République et canton de Genève

Grand Conseil

R 574-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la proposition de résolution de Mme et MM. Charles Selleger, Jacques Follonier, Frédéric Hohl, Michel Ducret, Jacques Jeannerat, Patricia Läser, Jean-Marc Odier, Patrick Saudan du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonal en vue d'instaurer la transmissibilité de la réserve en matière d'assurance obligatoire des soins (LAMal)

Débat

M. Michel Forni (PDC), rapporteur. Ce projet remonte à 2009 et concerne une éventuelle transmissibilité de la réserve en matière d'assurance-maladie obligatoire. Il serait question, lorsqu'un assuré change d'assurance, de transférer à la nouvelle assurance le capital constitué par la réserve accumulée.

Ce document a été précédé d'autres textes. Vous vous souviendrez que, dans le contexte des réserves, nous avons voté le plafonnement, la cantonalisation, cela par le biais de textes déposés par plusieurs partis - libéral-radical, PDC - que nous avons déjà fait parvenir à Berne, dans le cadre de la résolution genevoise exprimant le fond de notre pensée et qui s'associe également à d'autres démarches.

Ce texte est intéressant, parce qu'il affiche d'emblée une divergence entre les auteurs et les experts consultés. Ces derniers, notamment l'OFAS, l'Institut de la santé de Neuchâtel, et, surtout, le département de la santé, ont apporté des réponses. Les chiffres fournis par ce département nous ont permis de constater que des modèles sont figés, qu'il y a des tabous, et cela peut parfaitement participer à un réexamen du mode de fonctionnement de la LAMal.

Ce texte a été amendé et finalement utilisé pour étudier les mécanismes d'explication et, surtout, de modification. Derrière ce texte, il y a des constats. Tout d'abord, le coût par assuré - c'est important de le redire - a été systématiquement surévalué à Genève et, malheureusement, la réserve des caisses a toujours été sous-évaluée.

Deuxième constat. La croissance des réserves des caisses est toujours restée à la hausse, notamment entre 2007 et 2008. Il est vrai que, depuis 2009, elle a un peu baissé. Quoi qu'il en soit, elle dépasse largement le minimum légal, qui a été calculé aux environs de 11%, puisqu'elle a atteint, à un certain moment, entre 41 et 42% du montant total des primes.

Autre constat: les primes, qui dictent normalement le taux des réserves, n'ont pas tenu compte des politiques de maîtrise appliquée par les cantons et ont continué à prendre l'ascenseur. Malheureusement, il n'y a pas de parallélisme entre le coût moyen par assuré et l'évolution des réserves. On serait donc tenté de dire qu'il y a un certain «mécanisme de séquestration». Il est donc difficile de faire des comparaisons au niveau intercantonal et, surtout, fédéral.

La constitution des primes fait appel à un processus mathématique simple qui aboutit à la constitution de réserves, lesquelles découlent de la différence entre les dépenses, les recettes et les frais généraux. L'ensemble de ces chiffres pourraient permettre une transparence financière... Hélas, ce n'est pas le cas, et je rappelle que cet élément a encore été dénoncé il y a quarante-huit heures par M. Burkhalter.

Le Conseil fédéral s'est préoccupé des disparités intercantonales de ces primes et a pris des mesures auprès de l'OFAS. Mais, l'OFAS, c'est un département, c'est une usine qui compte dix-sept services; il faut un certain temps pour obtenir des réponses. C'est probablement la raison pour laquelle le Conseil fédéral a, si j'ose dire, «bénéficié» de l'idée du réajustement des réserves en ciblant surtout le mécanisme d'approbation des primes. Vous savez peut-être que, chaque fin d'été, on nous annonce de nouvelles réserves; cela découle de ce mécanisme d'approbation. Il a été mis au point par une intervention bâloise - de Mme Anita Fetz - qui remonte à février 2009, et il a déjà donné lieu à différentes discussions aux Chambres fédérales.

Il y a un autre point que je vais souligner, c'est le flou entre la nature cantonale de ces réserves et l'utilisation qui en est faite au niveau fédéral. Comme je l'ai déjà indiqué, les mécanismes de rééquilibrage au niveau intercantonal peuvent affecter les cantons, notamment Genève.

Revenons au problème qui est à la base de la démarche de ce soir: les réserves excédentaires. Elles sont réparties inégalement entre les assureurs et font que la quasi-totalité de celles-ci sont détenues à Genève, il faut le préciser...

Le président. Monsieur le rapporteur, il vous faut conclure.

M. Michel Forni. Je conclus, Monsieur le président ! ...par une dizaine d'assureurs. Ce qui représente environ le tiers des assurés. Il faut relever encore que quatre compagnies seulement assurent 61% des Genevois.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je précise que le temps de parole imparti sur ce point est exceptionnellement de quatre minutes par groupe. Monsieur Aubert, vous avez la parole.

M. Claude Aubert (L). Il est important d'enfoncer le clou. En effet, la LAMal, qui a été conçue et adoptée en 1996, contient des articles qui pourraient apporter des solutions à pas mal de questions qui se posent, mais ce qu'on constate, c'est que depuis quasiment quinze ans il faut bagarrer, bagarrer et bagarrer encore, pour que l'on prenne en considération certains éléments importants. Par conséquent, il faut taper sur le clou, s'agissant de la notion de réserve, pour que certains éléments soient pris en compte - ce que fait le président Unger depuis plusieurs années.

Nous devons donc soutenir cette résolution et l'accepter, mais il faut quand même faire attention ! Parce que les considérants et l'invite pourraient conduire les personnes qui les lisent à confondre les systèmes. Le système de la LAMal n'est pas un système par capitalisation: c'est un système de solidarité ! Ce n'est pas comme la dot d'une mariée qui entre dans la famille, dot qui peut, à la limite, être reprise. Ce n'est pas capitalisé: chacun met de l'argent dans un pot commun, et ce pot commun est utilisé par tout le monde.

L'un des considérants indique: «que les assureurs opérant en matière d'assurance obligatoire des soins sont tenus de constituer des réserves pour chacun de leurs assurés;». Chacun de leurs assurés ! Le mot «chacun» pourrait laisser penser que, si je m'assure, il y aura une réserve Aubert. Et ce n'est pas du tout le cas ! La réserve sera certes associée à ma personne, mais en tant que membre du groupe. Il n'y aura pas de réserve Aubert.

S'il fallait aller jusqu'au bout de cette demande de transmissibilité de la réserve, cela poserait le problème suivant: comme nous avons 7,5 millions d'assurés en Suisse, il faudrait avoir un appareil de mesure et de statistique capable de connaître les réserves de tous les assurés et de savoir combien ils ont puisé - ou pas - dans ces réserves... Par conséquent, cette transmissibilité est tout à fait impossible à mettre en place en raison des frais que cela occasionnerait.

C'est une très bonne idée de mettre à nouveau la pression sur cette notion de «réserve», mais je dirai que, pour notre part, nous prenons les considérants et l'invite... sous toutes réserves. (Rires.)

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je suis extrêmement contente d'entendre les propos tenus par M. Aubert s'agissant de la transmissibilité de la réserve quand une personne change de caisse maladie. Parce que la caisse maladie constitue une mutualisation des risques - et non pas une individualisation des risques - les Verts ne soutiendront pas cette résolution.

Les Verts ont, avec toute l'énergie possible, soutenu deux autres résolutions qui ont été déposées à peu près au même moment; ils ont soutenu toutes les résolutions que le parlement à envoyées à Berne pour résoudre le problème de la réserve des caisses maladie. Mais, dans ce cas de figure précis, il est totalement impossible de soutenir ce texte, précisément pour la simple et bonne raison que les réserves ne sont pas personnelles: elles sont mutualisées. Et si nous voulions personnaliser les réserves des caisses maladie, nous ferions ce que nous avons effectué pour les caisses de pension, c'est-à-dire qu'elles deviendraient des caisses personnelles. Il s'agirait alors de capitaliser les caisses maladie - ce qui n'est pas le cas actuellement - mais il faut savoir que, ce faisant, nos primes de caisses maladie ne pourraient pas rester au niveau actuel: elles doubleraient ou tripleraient !

M. Mauro Poggia (MCG). Le groupe MCG va soutenir cette résolution, non pas qu'elle soit la panacée, non pas qu'elle va résoudre le problème, mais pour que le canton de Genève donne un signe supplémentaire à Berne.

Je ne suis pas d'accord avec l'intervention des Verts, qui considèrent devoir s'opposer à cette résolution au motif qu'elle serait une entrave à la solidarité. Ce n'est pas ce qui est dit ! Elle ne préconise pas que chacun doit apporter sa réserve, comme un petit sac à dos, et que, le sac à dos une fois vidé, on n'a plus droit à rien ! Elle prévoit simplement, lorsque l'assuré passe d'une pièce à une autre, qu'il ne laisse pas son sac à dos dans l'ancienne pièce et qu'il doive en acheter un autre dans la nouvelle pièce ! C'est tout ! Et que l'accumulation des sacs à dos dans la nouvelle pièce sera répartie en fonction de ceux qui en auront besoin. Donc, votre argumentation pour vous opposer à cette résolution, excusez-moi de vous le dire, est fausse !

Cela dit, les réserves représentent évidemment un problème majeur dans le système de l'assurance-maladie. Certains le disaient déjà il y a dix ans: ils étaient seuls... Aujourd'hui, tout le monde l'admet, même le Conseil fédéral le reconnaît - j'y reviendrai dans un petit instant. Les réserves sont un problème, précisément parce que - nous le savons - lorsque nous avons la possibilité de changer de caisse pour le début de l'année civile suivante, nous allons, bien sûr, vers la caisse la meilleur marché. Et c'est le système des vases communicants. Puisqu'il n'est pas possible d'appliquer des tarifs différents à ceux qui sont déjà dans la caisse et à ceux qui y entrent, eh bien, il faudra obligatoirement augmenter les primes de ceux qui y sont déjà pour pouvoir créer à nouveau les réserves de ceux qui arrivent. Cela pose donc bien sûr un problème majeur. L'idéal serait de créer un fonds fédéral de réserve qui serait constitué une fois pour toutes, sans avoir à reprendre les petits sacs à dos - comme je l'ai dit dans mon exemple.

Encore une fois, il s'agit de donner un signe ! Car le Conseil fédéral est conscient du problème, mais il ne le résout pas dans le sens qui est proposé dans cette résolution. Dans son communiqué de presse d'il y a quarante-huit heures, M. Burkhalter disait ceci: «Les réserves minimales dépendront désormais des risques encourus par l'assureur.» Qu'est-ce que cela veut dire ? Que l'Office fédéral de la santé publique examinera quels sont les risques pris par tel ou tel assureur pour ses assurés et que, plus l'assureur aura pris des risques, plus les primes seront augmentées pour créer des réserves qui permettront d'assurer ces risques ? C'est absurde, évidemment ! Ce que l'on attend du Conseil fédéral, par l'intermédiaire du Département fédéral de l'intérieur, c'est évidemment qu'il se situe dans un travail en amont et qu'il évite précisément que les assureurs ne jouent avec notre argent ! Puisque c'est la crise, nous n'y échapperons pas: nos assureurs vont nous dire qu'ils ont perdu de l'argent en bourse et qu'il va falloir reconstituer les réserves. Par contre, quand ils en gagnent, ils ne les répartissent évidemment pas !

Alors oui à cette résolution, parce que c'est un signe, tout en sachant que la solution n'est pas là: elle est ailleurs, elle est dans une caisse unique ! Lorsqu'on veut faire des labours, on ne prend pas un cheval de course, on prend un cheval adapté, c'est-à-dire un cheval de trait. Or, dans le cas qui nous occupe, on veut permettre à des assureurs privés qui font la course parce qu'ils veulent gagner de l'argent d'utiliser un cheval de trait ! Non, ce n'est pas possible ! On ne peut pas mélanger les genres ! Il faudra distinguer les deux choses et séparer clairement l'assurance de base de l'assurance complémentaire ! Quand on veut faire de l'assurance de base, on est un assureur social; et l'on ne peut pas s'offrir le luxe d'avoir à contrôler une centaine de caisses et vingt-six cantons, comme voudrait le faire aujourd'hui le Conseil fédéral ! Autant créer une caisse publique fédérale unique, sur laquelle les assurés aussi auront leur mot à dire ! (Applaudissements.)

M. Pierre Conne (R). Ces réserves des assurances-maladie sont une bonne chose, car elles permettent de garantir à long terme la solvabilité des caisses. Sans ces réserves, nous risquerions de nous retrouver dans une situation comme celle que connaît l'un de nos grands voisins, avec un trou annuel de la... Tout le monde a saisi !

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les assureurs-maladie sont dans une situation de budgétisation très difficile. Sur la base des coûts d'une année, sans savoir combien de personnes ils devront assurer deux ans après, ils doivent proposer des primes - primes qui servent à couvrir les frais des malades qui ne sont pas encore assurés chez eux, et, en plus, à constituer - pour établir une garantie face à cette incertitude budgétaire - ces fameuses réserves qui sont calculées sur un taux technique. Jusque-là tout va bien !

Le problème qui se pose, c'est que, quand ce mécanisme de sécurité budgétaire a été conçu, il n'a pas été vraiment tenu compte du fait que - cela a été très bien expliqué - selon une autre partie tout à fait souhaitable de la LAMal, on encourageait les assurés à changer de caisse d'une année à l'autre. A partir de ce moment-là, on s'est trouvé dans cette situation absurde où, dans le fond, ces mécanismes de réserve ne sont qu'une pompe à fric pour les assureurs ! Parce que cela ne va que dans un seul sens ! Cela aussi a été dit tout à l'heure. Imaginez un jeu vidéo consistant à passer d'une maison à l'autre, la maison étant l'assurance: vous avez un pardessus qui vous protège des intempéries et de la chaleur, mais, lorsque vous arrivez dans la caisse avec votre pardessus, comme vous êtes bien élevé, vous le laissez au vestiaire; et quand vous voulez changer de maison, parce que vous pensez que celle d'à côté est un peu plus attirante, on vous indique que vous pouvez partir mais qu'il faut laisser le pardessus; et lorsque vous arrivez dans la nouvelle maison, il faut racheter un nouveau pardessus... Mais ce n'est pas vous qui allez le payer. Cela ne touche pas à la solidarité, mais c'est l'ensemble des personnes qui se trouvent dans cette nouvelle maison-assurance qui devront ajouter à leur prime de quoi constituer cette nouvelle réserve.

Nous nous trouvons aujourd'hui contraints d'envisager de corriger un défaut technique, car le système est fait de telle manière que les réserves ne peuvent qu'augmenter. C'est la raison pour laquelle certaines caisses ont actuellement plus de 40% du montant assuré, qui sont à disposition sous forme de réserves mais dont les caisses ne peuvent rien faire, sauf à imaginer qu'une année elles soient en déficit de couverture - et qu'elles puissent dire ouf... et puiser dans leurs réserves.

Je pense qu'il est vraiment temps d'envisager de corriger cette situation absurde ! Ce problème est fondamentalement technique, et il est urgent d'envoyer au Conseil fédéral le message que propose cette résolution.

Cela dit, j'aimerais m'associer aux propos de mon préopinant: il s'agit aussi - c'est même essentiel - d'ajouter à ce message un signe très fort aux Chambres fédérales, qui traitent à l'heure actuelle des objets importants en lien avec les réformes de la LAMal. Alors, s'il vous plaît, je vous encourage, Mesdames et Messieurs, chers collègues, Monsieur le président, à voter cette résolution ! Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à la dernière intervenante, Mme Schneider Hausser, à qui il reste une minute et vingt secondes.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président ! Bien évidemment, la caisse unique sera, à terme...

Le président. Trois minutes !

Mme Lydia Schneider Hausser. Ce n'est pas grave, une minute vingt me suffira ! ...la solution idéale et indispensable. Mon intervention au nom du groupe socialiste sera très brève, puisque Mme Schneider-Bidaux a très bien exprimé et argumenté notre position sur ce sujet. Nous rejetterons donc, de la même manière, cette proposition.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vous soumets la proposition de résolution 574, en précisant que la commission préconise qu'elle soit acceptée.

Mise aux voix, la résolution 574 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 43 oui contre 20 non et 4 abstentions.

Résolution 574

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous en avons terminé avec les urgences. Nous reprenons notre ordre du jour ordinaire, avec le point 29.