République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1853-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Fabiano Forte, Guy Mettan, Anne-Marie von Arx-Vernon, Nelly Guichard, Pascal Pétroz, Didier Bonny, Mario Cavaleri, Michel Forni, François Gillet visant à créer un commissariat virtuel pour déposer plainte pour des délits mineurs

Débat

Le président. Le rapport est de M. Jean-Michel Gros à qui je donne la parole. (Remarque.) Il ne souhaite pas la prendre pour l'instant. Dans ce cas, je la passe à Mme Buche.

Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Les socialistes sont favorables à cette motion, dans la mesure où le dépôt de plaintes, de manière virtuelle - soit par internet - peut constituer un gain de temps pour la police, mais également pour le citoyen, pour qui ce serait un service supplémentaire. Il est bien évident que cela doit rester un choix pour le citoyen, qui doit, s'il le souhaite, pouvoir aller au commissariat et déposer sa plainte auprès d'un policier. Cette notion de choix est donc très importante.

D'autre part, nous aimerions qu'il soit fait un bilan une année après l'entrée en vigueur de ce système, pour voir qu'elle est son implication et quels sont ses effets pour la police, ainsi que pour les citoyens, bien sûr. Les socialistes voteront donc cette motion.

M. Fabiano Forte (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais remercier le rapporteur de la commission judiciaire et de la police, qui commence à prendre goût aux motions, surtout aux motions démocrates-chrétiennes. (Commentaires.) Je vous en remercie, mon cher collègue !

J'aimerais dire ici que nous souhaitons évidemment que le citoyen puisse avoir le choix, et nous y tenons, d'utiliser l'outil internet ou de se rendre dans un commissariat de police pour déposer plainte. Nous tenons aussi beaucoup à faciliter la vie des gens, à faciliter les démarches administratives des citoyennes et des citoyens de ce canton, mais il s'agit aussi d'une petite goutte d'eau la mer, soit dans l'énorme travail administratif de la police. Par cette motion, nous essayons, nous souhaiterions diminuer le temps que doit passer un gendarme derrière son ordinateur, afin de prendre des dépôts de plaintes pour des choses mineures. (Remarque.) Effectivement, quand on se fait voler un vélo, ce n'est pas toujours mineur: on peut être touché, on peut être ébranlé par cette situation et, donc, avoir besoin de voir un gendarme en uniforme. En ce qui nous concerne, nous préférerions voir nos gendarmes dans nos rues, pour les sécuriser, de même que pour sécuriser la population et les commerçants.

C'est la raison pour laquelle nous vous encourageons, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre la majorité de la commission et à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Céline Amaudruz (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, au groupe UDC, cette motion nous laisse perplexes. En effet, il y a le but et les moyens. Le but, quel est-il ? C'est d'essayer de réduire les tâches administratives et simplifier la vie des citoyens. Les moyens, c'est de créer un commissariat virtuel pour déposer des plaintes pénales. Alors oui, le but est bon, mais, les moyens, je ne suis pas certaine qu'ils le soient. En effet, la plainte pénale virtuelle ne vaut pas plainte pénale: le citoyen va devoir se rendre au commissariat pour la signer, car plusieurs problèmes se présentent avec la voie électronique. Par exemple, l'identification de la personne qui dépose plainte: est-on certain qu'il s'agit réellement de la personne victime d'un délit mineur ?

Deuxième problème: escroquerie à l'assurance. Par le moyen électronique, les gens ne se trouvent pas face à une autorité et se sentiront plus à l'aise pour inventer un délit mineur. La troisième chose, c'est précisément la signature, pour laquelle les personnes devront se rendre au commissariat. Alors, est-ce que ce qui nous est proposé va vraiment permettre d'alléger les tâches administratives ? Nous n'en sommes pas certains. Cela étant, puisque le but est de réduire les tâches administratives et que cela pourrait éventuellement permettre d'avoir plus de policiers dans les rues, nous allons, pour cette raison-là, soutenir cette motion.

Mme Emilie Flamand (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, dès le départ, les Verts n'étaient pas favorables à ce projet de loi, et d'abord sur le fond. En effet, il y a un aspect humain et rassurant à se rendre dans un poste de police pour déposer plainte, si - comme toutes les prestations en ligne de l'administration - la prestation au guichet continue, bien sûr, d'exister. Un autre argument avancé lors de nos débats, c'est la question de la fraude à l'assurance; elle pourrait être facilitée si l'on pouvait déclarer un vol simplement sur internet, sans devoir rencontrer un policier.

La question qui a été soulevée, de décharger les policiers des tâches administratives, est importante, or nous pensons que, grâce aux assistants de sécurité - qui vont bientôt entrer en service - c'est déjà un pas dans cette direction; il n'y a peut-être pas besoin que ce soit un policier qui enregistre la plainte, cela peut très bien être fait par un collaborateur administratif de la police.

Le problème qui demeure le plus important par rapport à ce commissariat virtuel est celui de la signature. Comme l'a dit Mme Amaudruz, dans la situation actuelle, on devrait remplir un formulaire sur internet puis aller le signer au poste de police; le gain de temps, à la fois pour le citoyen et pour l'administration, est donc loin d'être évident.

L'identification électronique pose encore un certain nombre de problèmes, et cela m'amène à la deuxième grande raison pour laquelle les Verts ne souhaitent pas soutenir cette motion... (Exclamations.) ...c'est que, sur la forme, nous avons voté, il y a deux ou trois ans, 26 millions pour l'administration en ligne, avec dix prestations; pour l'instant, elles ne sont pas encore en service, et nous pensons qu'il faut avoir une vision globale avec une vraie planification. On ne peut pas développer l'administration en ligne à coups de motions, en ajoutant une prestation par-ci par-là. Il faut vraiment avoir une vision globale, savoir déjà de quoi les citoyens ont envie, de quoi ils ont besoin, quelles sont les prestations qu'ils souhaitent pouvoir effectuer par internet. Nous ne souhaitons pas développer l'administration en ligne de cette manière-là et, pour toutes ces raisons, nous vous engageons à refuser cette motion.

Des voix. Oh !

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical va soutenir cette excellente motion PDC. (Commentaires.) Tout ce qui peut faciliter la vie des utilisateurs et tout ce qui peut faciliter la vie du policier est bon à prendre; on demande donc au gouvernement d'analyser cette motion.

S'agissant des fraudes à l'assurance - tout le monde en a parlé, je ne vais pas y revenir - il y a donc quantité d'éléments sur lesquels la signature originale est importante, or il y a aussi beaucoup de gens qui n'osent pas déposer plainte, qui ont peur d'aller au poste de police. Aussi, pour certains, il y aura là une autre possibilité de déposer plainte. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous encourageons à adopter cette motion. (Commentaires.)

Une voix. Bravo !

M. André Python (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le Mouvement Citoyens Genevois vous demande de soutenir cette motion. En effet, les assurances demandant systématiquement une plainte pour les cas ne nécessitant pas d'enquête de police, la seule préoccupation des gens, c'est d'avoir l'attestation de police un mois après leur plainte.

Par ce modèle-là, on facilite le travail des gens, et je suis persuadé qu'une grande partie de la population utiliserait le moyen électronique plutôt que de se rendre dans un poste de police. Quant à la signature, je pense qu'il serait aussi possible que, lors de la délivrance de l'attestation de plainte... (Brouhaha.) ...elle soit apposée en même temps. Nous soutiendrons donc cette motion.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, une plainte pénale, c'est une affaire sérieuse. Une plainte pénale, c'est un acte qui ouvre une procédure pénale, qui a des conséquences quand on le fait, qui a des conséquences quand on ne le fait pas. Une plainte pénale, c'est aussi une invitation faite à l'autorité d'accomplir un certain travail. Une plainte arrivant dans une boîte d'e-mails, qui sert éventuellement à décerner une attestation d'assurance, ça ne sert pas à grand-chose, ça fait de la statistique, sans doute, mais ça ne fait pas avancer une cause qui nous est chère; la lutte contre l'insécurité.

Alors, nous allons voter ce projet de loi virtuel - puisque Mme Flamand, tout à l'heure, parlait de projet de loi - c'est-à-dire cette motion. Nous allons le voter - nous allons «la» voter - mais tout en vous disant que nous avons d'autres priorités. Tout d'abord, nous avons celle de faire en sorte qu'il y ait, dans ce canton, des commissariats non virtuels - enfin, «commissariat» au sens français de France, qui est utilisé par les auteurs de la motion, des «postes», pour employer une expression genevoise. Et nous voulons en particulier que l'on mette rapidement en oeuvre la loi libérale sur les postes de police intégrés - que Laurent Moutinot a repoussée et repoussée tant qu'il était là - laquelle, maintenant, doit pouvoir entrer en vigueur le 1er janvier de l'an prochain. Nous croyons à ces postes-là plus qu'à des postes virtuels.

Nous voulons aussi, lorsque la police arrête les gens, qu'elle puisse les mettre dans des places de détention non virtuelles. Nous allons pouvoir, pendant cette session - je l'espère - démontrer que nous sommes prêts, que nous avons de la volonté politique dans ce sens.

Enfin, nous voulons aussi que, dans les postes, l'effort principal soit donné à l'accueil, au contact humain avec les personnes voulant déposer des plaintes, et qu'on ne mobilise pas nécessairement des policiers pour cela. Nous sommes donc favorables au développement de l'accueil par le personnel, par les assistants de sécurité, et nous sommes favorables aussi à ce qu'on se donne les moyens d'avoir du personnel administratif en suffisance. Une motion libérale actuellement en traitement à la commission judiciaire, déposée par notre collègue Nathalie Fontanet, appelle précisément à cela.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter cette motion, par amitié envers nos partenaires de cette alliance «décatie» évoquée tout à l'heure. (Rires.) Mais nous allons aussi et surtout la voter pour donner un signe clair - un signe qui ne soit pas virtuel - du fait que nous voulons tout mettre en oeuvre pour faciliter le travail de la police et favoriser les conditions de vie de nos concitoyens. Je vous remercie.

M. Fabiano Forte (PDC). Mais quelle verve, cher collègue Jornot ! Eh bien, comme vous, nous nous réjouissons de passer du virtuel au réel, en votant les lignes budgétaires ad hoc lorsqu'il s'agira d'adopter le budget de cette République pour le département de la sécurité, de la police et de l'environnement.

Ceci étant dit, je dois constater que ma collègue, Mme Amaudruz, n'a peut-être pas participé à la même commission que moi - puisqu'elle est membre de la commission judiciaire et de la police... J'ai de la peine à comprendre vos questions, Madame la députée, dès lors qu'elles auraient pu être posées en commission, devant M. le chef adjoint de la police, devant un responsable du DSPE en charge de l'informatique... Je trouve un tout petit peu troublant qu'on vienne poser ces questions, mais ce qui m'importe, c'est le résultat: vous allez soutenir cette motion.

Une autre chose qui dérange aussi, c'est que certains intervenants font déjà le concept. Alors, Madame Rochat, vous avez d'ores et déjà deux chargées de projet: vous avez Mme Emilie Flamand, qui a déjà son concept, et vous avez notre collègue Céline Amaudruz. Elles s'occuperont très volontiers de vous prêter main-forte pour mettre sur pied ce commissariat virtuel ! (Rire.)

M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur. Juste pour conclure: la commission a été très hésitante, il faut bien le dire. Cette motion a été votée à une très large majorité, mais il est vrai qu'il reste des incertitudes la concernant, notamment la validité d'une signature électronique. La Confédération a mis en consultation un projet pour valider une signature électronique, d'autres pays la connaissent, telle la Belgique qui distribue beaucoup de cartes d'identité électroniques. Il nous a donc semblé que le principe de cette motion était utile pour décharger la police de certaines tâches administratives, notamment le dépôt des plaintes, qui leur prend énormément de temps - on a parlé, en commission, de quarante-cinq minutes par plainte, ce qui est énorme.

Ce problème de la signature électronique devra être réglé dans l'étude de cette motion - car il ne s'agit pas d'un projet de loi mais bien d'une motion. Donc, nous demandons un rapport au Conseil d'Etat, visant à nous rassurer ou à nous dire où en sont les évolutions concernant cette signature électronique, mais nous avons voulu nous axer surtout sur le principe.

Certains ont évoqué, en commission notamment, l'importance du contact personnel lors d'une plainte. Quel que soit le délit, c'est vrai que, souvent, la personne peut être dans un certain désarroi et avoir besoin de rencontrer quelqu'un, c'est ce qui a été dit et qui est tout à fait justifié. Les auteurs de la motion l'ont bien compris; d'ailleurs, même dans leur intitulé, même dans leurs invites, ils disent bien que tout ceci sera facultatif. Si quelqu'un préfère aller au poste de police pour déposer plainte directement quel que soit le délit, il le pourra encore, mais, de l'avis de la majorité de la commission, il semble utile de pouvoir ouvrir la voie à ces plaintes par internet, qui pourront quand même résoudre quelques problèmes au niveau administratif dans la police.

Quant aux fraudes à l'assurance, une partie de la police évoquait cela. Mais le chef adjoint de la police nous l'a dit - et vous l'aurez vu dans mon rapport si vous l'avez lu, ou vous le lirez prochainement: ces... (Remarque.) Ces soupçons ne sont pas fondés, il n'y aura pas davantage de fraudes à l'assurance par le biais d'internet qu'il n'en existe actuellement.

C'est pourquoi la majorité de la commission vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat pour un rapport circonstancié.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite relever qu'on ne peut que saluer le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat - et un rapport circonstancié, Monsieur Gros, je vous l'assure, vous sera transmis. Donc, on ne peut que saluer ce renvoi, car, même si le problème de la validité de la signature électronique, notamment dans le cadre d'une procédure pénale, n'est effectivement pas encore réglé, je crois qu'on répond vraiment à une demande de nombreux citoyens. J'ai à plusieurs reprises entendu des «plaintes» - précisément - de citoyens ou d'étrangers qui, complètement démunis, faute de temps ou d'acquisition de la langue française d'une façon qui leur permette au moins de déposer une plainte, ne vont pas le faire.

Au-delà de la statistique pure, j'ai entendu cette demande à réitérées reprises, et elle participe notamment à la qualité de vie, au confort de nos citoyens. On ne peut donc que saluer cette demande, et il y sera répondu de la façon la plus complète possible, Monsieur le rapporteur.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la motion 1853 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 64 oui contre 11 non et 2 abstentions.

Motion 1853