable. Le deuxième mérite de cette proposition de motion, Monsieur le président, a été de permettre au Conseil d'Etat, par son conseiller d'Etat en charge du département de l'économie et de la santé, de pouvoir démontrer combien, depuis longtemps, les procédures sont rigoureuses, avec des critères non seulement absolument exigeants, mais parfois même tellement exigeants que l'on pouvait effectivement se féliciter d'avoir été pareillement pionnier. Grâce à toutes ces explications, nous avons pu mesurer à quel point la centrale d'achat - extrêmement bien gérée, d'ailleurs - avait une responsabilité pour appliquer ce qui était décidé par le Conseil d'Etat. C'est grâce à ces informations tout à fait précises que nous avons été rassurés. Nous pouvons dès lors en toute tranquillité - tout en continuant à rester attentifs, bien évidemment, Monsieur le président - soutenir l'excellent rapport de majorité, parce que nous sommes rassurés.

M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, dans cette enceinte, nous avons déjà traité un certain nombre de propositions de motions, le rapporteur de minorité l'a rappelé, qui concernent cette problématique du développement durable ou de l'achat durable ou équitable. Je me pose là une petite question. Durable est-il équivalent à équitable ? Peut-être que d'autres pourront y répondre.

J'ai relevé, chers collègues, pas moins de six textes - six textes ! - qui traitent précisément de la politique d'acquisition et d'achat de l'Etat, petit ou grand. Mme von Arx-Vernon en a rappelé quelques-uns, mais j'aimerais quand même faire cet inventaire. Il y a l'Agenda 21...

Une voix. Bravo !

M. Gabriel Barrillier. ...la loi sur le développement durable...

Une voix. Bravo !

M. Gabriel Barrillier. ...la «directive d'achats en matière de développement durable»...

Des voix. Bravo ! Ouais !

M. Gabriel Barrillier. ...la déclaration d'engagement à respecter les principes de la durabilité...

Des voix. Ouais ! (Le président agite la cloche.)

M. Gabriel Barrillier. ...le «guide des achats professionnels responsables»...

Une voix. C'est important, bravo !

M. Gabriel Barrillier. ...et puis, il y a aussi le règlement de soumission et d'adjudication. Donc - je crois que cela a été relevé en commission - le travail a été fait. Cela a d'ailleurs été reconnu par une commissaire, une députée Verte, je ne sais pas laquelle, qui «estime pour sa part qu'au vu des informations obtenues, les exigences en la matière lui paraissent suffisamment exhaustives.» C'est à la page 5 du rapport. Alors si une députée commissaire Verte reconnaît qu'en tout cas le cadre législatif, réglementaire, etc., garantit que l'Etat se comporte correctement, que voulez-vous de plus ? Que voulez-vous de plus ?

Donc pour ces raisons, nous estimons effectivement que cette motion est un coup d'épée dans l'eau et qu'il faut la refuser.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Personnellement, le terme de commerce équitable en tant que tel m'interpelle souvent parce que, si l'on en croit la théorie économique, le commerce est censé permettre à celui qui échange de pouvoir vivre de son activité. Or les labels de commerce équitable existent justement pour permettre aux paysans de vivre de ce qu'ils produisent. Cette absurdité théorique étant dite - elle en dit quand même long sur les inégalités de notre économie mondialisée - les Verts estiment que l'on peut toujours mieux faire. Et certes l'Etat de Genève fait ce qu'il peut en matière de commerce équitable. En l'occurrence, on souhaite que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat, parce que ce domaine est vraiment d'importance et nous tient à coeur, et que l'on pourrait encore mieux faire. (Applaudissements.)

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, dommage, le rapport de cette proposition de motion est malheureusement un copié-collé de celui de la M 1856. Dommage, parce qu'il m'a fallu arriver jusqu'à la fin pour le découvrir; j'aurais perdu un peu moins de temps si je l'avais su. Dommage aussi parce que, au lieu de dire à certains députés qu'ils auraient pu faire des enquêtes préalables, on aurait pu parler du commerce équitable, justement; on aurait pu parler du soutien à l'économie et à l'exportation des pays pauvres; on aurait pu parler du soutien aux produits agricoles.

De manière générale, la proposition de motion est liée à la motion radicale, vous vous en souvenez peut-être, sur la politique de soumission et d'adjudication durable, adoptée il y a peu, ainsi qu'à la motion 1856 sur l'application des conventions OIT, adoptée juste après la motion radicale.

Nous avons apprécié la volonté claire du Conseil d'Etat, certes, d'intégrer la notion de développement durable dans sa politique d'achats. Il n'y a rien à dire là-dessus. Mais l'invite de la proposition de motion est simple. Il s'agit de favoriser l'économie des pays en voie de développement en veillant, donc en encourageant des conditions de production respectueuses. C'est donc une manière d'aide au développement; c'est un soutien aux pays du Sud, qui leur permet d'investir leur pays plutôt que d'émigrer. On imagine que certains pourraient être sensibles à cet argument. Et comme le dit la CNUCED, «trade not aid».

Seul un bilan a été effectué avec ces deux motions. Mais avec cette motion-ci, il s'agit de poursuivre - c'est ce qu'elle demande - en élargissant par exemple la politique d'achat aux secteurs alimentaire et textile, en prenant appui, entre autres, sur les labels existants. Dans cette perspective, nous vous invitons à accepter cette motion.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Claude Jeanneret.

M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Monsieur le président...

Le président. A qui il reste une minute et trente secondes.

M. Claude Jeanneret. Magnifique !

Mesdames et Messieurs, chers collègues, écoutez, ce genre de motions est intéressant dans le fond. Qui peut ne pas souhaiter que l'Etat donne l'exemple en se fournissant dans des commerces équitables et durables ? L'Etat fait un bel effort, et la centrale d'achat a des instructions à ce sujet assez précises. Je crois que l'on attend encore le guide d'achats qui doit stipuler toutes ces priorités. Mais je pense aussi que cette motion n'avait pas de grande utilité, puisque l'on apprend, à l'écoute, que les services de l'Etat sont soucieux, notamment au niveau de la centrale d'achat, si ce n'est qu'il y a eu quelques couacs dont on parlait tout à l'heure. Ma chère collègue parlait des crayons chinois. Certes, cela peut arriver; bien sûr qu'il peut y avoir des couacs. Mais je ne crois pas qu'il faille généraliser la chose. Dans l'ensemble, le commerce est bien fait; je pense que la question de veiller à ce que les gens gagnent bien leur vie dans les pays fournissant les produits que l'on achète est louable.

Je dois dire une chose, pour finir sur une note un peu plus drôle, peut-être, pour le MCG. Quand on engage des flics à Genève en les enlevant de la France, ce n'est pas du commerce ni équitable ni durable. Dans ce cadre-là, il n'y a pas que le commerce; le commerce des gens se fait aussi. Il s'agit là d'un drôle de commerce.

Voilà pourquoi le MCG appuiera totalement la décision du rapporteur de majorité.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, commençons par l'invite. L'invite demande de favoriser certains types de producteurs ou de commerçants. Au fond, l'invite demande à l'Etat de se comporter en matière d'achat de certains types de biens de manière diamétralement différente de ce que lui demande également le cadre des AIMP. Dans un cas, inégalité de traitement; dans l'autre, égalité de traitement. Il faudrait quand même savoir ce que l'on veut. On ne peut en tout cas pas vouloir les deux choses en même temps. Soit l'on refuse dorénavant les AIMP, notamment dans le domaine des marchés publics, et on est pour des marchés publics équitables et non pas des marchés publics commandés par l'égalité de traitement; soit l'on veut qu'il y ait égalité de traitement, et cela s'applique également aux types de biens produits par ce que l'on appelle les magasins ou les commerces du commerce dit équitable.

Mais alors vous voyez tout de suite que cette invite, outre qu'elle est contradictoire, pose un problème de définition de ce qu'est l'équité. A ce propos, je remercie notre collègue Verte, qui était pleine de bravos à son propre égard ou à l'égard de son groupe dans ses expressions précédentes, d'avoir rappelé que l'équité posait un problème par rapport au sens même du commerce. Il y a équité dès lors que les plus justes conditions sont offertes, à la fois à ceux qui vendent et à ceux qui achètent; cela, évidemment, c'est le marché qui est en mesure de le faire. Mais pas le marché seul. Le marché contrôlé, mais pas le marché biaisé. Le marché sur le plan international contrôlé par l'OMC, avec des règles qui veulent que, lorsqu'il y a des défaillances ou des abus, des mesures de correction sont appliquées. Mais pas un marché biaisé, parce que, si le marché est biaisé, cela s'exerce évidemment au détriment d'un certain nombre d'autres commerçants. Il faut qu'il y ait accord et égalité de traitement entre les commerçants pour qu'il y ait un commerce égal et non pas un commerce d'abord équitable.

Au surplus - et là, je ne peux quand même pas m'empêcher de le remarquer - quand on se dispute sur le sens du mot équitable, sur la définition, d'autres maltraitent le mot lui-même. On a entendu parler d'«équitabilité». Je n'ai pas encore entendu parler d'«équitisme» ou d'«équitude»... (Remarque.) ...voire d'équitation pour certains... (Commentaires.) ...mais on n'en est pas loin. Donc de grâce, un peu de rigueur, un peu de rigueur dans le traitement des accords que nous avons. Si vous voulez à titre personnel - je le fais aussi - acheter dans certains magasins plutôt que dans d'autres des produits du commerce équitable, vous pouvez le faire. Vous ne pouvez pas le demander à l'Etat, parce que ce serait précisément le pousser en dehors de son cadre légal.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député René Desbaillets, à qui il reste quarante-cinq secondes.

M. René Desbaillets (L). Je vais aller vite, puisqu'il ne me reste qu'une quarantaine de secondes.

Tout d'abord, je ne vais pas participer à ce vote, parce que je ne voudrais pas que l'on m'accuse de faire de la réclame pour les produits genevois, étant producteur, et d'éliminer la concurrence par des lois.

Mais je vous rappellerai simplement que, à Genève, l'agriculture est en avance, puisque nous avons le label GRTA: Genève Région - Terre Avenir. C'est le premier label au monde qui parle de qualité d'environnement et qui tient compte des salaires et des conditions sociales des employés.

Encore un petit rappel: le bon marché est toujours trop cher. Alors on peut être libéral, avoir une certaine conception du commerce, etc., mais il y a certains moments où l'on doit s'arrêter. Regardez ce qui se passe maintenant au Japon: à 80 km autour de la centrale - cela correspond à un périmètre autour de Lausanne allant de Fribourg à Genève - on n'a plus le droit de ramasser...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. René Desbaillets. ...un légume ni de consommer du lait ni aucun produit local. Tout cela pour faire des économies et avoir de l'énergie nucléaire à bon marché. Alors c'est la même chose pour l'agriculture: pensez toujours que le bon marché est trop cher à terme.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur Roger Deneys, pour quarante-cinq secondes.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Parlons des centrales nucléaires. Aujourd'hui, préférez-vous que ce soient les exploitants des centrales nucléaires qui les contrôlent ou des organismes tiers, indépendants ? Je vous pose la question. Eh bien, pour le commerce équitable, c'est la même chose. La réponse, parce qu'elle vient du Conseil d'Etat ou de députés autosatisfaits dans cette salle, est-elle une preuve de fonctionnement modèle, exemplaire, en la matière ? Bien entendu que non ! Ce sont des organismes indépendants et extérieurs qui peuvent donner le satisfecit ou non en la matière. Donc favoriser le commerce équitable, c'est relever que des efforts sont faits aujourd'hui mais qu'ils peuvent encore être poursuivis et renforcés. Cela aura certainement un coût. Cela se fera en faveur du développement plus harmonieux de notre planète, d'une répartition plus juste des richesses...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. C'est bien ce que contestent les libéraux dans ce projet. Ce qu'ils veulent, c'est que les gens puissent s'enrichir dans les pays du tiers-monde pour ensuite planquer leur argent en Suisse.

Monsieur le président, on commence toujours avec cinq minutes de retard, donc je ne vois pas pourquoi, moi, je n'ai pas le droit à une minute en plus ! (Exclamations.)

Le président. Vos propos sont non seulement désagréables, comme souvent, mais en plus parfaitement déplacés.

M. Roger Deneys (hors micro). Non, ils ne sont pas déplacés !

Le président. Si vous voulez essayer de faire du «sous-Stauffer», prenez des leçons ! (Exclamations. Commentaires.) La parole est à M. le député Edouard Cuendet, à qui il reste vingt-cinq secondes.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Alors il me reste vingt-cinq secondes !

Certains vont penser que j'ai été irradié. En effet, je vais présenter mes excuses au MCG, parce que j'ai commis une petite coquille en oubliant dans le rapport de dire que le MCG avait évidemment voté contre cette proposition de motion. J'ai mis deux fois l'UDC. Il n'y a pas eu de fusion - nucléaire en tout cas pas - donc il y a bien un MCG qui a voté contre.

En plus, on va vraiment croire que je mène une difficile matinée, parce que je suis d'accord avec M. Rappaz - c'est tout dire - pour dire que les labels... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ... certifiés ne sont pas une garantie. En effet, durant les débats, il a été relevé à plusieurs reprises que notamment deux tiers des produits considérés comme «bio» ne répondaient pas aux critères «bio». Cela montre qu'il n'y a aucune crédibilité dans ces labels et que l'aspect commercial prend souvent le dessus.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Edouard Cuendet. Donc je vous remercie de rejeter cette proposition de motion.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, lorsque nous avons étudié cette motion en commission, en réalité, on a donné la réponse qui serait celle que l'on donnerait si cette motion nous était adressée. Je vous rappelle que les impératifs tels qu'ils sont définis dans notre constitution nous imposent de donner une réponse dans les six mois. Or je ne vois pas ce que l'on pourrait vous dire de plus dans six mois que ce que vous avez appris en commission, raison pour laquelle, à ce stade, le débat est épuisé.

Mais j'entends bien que l'on puisse toujours faire mieux ! Et nous chercherons à le faire. J'aimerais cependant rappeler que probablement assez peu de collectivités publiques ont pris la peine, au-delà des textes qui ont été énumérés par le député Barrillier, de faire un certain nombre de choses tout à fait concrètes. Premièrement, lorsque l'Etat achète des produits, il fait signer un engagement aux vendeurs, qui prennent en compte les trois dimensions du développement durable. Deuxièmement, nous avons publié, l'année dernière, un «guide des achats professionnels responsables» pour l'ensemble des partenaires de l'économie, et notamment pour toutes les PME, qui nous demandent comment il faut faire et que nous renseignons à travers ce guide, pour opérer de la manière... - la plus... équitable, je ne sais pas - mais en tout cas dans le cadre du développement le plus durable possible.

Je vous rappelle que, il y a déjà quatre ans, nous avions fait un guide «Pour une consommation responsable», destiné à toutes celles et tous ceux qui consomment régulièrement, c'est-à-dire chacune et chacun d'entre nous, pour savoir comment on pouvait se repérer dans la manière de consommer convenablement. Je rappelle ici un article de la «Tribune» de ce matin, mais qui est quelque chose que l'on dit depuis longtemps: consommer une botte d'asperges maintenant, à une époque où elles ne poussent pas en Europe, a certes quelque chose d'équitable pour ceux qui les produisent au Pérou. Mais cela a quelque chose de pas durable quand on sait qu'il faut 17 litres de pétrole pour faire venir 1 kilo d'asperges à Genève - 17 litres de pétrole pour 1 kilo ! - alors qu'il en faut 0,5 pour les couver dans nos terres valaisannes. (Commentaires.) Vous voyez donc à quel point les choses ne sont pas toujours aussi simples que cela.

Alors, Mesdames et Messieurs, je crois réellement que vous avez eu des réponses, des réponses circonstanciées. Dans ces réponses paraissent l'engagement de l'Etat pour sa propre consommation et l'aide qu'il apporte aux gens qui voudraient s'engager, au niveau de l'entreprise ou au niveau de la consommation privée, en leur en donnant la possibilité.

Enfin, je tique sur un petit défaut sémantique. Favoriser le commerce équitable, comme l'a évoqué le député Weiss, c'est aller contre le grand principe des accords de l'OMC. On peut encourager; on ne peut pas favoriser. Alors est-ce si sémantique que cela ? Pour l'excellent joueur de football que vous êtes, Monsieur le rapporteur de minorité, j'aimerais vous rappeler que lorsque l'arbitre vous encourage, on peut le féliciter; lorsqu'il vous favorise, on peut le déplorer ! (Rires.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Celles et ceux d'entre vous qui acceptent le rapport votent oui, les autres non ou s'abstiennent. Je voulais dire: la motion; veuillez m'excuser. Le vote est lancé. (Commentaires pendant la procédure de vote.) La proposition de motion 1857 recueille 46 non, 26 oui et 8 abstentions. Le vote portait donc sur l'acceptation de la motion, qui a fait l'objet de ce rapport. (Commentaires.) Alors j'imaginais que des députées et des députés aussi aguerris que vous avaient parfaitement compris. Je regrette de voir que, si l'on ne vous explique pas le texte... Alors c'est avec grand plaisir - je suis sûr que le résultat sera très différent ! - que je vous fais voter une deuxième fois.

Je vous explique très clairement. Celles et ceux d'entre vous qui sont favorables au rapport qui accompagne cette motion... (Protestations. Remarque.) Monsieur Bavarel, Je vous suis toujours reconnaissant lorsque vous parlez sans avoir la parole ! La dernière fois, cela vous a valu quelques remarques qui vous ont déplu. Ne me tentez pas ! Je reprends. Celles et ceux d'entre vous qui sont favorables à cette motion - virgule - elle-même accompagnée d'un rapport - virgule - votent oui. Celles et ceux d'entre vous qui ne sont pas favorables à ce rapport - lui-même accompagné... (Protestations.) Ceux-là votent non ou s'abstiennent.

Mise aux voix, la proposition de motion 1857 est rejetée par 54 non contre 27 oui et 3 abstentions.

Le président. Cela vous va-t-il, Monsieur Bavarel ? (Remarque.) Tant mieux !

M 1866-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Laurence Fehlmann Rielle, Alain Charbonnier, Anne Emery-Torracinta, Alain Etienne, Véronique Pürro, Françoise Schenk-Gottret, Lydia Schneider Hausser pour des mesures concrètes en faveur des proches aidants de personnes âgées ou en situation de handicap
Rapport de majorité de M. Patrick Saudan (R)
Rapport de minorité de Mme Anne Emery-Torracinta (S)
M 1876-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Loly Bolay, Alain Charbonnier, Laurence Fehlmann Rielle, Véronique Pürro, Françoise Schenk-Gottret, Pablo Garcia, Roger Deneys, Geneviève Guinand Maitre, Virginie Keller, Lydia Schneider Hausser, Alain Etienne en faveur des parents d'enfants gravement malades
Rapport de majorité de M. Patrick Saudan (R)
Rapport de minorité de Mme Prunella Carrard (S)

Débat

M. Patrick Saudan (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, préalablement, je tiens à présenter mes excuses à cette honorable assemblée. En effet, comme vous l'avez constaté dans mon rapport de majorité les propos qui avaient été tenus lors de la séance du 24 novembre de la commission des affaires sociales n'étaient pas rapportés dans ce rapport, ni les amendements socialistes qui avaient été présentés lors de cette séance. C'est la raison pour laquelle vous avez reçu un addendum il y a dix jours. Donc je présente mes excuses à cette assemblée. Dont acte.

Ces deux propositions de motions s'intéressent à une problématique très importante: la reconnaissance du statut des aidants naturels ou proches aidants et les mesures que nous pourrions prendre pour les soutenir. La M 1866 s'adresse plus particulièrement aux aidants naturels des personnes âgées ou impotentes, la M 1876 aux aidants naturels d'enfants gravement malades.

La M 1866 repose sur un constat très simple: beaucoup de temps est consacré par les aidants naturels pour s'occuper des personnes âgées et impotentes, et elles méritent notre reconnaissance et notre soutien. Cette problématique avait déjà fait l'objet d'un colloque organisé par Louis Jeantet en 2007, organisé en fait par le département de la santé... (Remarque.) ...et d'une étude très sérieuse de la FSASD parue en 2009. Les invites de la M 1866 - on retrouve les mêmes dans la M 1876... (Remarque.) Excusez-moi: je parle un peu fort. Les invites initiales demandaient une reconnaissance concrète du statut de la fonction publique, insistaient en particulier sur la flexibilité des horaires des proches aidants et demandaient un encouragement à faire de même dans le secteur privé. Elles demandaient également une assurance perte de gain pour ces proches aidants et une modification, le cas échéant, de la LIPP.

Nous avons procédé à plusieurs auditions dans le cadre de la commission des affaires sociales, entre autres le DARES, l'association Alzheimer et l'UAPG. Les débats en commission ont été extrêmement nourris et ont permis les conclusions suivantes.

La totalité de la commission des affaires sociales est consciente de l'importance de cette problématique, et les invites qui portent sur la reconnaissance d'un statut, sur des mesures d'information supplémentaire, de conseil, d'accompagnement ou de répit pour les proches aidants sont tout à fait acceptables pour l'ensemble de la commission.

En revanche, les invites dans les propositions de motions initiales sur l'assurance perte de gain ou la modification de la LIPP ne nous convenaient pas sur le fond; sur la forme, elles étaient contraires au droit fédéral et ne convenaient donc pas à plusieurs groupes politiques dans cette commission. C'est pourquoi le parti socialiste a présenté des amendements lors de cette séance du 24 novembre qui supprimaient ces invites et les remplaçaient par une troisième invite, laquelle demandait une indemnité financière journalière aux proches aidants sur le modèle de Fribourg. Cette invite est le désaccord majeur avec les initiants, pour plusieurs raisons.

La première raison est une raison quasiment d'ordre philosophique. Nous ne voulons pas de monétarisation de l'aide aux personnes impotentes ou âgées, parce que, pour nous, cela relève des liens familiaux naturels, comme d'ailleurs le code des obligations le mentionne. Nous craignons que cette mesure altère - c'est un risque - l'altruisme familial. Du reste, l'argument selon lequel cette aide des proches aidants pourrait se quantifier à 12 milliards d'économie pour nos systèmes de santé nous paraît relever d'une logique un peu douteuse.

La deuxième raison concerne la mise en application, qui nous paraît extrêmement difficile. Comment séparer l'aide que nous devons à nos proches d'une application extrêmement soutenue d'un proche aidant envers une personne âgée très impotente ? Comment quantifier cette aide ?

Troisièmement - c'est aussi fondamental - les auditions du département nous ont convaincus que les mesures les plus importantes étaient les mesures de répit, et en aucun cas une indemnisation financière des proches aidants. J'en reviens alors à l'indemnité journalière comme elle se pratique à Fribourg, qui est le point principal de la troisième invite du parti socialiste. Cette indemnité journalière, Mesdames et Messieurs les députés, existe à Fribourg depuis l'instauration de la loi sur l'aide et les soins à domicile en 1990. Son but principal était de permettre le maintien à domicile des personnes âgées, parce qu'il faut savoir que, à Fribourg, les personnes âgées entrent en EMS quatre ans plus tôt qu'à Genève, si l'on se fie aux statistiques de 2006; à Genève, en entrait à 84,9 ans et, à Fribourg, à 81,3 ans. Cette aide financière est à la charge des communes et les conditions sont très restrictives. D'ailleurs, je tiens à vous faire remarquer qu'elle est de 25 F depuis les années nonante et qu'elle n'a jamais été indexée au coût de la vie.

Le coût d'une telle mesure n'a pas été abordé en commission, bien que de nombreux commissaires l'aient demandé. Je peux vous donner une estimation avec un prix plancher et un prix plafond. Le prix plancher, si l'on mettait cette mesure en vigueur à Genève, serait d'environ 12 millions. C'est basé sur les montants que les communes ont payés en 2007, si vous les extrapolez à la population genevoise. Le prix plafond est beaucoup plus important, puisqu'il est de 130 millions. Voici comment on le calcule - c'est assez simple. La population genevoise de plus de 65 ans en décembre 2010 se monte à 72 000 personnes. Or on le sait et toutes les études médicales sont convergentes sur ce point, 20% des personnes âgées de plus de 65 ans souffrent de maladies handicapantes. Cela fait 14 000 à 15 000 personnes à Genève. Même si vous retranchez les personnes qui sont en EMS, vous multipliez ce nombre de personnes par le coût de 9000 F par an et vous arrivez au chiffre de 130 millions à Genève. La mise en application d'une telle mesure devrait probablement se situer dans cette fourchette, entre 12 et 130 millions.

Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de motion 1866 était acceptable pour l'ensemble de la commission, hormis cette troisième invite; c'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas entrés en matière sur la M 1866.

Concernant la proposition de motion 1876...

Le président. Il va vous falloir songer à conclure, Monsieur le député. Vous en êtes à sept minutes. (Remarque.)

M. Patrick Saudan. Encore deux minutes ! Concernant la proposition de motion 1876, nous avons décidé de la renvoyer au Conseil d'Etat. Nous avons modifié notre position prise en commission pour trois raisons simples. Il y a eu l'année dernière dix-huit cas de familles qui ont demandé une aide sociale en raison de graves maladies. Donc c'est deux fois plus que ce que j'avais indiqué dans mon rapport, parce qu'il n'y a pas seulement des enfants avec des cancers du sang. Ces cas sont clairement identifiables. Donc les critiques que nous faisons à la première motion sur la mise en application ne tiennent pas. Troisièmement - c'est fondamental et n'était pas ressorti dans les travaux de la commission - il nous a semblé qu'il y avait une inégalité de traitement entre des familles dont les enfants naissaient avec des handicaps et qui pouvaient toucher des prestations de l'assurance-invalidité et des familles dont les enfants tombaient gravement malades et qui ne touchaient rien. C'est pour cela que, concernant la M 1876, nous changeons la position qui a été prise à la commission des affaires sociales et nous vous demandons de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Je salue ici la sagesse du parti radical, ou libéral-radical, par rapport à la M 1876, et je me fais fort, avec le groupe socialiste, de vous convaincre également de renvoyer la M 1866 au Conseil d'Etat.

Je crois, Mesdames et Messieurs les députés, que l'enjeu est bien sûr le vieillissement de la population et la manière dont nous allons prendre en compte ce vieillissement. Vous le savez, la population générale du canton et de Suisse vieillit. Vous savez aussi que la population entre toujours plus tard en EMS et que l'essentiel de la prise en charge des personnes âgées se fait par le biais des soins à domicile. Or nous savons que, en Suisse, 80% des soins à domiciles sont exercés par des proches. Toute la question que nous essayons de mettre en évidence dans cette motion est de savoir comment aider ces proches.

On le sait, les proches ont besoin de reconnaissance, d'information, d'accompagnement et de répit, mais ils ont parfois aussi des besoins financiers. Pourquoi ? Tout simplement parce que, lorsque vous avez une activité professionnelle et que, par exemple, vous devez quitter votre emploi tous les jours plus tôt parce que vous allez vous occuper de votre vieille mère, qui vit toujours seule à son domicile, vous diminuez votre temps de travail. Si vous avez un salaire élevé, cela va jouer. Mais si vous avez un salaire modeste, cela risque d'être extrêmement problématique.

Contrairement à ce que dit M. Saudan, nous ne voulons pas du tout d'une politique de l'arrosoir, qui consisterait à indemniser tous les proches aidants de manière équivalente et quelles que soient les situations. Nous demandons simplement au Conseil d'Etat de prendre en compte cette question et de trouver une solution pour les personnes qui renoncent à leur activité professionnelle ou qui diminuent leur temps de travail et qui, de fait, n'arrivent pas à s'en sortir financièrement.

Dans ce sens-là, nous pensions que l'expérience du canton Fribourg était intéressante, qu'elle méritait d'être étudiée et que le Conseil d'Etat devrait aussi, par rapport à cela, nous faire des propositions. Donc les chiffres articulés par le rapporteur de majorité ne sont pas du tout ceux dont nous avons parlé. Nous avons demandé que l'on étudie la possibilité de verser une indemnité financière, mais pas avec une politique de l'arrosoir et bien sûr en tenant compte des moyens des uns et des autres.

Ce qui m'étonne, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que l'on a pourtant une motion qui vous propose de manière un peu visionnaire de faire des économies. En effet, on estime que, en Suisse, 10 à 12 milliards sont économisés chaque année par le fait que des proches s'occupent de leurs parents âgés. Alors vous pouvez dire - Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez raison - que, au fond, cela fait partie du devoir de chacun, bien sûr, et le code des obligations le rappelle. Mais il faut voir aussi la réalité des choses. Nous vivons dans une société éclatée, où, de fait, souvent, les enfants n'habitent pas dans les mêmes lieux que leurs parents. Quand je dis «dans les mêmes lieux», je ne parle pas de l'appartement, mais je parle du canton ou de la région. Donc, de fait, nous irons de plus dans une société - on peut le déplorer ou l'approuver, mais peu importe, là n'est pas la question - où les enfants seront éloignés de leurs parents. Alors si vous préférez que toutes les personnes soient en EMS et coûtent beaucoup plus cher, je crois que vous faites une erreur.

La vraie question, la vraie vision d'avenir que nous devons avoir consiste à anticiper les choses, par exemple le fait que, si 6000 personnes à Genève sont aujourd'hui atteintes de la maladie d'Alzheimer, on sait que, d'ici à moins de dix ans, il y en aura environ 20 000. Eh bien je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, que préférez-vous: des personnes en EMS ou encourager les proches aidants à trouver des solutions ?

La conclusion, je la laisserai au chef du département. C'est ainsi, d'ailleurs, que j'avais terminé mon rapport. Le chef du département nous dit que la situation actuelle est difficile à vivre pour les proches aidants et terminait par une intervention faite il y a quelques années en déclarant: «Le Grand Conseil de Fribourg a voté une loi [...] qui prévoit notamment une indemnité forfaitaire pour les parents et proches qui apportent une aide régulière, importante et durable, à une personne impotente, afin de lui permettre de demeurer à son domicile.» Je suis persuadée que le chef du département aura, dans un rapport, des choses intéressantes à nous dire à ce propos.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à l'autre rapporteur de minorité, Mme la députée Prunella Carrard.

Mme Prunella Carrard (S), rapporteuse de minorité. Le revirement du rapporteur de majorité rend un peu mon rapport de minorité obsolète, mais je m'en félicite ! J'ajouterai rapidement deux ou trois petits éléments.

Effectivement, cette proposition de motion 1876 tend à trouver des solutions pour des parents qui se retrouvent face à l'obligation de diminuer voire de stopper leur activité professionnelle pour s'occuper de l'enfant malade. Ainsi, la possibilité des parents de s'occuper de leur enfant est intimement liée à la question du temps à disposition et des conséquences financières. C'est le cas également - c'est la raison pour laquelle ces deux propositions de motions ont été jointes - lorsque les personnes doivent s'occuper d'un proche âgé ou en situation de handicap.

J'aimerais mentionner ici que l'association Action Sabrina, que nous avons auditionnée en commission et qui s'occupe principalement des enfants admis en pédiatrie aux HUG, en oncologie, fait le constat que les proches aidants ont besoin principalement de temps et d'argent. C'est donc bien la voix d'une association qui travaille sur le terrain qui nous explique les conditions dans lesquelles se retrouvent les proches aidants.

Enfin, je dirai qu'il est de l'intérêt tant individuel que public de permettre aux parents de s'occuper et d'accompagner leur enfant malade dans les meilleures conditions. En effet, d'une part, cela a pour conséquence de réduire les coûts de la santé, dans la mesure où il est prouvé que la présence des parents auprès de leur enfant peut influer positivement sur l'évolution de la maladie et réduire la durée d'hospitalisation; d'autre part, cela permet d'assurer le maintien ou le retour rapide sur le marché de l'emploi des femmes, car ce sont souvent elles qui vont réduire leur temps de travail au sein du couple parental en cas de maladie de l'enfant ou pour s'occuper de leurs parents âgés.

Voilà pourquoi nous demandions le renvoi au Conseil d'Etat. Mais je me félicite du revirement du rapporteur de majorité.

M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le MCG avait soutenu en commission la position exprimée par la gauche. Il continuera à le faire ici - bien que nous ayons été minorisés - nous continuons à penser sérieusement que l'assistance des proches aidants est un élément important de notre structure future d'accompagnement, non seulement des personnes âgées, des personnes malades, mais aussi des enfants handicapés; c'est une réalité. On vous a donné dans le rapport de minorité l'exemple de la loi fribourgeoise, qui apporte modestement une contribution à ces personnes et qui soulage aussi; il faut le savoir, ce n'est pas simplement une idée humaniste et altruiste qui nous amène à cette solution, mais c'est aussi une conclusion économique. Les personnes qui ne sont pas aidées par des proches coûtent à la société manifestement plus que ce que nous pourrions donner modestement ici.

Donc il s'agit d'aborder cette question et de s'entourer des renseignements nécessaires pour savoir évidemment ce que cela va impliquer en matière de coûts, parce que nous devons avoir une politique responsable au niveau social mais aussi au niveau économique. Or la commission n'a manifestement pas pu faire tout son travail dans ce domaine. Nous considérons pour notre part que, plutôt que de les renvoyer au Conseil d'Etat, il faudrait renvoyer ces propositions à la commission, mais à la commission de la santé et non à la commission des affaires sociales, puisqu'il s'agit d'une question de planification aussi dans le domaine de la santé.

Nous reviendrons sur une autre proposition de motion, plus tard lors des débats, pour laquelle le groupe MCG demandera aussi le renvoi à la commission de la santé. Il paraît manifeste que ces sujets doivent faire l'objet d'une étude globale mais pointue, pour savoir effectivement qui cela concerne, même si, sur le principe, nous sommes tous conscients et nous devons tous être d'accord: les proches aidants doivent être soutenus.

Le président. Monsieur le député. Vous venez de demander un renvoi en commission. Souhaitez-vous renvoyer en commission l'une et l'autre...

M. Mauro Poggia. L'une et l'autre, Monsieur le président.

Le président. Très bien. Comme nous sommes saisis... (Remarque.)

M. Mauro Poggia. Non !

Le président. Non, attendez deux secondes... (Remarque.)

M. Mauro Poggia. Eh bien moi, je dis l'une et l'autre... (Remarque. Le président agite la cloche.)

Le président. Je suis désolé, mais on ne va peut-être pas recommencer le même cirque que tout à l'heure ! J'ai posé une question à M. le député...

M. Mauro Poggia. Oui, vous avez posé la question; je vous ai répondu, Monsieur le président.

Le président. Alors vous souhaitez donc renvoyer l'une et l'autre en commission. Nous nous prononçons à ce sujet... (Protestations.) Les rapporteurs peuvent - veuillez m'excuser - intervenir sur le renvoi en commission.

M. Patrick Saudan (R), rapporteur de majorité. La seule raison pour renvoyer ces deux propositions de motions à la commission de la santé est l'implication du DARES dans cette problématique. Avant qu'une décision soit prise, j'aurai aimé savoir si le DARES souhaite qu'elles y soient traitées.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Je ne vais me prononcer que pour le rapport M 1866-A. Le groupe socialiste est favorable à un renvoi à la commission de la santé pour autant que ce soit dans un sens constructif et que, dans l'esprit de tout le monde, ce soit pour étudier les invites de la proposition de motion. Si le but est de l'enterrer, bien évidemment que l'on ne sera pas d'accord.

Un élément me paraît essentiel aussi, et j'aimerais le rappeler, parce que cela n'a peut-être pas été clair tout à l'heure. Dans l'esprit du groupe socialiste, donner une aide financière, je l'ai dit, ce n'est pas dans le cadre d'une politique de l'arrosoir; ce n'est pas non plus pour que des personnes essaient éventuellement de «gagner leur vie» en ayant des proches qu'elles aident. C'est bien sûr pour permettre à des personnes qui renoncent ou qui devraient renoncer à leur travail de ne pas perdre trop financièrement. Il ne s'agit pas, par là, de favoriser des situations qui pourraient amener, par exemple, à des questions de maltraitance ou autres, parce que les personnes seraient à domicile et non pas dans des établissements adéquats. Que ce soit bien clair.

J'accepte, au nom du groupe socialiste, le renvoi à la commission de la santé du rapport M 1866-A.

Mme Prunella Carrard (S), rapporteuse de minorité. Concernant la proposition de motion 1876, nous considérons qu'elle touche tellement peu de cas que, d'une certaine façon, elle n'est pas franchement liée à la planification hospitalière et que, dans le cas précis, nous maintenons son renvoi au Conseil d'Etat, vu que cela a l'air de convenir à tout le monde.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la M 1866 doit retourner en commission pour que l'on évalue un petit peu mieux le périmètre des choses. On aura l'occasion de discuter des éventuelles analogies avec Fribourg, mais on le fera en commission, pour autant que vos désirs soient tels.

Pour la seconde proposition de motion, honnêtement, les mesures qui ont été faites du périmètre du nombre de cas, ainsi que le fait que cela se situe uniquement à l'intérieur de la fonction publique et que cela concerne des cas différents, me laissent à penser que vous pouvez prendre la décision que vous voulez, mais certainement l'adopter aujourd'hui.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes donc en procédure de vote pour le renvoi... (Remarque.)

M. Mauro Poggia (MCG). Je retire ma proposition de renvoi en commission pour la M 1876. Concernant la première, j'ai été clair: je demande le renvoi à la commission de la santé. Pour la deuxième, la M 1876, nous soutiendrons un renvoi direct au Conseil d'Etat.

Le président. Bien. Comme on dit à la télévision, «c'est votre dernier mot ?»

Une voix. Oui, Jean-Pierre !

Le président. Nous sommes en procédure de vote pour le renvoi du rapport M 1866-A à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 1866 à la commission de la santé est adopté par 73 oui contre 1 non et 1 abstention.

Le président. Nous continuons le débat sur la M 1876. La parole est à M. le député Christian Bavarel.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous venons déjà de réduire de moitié les objets que nous avons à traiter. Nous poursuivons.

Il nous semblait à nous, chez les Verts, que le tout était assez simple. Qu'est-ce qu'une motion ? C'est peut-être d'abord à cette question qu'il faut répondre. Une motion est une demande que l'on adresse au gouvernement. Ce n'est donc pas un texte. Je suis surpris que l'on s'engage dans un débat aussi technique sur un point assez simple. Ce sont différentes invites et demandes formulées auprès du gouvernement, qui, lui, nous rendra un rapport tout à fait complexe. Là, il n'y a pas de problème.

Et que demande-t-on ? Il s'agit de gérer la situation lorsque des enfants sont gravement malades. Si vous avez un enfant qui a une leucémie, c'est une première catastrophe qui vous arrive sur le dos; vous allez vivre cette situation de manière extrêmement difficile. En plus de cela, vous avez des ennuis au travail. Donc on demande simplement que les parents qui se retrouvent dans une situation - cela peut se faire avec un certificat médical ou de différentes manières - où ils doivent pouvoir aider leurs enfants et être présents auprès de leurs enfants le fassent. Autrement, on le sait très bien, c'est l'Etat qui prend en charge. Il y a un moment où l'on hospitalise; on hospitalise plus longtemps; on trouve d'autres systèmes; ainsi, on paie des gens pour faire le travail qu'auraient pu faire des parents.

Les gens sont de toute façon en situation de souffrance. Ils sont extrêmement inquiets pour un enfant; on parle de maladies graves. Alors on demande au Conseil d'Etat de nous aider à trouver une solution pour que ces gens-là puissent avoir un peu de temps, un peu d'argent, que ce soit possible pour eux de rester auprès de leurs enfants. C'est très simple. Donc les Verts vous proposent simplement d'accepter cette proposition de motion.

Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président

M. Philippe Schaller (PDC). Nous sommes tout à fait heureux que le rapport M 1866-A ait été renvoyé à la commission de la santé. Nous avions fait un sous-amendement à l'amendement socialiste, de manière à pouvoir faire passer cette motion. Donc nous travaillerons en commission avec les différents groupes pour avoir une vision un peu plus globale. (Remarque.)

Au sujet de la motion concernant les enfants malades, bien entendu, comme l'a dit le député Bavarel, cette problématique nous préoccupe. Nous trouvons que c'est une excellente motion et nous la renverrons au Conseil d'Etat pour traitement.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, sur le rapport M 1876-A, au point 69 de l'ordre du jour, dont je crois que nous traitons maintenant, il y a eu, dans notre groupe élargi PLR, un accord pour renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Mais de deux choses l'une, s'agissant des invites. Soit il s'agit de peu de cas, voire de très peu de cas. A ce moment-là, on ne crée pas d'assurance cantonale, comme il est proposé dans la motion 1876 en faveur des enfants gravement malades, qui invite le Conseil d'Etat «à examiner la possibilité de créer une assurance cantonale spécifique.» C'est précisément... (Remarque.) Alors il s'agira de savoir s'il y a oui ou non cette invite, si cette invite est supprimée. Si elle est supprimée, notre groupe votera le renvoi au Conseil d'Etat.

M. Eric Bertinat (UDC). Je m'inscris dans ce que vient de dire mon collègue Weiss, à la restriction suivante. Cet amendement, présenté comme un sous-amendement, est donc inscrit à la proposition de motion 1876 en faveur des parents d'enfants gravement malades. Donc j'avoue mon étonnement de trouver dans ce sous-amendement non seulement les enfants gravement malades, mais les personnes âgées, les handicapés et les malades de longue durée. On devrait comprendre que, dans le cas précis, il ne doit s'agir que d'enfants. (Commentaires.)

Le président. Veuillez m'excuser, Monsieur le député. La M 1866 a été renvoyée en commission.

M. Eric Bertinat. Ça ne pouvait pas manquer ! Effectivement, je me suis trompé d'amendement. Cela me permet alors simplement de dire que le groupe UDC est tout à fait opposé à la création d'une assurance cantonale, puisque l'on parle, sauf erreur, d'une vingtaine de cas d'enfants qui ont vraiment de graves problèmes de santé et qui ont besoin d'un encadrement de leurs parents. Donc nous suivrons le mouvement en acceptant de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je vais vous relater une expérience qui était une réalité à l'Hospice général, où, il y a plusieurs années, il existait une clause au niveau du personnel permettant de prendre un certain nombre de jours pour cause d'enfant malade. Même si cette clause existait, nous n'avions pas une myriade de gens qui partaient sans arrêt, en particulier les mamans, pour soigner leurs enfants. Mais le fait que cette clause existait dans le statut ou dans le règlement du personnel permettait aux parents, en particulier aux mamans d'enfants en bas âge, de ne pas avoir un stress sur la manière de s'organiser, ne serait-ce que pour amener l'enfant qui avait une fièvre de 40 degrés chez le médecin en s'absentant durant une matinée. Les heures étaient souvent récupérées et cela se passait de la manière la plus optimale.

Je crois que cette expérience montre cette nécessité pour des parents de plus en plus nombreux, qui doivent travailler pour vivre à Genève et qui ont des enfants en bas âge en particulier: il est indispensable de penser à organiser, dans un cadre légal ou dans un cadre entendu avec l'employeur, une possibilité de dégager un peu de temps pour répondre aux urgences voire à une maladie grave.

De ce fait, le groupe socialiste vous demande bien sûr d'accepter cette proposition de motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts, à qui il reste une minute et quarante-cinq secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Chers collègues, le groupe MCG acceptera le renvoi au Conseil d'Etat de la M 1876 et se félicite que la M 1866 reparte à la commission de la santé.

La conception que nous avons aujourd'hui du rôle des familles et de la fonction parentale entraîne un certain nombre de changements. C'est vrai que la question de la monétarisation pourrait se poser pour des personnes en charge de parents fortement handicapés ou même de personnes âgées, comme cela a pu être dit. Jusqu'à aujourd'hui, on fonctionnait beaucoup avec la notion de bénévolat, de bienfaisance, parce que cela nous paraissait très naturel. Et quand on n'en avait plus la possibilité ni la force, on hospitalisait généralement les personnes fortement handicapées. Cette question de monétarisation change d'aspect. La fonction parentale et les relations intergénérationnelles nous ont mis face à un certain nombre de responsabilités aujourd'hui tout à fait nouvelles, qui ne relèvent plus simplement de la bienfaisance, mais de la responsabilité sociale et éducative que nous pouvons avoir auprès des enfants.

Un enfant...

Le président. Il vous reste quinze secondes, Madame la députée. Prenez la responsabilité de conclure.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Oui, Monsieur le président. Un enfant handicapé ne sera jamais aussi bien pris en charge que par ses parents, qui, l'un ou l'autre, devra à un moment donné diminuer son temps de travail et avoir une diminution salariale. C'est la raison pour laquelle nous sommes extrêmement favorables à ce que le Conseil d'Etat puisse considérer les invites qui ont été proposées dans la motion.

Le président. Merci, Madame la députée. Madame la députée Prunella Carrard, il vous reste deux minutes.

Mme Prunella Carrard (S), rapporteuse de minorité. Je pensais que c'était assez clair, parce que M. Saudan l'avait précisé, mais il y a visiblement eu un peu de confusion. Donc je désire présenter rapidement les amendements que nous proposons pour la M 1876. Cela concerne les invites et a été distribué sur vos tables il y a une semaine, lors de la session.

Les invites que nous proposons actuellement sont les suivantes. Premièrement: «à prendre des mesures concrètes en faveur des employé-e-s de la fonction publique dont un enfant est gravement malade (flexibilité des horaires, congé rémunéré de longue durée, etc.) selon des critères déterminés et transparents et dans le respect du statut de la fonction publique.» Deuxièmement: «à encourager les entreprises à mettre en oeuvre des mesures analogues.» Encourager et non obliger, je précise. Troisièmement: «à compléter la loi sur le réseau de soin et le maintien à domicile en tenant compte de cette problématique, notamment en proposant une indemnité financière journalière à l'instar de ce qui se fait dans le canton de Fribourg.» Je précise ici que nous demandons au Conseil d'Etat de faire des propositions, qu'il ne s'agit pas de pratiquer une politique de l'arrosoir et que, encore une fois, il s'agit de très peu de cas, de vraiment très peu de cas, une petite vingtaine par année. Cela ne coûtera pas très cher. Et nous devrons de toute façon nous prononcer à un moment donné sur les propositions du Conseil d'Etat.

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, l'idée peut certes sembler assez intéressante. Mais la question se pose: dans quel sens va-t-on ? Dans quelques années, à chaque fois que l'on va avoir un problème, on va demander à l'Etat d'intervenir et de financer tel ou tel problème parce que l'on n'arrive plus à les gérer.

On a des familles. Je crois que chacun est amené à résoudre des épreuves; que l'on ait des enfants handicapés ou non, chacun a des épreuves dans la vie. Or je pense que c'est la responsabilité des familles et des proches de résoudre ces épreuves, sans forcément demander à chaque fois à l'Etat d'intervenir et de nouveau de dépenser l'argent public.

Si vous parlez d'une telle proposition en Afrique, vous faites le tour de l'Afrique, tellement elle fait honte ! Ce n'est pas qu'il ne faut pas aider les enfants handicapés, mais il y a là-bas une telle solidarité ! Ici, on a une solidarité de façade. C'est pour cela que l'on délègue tout aux services sociaux; on ne sait plus gérer nos affaires personnellement, on a complètement démissionné. Je parle aussi en tant que papa; j'ai aussi beaucoup appris avec mes enfants. Je ne demanderai jamais à l'Etat de m'aider, même si je dois sacrifier ma vie professionnelle.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, dans ce débat un peu évolutif - le rapport est partiellement complet, mais extrêmement bon quand même, et l'on a des amendements ou des modifications d'invites qui arrivent dans les documents fournis non pas à la dernière minute, mais en tout cas quelques jours auparavant - on en est malgré tout à une double proposition. Il y a une proposition de fond, qui doit être approuvée parce que je pense qu'elle relève d'une nécessaire compassion et solidarité humaines; et il y a l'aspect financier.

Sur le problème de fond posé par la M 1876 pour quelques cas - il y a été indiqué quinze à vingt cas par an... enfin, on est dans l'ordre de la dizaine ou de deux ou trois dizaines - on ne peut pas ne pas prendre en considération la détresse, la souffrance et les problèmes pratiques posés à ces familles. Et là, c'est oui !

Mais en même temps, les auteurs de la proposition de motion demandent quand même, dans la modification des invites, pour les collaborateurs de l'Etat, un congé rémunéré de longue durée, et pas un congé de longue durée. Ils demandent, s'agissant de la modification de la loi sur le réseau de soin, de proposer une indemnité financière journalière à l'égal de ce qui se fait dans le canton de Fribourg. A nouveau, il s'agit d'offrir de l'argent. Prendre des dispositions pratiques pour aider ces familles, oui. Demander d'emblée de mettre des moyens financiers à disposition, je pense que, là, même s'il s'agit de peu de cas, il s'agit d'arroser quand même tous les cas.

Cette politique doit être menée avec circonspection. Cette aide financière ne doit être accordée que de cas en cas, en fonction de la nécessité réelle des familles concernées. C'est dans ce sens que nous pouvons être favorables, mais cela doit être dans ce sens aussi que nous prions le Conseil d'Etat de savoir raison garder pour cette nécessaire compassion.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Emery-Torracinta, vous avez épuisé votre temps de parole de rapporteur, mais je vous accorde les deux minutes et quinze secondes qui reviennent encore au groupe socialiste. Vous avez la parole.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. On croit rêver quand on entend Pierre Weiss ! On nous parle de compassion, mais on ne veut pas s'en donner les moyens. Il ne s'agit pas - nous le répétons ici très clairement - d'arroser tout le monde. Mais il y a une réalité. Vous savez, Monsieur Weiss, comment cela se passe actuellement dans la fonction publique, dans des situations de ce type, voire aussi lorsque des parents âgés sont malades. On encourage les parents à se faire eux-mêmes porter malades, à avoir un certificat médical de leur médecin et à être portés malades, afin de pouvoir s'occuper de leur enfant. Ce sont des situations que nous connaissons. Donc de toute façon, il faut bien arriver à résoudre le problème, et ce n'est pas en le niant que vous y arriverez.

On demande simplement que le Conseil d'Etat nous fasse des propositions, des propositions qui soient transparentes et qui n'arrosent pas tout le monde, mais qui définissent des critères clairs et qui évitent la situation actuelle. Cette dernière est d'une hypocrisie sans nom et coûte certainement encore plus cher à notre société.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le député Patrick Saudan, vous avez épuisé votre temps de parole et je vous accorde le temps de parole du groupe radical.

M. Patrick Saudan (R), rapporteur de majorité. Pour revenir sur cette M 1876, dont j'ai demandé le renvoi au Conseil d'Etat, je tiens à préciser deux points. Il y a une inégalité de traitement - c'est un point assez important - entre les familles qui ont un enfant gravement malade à la naissance et qui peuvent toucher des prestations de l'assurance-invalidité et celles qui ont un enfant devenu malade après la naissance. Je pense que c'est un point à prendre vraiment en compte. En outre, il faut le savoir, ces cas sont extrêmement délimités, dix-huit par an pour des périodes de relativement courte durée, parce que l'issue est soit positive, soit, malheureusement, négative.

J'aimerais revenir à ce propos sur une phrase qui avait été d'ailleurs inscrite dans le rapport de minorité. Ce n'est pas qu'une question de compassion. D'après les spécialistes, et même si l'on n'a pas tellement d'études sur cette question, la présence des parents semblerait bénéfique pour la guérison de ces enfants. Pour chiffrer, on peut le dire, c'est à peu près 400 000 F par an, si l'on considère que cette indemnité correspondrait à celle qui est donnée à Fribourg. Donc je réitère ma demande: je pense qu'il faut renvoyer la M 1876 au Conseil d'Etat.

C'est vrai qu'il y a eu un peu de flou dans nos débats, dont je suis partiellement responsable. (Remarque.) Je l'ai expliqué dans mon allocution initiale. Dans l'addendum qui vous a été envoyé il y a dix jours, les amendements socialistes étaient clairement énoncés.

J'en profite aussi pour finir en disant que la M 1866 m'inspirait quand même une certaine inquiétude par rapport à un «effet arrosoir». Il est vrai que je ne pense pas que donner une indemnité journalière pourrait permettre de retarder l'entrée en EMS de personnes âgées, puisque, à Genève, nous avons une politique de soins à domicile remarquable. Notre canton est celui qui dépense le plus - 125 millions par an - et nos personnes âgées arrivent très tard en EMS grâce cette politique. Je ne pense pas qu'une indemnité journalière puisse permettre de les envoyer encore plus tardivement en EMS.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons passer au vote de l'amendement déposé par Mmes Carrard et Emery-Torracinta, qui concerne la troisième invite. La troisième invite remplace l'invite originelle par: «à compléter la loi sur le réseau de soin et le maintien à domicile en tenant compte de cette problématique, notamment en proposant une indemnité financière journalière à l'instar de ce qui se fait dans le canton de Fribourg.» Cet amendement figure à la page 15 du rapport de minorité.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 54 oui contre 10 non et 11 abstentions.

Mise aux voix, la motion 1876 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 72 oui et 1 abstention.

Motion 1876

M 1946
Proposition de motion de Mmes et MM. Eric Stauffer, Claude Jeanneret, Jean-François Girardet, Pascal Spuhler, Sandro Pistis, Henry Rappaz, Dominique Rolle, Fabien Delaloye, André Python, Guillaume Sauty, Olivier Sauty, Jean-Marie Voumard, Florian Gander, Marie-Thérèse Engelberts, Antoine Bertschy, Patrick Lussi : Quai 9 ou la honte des Genevois !

Débat

Le président. Le débat est classé en catégorie II: trois minutes par groupe. La parole est à M. le député Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, Quai 9 est devenu un haut lieu des toxicomanes non seulement de Genève, mais de toute la France, puisqu'il y a une zone de non-droit aux alentours de Quai 9, où la police a reçu instruction de ne pas appréhender ni de fouiller les dealers, puisque c'est un local d'injection. Donc c'est le comble de l'hypocrisie. En effet, ce n'est pas un local où nous allons, en tant qu'Etat, donner les moyens de distribuer des produits de substitution pour essayer de désintoxiquer ces pauvres malheureux pris par la tourmente des stupéfiants; mais c'est bien un local d'injection, avec des drogues dures, de la cocaïne, de l'héroïne, j'en passe et des meilleures. C'est donc très hypocrite, puisque l'on sait que la vente des stupéfiants est illicite en Suisse - et Genève fait partie de la Suisse - mais que nous autorisons par ailleurs des locaux d'injection.

Alors quelle est la thérapie proposée... (Remarque.) ...aux toxicomanes ? Eh bien rien ! C'est là un vrai problème, et Quai 9 ne remplit plus, aujourd'hui, sa mission. Pire encore, la France a durci son code pénal sur les infractions liées à la drogue, au trafic de drogue et à la consommation de stupéfiants; par conséquent, les Français sont aujourd'hui bien inspirés de venir sur le territoire genevois. Ainsi, nous avons ouvert ici une première en Suisse romande: un centre de tourisme pour les drogués de toute la France, qui viennent évidemment ici en toute impunité en acheter. Car les dealers savent bien qu'il y a un local d'injection de vraies drogues et non pas de produits de substitution; les dealers viennent vendre leurs drogues et les toxicomanes viennent l'acheter et la consommer. Donc aujourd'hui, je le dis, la mission de Quai 9 n'est plus assurée.

Par conséquent, que vous demande la proposition de motion du MCG ? Elle invite le Conseil d'Etat «à fermer la structure du "Quai 9" sans délai» et «à renforcer le dispositif policier aux abords de la gare pour endiguer le "tourisme" de la drogue.» Mais elle l'invite également «à ouvrir dans l'enceinte - ou dans le périmètre - des HUG une antenne de prévention et de soins pour les toxicomanes locaux» et enfin «à accentuer/développer la campagne de prévention contre la drogue, notamment pour les adolescents.»

Quelqu'un va-t-il venir dire aujourd'hui, devant ce parlement, que notre motion se veut trop dure, qu'elle est contre une partie de la population ? Non ! On veut simplement que Quai 9 remplisse sa mission de prévention et...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. ...de salubrité publique. En effet, il n'est pas normal que toute une région de la ville subisse ce tourisme de la drogue, de par l'incohérence des politiques, qui autorisent...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Monsieur le président, nous avons une fois trois minutes, et une fois trois minutes en tant qu'auteur. Donc si je veux déborder un petit peu, je déborderai... (Commentaires.) Mais je conclurai pour reprendre la parole un peu plus tard. J'aimerais simplement vous dire, Mesdames et Messieurs, qu'il faut apprendre à dire «non». J'ai discuté avec un éminent membre du parti libéral, qui connaît cette problématique et qui m'a dit: «Pour une fois - ce sont ses termes - vous avez raison. Il faut apprendre à dire "non" aux toxicomanes. Et, à un moment, il faut les soigner.» Or ce n'est pas avec Quai 9, tel qu'il est conçu aujourd'hui, que l'on arrivera à les soigner. C'est simplement un oreiller de paresse qui permet aux toxicomanes de venir acheter et consommer de la drogue, et non pas des produits de substitution pour les soigner.

Des voix. Bravo ! Ouais !

Présidence de M. Renaud Gautier, président

M. Frédéric Hohl (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la première invite de cette proposition de motion est: «à fermer la structure du "Quai 9" sans délai». On a bien compris. Et le titre est «Quai 9 ou la honte des Genevois !» Personnellement, je suis genevois. Cela fait cinq ans que je suis député. La première année, il vrai que j'étais très intrigué par Quai 9, donc je suis allé sur place pour me rendre compte et voir le travail qui s'y faisait. Je pense très important d'aller sur le terrain pour comprendre ce qui se passe avec Quai 9. Or je dois dire au nom du groupe que j'ai été impressionné par le travail remarquable de l'équipe de Quai 9.

En septembre 2010, j'ai également participé à une journée complète avec beaucoup d'élus qui venaient de France, non seulement de France voisine, mais de la France entière. Il y avait des Parisiens, des Niçois... Bref, des gens de toute la France. Ils étaient très intéressés et très intrigués. C'est vrai que, de l'extérieur, c'est toujours étrange de voir un lieu où des gens viennent s'injecter de la mort. Je comprends; mon premier sentiment était un sentiment de rejet voire de dégoût. Mais un véritable travail est fait, et c'est très important.

Alors dans votre exposé des motifs, vous dites: «"Quai 9" ne remplit plus sa mission.» C'est faux. Le rôle confié par l'Etat est clair: réduire les risques et orienter les toxicomanes vers des lieux de traitement, ce que Quai 9 fait. (Remarque.) Ensuite, vous indiquez que 80% des toxicomanes proviennent de la France. C'est faux. Selon le rapport de Quai 9 de 2009, ce sont 25% de Français, non 80%. Ensuite, les toxicos français viennent à Genève pour acheter de la drogue bon marché. C'est absolument exact; vous avez absolument raison. Mais ce n'est pas Quai 9 qui organise le prix de la drogue ! (Commentaires.) Pas du tout ! Absolument pas ! (Remarque. Le président agite la cloche.) Vous dites aussi que le responsable de la buvette a été arrêté pour trafic d'héroïne. Là encore, c'est faux. Aucun membre du personnel n'a été interpellé par la police. (Remarque.) C'est faux. (Remarque. Le président agite la cloche.) Non ! Ecoutez-moi, Monsieur Stauffer. Les usagers de Quai 9 peuvent se responsabiliser, prendre un emploi temporaire et travailler temporairement à la buvette, ce qui a été le cas; des usagers de Quai 9 sont rémunérés et soumis aux charges sociales. Or, effectivement, l'un de ces usagers a été interpellé par la police. En raison du secret de fonction, Quai 9 ne sait pas ce qui s'est passé avec ce collaborateur temporaire.

Dans vos invites, vous indiquez qu'il faut absolument fermer Quai 9. Alors je vous donne un exemple parmi cent que l'on peut trouver. Imaginez un employé temporaire de l'hôpital cantonal, qui travaille peut-être même dans un secteur de la prévention, et qui, en dehors de son travail, se fait arrêter par la police pour trafic de stupéfiants. Donc, pour suivre votre logique, vous allez demander la fermeture des HUG !

Vous comprendrez bien que l'on va refuser cette motion. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Précédemment, on a parlé de développement durable. On peut effectivement le dire - j'ai eu quelque expérience dans le domaine - l'Etat mène une politique de développement durable à Genève du trafic de stupéfiants sur la voie publique, c'est vrai, et de la consommation de drogue.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Marc Falquet. Je parlerai de Quai 9 dans un instant. Concernant le trafic de drogue, il faut savoir que le trafic d'héroïne est tenu par les Albanais. Il y a cinquante-cinq lieux publics de vente de stupéfiants à Genève. Or 80% de la clientèle des Albanais sont des Français, qui viennent de l'Ain, du Jura et de la Haute-Savoie, et on fournit en héroïne les villes d'Annecy et de Chambéry. Il faut le savoir. Le quart restant est composé au trois quarts de Confédérés qui viennent de Vaud, Valais, Fribourg et Neuchâtel et qui se fournissent à Genève. Voilà un élément... (Remarque.) ...concernant le trafic d'héroïne tenu par les Albanais.

Quai 9 favorise le trafic d'héroïne, spécialement d'héroïne aux alentours, parce que les Albanais vendent par exemple aux Géorgiens, qui viennent à proximité du Quai 9. Il faut savoir que les Géorgiens n'étaient que voleurs, et ils sont devenus dealers depuis qu'ils sont à Genève; ils sont devenus toxicomanes et dealers depuis qu'ils sont à Genève.

Donc Quai 9 va dans la logique d'une banalisation de la consommation de stupéfiants à Genève. Jamais Quai 9 ne fera sortir un seul toxicomane... Il faudra me montrer un seul toxicomane qui arrive à s'en sortir ! Si l'on n'extrait pas les gens de leur milieu - vous savez très bien que la drogue provoque surtout des dépendances psychologiques - vous les maintenez dans la dépendance. Et que fait-on ? On fait une société de morts-vivants, qui sont dépendants surtout des services. C'est surtout favorable aux... (Remarque.) Evidemment, il y a un bienfait: on soulage un peu l'enfer des toxicomanes. C'est comme si l'on envoyait du parfum; on leur envoie du parfum alors qu'ils sont dans le merdier jusqu'ici; on leur envoie une bouteille de parfum pour... (Remarque.) Voilà. Quai 9 a des effets secondaires terribles; il favorise le trafic de drogue, et les commerçants ont divisé par cinq leur chiffre d'affaires aux alentours des rues Voltaire et Rousseau. (Remarque.) Oui, c'est aussi une réalité qu'il faut prendre en considération. Même si l'on soulage l'hygiène, disons que l'on «socialise» la consommation de drogue, et les gens restent malheureux jusqu'à la fin de leur vie, parce que l'on n'arrive pas à les sortir de leur milieu.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je crois qu'il faut revenir au fond du débat, à savoir: à quoi sert Quai 9 ? Je pense que vous vous rappelez du Letten et de ces milliers de drogués qui se droguaient dehors, sous des ponts, sur les rails, en réutilisant les seringues de leurs camarades qui s'étaient piqués juste avant. Il faut savoir que les drogués mouraient du sida et de l'hépatite C parce qu'ils n'avaient pas de conditions d'hygiène adéquates pour prendre leur drogue.

Alors on peut dire que l'on est pour ou contre la drogue, mais on parle de dépendance. On parle de personnes qui vivent en marge. Alors c'est sûr que les gens qui vivent en marge ne sont jamais absolument dans la loi. C'est sûr qu'il y a des problèmes. Mais il faut penser à ces personnes. Vous ne pouvez pas exclure une partie de la population parce que la drogue vous déplaît. Je vous rappelle que l'alcool est vendu en vente libre et que vous pouvez aller boire votre coup, votre alcool, à n'importe quel endroit à Genève quand vous en avez besoin.

On dit que la drogue est interdite, que les gens ne peuvent pas se droguer; s'ils se droguent, qu'ils aillent le faire dans les escaliers, dans des endroits sans aucune hygiène. Enfin, vous savez aussi que les pharmacies distribuent gratuitement des seringues si on amène des seringues usagées. Alors si vous êtes dans cette même optique, interdisez aux pharmacies de donner des seringues, parce que c'est aussi pousser à la consommation de la drogue. C'est de l'hypocrisie pure et simple !

Des gens ont besoin d'aide. On leur donne cette aide avec Quai 9. On a eu cette idée qui est précurseur au niveau européen. Les Français - notamment les journaux français - sont venus voir Quai 9 pour étudier ce que l'on peut faire au niveau de la drogue. Je pense que, actuellement, Quai 9 remplit absolument sa fonction. Les gens peuvent se resocialiser en allant à Quai 9. Ils peuvent utiliser des seringues propres; ils évitent ainsi d'attraper des maladies infectieuses, de mourir du sida ou de l'hépatite C et de les transmettre aux autres. C'est essentiel. On doit sortir de cette hypocrisie.

Quant au problème de la vente de drogue, c'est autre chose; c'est un problème de la police. Cela n'a rien à voir avec le débat d'aujourd'hui. Donc les démocrates-chrétiens refuseront cette proposition de motion. (Applaudissements.)

Mme Loly Bolay (S). Ce que l'on a entendu tout à l'heure de la part de du MCG, mais aussi de l'UDC, est vraiment stupéfiant. (Remarque.) On peut le dire, c'est stupéfiant. Pour commencer, j'aimerais rappeler que Quai 9 a été créé ici, suite à un projet de loi dans les années nonante, lorsque M. Guy-Olivier Segond était encore conseiller d'Etat.

Ce Quai 9, que fait-il ? Il fonctionne vraiment comme un garde-fou, Mesdames et Messieurs les députés. Tout d'abord, voici les chiffres. Dans les années nonante, il y avait à Genève environ une centaine de personnes qui étaient contaminées par le virus du sida. A l'heure actuelle, grâce au travail du Quai 9, ce sont deux à trois personnes maximum par année. Dans la même période, il y avait vingt-cinq à trente morts par overdose. Aujourd'hui, il y en a moins de dix. Alors n'en déplaise au MCG - eh oui, Mesdames et Messieurs les députés ! - les travailleurs sociaux, les infirmières et les médecins du Quai 9 ont sauvé des vies. Eh oui, n'en déplaise au MCG. Non seulement ils ont sauvé des vies, mais en plus ils ont diminué les risques pour la population; c'est une évidence. Le docteur Buchs l'a dit, c'est une évidence.

Alors que fait cette proposition de motion, Mesdames et Messieurs les députés ? Cette motion, à part écrire des contrevérités et des mensonges, jette l'anathème contre ces collaborateurs, qui font un travail remarquable. Elle jette l'anathème et dit des mensonges.

La deuxième remarque concerne les 80% de clients qui viendraient de la France voisine. M. Frédéric Hohl a rectifié ce chiffre à 25%. Mais j'irai plus loin. Il existe en France voisine l'association APRETO, qui a des antennes à Annemasse, Cluses, Divonne et Ferney. L'APRETO va même plus loin que le Quai 9, puisqu'il y a deux appartements thérapeutiques qui prennent en charge ces gens-là. Or que ce passe-t-il entre l'APRETO et Quai 9 ? Il y a une véritable collaboration transfrontalière, puisque l'APRETO vient à Genève. Lorsqu'il y a des Français qui viennent à Quai 9, ils sont tout de suite pris en charge par l'APRETO à Annemasse. Alors dire, Mesdames et Messieurs les députés, comme il est dit dans cette proposition de motion, autant de contrevérités et de mensonges n'est tout simplement pas acceptable.

Je dirai en outre ceci. Il existe une véritable collaboration avec la police dans le cadre du comité de pilotage; en plus, des personnes ayant de grandes responsabilités à la police sont dans ce comité de pilotage...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Loly Bolay. Je conclus, Monsieur le président. ...et travaillent en collaboration avec Quai 9. Or les policiers sont très contents du travail du Quai 9.

Enfin - je vais conclure par là, Monsieur le président - le jour où le MCG et l'UDC viendront avec une proposition de motion sur le blanchiment d'argent, sur ces caïds qui font du commerce de la drogue et qui font autant de victimes, eh bien on vous suivra ! Pour l'instant, vous ne l'avez pas fait. Nous, nous l'avons fait. (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas vous surprendre. Les Verts se rappellent bien évidemment du Letten, du Platzspitz - moment dramatique dans l'histoire de notre pays - où nous avons vu des gens mourir en masse, vraiment en masse, sans soins et dans des conditions d'hygiène déplorables. Suite à ces drames et à cette gestion désastreuse, qui était bâtie uniquement sur la répression, la Confédération a mis en place la politique dite des quatre piliers, lesquels sont la prévention, les thérapies, la réduction des risques et la répression. Les Verts soutiennent cette politique des quatre piliers.

Nous devons dire aujourd'hui de quoi fait partie Quai 9. Il fait partie de l'un des piliers qui est l'aide à la survie. Certes, nous ne pensons pas qu'aider simplement les gens à la survie soit satisfaisant. Nous entendons bien que les personnes dépendantes de différents types de produits ont des comportements extrêmement dérangeants, dus à tous ces problèmes de toxicomanie et de dépendance ainsi qu'au besoin d'argent; il y a de la délinquance autour des problèmes de drogue. Mais nous sommes absolument sûrs qu'il faut réduire les risques. Nous sommes absolument sûrs qu'avoir des seringues propres est important, et important pour les familles de certains toxicomanes, qui ne savent pas forcément que leurs proches sont toxicomanes. Vous pensez bien que, au début d'une toxicomanie, les couples existent encore, et les risques de transmission du sida sont extrêmement importants. Vous pensez bien aussi que les produits, toujours coupés, frelatés avec différents types de produits, présentent un risque pour la vie, et les problèmes d'overdose en relation avec des produits frelatés sont extrêmement importants. Aujourd'hui, que fait Quai 9 ? Il permet de stabiliser certaines personnes, et des personnes qui vivent en marge. Donc nous pensons que cela fait réellement partie de cette politique que nous soutenons. Nous remercions le Conseil d'Etat de s'engager aussi dans le soutien à cette politique et entendons poursuivre la politique en Suisse des quatre piliers.

Mesdames et Messieurs, le sujet de la toxicomanie est beaucoup trop grave pour que l'on joue avec lui ou que l'on en fasse un sujet purement électoral ou émotionnel. Nous devons agir ensemble, tout le parlement - et j'ai l'impression qu'il y a une large majorité dans ce sens ici dans ce parlement - afin de pouvoir aider ces personnes à survivre et à trouver une solution. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Lussi, à qui il reste vingt-cinq secondes.

M. Patrick Lussi (UDC). J'essaierai de faire avec ce temps, Monsieur le président, simplement pour remarquer l'art que chacun a de déplacer le débat et de parler de choses qui n'ont pas lieu. En ce qui concerne le groupe UDC et les deux premières invites de cette proposition de motion, peut-être que ce n'est pas le terme «fermer» qui est adéquat, mais «déplacer». Il faut voir que nous sommes dans une ville touristique. (Brouhaha.) Laissez un centre pareil derrière la gare, où les gens passent, où l'on voit à la place de Cornavin, à la sortie du tram, la faune qui règne... Mesdames et Messieurs, vous qui êtes tellement attachés...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député.

M. Patrick Lussi. ...à la sécurité passive, vous devriez plutôt penser à sortir de ce site les gens qui dérangent ! C'est la raison pour laquelle...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député !

M. Patrick Lussi. ...l'UDC vous invite à accepter cette motion.

Une voix. Bravo ! Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Claude Jeanneret, à qui il reste une minute et cinquante secondes.

M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on remarque que le débat est déplacé, dans certains milieux qui encouragent la drogue. Je dois dire que nous avons demandé - nous sommes conscients du problème - d'ouvrir dans l'enceinte des HUG une antenne de prévention et de soins pour les toxicomanes locaux et d'accentuer et développer la campagne de prévention contre la drogue, notamment pour les adolescents. Là, il y a un encouragement très net à l'Etat de faire quelque chose de positif.

Par contre, à l'origine, l'idée de Quai 9 pouvait certes sembler raisonnable, parce que l'on distribuait des seringues et que l'on encourageait les gens à avoir une certaine hygiène dans la toxicomanie. C'est sympa ! Cela coûte très cher à nos concitoyens ! Il y a surtout à relever que l'on détruit un quartier, la vie sociale d'un quartier, des commerçants, uniquement pour laisser un lieu où non seulement on empêche les citoyens locaux de vivre normalement, mais où, de surcroît, on encourage et on développe le commerce de la drogue !

J'entends parler de blanchiment... Mais bien sûr, Madame Bolay ! Là, il y a du blanchiment, là on incite les gens à vendre de la drogue. Vous dites vous-mêmes que l'on attire les Français transfrontaliers pour le développement de la drogue. (Commentaires.) Mais c'est magnifique ! On est en train de faire un haut lieu de commerce de drogue à Genève. (Commentaires. Le président agite la cloche.) Je sais que le trading est l'une des vocations de la Genève internationale, mais n'exagérons pas ! La drogue est interdite de vente en Suisse, et développer un lieu comme cela est simplement un scandale, surtout au détriment des honnêtes citoyens qui y vivent et où les commerces locaux en paient les conséquences tous les jours.

Alors Quai 9, dans sa situation actuelle, non ! C'est un scandale, c'est ignoble pour une ville comme Genève de laisser et de développer le commerce de la drogue. Ce n'est pas normal.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Claude Jeanneret. Par contre, je répète, on a envie d'ouvrir dans l'enceinte des HUG une antenne de prévention et de soins pour les toxicomanes locaux. Faisons le travail ici, mais n'allons pas faire du commerce avec des gens qui viennent faire du tourisme pour acheter de la drogue à Genève.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, chers amis, rappelez-vous peut-être les grandes épidémies de peste du Moyen-Age, lors desquelles il fallait clôturer la ville pour que les gens atteints meurent à l'extérieur. Rappelez-vous, plus proche de nous, la construction des asiles de fous, comme ils s'appelaient à l'époque, qui sont devenus des cliniques psychiatriques, relativement loin de la ville pour faire croire que la folie n'existait pas. C'est au fond ce que vous proposez pour les personnes, très gravement atteintes, qui consultent Quai 9.

Mesdames et Messieurs, la politique de la toxicomanie à Genève repose sur une assise politique très large. Depuis vingt ans, tous les groupes parlementaires travaillent ensemble autour d'un certain nombre de projets, dont on connaît les risques - ils existent - et dont on essaie à la fois de mesurer les bénéfices pour savoir si les risquent valent la peine d'être encourus.

Le député Bavarel a répété les quatre piliers qui fondent notre approche de la politique de la drogue et de la toxicomanie. C'est bien sûr la répression. Mais la répression se fait sur le trafic et l'importation; elle ne doit pas se faire sur les malades. Tout le monde est à peu près d'accord avec cela. C'est ensuite la prévention. Elle n'est pas simple. Elle est faite quand même dans les écoles de la manière la plus adéquate possible, mais c'est vrai que c'est quelque chose de difficile, dont les résultats sont d'ailleurs difficiles à évaluer. C'est enfin les approches thérapeutiques, dont nous rêvons tous. La plus haute, celle qui vous amène à l'abstinence, ne fonctionne malheureusement que dans 5% des situations de toxicomanie. Il faut juste le savoir pour éviter d'avoir le fantasme que 100% des toxicomanes arrêtent un jour de se droguer. Non, ils seront 5%. Et il y a le seuil de la substitution; vous y avez fait référence en parlant de médicaments de substitution. Ce seuil est relativement élevé, puisque la substitution doit pouvoir permettre à la personne toxicomane - ce qui n'apparaîtrait presque pas - de travailler normalement et de bénéficier d'une insertion sociale majeure.

Mais il y a hélas des patients dont la déstructuration sociale est telle que ces ambitions restent démesurées. Ce sont probablement 10% à 20% des toxicomanes, qui sont tellement désinsérés dans leur vie sociale, dans leur vie économique... Ils n'en ont plus, plus d'autre que celle que de vivre de petits trafics, c'est vrai, mais tout en étant malades. De manière hypocrite, vous l'avez dit, de manière nuancée pourrait-on dire autrement, nous avons admis qu'ils étaient en infraction lorsqu'ils vendaient de la drogue et qu'ils étaient malades lorsqu'ils en consommaient. Cette distinction est peut-être un peu arbitraire, mais c'est la raison pour laquelle il y a une zone dans laquelle il n'y a pas de deal. C'est Quai 9. Les gens qui dealent à Quai 9 n'ont plus le droit de revenir à Quai 9.

Il s'est passé un événement l'année dernière. Je me rappelle que, dans le premier communiqué de presse qui avait été publié par ceux qui ont par la suite déposé la proposition de motion, il avait été dit que c'était un responsable de Quai 9 qui avait été pris en train de dealer. Le lendemain, les choses avaient été corrigées; c'était celui qui servait au bar. Ensuite, on a appris que celui qui servait au bar était en réalité un toxicomane pour lequel on tentait, par un petit boulot, d'appliquer les mesures de réinsertion, qui, comme on l'a vu, ne sont pas réussies à chaque fois.

Mesdames et Messieurs, les chiffres sont têtus. J'ai dû inaugurer Quai 9 dix jours après mon entrée en fonction en décembre 2001. C'était l'oeuvre de mon prédécesseur et de tout le parlement, qui dans son ensemble avait accepté l'hypothèse d'une tentative, d'un essai dans la dramatique épopée du sida, où l'on se rappelle que les toxicomanes étaient les vecteurs les plus fréquents de la maladie dans notre société. Et là, les faits sont têtus. Mesdames et Messieurs, de 90 nouveaux malades du sida chaque année, on est tombé à moins de 2 - 0 l'année dernière - en ce qui concerne la toxicomanie. Pour les abcès, le nombre est également divisé par dix. Dans le cadre des hépatites, le nombre de nouveaux cas d'hépatite C a beaucoup diminué; et les nouveaux cas d'hépatite B ont disparu, parce que les malades sont vaccinés. Par ailleurs, les toxicomanes, que l'on juge hélas si souvent incompétents au motif qu'ils sont désinsérés, apprennent un certain nombre de choses, et une bonne part d'entre eux peut réintégrer des seuils d'enseignement, qui sont des seuils d'enseignement thérapeutique qui les ramènent à une réhabilitation sociale.

De cela, Mesdames et Messieurs, nous devons être fiers. Mais chacun de ces piliers, chacune de ces techniques, si j'ose dire, est complémentaire à l'autre. Vouloir en briser une, c'est vouloir briser l'ensemble. J'espère que votre parlement saura une fois de plus montrer son soutien à la politique des toxicomanies telle qu'elle est développée à Genève, telle qu'elle nous est enviée dans le monde entier, et que vous rejetterez massivement ce texte que, personnellement, je trouve ignoble.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je donne la parole trente secondes à Mme la députée Schneider Hausser, pour une communication.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). C'est peut-être un détail. J'oeuvre au sein de la réduction des risques dans le comité de Première Ligne. A ce titre-là, je ne prendrai pas part au vote.

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur le renvoi de la M 1946 au Conseil d'Etat.

Des voix. Vote nominal ! (Commentaires.)

Le président. Le vote est lancé... (Remarque.) Monsieur Stauffer !

Mise aux voix, la proposition de motion 1946 est rejetée par 54 non contre 20 oui.

Fin de séance

Le président. Mesdames et Messieurs, je suspends la séance. Nous reprendrons nos travaux à 14h10.

La séance est levée à 12h05.