République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1860
Proposition de motion de MM. Antoine Bertschy, Yves Nidegger, Stéphane Florey, Olivier Wasmer, Eric Leyvraz, Gilbert Catelain, Philippe Guénat pour des logements d'urgence à destination des fonctionnaires internationaux

Débat

M. Antoine Bertschy (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, depuis deux jours, nous parlons passablement de la problématique du logement et de la situation de pénurie dans laquelle se trouve notre canton. Imaginez-vous ce que c'est, pour des fonctionnaires internationaux qui savent deux mois à l'avance qu'ils vont devoir venir vivre à Genève, que de trouver un logement. (Brouhaha.) C'est extrêmement difficile pour eux. Je ne vous ferai pas une grande introduction... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...sur la Genève internationale et son importance pour notre canton... (Brouhaha.) Je vois que la Genève internationale intéresse beaucoup de monde dans ce parlement ! (L'orateur s'interrompt.)

Une voix. Chut ! (Le brouhaha cesse.)

M. Antoine Bertschy. Merci ! Les nouveaux fonctionnaires internationaux qui arrivent dans notre canton ont beaucoup de difficultés à trouver un logement. Ils sont aidés dans leurs démarches par le Centre d'Accueil - Genève Internationale - le CAGI. Malheureusement, en deux ou trois mois, c'est extrêmement difficile pour cette fondation d'aider les fonctionnaires internationaux. Lorsqu'ils arrivent, la plupart du temps ils sont obligés de loger à l'hôtel, quand ils en ont les moyens. Malheureusement, certains pays n'ont pas les moyens de payer l'hôtel à long terme pour leurs fonctionnaires - je pense particulièrement aux pays en voie de développement.

Au moment où j'ai rédigé cette motion, j'ai appris que certains fonctionnaires internationaux étaient obligés de loger dans leurs bureaux, de dormir sur un lit de camp, parce qu'ils n'avaient pas de logement... (Remarque.) ...ce qui est absolument inacceptable par rapport à l'image que Genève doit présenter vis-à-vis de la communauté internationale.

Les collaborateurs du CAGI aident les fonctionnaires internationaux, certes. Ils font un excellent travail - je tiens ici à les féliciter, tout particulièrement l'ambassadeur Dunant, qui est le directeur du Centre d'Accueil - Genève Internationale, et toute son équipe. Et ils font un excellent travail avec une faible subvention, ce qui nous change de certaines associations genevoises qui ont des subventions énormes et dont on ne sait pas franchement ce qu'elles font. Ce Centre d'Accueil - Genève Internationale souhaiterait avoir quelques logements d'urgence, qui se compteront sur les doigts d'une main, afin d'éviter la situation que je vous ai décrite précédemment.

Mercredi, j'ai encore eu l'ambassadeur Dunant au téléphone. Il m'a dit que, à l'heure actuelle, il n'avait pas connaissance - et j'insiste sur «pas connaissance» - de personnes qui étaient à la rue. Néanmoins, cela peut arriver à tout moment. Je vous rappelle que les fonctionnaires internationaux restent en général quelques années, quatre ou cinq ans, et repartent. Il y a donc des arrivées et des départs continuels. Avec l'extension de l'OMC, que nous souhaitons tous, il y aura une arrivée massive de fonctionnaires internationaux; il faudra par conséquent trouver des logements, mais il n'y en aura peut-être pas. (Brouhaha.)

Ce que je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de renvoyer cette motion en commission pour en discuter. Encore une fois, l'ambassadeur Dunant a été très clair en déclarant: «Je viendrai volontiers expliquer la situation pour que les députés comprennent ce qui se passe.»

Je finirai en vous disant que, effectivement, s'il n'y a pas toujours...

Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.

M. Antoine Bertschy. J'en ai pour dix secondes, Monsieur le président. A l'heure actuelle, il n'y a pas de problème pointu au niveau de la communauté internationale. D'autres fondations s'occupent, par exemple, des ONG; je pense à Mandat International, qui accomplit un excellent travail pour les ONG. Et afin d'avoir une collaboration entre Mandat International et le CAGI pour loger les délégués...

Le président. Il faut terminer, s'il vous plaît !

M. Antoine Bertschy. Je reprendrai par la suite, Monsieur le président.

Le président. Oui, vous aurez le droit de reprendre une fois la parole. Monsieur Golay, c'est à vous.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va soutenir cette motion. Effectivement, il n'est pas tolérable que des pays défavorisés ne puissent pas, dans le cadre de la Genève internationale, trouver rapidement un logement. Il faut savoir que les retombées économiques directes pour notre canton représentent environ 4 à 5 milliards de francs. Nous avons intérêt à favoriser l'accueil de ces internationaux. Il est évident que cela améliore notre qualité de vie, cette manne financière nous permet d'offrir de nombreuses prestations à la population. Et je pense que ces pays défavorisés qui manquent de logements - leurs moyens financiers gouvernementaux étant limités - eh bien, ces pays ont tout de même une voix égale à celle de grands pays, comme les Etats-Unis, lorsqu'il s'agit de voter pour installer une organisation internationale sur notre territoire. Il est donc évident que cette motion a tout son sens. En dehors de cela, il faudrait aussi penser aux Suisses de l'étranger, qui ont les mêmes difficultés lorsqu'ils reviennent dans leur patrie: ils ne trouvent pas non plus de logement. Alors l'un devrait aussi aller avec l'autre. Pour conclure, nous soutiendrons cette motion.

Mme Loly Bolay (S). Le parti socialiste ne sera pas opposé au renvoi de cette motion en commission, Monsieur le député Bertschy. Il est vrai que la Genève internationale, plus particulièrement les missions diplomatiques venant de certains pays en sous-développement - vous l'indiquez dans votre exposé des motifs - et même des pays de l'Est sont confrontés aujourd'hui - comme tout Genevois, on en a parlé - à une pénurie de logements. Et ces gens-là, comme tous les Genevois, sont effectivement pénalisés par le manque de logements à bon marché. Il est clair, vous l'avez souligné, que le Centre d'Accueil - Genève Internationale accomplit un travail remarquable pour trouver ces appartements. Il y a un partenariat public-privé avec des régies, qui sont à l'intérieur même du CAGI, mais cela ne suffit pas.

Voici quelques chiffres. Selon les budgets alloués au logement lorsque les expatriés arrivent - et bien avant qu'ils arrivent, car le CAGI commence la recherche avant - la part des budgets est de 56% pour des loyers inférieurs à 2000 F. Or aujourd'hui, pour une famille avec trois enfants, trouver un logement de cinq à six pièces à 2000 F c'est le parcours du combattant ! Et pour des loyers entre 2000 F et 5000 F, destinés à des personnes qui peuvent tout de même se payer un autre standing, la part est de 39%. On voit que c'est là que bât blesse. Alors il serait très intéressant, clairement, que la commission du logement puisse entendre le Centre d'Accueil - Genève Internationale, qui a tout de même un historique et qui connaît bien la problématique, pour examiner où l'on pourrait améliorer la situation de sorte que ces gens puissent trouver un logement à la hauteur de leur situation financière. Mais encore une fois, ce sera très difficile, vu la pénurie de logements à Genève. Donc, le parti socialiste ne s'oppose absolument pas au renvoi de cette motion à la commission du logement.

M. Pascal Pétroz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je remercie notre collègue Bertschy de la présentation de sa motion. Je suis content de le voir en bonne forme et lui rappelle que nous l'attendons: nous avons besoin de lui samedi prochain à Veyrier pour le traditionnel match de football du parlement entre la gauche et la droite. (Commentaires.) Et avec M. Meylan, qui devra être présent !

Cela étant, au sujet de la motion, le groupe démocrate-chrétien prend acte avec satisfaction du changement de politique de l'UDC, qui, après avoir voulu - particulièrement au niveau national - mettre tous les étrangers dehors pendant quinze ans, vient nous livrer un plaidoyer totalement justifié en faveur de la Genève internationale. Nous affirmons clairement ce soir que les objectifs de cette motion méritent d'être totalement soutenus.

Comme l'a dit Mme Bolay - mais je ne crois pas qu'elle ait formellement prononcé la demande de renvoi en commission, alors je le fais pour la clarté du débat, Monsieur le président - nous nous réjouissons d'étudier cette motion en commission du logement pour y apporter des réponses concrètes. L'invite générale que vous proposez, selon laquelle il faut absolument créer du logement pour les fonctionnaires internationaux, mérite totalement d'être soutenue. Mais l'idée, en commission, est de pouvoir travailler afin de savoir comment nous allons arriver à cet objectif plus rapidement que dans le cadre d'une déclaration d'intention générale.

Merci donc au groupe UDC de cette motion, à laquelle nous réserverons bon accueil, et nous nous réjouissons de la traiter en commission.

Mme Michèle Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, comme mon collègue M. Pétroz, je voudrais souligner avec plaisir que je constate un virage de l'UDC en faveur des internationaux, elle qui avait refusé l'adhésion à l'ONU et qui, régulièrement, refuse l'Europe. Mais je suis très contente de voir que le groupe UDC se préoccupe des internationaux et qu'il est en faveur de l'extension de l'OMC. Evidemment, les radicaux accepteront très volontiers de renvoyer cette motion en commission.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Jeanneret, à qui il reste une minute et quarante-cinq secondes.

M. Claude Jeanneret (MCG). Je remercie l'UDC d'avoir déposé cette motion. Effectivement, il s'agit d'un souhait que je crois partagé par tout le monde.

J'aimerais simplement dire ceci. La Genève internationale existe depuis longtemps, et le problème du logement des internationaux aussi. Certains employés, je dirai «subalternes», ont malheureusement pris l'habitude de se transformer en frontaliers, parce qu'ils ne trouvent pas de place chez nous. C'est regrettable. Car la vocation de la Genève internationale est d'accueillir tout le monde, et pas seulement les représentants officiels. D'autre part, la Genève internationale n'accueille pas seulement les 37 institutions internationales gouvernementales; il y a également 800 ONG à Genève, avec une activité intéressante pour l'aura de Genève partout dans le monde. C'est aussi ces personnes que l'on doit loger - et pas nécessairement dans des appartements d'utilité publique.

Donc je crois que c'est le moment de parler d'une chose intéressante pour Genève. Il faut que, indépendamment de cette motion, on se lance - et rapidement, grâce à M. le conseiller d'Etat - au développement du PAV ! C'est la seule solution que l'on ait de développer rapidement des logements pour tout le monde, et pas en demandant 80% de logements d'utilité publique et 20% de libres, non, mais 14 000 logements avec une proportion de 50%-50%, parce que les internationaux ne sont pas logés dans des logements d'utilité publique ! Il faut que l'on réalise à Genève qu'il vaut mieux construire 14 000 logements, dont 7000 d'utilité publique, que 8000 logements en demandant 70%, c'est-à-dire 5600 logements d'utilité publique et peu de logements libres ! Ainsi, nous avons un projet intéressant, celui présenté par le M. le conseiller d'Etat Mark Muller, le PAV, avec 14 000 logements rapidement, sans opposition, afin de pouvoir loger tout le monde à Genève. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons cette motion.

M. Christophe Aumeunier (L). Nous ne seront pas opposés au renvoi en commission, tant notre attachement à la Genève internationale est profond et important. Simplement - cela a été relevé - il y a un problème d'égalité de traitement. Les fonctionnaires internationaux ne souffrent pas plus que des Suisses qui rentrent de l'étranger, ils ne souffrent pas plus que des Genevois. Et je m'inscris ici en faux contre ce qui a été dit tout à l'heure. La pénurie ne concerne pas seulement le logement social, c'est une pénurie toutes catégories confondues. En effet, l'ambassadeur qui vient à Genève - et vous pouvez vous en gausser - et qui a besoin d'avoir des espaces pour recevoir, une salle dans laquelle il peut effectivement faire manger une douzaine de personnes et mener les discussions qu'il a besoin de mener à Genève, ne trouve pas de logement à Genève ! Alors c'est toutes catégories confondues qu'il y a pénurie ici.

Il y a, à mon sens, une réflexion à mener, d'une part en matière de construction - de construction avec l'aide des fonds de pension des internationaux - et, d'autre part, dans le cadre du parc des Nations, lequel devrait, selon nous, intégrer des logements pour les internationaux. Dans ce contexte-là, nous vous invitons à renvoyer cette proposition à la commission du logement.

Mme Michèle Künzler (Ve). Nous accueillons très favorablement cette motion. Nous saluons, comme tout le monde, la proposition de l'UDC et son changement d'orientation sur certains sujets. C'est un bon début.

Si, d'une part, on peut traiter cette motion de manière beaucoup plus large en l'intégrant dans la problématique plus globale du logement, je crois que ce qui est proposé ici est aussi d'avoir des logements d'urgence et de résoudre rapidement le problème pour des arrivées ponctuelles. Cela permet ainsi aux personnes d'avoir pour quelque temps un logement avant de trouver autre chose à plus long terme. C'est cela qui manque, et une résolution rapide de ce problème doit être mise en oeuvre. En effet, c'est comme pour les étudiants, les gens qui arrivent mais qui n'ont pas forcément de gros moyens et qui n'ont pas droit au logement social doivent pouvoir avoir accès à ces logements qui leur sont réservés, ne serait-ce qu'un certain temps, avant de prendre vraiment pied à Genève. En conclusion, nous accueillons favorablement cette motion pour l'étudier en commission du logement.

M. Antoine Bertschy (UDC). Je vous remercie tous de l'accueil que vous réservez à cette motion. Je tiens à apporter trois précisions. Premièrement, l'UDC Genève a toujours été favorable à la Genève internationale; donc nous ne faisons pas un virage à 180 degrés. Deuxièmement, il ne s'agit pas de construire des milliers de logements pour les fonctionnaires internationaux et rien que pour eux, mais uniquement d'avoir quelques logements d'urgence pour les fonctionnaires internationaux; les Genevois peuvent en bénéficier par d'autres moyens, comme l'Hospice général, ce que les fonctionnaires internationaux ne peuvent pas. Troisièmement - et c'est peut-être le plus important - je tiens à rassurer mon collègue attaquant Pétroz: je serai sur le terrain le 26, et nous marquerons beaucoup de buts contre la gauche !

Le président. Bravo, Monsieur le député ! Mesdames et Messieurs, nous nous prononçons sur la demande de renvoi de cette motion à la commission du logement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1860 à la commission du logement est adopté par 55 oui et 2 abstentions.