République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1922
Proposition de motion de M. Alberto Velasco : Des mesures contre la pollution sonore source d'insécurité en matière de tranquillité

Débat

Mme Loly Bolay (S). La proposition de motion, Monsieur le président, est de notre ancien collègue, M. Alberto Velasco. Elle soulève un problème important, car on a souvent vanté Genève comme étant un havre de paix, un endroit où il faisait bon vivre, or je ne crois pas que, aujourd'hui, on puisse tenir les mêmes propos. Car Genève a énormément perdu de sa qualité de vie ! Ainsi, cette proposition de motion met en évidence un problème dont beaucoup se plaignent, et il est temps que nous, au parlement, nous nous en occupions: il s'agit du bruit, notamment la nuit, que causent les deux-roues motorisés et les motos tout terrain. Certaines n'ont rien à faire en ville, or c'est souvent au milieu de la nuit que se font entendre leurs pots d'échappement maquillés, qui produisent un bruit terrible et réveillent les gens. Dans certains quartiers, je peux vous dire que c'est absolument invivable.

Auparavant - et là, je m'adresse à Mme la cheffe du département - il y avait la brigade antibruit, elle faisait un excellent travail. Pourquoi excellent ? Parce que toutes ces motos maquillées étaient confisquées; on infligeait des amendes et on faisait comprendre à ces jeunes - parfois même à des moins jeunes - la sensibilité de la question et, aussi, que le respect des autres est un devoir de tous les citoyens. On a souvent parlé ici du respect; eh bien, commençons déjà par mettre des garde-fous pour que les jeunes se rendent compte que ces motos maquillées, fabriquées, qui produisent un bruit assourdissant, rendent impossible la vie des citoyens !

Mesdames et Messieurs les députés, je ne suis pas médecin, mais il y a en a beaucoup dans cette salle, et ils vous diront que, lorsque l'on n'a pas ses heures de sommeil, on rencontre des problèmes de santé, parfois aigus. Donc il faut véritablement, aujourd'hui, essayer de rattraper tout ce que l'on a perdu par rapport à cette qualité de vie ! Je rappelle que l'on vend cette qualité de vie à l'extérieur, et actuellement elle n'est plus ce qu'elle était. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, donnons-nous véritablement des moyens. Tout à l'heure, nous avons parlé des travaux, qu'il faut structurer pour qu'ils ne se fassent pas tous en même temps... Eh bien, là aussi, donnons-nous les moyens de pouvoir dire: «Il faut que nos concitoyens aient une vraie qualité de vie.» Cette proposition de motion demande que l'on veille à cela, en particulier en réinstaurant cette brigade antibruit qui, je le répète, faisait un immense travail. Or, étant donné, que la police n'a plus les moyens de s'occuper de ce domaine, on a tout simplement supprimé cette brigade. Il y a quelques années, nous étions nombreux - avec M. Kunz, du parti radical, alors que nous siégions en commission des finances - à avoir demandé que l'on réintègre cette brigade antibruit: cela ne s'est pas fait.

Alors je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, puisque nous sommes aujourd'hui tous conscients de ce qu'il faut accorder des moyens à la police, d'inviter Mme la conseillère d'Etat - car j'espère que tout le monde va accepter cette motion et la renvoyer au Conseil d'Etat - à veiller à ce que cette brigade antibruit soit à nouveau instaurée, pour le bonheur et la tranquillité de nos concitoyens. Je vous en remercie.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, le groupe MCG soutiendra cette proposition de motion. La violence peut prendre des formes multiples, et l'agressivité des sons est une forme de violence. Notre ville est de plus en plus soumise à ce type de violence, chacun de nous en est le témoin quotidien. Il faut effectivement mettre de l'ordre, ce d'autant plus lorsque la personne qui est à l'origine de ces sons agressifs le fait avec la volonté délibérée de nuire, pour satisfaire un ego personnel qu'il n'est pas question ici de soutenir d'une quelconque façon.

Nous devons offrir à nos concitoyens le calme, surtout la nuit, pour qu'il fasse bon vivre chez nous: pour qu'il refasse bon vivre chez nous. Je pense que cette proposition est tout à fait raisonnable et qu'elle mérite notre plein soutien.

M. Roberto Broggini (Ve). Cette proposition de motion de notre ancien collègue Alberto Velasco est extrêmement pertinente, à l'heure où le nombre de deux-roues et trois-roues motorisés - en effet, nous n'avons plus seulement les deux-roues motorisés, mais également les trois-roues - atteint, selon l'office cantonal de la statistique, 48 000 véhicules. Cela représente une hausse extrêmement importante au cours de ces dernières années, et le service des automobiles et de la navigation n'a visiblement pas les moyens de contrôler l'ensemble de ces véhicules maintenant que la brigade antibruit n'existe plus.

Nous n'avons pas besoin d'appareils de mesure du bruit pour que chacun d'entre nous, chaque citoyen, chaque habitant de ce canton, constate le bruit parfois effroyable de certains véhicules ! Qui, une fois sortis du service des automobiles et de la navigation, circulent d'une façon débridée, pour, comme le disait M. Poggia, apporter peut-être une satisfaction très égoïste à leurs conducteurs qui méprisent totalement la tranquillité des uns et des autres... Dès lors, nous sommes incapables de respecter les normes fédérales, c'est-à-dire l'ordonnance sur la protection contre le bruit et l'ordonnance sur les exigences techniques requises pour les véhicules routiers, laquelle découle de la loi sur la circulation routière. Sans ce respect, cette motion vient à point.

Il convient de donner les moyens soit à notre police cantonale, soit aux polices municipales, qui maintenant, avec la nouvelle loi sur les agents de la police municipale, peuvent effectuer ces contrôles. Nous devons donner un signal fort au Conseil d'Etat, afin qu'il prenne ce problème en main, en sachant - et j'ai encore vu les derniers rapports des HUG sur les pathologies dues au bruit - quelles sont les souffrances que de très nombreux citoyens et citoyennes endurent: 60% gens souffrant du bruit à Genève subissent le bruit causé par circulation routière, notamment par les motos. Par conséquent, il me semble tout à fait raisonnable d'accepter cette proposition de motion.

M. Eric Bertinat (UDC). Ce sont des litanies que l'on connaît ! Ce ne peut être que des véhicules à moteur qui dérangent durant la nuit... En conséquence, ce sont eux que l'on doit bien évidemment sanctionner ! La nuit, bien évidemment aussi, nous devons nous reposer ! Et nous aimons, bien évidemment encore, avoir la tranquillité. Or, cette tranquillité n'est pas seulement saccagée par le simple passage des 4x4 dans la rue ! Elle est saccagée par le bruit de tous ceux qui se conduisent incorrectement le soir et la nuit. Et tous ceux-là, je ne les retrouve pas dans la proposition de motion de notre collègue Velasco !

C'est véritablement du sectarisme anti-véhicules à moteur qui est manifesté ce soir. J'ai bien compris le message des socialistes, des Verts et même du MCG, mais, je regrette, pour accepter cette motion, il faudrait qu'elle soit complète et qu'elle comprenne véritablement tous ceux qui se conduisent mal la nuit ! Je vous le dis, peu font du bruit avec de grosses motos - ou de petites motos, souvent bien plus bruyantes que les grosses - ou avec des petites ou des grosses cylindrées - que vous détestez ! - ou des 4x4 - qui sont bien évidemment conduits par d'odieux capitalistes !

Votre proposition de motion est tellement sectaire que le groupe UDC la refusera, même si le problème soulevé est en partie, et en partie seulement, juste !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Ivan Slatkine (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas rallonger, puisque le groupe libéral rejoint les propos qui viennent d'être tenus par mon préopinant, M. Bertinat. Cette proposition de motion est complètement réductrice ! S'il faut parler de bruit, alors parlons du bruit à la place des Volontaires, sur l'ancien site d'Artamis... Parlons des problèmes de terrasses... Sur ces points-là, il me semble que le parti socialiste et en particulier M. Valesco...

M. Gabriel Barrillier.  Velasco !

M. Ivan Slatkine. «M. Velasco», veuillez m'excuser, Monsieur Barrillier ! Il me semble qu'à chaque fois que l'on traite ces sujets on vient nous dire: «Non, il faut laisser ces gens pouvoir s'exprimer.» Pour nous, libéraux, à la limite, il n'y a pas de problème. Cependant, il ne faut pas cerner la problématique uniquement sur les motos, mais bien, de manière générale, sur le bruit ! Je rejoins ainsi les propos de M. Bertinat. Aujourd'hui, les problèmes de bruit, avant de nous parler de motos et de voitures, proviennent, je crois, d'autres sources, et l'on aurait tout loisir d'en débattre !

On pourrait refuser cette proposition de motion, mais il est vrai que le problème du bruit mérite une attention particulière. C'est pourquoi le groupe libéral vous propose de renvoyer cette motion à la commission judiciaire, pour qu'elle puisse y être étudiée de manière active, le cas échéant pour y être amendée et élargie afin de traiter tous les problèmes de bruit, puis pour être renvoyée au Conseil d'Etat. Si cette proposition de motion ne pouvait pas être confiée à la commission judiciaire, nous la refuserions.

M. Frédéric Hohl (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on aimait bien Alberto Velasco; il nous a proposé une dernière motion avant de partir. Vous avez toutes et tous évoqué les deux dernières invites, mais j'aimerais parler des deux premières. Ce n'est simplement pas recevable ! Je vous lis la première invite: «à veiller à ce que les habitants et habitantes du canton puissent, notamment pendant la saison d'été, bénéficier en toute tranquillité de l'espace public»... Cela signifie: on coupe la Fête de la musique, on ferme toutes les terrasses, on arrête toutes les fanfares, tous les groupes musicaux, on ferme complètement la ville. Ce n'est simplement pas acceptable.

Si vous maintenez ces deux invites, on ne peut forcément pas renvoyer cette proposition de motion dans une commission, peu importe laquelle. Pour le parti radical, ce sera un refus. Si vous les enlevez, nous la renverrons éventuellement à la commission de votre choix, nous suivrons.

M. Serge Dal Busco (PDC). Force est de constater que... (Brouhaha.) ...parmi les tâches dévolues à la police, l'objet de cette proposition de motion peut apparaître quelque peu dérisoire en regard des problématiques auxquelles la police, précisément, doit faire face actuellement. Néanmoins, la lecture des considérants de cette motion nous laisse penser qu'ils sont empreints d'une certaine pertinence. Loin de nous l'idée de fustiger une catégorie particulière d'usagers de la route, en l'occurrence les motards, mais il faut tout de même reconnaître que certains de leurs engins provoquent des nuisances sonores pour le moins désagréables, pour ne pas dire inacceptables, surtout la nuit, tout simplement parce que ces engins ne respectent pas la législation et la réglementation en vigueur.

Même les plus fervents défenseurs de la liberté individuelle - dont nous sommes, bien entendu - ne sauraient admettre que celle-ci nuise à la liberté du plus grand nombre, en l'occurrence à la liberté de jouir d'une certaine tranquillité, notamment pendant les heures nocturnes.

Néanmoins, comme cela vient d'être relevé par mon collègue, M. Hohl, certaines invites de cette proposition de motion posent quelques problèmes. Nous soutiendrons par conséquent, pour étudier la question et peut-être même avoir une réflexion un peu plus globale sur d'autres types de nuisances sonores, le renvoi à la commission judiciaire, tel qu'il a été proposé.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, je ne résiste pas au plaisir - s'agissant d'une proposition de motion de notre regretté ami Velasco... (Commentaires.) ...je dirai même: de notre très regretté ami Velasco... (Remarque.) - d'intervenir à propos du titre de sa motion. Parce qu'elle témoigne des problèmes qu'a cet éminent rhéteur et spécialiste de la langue française, de son langage fleuri et peut-être de sa récupération des concepts.

De quoi nous parle-t-il ? Il nous parle d'«insécurité en matière de tranquillité». Voilà qui démontre la difficulté qu'a le parti socialiste avec l'insécurité. Quand il y a insécurité dans nos rues, c'est-à-dire quand il y a des dealers, des criminels, alors là, le parti socialiste a beaucoup de peine à voir de l'insécurité ! Mais quand il y a du bruit, c'est-à-dire de l'inconfort, des désagréments, une absence de tranquillité, alors «Don Alberto» arrive tout à coup avec son concept d'«insécurité en matière de tranquillité». Je crois que le Larousse a récemment consacré notre ami Jean Ziegler: il devrait aussi... (Remarque.) ...consacrer Alberto Velasco pour son inventivité conceptuelle !

Une voix. Très bien !

M. Roberto Broggini (Ve). Monsieur le président, très brièvement...

Le président. Trente secondes, Monsieur Broggini !

M. Roberto Broggini. J'aurai terminé en trente secondes. Comme nous y a habitués M. Velasco, cette proposition de motion part de bons sentiments. Peut-être y aura-t-il un travail à faire dans la formulation, et c'est très volontiers que les Verts renverront, ainsi que d'autres l'ont dit, cette proposition de motion à la commission judiciaire et de la police.

De plus, le bruit occasionné par certains véhicules, il faut s'en rendre compte, ne survient pas seulement la nuit, mais également la journée, et incite...

Le président. Merci, Monsieur le député ! (Brouhaha.)

M. Roberto Broggini. ...incite à augmenter le volume ! Voilà pourquoi, si l'on peut commencer à diminuer le volume à un certain moment, on pourra aussi... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. Votre temps de parole est épuisé, Monsieur le député. La parole est à Mme Engelberts.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (hors micro). C'est une erreur, Monsieur le président.

Le président. Alors je donne la parole à M. Spuhler.

M. Pascal Spuhler (MCG). Certains d'entre vous le savent, je suis motard, avec une grosse cylindrée, donc je fais un peu de bruit. (Commentaires.) C'est effectivement avec un soupçon de peine que je vais devoir soutenir cette proposition de motion, mais je le ferai. Je voterai en faveur du renvoi en commission, car il y a effectivement des problèmes de bruit la nuit. Par contre, il ne faudrait pas dévier sur toutes les manifestations qui font le plaisir de Genève. Donc, soyons attentifs à cela et renvoyons la proposition en commission.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Au-delà du langage fleuri de cette proposition de motion, c'est avec plaisir que nous la traiterons. Voici un petit rappel historique: dans les années 70, vous n'êtes pas - ceux qui s'en souviennent - sans savoir que la brigade antibruit existait, une quinzaine de gendarmes la composait. (Brouhaha.) Bien sûr que le bruit que l'on pouvait subir à l'époque n'avait rien à voir avec celui dont nous souffrons régulièrement, qui est dû, entre autres, à ces grosses cylindrées décriées par certains. Le bruit est considérable, il est insupportable, on ne va pas le nier.

Puisque j'ai la chance de réunir dans mon département les compétences correspondant exactement au but visé par les invites de cette motion - à savoir l'OCAN, ancien office cantonal des autos et de la navigation, plus l'environnement - c'est donc en pleine cohérence que nous traiterons avec intérêt cette proposition de motion.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur le renvoi de la proposition de motion 1922 à la commission judiciaire et de la police.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1922 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 59 oui contre 13 non et 3 abstentions.