République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h45, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.

Assistent à la séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, François Longchamp et Robert Cramer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Laurent Moutinot, Pierre-François Unger, Charles Beer et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. David Amsler, Eric Bertinat, Beatriz de Candolle, René Desbaillets, Claude Marcet, Yves Nidegger et Pascal Pétroz, députés.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. Monsieur Halpérin, vous demandez la parole: je vous la donne.

M. Michel Halpérin (L). Un mot seulement: vous m'avez fait l'honneur tout à l'heure d'évoquer les pratiques du Bureau au temps où j'avais le privilège de le présider. Je voulais compléter l'information de cette assemblée en indiquant que s'il était arrivé au Bureau de modifier un peu l'horaire, ça a toujours été dans le sens du raccourcissement. Par exemple, en retardant le moment des extraits, s'il y en avait peu. Ou en plaçant le début d'une séance budgétaire à 10h le matin plutôt qu'à 8h, lorsque nous sentions que le rythme serait bon.

Au total, sous réserve bien sûr d'inventaire de notre part, je pense que nous avons siégé 10% d'heures en moins que les années des législatures précédentes. Ma préoccupation - et celle du Bureau de l'époque - était donc d'éviter la surcharge chronique de ce parlement et la fatigue de ses membres.

Le président. Après trois présidentes ou présidents qui ont été d'excellents cuisiniers, en petit dernier, je me retrouve à devoir faire la vaisselle et à mettre la cuisine en ordre avant l'arrivée des nouveaux, fin octobre. Et j'ai retrouvé des verres et des assiettes un peu dans tous les coins ! (Rires.) J'ai même retrouvé des assiettes encore marquées de la faucille et du marteau ! (Rires.)

Je me dois donc de rendre la cuisine propre et je pense que le Bureau sera d'accord avec moi pour faire cet effort, ainsi que vous tous, pour que les choses soient en ordre pour la prochaine législature. (Applaudissements.)

Annonces et dépôts

Le président. Le Conseil d'Etat nous informe qu'il retire le projet de loi suivant:

Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les augmentations annuelles dues aux membres du personnel de l'Etat ainsi que sur la progression de la prime de fidélité (B 5 17) (PL-9678)

R 578
Proposition de résolution de Mme et MM. Gabriel Barrillier, Michel Ducret, Jacques Follonier, Frédéric Hohl, Patricia Läser, Jean-Marc Odier, Patrick Saudan, Charles Selleger visant à soutenir les médecins de premier recours dans leurs efforts de maintien d'une activité médicale de qualité et de proximité au service des populations genevoise et suisse

Débat

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, au nom du groupe radical, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir tous appuyé avec nous la demande de traitement en urgence de cette résolution. Cette résolution concerne les médecins de premier recours, les généralistes, internistes et pédiatres.

La plupart des Suisses ont un médecin généraliste, un médecin de famille avec lequel ils entretiennent des liens privilégiés. Notre médecin de famille nous connaît, il connaît les autres membres de la famille, il connaît le mode de fonctionnement des patients d'une même famille. Notre médecin de famille sait nous donner de bons renseignements, il sait s'occuper de nous, il sait nous donner de bonnes nouvelles et, aussi, nous donner de manière humaine les mauvaises nouvelles, quand malheureusement il y en a. Parfois, les rapports qu'on a avec son médecin de famille sont extrêmement amicaux. Pour ma part, mon médecin généraliste ne roule ni en Ferrari ni en Porsche, il n'a pas de chalet à Verbier, il n'a pas de maison de vacances sur la Côte d'Azur. Les médecins généralistes sont donc des gens comme la plupart des autres. (Commentaires.)

La décision du Conseil fédéral relative à la baisse du prix des analyses est véritablement la goutte d'eau qui a fait déborder le vase chez les médecins. Le vrai combat n'est pas de sauvegarder le prix des laboratoires, mais, véritablement, de sauvegarder la profession de médecin généraliste. Il est là, le vrai combat ! Nous devons absolument rendre cette profession attractive; à titre de renseignement - vous l'avez lu dans notre résolution - la moitié des médecins de premier recours ont plus de 50 ans et un cinquième d'entre eux ont plus de 60 ans.

Oui, le système actuel est onéreux, mais il reste l'un des plus performants au monde. Alors, des analyses rapides et professionnelles chez notre médecin, c'est fort utile, ça évite de devoir courir à droite et à gauche et de passer dans un hôpital, dans une clinique ou dans un laboratoire. Et cette mesure fédérale risque, à longue échéance, de coûter cher en termes de santé publique. N'oublions pas que le médecin de premier recours et son laboratoire sont des maillons essentiels pour une médecine de proximité de qualité.

Aussi, pour toutes ces raisons, et pour suivre l'exemple du Grand Conseil vaudois, je vous encourage, Mesdames et Messieurs les députés, à faire comme nous et à renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat, pour que celui-ci intervienne au niveau fédéral. (Applaudissements.)

M. Claude Aubert (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la médecine est mise au défi de s'adapter aux transformations de notre société; je pense en particulier à ses modes de consommation. Notre époque se caractérise par un mode de consommation typique des grandes surfaces qui réduisent au maximum le lien entre le client et le vendeur: seul comptent l'accès aux produits et la file d'attente aux caisses.

Par analogie, je remarque que la population ne cherche plus tellement à bénéficier d'un lien avec le médecin, un lien qui se prolonge et se renforce au cours des années, elle veut un accès direct aux prestations, peu importe qui les prodigue, ce jour-là, ce soir-là, cette nuit-là.

Cela explique, en partie seulement, la crise que connaît la médecine de famille, qui fait justement du lien et de la continuité l'essentiel de sa vocation. Une vocation qui ne semble plus au goût du jour, mais qui s'imposera demain.

Qui dit grandes surfaces dit aussi rationalisation, achats en gros, diminution des marges, concurrence, perte d'emplois et chômage, maux qui frappent à la porte du médecin, jusqu'alors assez protégé. Le médecin réalise maintenant qu'il doit subir, comme c'est le cas dans toutes les professions, une réalité économique qui l'enserre et l'asphyxie.

Les libéraux soutiendront cette résolution qui relaie un profond souci concernant l'avenir, tout en sachant que, dans ce vaste domaine qu'est l'assurance-maladie obligatoire, rien n'est vraiment simple, rien n'est vraiment transparent. Avec une difficulté supplémentaire: l'inquiétude légitime des médecins quant à leurs conditions de travail pourrait être voilée par l'inquiétude légitime de la population, confrontée à l'augmentation continuelle des coûts de la santé.

M. Alain Charbonnier (S). Je crois que les positions exprimées peuvent être soutenues, mais il me semble que le principal souci de la population, c'est que l'on doit pouvoir être pris en charge par un médecin de famille. Malheureusement, on en trouve trop peu aujourd'hui, on a soumis les médecins de famille à une telle pression ! Et rares sont les médecins qui s'intéressent désormais à la profession de généraliste dans notre canton - et évidemment dans notre pays, puisqu'il s'agit d'un enjeu fédéral. D'ailleurs, dans une étude récente, l'Observatoire suisse de la santé montre qu'une pénurie très importante de médecins de famille et de généralistes se profile d'ici à 2030 avec un manque de médecins de près de 40% ! Je ne crois pas donc pas qu'il s'agit d'une pression effectuée par la «génération kleenex» qui changerait de médecin simplement comme ça... C'est plutôt le manque de médecins de famille qui est en cause, de même que la disponibilité réduite des médecins qui pratiquent; parce que ceux-ci se retrouvent avec une surcharge de travail incroyable face aux demandes.

Il est important de relever - comme on l'a fait tout à l'heure, lors du débat sur les EMS - que la population vieillit. Je crois que c'est la cause principale du problème auquel nous sommes confrontés et, aussi, l'une des raisons de la pénurie de médecins qui se profile. En fait, il y a deux causes: ces médecins de famille et généralistes n'ont pas été assez soutenus jusqu'à maintenant; par ailleurs, la population aura, en vieillissant, de plus en plus besoin d'eux. Or, si l'on veut tenter de juguler les coûts de la santé, la médecine de proximité est peut-être l'aspect le plus important; car, si un patient ne reçoit pas l'appui et les conseils du médecin de famille qui lui est proche, il passe d'un médecin spécialiste à un autre... Et il faut relever que, par exemple, le médecin de famille, même s'il n'est pas spécialisé en pédiatrie, est souvent à même de donner des conseils concernant les enfants. Dans un quartier ou une commune, le médecin de famille peut aussi, en cas d'urgence, orienter les familles, ce qui permet une meilleure efficience.

C'est pourquoi nous approuvons à 100% les arguments développés dans cette résolution: il faut absolument maintenir cette médecine de proximité !

J'exprimerai un seul bémol, un petit regret. Aujourd'hui, on parle des médecins, on se bouge beaucoup pour eux et on dépose des résolutions... Je rappelle pourtant que d'autres professions ont subi les foudres du Département fédéral de l'intérieur, plus précisément les effets de sa politique en matière de santé: avant les médecins, il y a eu les ergothérapeutes; avant les médecins, il y a eu les sages-femmes; avant les médecins, il y a eu les physiothérapeutes... Toutes ces professions ont été passées à la moulinette par le Département fédéral de l'intérieur et par l'Office fédéral de la santé publique, mais pas grand-monde n'a alors bougé ! Aujourd'hui, nous sommes contents de pouvoir défendre les médecins, parce que nous pensons que la médecine de proximité est importante, et nous soutiendrons donc cette résolution. (Applaudissements.)

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Il est vrai que la médecine de premier recours est un des piliers de la santé publique: sans les médecins de premier recours, je ne sais pas très bien comment nous ferions pour soigner la plupart de nos bobos. Parce qu'il est vrai qu'on n'a pas besoin d'aller tous les jours chez le cardiologue, on n'a pas besoin d'aller tous les jours chez le pneumologue ou chez le «logue» de je ne sais quoi ! Par contre, quand on n'est pas bien, on va chez le généraliste, on discute avec lui et, éventuellement, si besoin est, on est dirigé ailleurs. C'est très bien que cela se passe ainsi. Et, si l'on veut que cela puisse continuer, il faut soutenir les médecins dans leur combat pour leur profession !

Soutenir cette résolution est donc une excellente chose: pour que M. Couchepin se rende compte qu'on ne résout pas les problèmes de la santé en réduisant le nombre de généralistes, en réduisant le nombre de physiothérapeutes et en réduisant le nombre de soignants; on peut éventuellement restreindre le recours à la technologie ou, en tout cas, se montrer plus circonspect dans ce domaine-là.

Je vous encourage donc à soutenir cette résolution, pour que le Conseil d'Etat l'adresse au Conseil fédéral.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, je soutiendrai cette résolution, elle est d'actualité. On peut effectivement comprendre qu'il devient de plus en plus difficile de trouver des médecins, notamment des généralistes, parce que c'est un métier extrêmement ingrat, qui demande énormément d'heures de présence; c'est pourquoi beaucoup d'entre eux n'ont plus envie de s'investir dans de longues études, pour aboutir à pas grand-chose. On constate ce problème en France également, où l'on n'arrive même plus à recruter des médecins.

La santé n'est pas un jeu, il faut la prendre très au sérieux, et je pense qu'il est temps que certaines choses cessent, parce qu'elles vont beaucoup trop loin: on suspend de nombreuses prestations, on en restreint beaucoup, et l'on aboutit à une médecine à deux vitesses... Cela veut dire que les riches pourront choisir où ils veulent aller, alors que les pauvres resteront sur le carreau. Ça, ça ne va pas ! On est en Suisse, le pays où les gens sont le plus assurés et où l'on est supposé avoir l'une des meilleures médecines au monde... Si nous voulons continuer à être reconnus pour ces qualités, je pense qu'il est plus qu'important de continuer à soutenir les personnes qui veulent s'engager dans la profession de médecin généraliste et, surtout, il faut épauler les personnes qui l'exercent déjà. Vous savez que certains médecins abandonnent leur cabinet et ne le remettent même pas à un autre médecin; ils jettent l'éponge parce que cela devient trop difficile et contraignant.

Cette situation ne concerne pas que Genève. C'est pourquoi il faut donner un signal d'alarme fort et il faut que Berne se secoue un peu ! Si, pour une fois, Genève pouvait montrer l'exemple, ce serait une bonne chose - et ça sortirait un peu de l'ordinaire. Je vous invite donc à soutenir cette résolution.

Le président. Merci, Madame la députée. Je salue à la tribune Mme et M. Keller, les parents de notre chère collègue Virginie Keller. Ils assistent pour la première fois à nos débats et peuvent être très fiers de leur fille ! (Applaudissements.) La parole est à M. Catelain.

M. Gilbert Catelain (UDC). Cette proposition de résolution va donc engager ce parlement, respectivement le Conseil d'Etat, à intervenir à Berne dans un problème de fond, à savoir l'avenir du médecin généraliste dans le système de santé. Le groupe UDC n'a pas eu la possibilité d'approfondir ce thème, dans la mesure où il ne faisait initialement pas partie des priorités de l'ordre du jour. (Rires.) Le groupe UDC laissera donc la liberté de vote à ses membres, mais soutiendra probablement l'esprit de cette résolution.

Dans l'exposé des motifs, les auteurs mentionnent le vieillissement de la population médicale. C'est un fait, mais c'est quand même une situation qui a été voulue par le parti radical, puisque le chef de l'action sociale dans ce pays est un certain M. Couchepin, qu'il applique une politique radicale, et c'est lui qui maintient le numerus clausus pour la filière des études de médecine. Par le biais de cette pénurie plus ou moins cachée qu'il a instaurée, il souhaite réduire les coûts de la santé !

Si la moitié des médecins a plus de 50 ans, il faut reconnaître que nous avons à Genève un nombre de médecins deux fois plus élevé que la moyenne suisse. Cela explique aussi pourquoi nous payons nos primes d'assurance-maladie trois fois plus cher que les Valaisans ! Il est vrai aussi que la présence à Genève d'un hôpital universitaire engendre des dépenses. Là n'est peut-être pas le fond du propos, mais j'aimerais rappeler que, lorsque nous devions voter sur les bilatérales, les médecins ont milité pour se préserver un pré carré afin de ne pas être soumis à la concurrence des médecins européens, d'Europe de l'Est notamment. (Brouhaha.) Il est donc assez difficile d'admettre ou de justifier aujourd'hui une pénurie de médecins et l'âge avancé de la moitié d'entre eux. Lorsqu'on a voté sur les bilatérales, au début des années 2000, les médecins furent les premiers à vouloir défendre leur pré carré ! Je ne pense donc pas que l'argument de la pénurie sera forcément porteur lorsqu'il s'agira de défendre les invites de cette résolution devant le Conseil fédéral.

Sur le fond, il y a un argument qui tient la route, qui n'était pas exposé dans la motion: si les analyses médicales ne sont plus effectuées chez le médecin, elles seront, si j'ai bien compris, envoyées en Allemagne. Le patient devra donc consulter deux fois son médecin, ce qui engendrera un doublement des coûts de consultation; ce doublement ne sera pas compensé par l'économie réalisée sur le prix de l'analyse. Ce motif devrait à lui seul être suffisant pour soutenir le renvoi de cette résolution au Conseil d'Etat.

M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, en l'absence de mon collègue Pierre-François Unger, j'aimerais vous dire deux choses. D'abord, vous avez choisi la voie de la résolution: notre conseil transmettra bien entendu cette résolution aux Chambres fédérales pour qu'elles en prennent connaissance.

Sur le fond, force est de constater que, du côté du département concerné au niveau fédéral, on n'a pas senti une volonté très forte de changer d'avis, disons-le ainsi ! Nous souhaitons toutefois qu'une solution qui préserve les intérêts légitimes et l'avenir des médecins généralistes soit trouvée.

Le Conseil d'Etat, pour sa part, intervient principalement par le biais des Conférences intercantonales. Cette résolution viendra appuyer les efforts de mon collègue Unger. Et, comme je crois qu'il y a unanimité dans ce cénacle, je ne vais pas reprendre les arguments que les uns et les autres ont avancés - avec brio, bien entendu !

Espérons tout de même qu'une solution puisse être trouvée, le temps presse et le mécontentement est grand. Et l'on se rend compte malgré tout, lors des interventions des uns et des autres, que, dans tant de domaines, il est quand même bon de mettre quelques limites au marché !

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Monsieur Forni, je vous donne la parole, rien ne vous empêchant de la prendre après le conseiller d'Etat. Mais vous aviez tout le temps d'appuyer sur le bouton avant, car il est de coutume de donner la parole en dernier au conseiller d'Etat.

M. Michel Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. C'est toujours un plaisir de parler après le président du Conseil d'Etat et je me permettrai de commencer par une petite anecdote.

Un citoyen de ce monde, appelé Staline, avait un excellent docteur qui l'avait accompagné du début de sa carrière au Parti jusqu'au moment où la guerre s'est terminée. Ce médecin était même son conseiller et son confident, il savait exactement quels étaient les problèmes de ce grand homme. Un beau jour, après la fin de la guerre, le brillant dirigeant en question décida que son docteur en savait trop et il l'envoya faire un séjour en Sibérie. Le résultat a été que, trois semaines plus tard, M. Staline s'en alla, et on ne sait pas encore exactement quelles sont les raisons de sa fin. Visiblement, la succession des événements mentionnés ne lui fut pas tout à fait favorable !

A partir de cet élément, je voudrais simplement vous dire deux choses, n'étant pas directement concerné par le problème qui touche mes collègues généralistes. Il est évident que nous sommes arrivés à un point de non-retour et que le problème qui se pose ce soir est non seulement celui d'une forme de survie de certains médecins, médecins qui sont incontournables. Dans le monde anglo-saxon, le généraliste dont on parle, c'est le «GP», le «general practitioner». Le «GP», c'est l'homme qui est capable de vous aider dans toutes les circonstances, comme cela a été dit ce soir. C'est l'homme qui est votre confident; c'est l'homme qui est aussi en mesure de vous accompagner au-delà de votre maladie; c'est l'homme qui est en mesure de fournir à votre famille des éléments de réponses à des problèmes aussi différents que les voyages, la succession ou la dépression.

Derrière ce problème, il faut comprendre que la grogne qui se manifeste à Genève est peut-être un peu différente de celle de nos collègues suisses alémaniques - pour répondre aux allusions de M. Catelain, tout à l'heure. Ils ne travaillent pas tout à fait de la même façon et les manques en médecine générale en Suisse alémanique ont été comblés par l'arrivée de confrères allemands qui ont trouvé chez nous, pour exercer, des conditions supérieures à celles de leur pays.

A partir de là, il est évident que les comparaisons ne sont pas tout à fait les mêmes. On peut parler du pourcentage des médecins qui exercent, comme vous le disiez tout à l'heure. Toutefois, vous oubliez une chose fondamentale, c'est que tous n'exercent pas à 100%. Nous avons des trous qui sont actuellement énormes, parce que certains de nos collègues ne travaillent qu'à 40% ou 60% ! Ce faisant, quand vous parlez de 100% de docteurs, il n'y a malheureusement que 50% d'entre eux qui sont à 100% !

Une dernière chose à partir de ces éléments - après, je me tairai - parce que le but, ce soir, c'est de vous rendre attentifs au fait que pour travailler en médecine générale on a besoin de moyens ! Et, parmi ces moyens, le laboratoire reste une arme qui permet de poser un diagnostic et d'engager un traitement. Si vous n'avez pas cet élément-là, vous devez le sous-traiter à un groupe de laboratoires. Ils peuvent certes être excellents, mais cette solution implique un délai d'attente; cela oblige le patient, qui va faire les frais du problème, à revenir une fois, à revenir deux fois ou trois fois. Ce faisant, vous ne faites que déplacer le problème. Et comme on nous reproche toujours, en politique, de ne faire que déplacer les problèmes sans trouver des solutions, je vous demande ce soir d'apporter des solutions et de soutenir les médecins ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur Forni. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mise aux voix, la résolution 578 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 70 oui et 2 abstentions.

Résolution 578

Le président. Nous reprenons notre ordre du jour normal: chapitre du département de l'économie et de la santé, point 67.

PL 10179-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Guillaume Barazzone, Anne-Marie von Arx-Vernon, Mario Cavaleri, Michel Forni, Pascal Pétroz, Jean-Claude Ducrot, Guy Mettan, Didier Bonny, Francis Walpen, René Stalder, Ivan Slatkine, Pierre Weiss, Janine Hagmann, Jean-Michel Gros, Nathalie Fontanet, Alain Meylan, Ariane Reverdin, Olivier Jornot, Christophe Aumeunier, Claude Aubert, René Desbaillets, Daniel Zaugg, Christophe Berdat, Christiane Favre, Renaud Gautier, Patricia Läser, Frédéric Hohl, Jacques Jeannerat modifiant la loi sur les heures de fermeture des magasins (LHFM) (I 1 05)
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de première minorité de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Damien Sidler (Ve)

Premier débat

Le président. M. Cuendet, rapporteur de majorité, a la parole.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je crois que ce projet de loi arrive à un moment tout à fait significatif, en cette période de crise que vont traverser le commerce et d'autres secteurs économiques, parce qu'il permettra de distinguer les groupes politiques favorables au commerce de proximité de ceux qui ne le sont pas ! (Commentaires.)

Le projet de loi 10179 propose de réduire une inégalité de traitement qui existe actuellement et qui est à l'origine d'une distorsion de concurrence dans le commerce genevois. Ainsi, l'autorisation d'ouvrir le dimanche et les jours fériés légaux sera étendue à tous les magasins, pour autant qu'ils n'occupent pas de personnel. Cette extension se justifie pleinement puisque, à l'heure actuelle déjà, les kiosques bénéficient d'une dérogation: ils ouvrent leurs magasins avec des horaires étendus et, surtout, ils offrent des marchandises qui vont bien au-delà des simples tabacs et journaux, puisqu'ils se rapprochent davantage de l'épicerie et concurrencent ainsi le commerce traditionnel de quartier.

Lors des auditions de la commission de l'économie, qui a étudié ce projet avec tout le sérieux qu'il exigeait, des garanties ont pu être fournies à certaines personnes qui exprimaient des inquiétudes à propos de la notion de «fonction dirigeante élevée». Cela signifie que les personnes qui exercent une «fonction dirigeante élevée» ne sont pas considérées comme du personnel et qu'elles pourront donc travailler les dimanches et jours fériés, si le projet est accepté.

La notion de fonction dirigeante élevée est définie de manière légale, elle a fait l'objet d'une jurisprudence abondante du Tribunal fédéral et prévoit expressément qu'elle ne s'étend pas aux personnes qui occupent une position subordonnée dans la hiérarchie; il faut vraiment qu'il s'agisse des décideurs de l'entreprise ou du commerce en question. C'est donc déjà une première garantie.

Une deuxième garantie a été fournie aux commerces, à savoir que les personnes qui occupaient ces fonctions dirigeantes élevées devraient s'annoncer auprès du département de l'économie et de la santé. De cette manière, la commission de l'économie a pu faire en sorte que la concurrence soit rétablie entre les commerces de proximité et les kiosques, sans que d'éventuels abus ne puissent être commis.

Donc, cette possibilité d'ouvrir les magasins dans des horaires plus souples permettra d'une part au commerce de quartier et de proximité de concurrencer le commerce français qui, à l'heure actuelle, cause des dommages quand même très importants au commerce suisse, en raison du cours actuel de l'euro, assez bas, et en raison des horaires extrêmement souples qui attirent les clients genevois de l'autre côté de la frontière. D'autre part, cela permettra de répondre de manière tout à fait intéressante à un besoin qui est exprimé par les milieux touristiques, de voir l'animation de la ville se développer un peu plus les dimanches et les jours fériés, quand Genève fait figure de ville morte et que l'offre touristique en souffre grandement. Ce sont donc deux arguments très importants et, en période de crise, ils doivent absolument être pris en compte.

Je dois dire que, durant ma courte expérience de député, j'ai vécu deux moments de grande émotion lors des débats en commission de l'économie, lorsque j'ai entendu la commissaire socialiste se demander si ce projet n'allait pas, au fond, provoquer une distorsion de concurrence au désavantage du grand commerce et de la grande distribution... Je dois dire que c'était la première fois de ma vie que j'entendais le parti socialiste soutenir la grande distribution ! Heureusement, là je peux rassurer le parti socialiste: le représentant de la Migros a dit que cela pouvait certes créer une distorsion de concurrence avec la grande distribution, mais il a dit aussi qu'il s'en accommoderait très bien et qu'il soutenait le projet de loi.

J'ai aussi vécu un grand moment d'émotion quand un député Vert a dit que, si les citoyens genevois voulaient consommer le dimanche, ils n'avaient qu'à passer leurs commandes en ligne, sur internet, auprès de «Shop.ch» - qui, comme on le sait, appartient à la grande distribution - et qu'il n'était pas raisonnable d'ouvrir pour cela les magasins le dimanche, qui n'étaient là que pour, disons, une consommation considérée presque comme malsaine...

Je dois dire que ce soutien plus que distant aux petits commerces de proximité m'a profondément choqué. C'est pour cela que je crois que c'est une loi test que nous examinons ce soir, pour voir qui est en faveur du petit commerce à Genève. C'est pour cela que je vous invite très fermement à soutenir ce projet de loi et l'ouverture qu'il propose, au sens propre et politique du terme.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux m'empêcher de penser que M. Cuendet est fort optimiste de croire que l'économie genevoise - ou l'économie suisse en général - pourra se relever grâce à ce projet de loi et combler les graves manquements de certaines banques qui sont justement en train d'aggraver cette crise. Ensuite, je relève - avec ironie, aussi - que, selon les auteurs de ce projet, ce dernier aurait pour but d'instaurer une mesure de politique sociale destinée à améliorer la vie des habitants de notre canton...

Alors, j'invite les auteurs du projet, qui sont PDC - entre autres, parce qu'il y a aussi des libéraux - et qui s'autoproclament comme étant «le parti de la famille», à tenter de promouvoir d'autres types de mesures susceptibles de soutenir cette dernière: par exemple, d'augmenter le montant des allocations familiales ou peut-être, en cette période de crise, de proposer ou d'améliorer des prestations complémentaires pour les familles. Ce seraient là de véritables mesures de politique sociale ! Ce qui n'est pas le cas avec ce petit projet de loi. Car, si l'on suit les propositions de ses auteurs, c'est précisément la cellule familiale qui risque d'être mise à mal ! Effectivement, il est prévu de prolonger les heures d'ouverture des magasins, pour autant que ce ne soient que les petits patrons ou les membres de leur famille qui y travaillent - sans personnel, fort heureusement - ou encore, une personne qui occuperait une «fonction dirigeante». Or ça c'est le grand problème: en commission, personne n'a pu définir ce qu'englobait cette «fonction dirigeante» !

J'aimerais quand même citer les propos de la représentante de la FAC - Fédération des artisans et commerçants. Elle a été auditionnée en commission et nous a dit avec beaucoup de justesse - ou en tout cas avec beaucoup d'honnêteté - que les commerçants qui ne pourraient avoir recours à du personnel ne retireraient pas grand bénéfice de cette loi. Voilà, je pense, une grande vérité qu'il faudra retenir au cours de ces discussions, parce que c'est extrêmement révélateur ! Ça veut dire que cette modification est soit inutile, parce qu'elle profitera à très peu de monde, soit nuisible, parce qu'elle risque grandement d'être transgressée.

On a vu que les auteurs du projet avaient prévu, en cas de transgression, de lourdes sanctions pour ceux qui profiteraient d'ouvrir plus longtemps leurs magasins en faisant travailler du personnel... Encore faudrait-il se donner les moyens de contrôler ces commerces ! Or, on sait actuellement qu'il existe un grand nombre de magasins appelés «dépanneurs» qui fonctionnent essentiellement pendant la nuit, souvent jusqu'à 2h ou 3h du matin, y compris le week-end, et donc le dimanche. Déjà maintenant, ils violent régulièrement la loi ! J'en veux pour preuve que ces magasins vendent de l'alcool à des mineurs - ils en font d'ailleurs leur fonds de commerce, parce que c'est extrêmement lucratif - et ils violent ainsi régulièrement les dispositions qui prévoient qu'on ne peut pas vendre de l'alcool entre 21h et 7h du matin. Or, le Service du commerce, qui fait très bien son travail, n'a malheureusement pas les moyens d'effectuer ces contrôles, parce qu'il ne dispose que de trop peu d'inspecteurs ! Quand nous avons auditionné les syndicats, ils nous ont dit que si nous voulions faire respecter cette loi, il faudrait au minimum dix inspecteurs supplémentaires.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés promoteurs de cette loi - PDC, radicaux, libéraux - êtes-vous prêts à voter des moyens pour engager plus d'inspecteurs, pour aller jusqu'au bout, et nous donner véritablement les garanties que cette loi, si elle est adoptée, sera effectivement contrôlée et appliquée ?! Ce serait un gage qui pourrait au moins nous rassurer.

Nous avons entendu aussi que cette loi arrivait à un mauvais moment, puisqu'elle intervenait dans les discussions entre les partenaires sociaux. Je crois savoir que, en ce moment, les relations entre partenaires sociaux qui négocient les conventions collectives sur les heures d'ouverture des magasins sont au plus mal; je pense donc que ce projet de loi est tout aussi inopportun.

Et je renvoie cette remarque à ceux qui nous disaient - plus précisément quand nous avons parlé de Gate Gourmet, un vrai problème - qu'il ne fallait pas s'en mêler ! Car, ici, cela ne vous gêne pas de nous balancer un projet de loi qui arrive effectivement au mauvais moment !

Je vous enjoins donc de rejeter ce projet de loi qui est, au mieux, inutile et, au pire, nuisible ! (Applaudissements. Un sifflet.)

M. Damien Sidler (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Tout d'abord, j'aimerais dire à M. Cuendet que je suis assez heureux si j'ai pu lui procurer un moment intense en commission durant cette législature. Par contre, je ne suis pas sûr que les propos qu'il a rapportés ici soient issus de quelqu'un de notre parti, ou alors il les exprime avec un certain flou qui permet d'en rire.

Pour revenir au projet de loi qui nous occupe, je pense qu'il y a unanimité par rapport à ce constat, c'est que la loi actuelle suscite une insatisfaction de tous côtés: on a les commerçants qui veulent ouvrir plus - on l'a entendu; on a une prolifération de «nightshops» et de stations-services qui ont posé les problèmes que l'on a connus - en passe d'être résolus, en tout cas on l'espère; il y a une prolifération de magasins actifs sous le régime de l'entreprise familiale qui peuvent causer des nuisances sonores et des difficultés de surveillance et de contrôle, puisque le régime de la famille n'est pas forcément facile à cerner. D'ailleurs, le problème que pose le projet de loi, c'est la difficulté de son contrôle. Il suffit de consulter l'article 4 de la LHFM actuelle pour s'en convaincre, considérant le nombre d'exceptions prévues. Je vous conseille notamment de lire la lettre c); le chapitre des exceptions prévoit une interdiction dans l'exception, qui elle-même est grevée d'une nouvelle exception ! On peut donc comprendre le malaise des inspecteurs pour réussir à faire respecter cette loi plutôt floue...

Que propose ce projet de loi ? Simplement d'en ajouter une couche au flou actuel ! Et c'est bien ce qui nous pose problème. Aujourd'hui, la possibilité d'ouvrir un commerce 24h/24 et 7j/7 existe ! Elle existe pour des magasins déclarés sous le régime de l'entreprise familiale; elle n'existe pas pour des personnes qui s'associeraient pour ouvrir un magasin en société anonyme ou en société à responsabilité limitée. Je peux effectivement comprendre qu'il y a là une injustice ou une différence de traitement qu'il conviendrait de régler, mais, le problème, c'est le moyen qui nous est proposé pour cela. Nous ne sommes pas d'accord ! On aurait simplement pu autoriser la personne titulaire de la signature individuelle à ouvrir le magasin pendant la nuit ou le dimanche. Ce serait très simple à mettre en oeuvre - c'est d'ailleurs un commissaire libéral qui l'a proposé. C'est très simple, étant donné qu'il suffit d'avoir un ordinateur ou un téléphone portable relié à internet pour consulter le registre du commerce et vérifier si la personne concernée y figure en tant que détentrice de la signature individuelle. Voilà ce qui aurait pu être mis en place, mais ce n'est pas ce qu'on veut nous faire voter ici, car cette proposition a été refusée en commission.

Ce qu'on nous propose, c'est d'introduire une notion extrêmement floue de «fonction dirigeante élevée». C'est une notion qui, lorsqu'elle a été introduite dans la loi fédérale sur le travail, semble avoir généré des tonnes de jurisprudence. On peut s'en convaincre en lisant le texte de notre rapporteur de majorité, cette notion laisse songeuses absolument toutes les personnes auditionnées, de quelque bord qu'elles soient. Et nul ne sait vraiment comment l'on pourra avancer avec cette notion-là. D'ailleurs, le département nous l'a dit, le système ne reposerait que sur des analyses au cas par cas, et il n'y a pas de possibilité de poser les choses clairement, comme on aurait pu le faire avec la signature individuelle.

A cela, il faut ajouter que le département nous a dit en commission qu'il n'avait, déjà aujourd'hui, pas les moyens de contrôler la situation comme il se devrait... Rajouter cette nouvelle couche de flou ne semblait simplement pas possible ! Il faut donc voir les choses comme elles sont: la situation actuelle n'est pas satisfaisante.

Aussi, pour limiter les problématiques soulevées par cette loi, le département a proposé de procéder à une inscription préalable des personnes qui exerceraient cette «fonction dirigeante élevée». Toutefois, nous sommes gênés de savoir que même les personnes recrutées pour cette fonction ne disposeront pas de la signature individuelle: elles ne pourront donc pas s'engager et n'auront pas tout en main, puisque, selon la jurisprudence, elles ne peuvent diriger qu'une petite partie de l'entreprise... C'est très flou ! Et finalement, ces personnes pourront se voir assigner des horaires de nuit, du dimanche, sans qu'on n'ait les moyens de voir exactement si c'est légal. A moins de porter cela devant les tribunaux, afin qu'ils étudient le cas concerné à partir de la jurisprudence. Voilà pour ce qui est de l'application de ce projet de loi, qui poserait de gros problèmes.

Dans ce projet de loi, on remarque aussi qu'il y a un certain manque quant à l'analyse des besoins. Elle est inexistante ! Et l'on se demande si les commerçants ont été consultés... Est-ce vraiment une nécessité d'ouvrir 7j/7, 24h/24 ? La loi ne le permet-elle pas actuellement ?! Est-ce que la situation actuelle ne permet pas que, aux Pâquis, aux Eaux-Vives, à la Jonction et à d'autres endroits, il y a déjà des commerces qui ouvrent de manière suffisamment étendue pour répondre aux besoins des consommateurs ? Finalement, a-t-on demandé à ces derniers s'ils avaient vraiment besoin de cette ouverture illimitée pour tous les commerces de cette taille ?

Nous avons parlé du commerce «online»... Il y a dix ou quinze ans, les commerces qui ouvraient le dimanche étaient notamment des magasins de disques ou de musique...

Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député !

M. Damien Sidler. Aujourd'hui, on consomme plutôt de la musique en ligne - et ce n'est plus du tout un problème de décider le dimanche après-midi de faire du shopping en ligne.

Pour conclure, je rappellerai que le parti de l'UDC a lui-même spécifié que, finalement, c'était une «lex specialis», et qu'en période de crise il fallait plutôt voter des décisions qui profiteraient au plus grand nombre et qui seraient créatrices d'emplois. Ce n'est évidemment pas le cas de ce projet de loi.

Le président. S'il vous plaît, il faut terminer, Monsieur le député. Vous pourrez reprendre la parole après.

M. Damien Sidler. Le commissaire MCG disait, lui, que cette loi le laissait perplexe... Etant donné le nombre de problèmes qu'elle pose, je vous invite à la refuser. Je reprendrai la parole plus tard.

M. Guillaume Barazzone (PDC). Je crois que ce projet de loi peut être caractérisé par trois idées fondamentales. La première, c'est l'idée de la liberté; la deuxième, celle de la proximité; la troisième, celle de la responsabilité.

Liberté: parce que ce projet de loi libère, je crois, la plupart des petits commerçants de quartier du carcan dans lequel la LHFM les avait enfermés. Cela ressort de l'amendement proposé sur le titre de la loi: alors qu'elle s'intitule encore «Loi sur les heures de fermeture des magasins», elle deviendra «Loi sur les heures d'ouverture des magasins», si le projet de loi est adopté. Je crois que cela symbolise assez bien l'idée qu'on veut faire passer avec ce projet de loi.

Liberté, parce que ce projet de loi redonne aux commerçants indépendants - qui n'ont pas d'employés au-delà des heures d'ouverture normale des magasins - la possibilité d'ouvrir leur commerce et de travailler comme tous les indépendants de notre canton. Ce projet de loi comporte bien évidemment la liberté de vendre au public, dans le respect des règles édictées par le Conseil d'Etat et, notamment, du règlement sur la tranquillité publique.

Je disais «proximité», parce qu'il s'agit de petits commerces, souvent de proximité, qui donnent un peu de vie aux quartiers. Ils participent ainsi à l'animation sociale et au dynamisme économique de notre canton, Madame Rielle ! Je crois qu'il faut reconnaître à ces petits commerces, en particulier - et contrairement à ce qu'a, faute d'arguments, dit la gauche en défendant les grandes surfaces - un rôle social ! En effet, souvent ces commerçants connaissent les habitants et permettent, on ne l'a pas beaucoup évoqué ici, de dépanner la population. Quid des gens qui travaillent et finissent tard le soir ?

Sans parler d'une libéralisation totale, je crois que ce projet de loi répond également à une demande de la population, qui souhaite acheter des biens et des services au-delà des heures d'ouverture normales des magasins.

Je parlais aussi de «responsabilité», parce qu'on ne peut pas prévoir de liberté sans responsabilité. Si d'un côté on donne davantage de liberté aux petits commerçants et aux indépendants, on leur demande en contrepartie de respecter la loi. Et, nous l'avons dit, nous avons quintuplé les sanctions: elles passent d'un montant maximum de 20 000 F à 100 000 F.

Nous précisons également dans le projet de loi, et c'est bien de le rappeler, que le fait d'engager du personnel au-delà des heures d'ouverture normales des magasins est une faute grave qui sera passible d'une amende sévère. Il me semble que c'est cela, dans le fond, qui nous permet de dire que la loi sera respectée, qu'elle ne sera pas violée. Pour un petit commerçant, risquer une amende potentielle de 100 000 F maximum, je crois que ça sert de prévention générale et permettra en tout cas de garantir le respect de cette loi.

Alors, Mesdames et Messieurs, je crois que nous avons affaire à un projet de loi équilibré, qui ne touche que par la bande la question des employés. C'est pour cela que, quand vous dites qu'il est dangereux d'aborder ce sujet dans une période de négociations, Madame Rielle, je crois que ce projet de loi n'entame pas celles qui sont actuellement en cours entre les syndicats, puisque, précisément, la question des employés n'est pas touchée par ce dernier.

Mesdames et Messieurs les députés, pour les raisons évoquées, et pour donner un nouveau souffle aux petits commerçants et à l'économie de notre canton - qui en ont bien besoin - je vous demande, au nom du groupe démocrate-chrétien, d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Fabienne Gautier (L). J'aimerais d'abord relever quelque chose de positif dans cette loi que la commission a désirée, c'est le changement d'appellation de la loi, puisqu'elle ne sera plus «Loi sur les heures de fermeture des magasins», mais «Loi sur les heures d'ouverture des magasins». Je dois dire que pour nous, commerçants, c'est beaucoup plus agréable à entendre !

Des choses ont été dites ce soir, qui sont fausses. Madame Fehlmann Rielle, je ne peux pas accepter que vous critiquiez la place financière. Sachez que s'il y a des problèmes avec la place financière, le commerce en subira les conséquences en tout premier ! Pourquoi ? Parce que, s'il y a du chômage en place financière, si l'on casse sans arrêt du sucre sur son dos et si l'on ne la soutient pas maintenant, c'est toute l'économie genevoise qui en subira les conséquences ! Il faut que vous réfléchissiez à cela, car il n'y aura pas du chômage que dans la finance, mais dans tous les secteurs économiques de Genève. Pensez-y ! Ce que je vous dis est très important, cela concerne aussi la Suisse. Voilà donc des critiques qu'on assez entendues, je tenais à le relever.

Il y a autre chose qu'il faut que vous sachiez. D'abord, tout le commerce - du grand au petit, en passant par le moyen - est très favorable à ce projet de loi: il donne effectivement aux indépendants la possibilité d'ouvrir 7j/7, ce qui n'est pas possible aujourd'hui, même en étant propriétaire de son magasin. Cela ne veut pas dire qu'un commerçant ne peut pas ouvrir un dimanche: il le peut, mais doit actuellement fermer un autre jour de la semaine. Or, avec ce projet de loi, le commerçant pourra ouvrir 7j/7. Et j'estime que le propriétaire d'un commerce a quand même le droit de choisir s'il veut travailler le dimanche et 7j/7 !

Il faut aussi savoir ceci: actuellement, pour des raisons fiscales, notamment lors de la vente d'un commerce ou lors de succession, on pousse très fortement les indépendants à transformer leur commerce en société à responsabilité limitée. Il y a donc fallu procéder une modification dans le projet de loi. Et quand on parle de «fonction dirigeante», il s'agit quand même des petits commerçants de proximité qui profiteront de ce changement légal et qui pourront, s'ils en ont envie, ouvrir et travailler 7j/7, dimanche compris, sans personnel. Il me semble que c'est là une décision qui leur appartient.

La vie de quartier ? Elle est très importante, vous le savez. Vous en profitez, parce que vous habitez tous dans des quartiers où se trouvent de petits commerces, et vous êtes les premiers à émettre des critiques lorsque vous en voyez un qui doit fermer le dimanche. D'ailleurs, un arrêté fédéral sur les stations-services est entré en vigueur le 1er mars, et vous avez tous vu que la station-service proche de chez vous, qui vous rendait service avec son petit «shop», a dû fermer le dimanche... Alors, laissez au moins aux commerces de quartier la possibilité de fournir ce service et d'apporter un peu d'animation.

Comme je l'ai dit, lorsque le propriétaire d'un commerce y a investi de l'argent et qu'il doit, peut-être pour une question de rentabilisation, travailler 7j/7 et tard le soir, je pense qu'on peut accorder cette faveur du moment que cela ne nuit pas au personnel qui y travaille en semaine et n'est pas concerné.

Voilà donc un projet très positif, et je remercie M. Barazzone d'avoir, comme il l'a fait, soutenu le petit commerce, car c'est très important pour nous. Il n'y a absolument aucune objection de la part des associations et fédérations du commerce et il n'y a pas, contrairement à ce que j'ai pu entendre dire, de distorsion de concurrence par rapport au grand commerce: ce dernier n'a pas d'objections à ce que les petits commerces - qui participent à l'animation d'un quartier - restent ouverts.

La distorsion de concurrence actuelle que l'on peut constater parmi les commerces indépendants concerne les dépanneurs, vous le savez très bien. Si ces derniers respectaient la loi, ils ne pourraient pas ouvrir plus que nous: ils prétendent faire partie de la catégorie des kiosques et vendre plus d'articles y relatifs que d'articles d'épicerie... Nous ne sommes pas convaincus de cela, nous n'en avons aucune preuve.

Concernant les contrôles, vous avez auditionné le Service du commerce; il vous a prouvé que la situation était maintenant tout à fait régulière, que le nombre de contrôles avait augmenté - c'est mentionné dans le rapport - de même que le nombre d'inspecteurs. Il est dommage que M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger ne soit pas là, car il aurait pu vous indiquer le nombre de commerces surveillés pendant l'Eurofoot et qui ont débordé: on les a fait fermer parce qu'ils vendaient de l'alcool après 21h. Ce sont donc les nombreux contrôles effectués pendant cette période-là qui ont permis de fermer ces commerces... Comme quoi, le Service du commerce fait extrêmement bien son travail, cela a été prouvé, et je l'en remercie. Vous aviez auditionné ce service avant l'Euro, précisément, et je peux vous dire qu'il s'est renforcé, qu'il a engagé des inspecteurs et qu'il effectue correctement son travail. Il n'y a pas de plaintes de ce côté-là.

Pour toutes les raisons exposées, nous soutiendrons donc ce projet de loi. Je crois que c'est une marque de respect pour le petit commerçant qui a envie de travailler 7j/7: ça le regarde, c'est sa vie, il fait ce qu'il veut par rapport à l'argent qu'il engage dans son affaire, et il est normal qu'une rentabilité en découle par rapport à l'argent investi. De plus, ce commerçant participe à l'animation de la ville et du canton, c'est un acte social, et je l'en remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Le Bureau décide de clore la liste. Doivent encore prendre la parole: Mmes et MM. Jeannerat, Deneys, Weiss, Schneider-Bidaux, Follonier, Curzon Price, Guénat, Catelain, Borgeaud, Charbonnier et les trois rapporteurs s'ils le désirent. La parole est à M. Jeannerat.

M. Jacques Jeannerat (R). Selon Mme Fehlmann-Rielle, rapporteur de minorité, ce projet de loi tombe mal parce qu'il arrive prétendument au milieu de négociations sur le partenariat social dans le commerce... Mais ça fait dix ans ou quinze ans qu'on nous promène avec cet argument ! Et il y a une autre actualité, Madame Fehlmann Rielle: ce projet arrive, au contraire, à point nommé étant donné la crise économique ! Comme l'a dit l'excellent rapporteur de majorité, les magasins de l'autre côté de la frontière ont des horaires d'ouverture plus larges. Ce projet de loi est donc une aubaine pour les consommateurs genevois, ils ont ainsi une alternative réelle par rapport à la concurrence des commerces français. Quand on consomme à Genève, Madame Fehlmann Rielle, ce sont aussi des impôts qui y rentrent, et c'est important pour notre république !

C'est un projet de loi qui touche le commerce de proximité. Et, durant les auditions, nous avons reçu - excusez l'expression ! - la «bénédiction» des grands distributeurs: M. Vibourel, de la Migros, était favorable à ce projet de loi. (L'orateur est interpellé par M. Damien Sidler.) Oui, Monsieur Sidler, les commerçants ont été consultés ! Et ils ont donné un avis favorable: de la grande distribution jusqu'aux petits commerces de la Fédération des artisans et commerçants, tout le monde était favorable à cette ouverture pour les propriétaires de petits commerces.

De plus, l'article 34 de ce projet donne toutes les garanties par rapport à la surveillance des éléments de cette loi. Tant M. Barazzone que Mme Gautier ont parlé de l'aspect symbolique de transformer la LHFM en LHOM, et je m'étonne que les partis de l'Alternative aient voté contre cet élément-là. (L'orateur est interpellé par M. Damien Sidler.) Si ! Si, excuse-moi, Monsieur Sidler, vous avez voté contre, et c'est dramatique ! Cela démontre bien... (Commentaires.) Excuse-moi, mais vous n'avez même pas soutenu le principe symbolique de renommer une loi en «Loi sur les heures d'ouverture des magasins» ! Ça démontre bien votre esprit de fermeture... (Rires.) ...et votre volonté de figer ce canton dans des règles administratives vous permettant de continuer à propager vos idées politiques qui empêchent le commerce de se développer convenablement ! Vous n'avez même pas soutenu ce petit acte symbolique de renommer cette loi «Loi sur les heures d'ouverture des magasins», vous êtes, l'Alternative, restés l'esprit fermé, comme le sont vos idées politiques, Monsieur Sidler !

Mesdames et Messieurs, le parti radical vous encourage à soutenir ce projet de loi, tout petit pas en faveur des commerces de proximité, des patrons - des petits patrons ! - qui se battent jour après jour ! Et c'est d'autant plus important vu la crise économique que nous vivons actuellement. On l'a constaté avec le taux de change entre l'euro et le franc suisse... Eh bien, il y a un appel d'air par rapport aux commerces de la France voisine ! Il est donc fondamental que nous puissions donner aux petits commerçants un petit peu d'air pour qu'ils puissent respirer plus convenablement !

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont accueilli ce projet de loi avec un très grand scepticisme parce que, fondamentalement, il propose de travailler plus pour gagner moins ! (Rires.) On nous suggère des recettes du passé et, comme hier soir, avec le projet Praille-Acacias-Vernets, les socialistes ont l'impression d'assister à une régression phénoménale, un retour à une société moyenâgeuse, un retour à une société sous-développée où l'on doit travailler, encore travailler, et travailler encore, pour seulement tenter de subsister.

C'est ça l'évolution ultime de la société libérale à laquelle vous nous invitez ! C'est de dire: «Ecoutez, les gars, travaillez du lundi au vendredi, de midi jusqu'à minuit et de minuit jusqu'à midi, et peut-être arriverez-vous à payer votre loyer, votre assurance-maladie... Et, à la fin, il ne vous restera plus rien.» Ça, c'est un modèle de société qui ne convient pas aux socialistes !

Par contre, les socialistes sont évidemment soucieux de l'évolution des habitudes de consommation - nous le vivons aussi, il nous arrive de recourir à l'offre des commerces le soir, voire le dimanche - mais ce n'est pas une opposition de principe à une certaine souplesse dans les heures d'ouverture des commerces. Toutefois, pour les socialistes, il y a vraiment un danger de généralisation de cette mesure. Et ce danger n'est pas fortuit ! Je l'ai lu dans plusieurs pages de ce rapport, dans les propos d'un député libéral, dans ceux de M. Vibourel, qui représente le «Trade-Club», et dans ceux du représentant de la Chambre de commerce, on y lit que ce projet de loi est «un premier pas» très modeste... Qu'est ce que ça veut dire, un «premier pas» très modeste ? Cela veut dire que certains se réjouissent de revenir, après, proposer une autre loi qui généralisera la première mesure, qui ne la réservera pas uniquement aux petits commerces mais l'étendra à tous les types de commerces !

D'ailleurs, le germe est dans le fruit... (Commentaires.) Plutôt: le ver est dans le fruit ! Il y a un risque de distorsion de concurrence, et c'est justement pour cela que la loi suivante arrivera. Je suis certain que MM. les représentants du «Trade-Club» ou de la Chambre de commerce ont déjà écrit le prochain projet de loi, au nom de l'atteinte à la concurrence et aux inégalités de traitement ! Le projet de loi suivant est imminent et généralisera cette pratique, et ça, nous, socialistes, ne le voulons pas !

Nous sommes pour des exceptions, mais raisonnables. D'ailleurs, l'une des mesures qui aurait pu être maintenue, c'est la fermeture hebdomadaire d'un jour. On aurait pu dire ainsi qu'il y a une sorte de tournus, que tout le monde a le droit de se reposer... Tout le monde a le droit d'arrêter de travailler, il n'y a pas que ça dans la vie ! Or, là, vous supprimez cela également, pour ouvrir 7j/7 !

Cette disposition démontre le but réel que vous voulez atteindre: faire travailler les gens pour toujours moins et appauvrir tout le monde ! Evidemment, c'est le modèle de société que l'on voit déjà dans tous les pays occidentaux ! On le voit avec l'Angleterre, qui ressemble de plus en plus à un pays du tiers-monde ! C'est la même chose dans les pays qui nous entourent. Parce que ces idées néolibérales qui se généralisent visent simplement à faire travailler les gens tous les jours, tout le temps !

J'aimerais aussi vous dire que j'ai déjà entendu des petits commerçants et indépendants proposer d'étendre la mesure aux fonctionnaires... Pourquoi l'administration publique est-elle fermée le week-end ? Pourquoi l'administration publique est-elle fermée le soir ? Ce serait quand même pratique ! (Brouhaha.)

Une voix. Et les banques ?

M. Roger Deneys. Les banques, il n'y a plus rien dedans, ça ne servirait à rien ! (Commentaires.)

Pourquoi ne pouvons-nous pas travailler jour et nuit... Voyons, ce serait «tellement pratique» pour tout le monde... D'ailleurs, l'argument en faveur d'une ouverture étendue des magasins, sans laquelle les gens ne peuvent plus faire leurs courses en sortant du travail, ne tient pas: parce que le dernier employé de magasin qui ferme à clé l'ultime magasin ouvert ne peut pas aller faire ses courses si les commerces ne sont pas ouverts en continu ! Donc, il faudrait que ça fonctionne 24h/24... Et ces gens qui arrêtent de travailler sont insupportables, en fait... Non ! Pour nous, socialistes, il y a deux mots à retenir - et pas trois, comme l'a fait M. Barazzone. Nous, nous sommes un peu plus simples: pour nous, il y a la «liberté» et la «société» dans laquelle nous voulons vivre.

Par rapport à la question de la liberté individuelle, on pourrait, dans un système raisonnable, admettre que quelqu'un souhaite, par libre choix, ouvrir un commerce et l'exploiter 24h/24, même le dimanche... Admettons ! Je vous signalerai tout de même qu'aujourd'hui tout le monde peut déjà travailler le dimanche, qu'il s'agisse des fonctionnaires ou des indépendants, peu importe le statut.

Ce qui n'est pas possible le dimanche: c'est vendre ! Mais ce n'est pas la même chose. Pour les socialistes, il y a une immense différence ! Ce que nous ne voulons pas, c'est que l'on dise que la société de consommation est la seule qui mérite d'être vécue. Je dois dire que je suis extrêmement surpris qu'une proposition comme celle-là provienne d'un parti comme le PDC, un parti qui a toujours défendu des valeurs familiales, des valeurs sociales. Qu'est ce que ça veut dire de proposer un modèle de société où l'on travaille tout le temps ?! Accepter que l'exploitant familial aille le dimanche dans son commerce, c'est accepter aussi qu'il ne voie peut-être plus ses enfants, qu'il ne les accompagne peut-être pas au football... Ça veut peut-être dire qu'il les emmène avec lui dans son commerce et les installe devant la télé ! Cela, les socialistes ne le veulent pas, et cette loi est inacceptable rien que pour cette raison ! (Brouhaha.)

Pour le reste, vous avez beaucoup parlé des avantages que pouvait apporter cette loi, du côté pratique de pouvoir faire ses courses à n'importe quelle heure, le soir et le dimanche. Mais vous oubliez que les autres citoyens - ceux qui n'ont pas forcément besoin de consommer - ont aussi droit à la tranquillité ! Et l'on sait très bien que l'ouverture d'un commerce - même petit, comme un vidéoclub - engendre des nuisances en permanence pour les voisins. Ça aussi, ça doit être géré ! Or, dans votre projet de loi, vous n'en parlez pas ! Pour vous, la consommation, c'est le bien-être ! D'un point de vue socialiste, ce n'est pas un modèle que nous pouvons accepter.

Avec le conseiller d'Etat libéral Mark Muller, nous avons connu les logements «M-Budget»: ici, avec le «projet de loi Barazzone», appelons-le comme ça, nous aurons les emplois «M-Budget» également ! Nous vous invitons donc à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Imaginez-vous un client qui arrive dans un magasin et qui demande: «Quand est-ce que vous êtes fermés ?»... Voilà une approche sympathique du commerce telle que l'imaginaient certains, telle que d'autres voudraient encore l'étendre, en faisant de l'ouverture l'exception et de la fermeture la règle ! Non, Mesdames et Messieurs les députés, tel que modifié symboliquement en commission, ce projet de loi vise à ouvrir les magasins, cela a été dit, il vise à améliorer l'offre. D'ailleurs, à part le groupe des kiosques - évidemment, la concurrence est quand même toujours quelque chose de difficile à vivre ! - la quasi-totalité des milieux concernés s'est exprimée en faveur de ce projet de loi.

Les rapports qui nous sont soumis sont très intéressants et, parfois, un minimum d'analyse de texte est utile pour voir où veulent en venir les rapporteurs. Je pense aux rapporteurs de minorité et n'aurai pas besoin d'être long, notamment au sujet du premier rapport de minorité. (Commentaires.) Je parle du premier rapport de minorité et «rapporteur» est un terme collectif ! On y lit certain moralisme, on y lit aussi une «contrôlomanie». Au fond, que refuse-t-on ? On refuse la variété du commerce, on refuse la variété des horaires, on veut une unification des modes de fonctionnement de notre société. Et on refuse le risque au risque, parce que, les dérives étant toujours possibles, évidemment, il vaut mieux vivre dans l'inaction, surtout quand on l'impose aux autres !

Le rapport de M. Sidler, lui, au contraire alors, déborde d'inventivité idéologique ! Bien sûr, M. Sidler veut aussi plus de contrôle; il est, à sa façon, liberticide quand il accuse de cynisme le «Trade-Club» de Genève pour qui ce projet de loi peut être considéré comme un «premier pas vers plus de liberté du commerce»... Voilà un gros mot qu'a dit le représentant du «Trade-Club» et que M. Sidler considère même comme une expression de cynisme ! D'ailleurs, à côté du cynisme, il y aurait le complot: il voit une face cachée dans ce projet de loi, c'est d'ailleurs ce qu'il écrit, et c'est là qu'arrive la morale Verte !

Que veut la morale Verte ? La morale Verte veut un développement durable du commerce, et donc pas une consommation débridée ! On fixe aux autres le mode selon lequel ils doivent vivre. On leur dit: «Vous aurez le droit de consommer de telle heure à telle heure.» Probablement, tel produit parce que c'est «bio»... Et un autre qui n'est pas «bio» n'est pas sain, donc vous ne pourrez pas le consommer... A la fin de la journée, vous aurez un monde qui correspondra à votre désir. Correspondra-t-il à la variété des désirs de la population ? C'est une question que vous ne posez pas! Vous vous érigez en maître de morale, et je crois que vous allez un peu loin par rapport au but de ce projet de loi, qui est uniquement de parler des heures d'ouvertures et non pas des modes de consommation.

A d'autres occasions, les Verts se sont montrés favorables aux nouvelles technologies, je les en remercie, mais vous oublieriez ici la fracture numérique ! Vous oublieriez tout à coup les personnes âgées qui, elles, n'ont pas nécessairement d'ordinateur à la maison pour faire des achats en ligne, alors qu'elles auraient, y compris le dimanche, besoin d'un petit commerce dans lequel elles pourraient trouver les produits dont elles ont besoin et qu'elles ne peuvent pas commander par ordinateur ?! Monsieur Sidler, s'il vous plaît, ayez davantage d'égards pour les personnes âgées, pour les personnes de notre société qui n'ont pas d'ordinateurs !

Et puis, au fond, qu'est ce que vous voulez ? Vous voulez une société dans laquelle le commerce, dans son mode de fonctionnement, est au service de l'organisation du couple, de ses tâches domestiques et de l'éducation des enfants. C'est ce que vous écrivez en conclusion de votre rapport. Non ! Je crois qu'il y a là un impérialisme dans votre vision du monde ! Le commerce est là pour rendre service, il n'est pas là pour organiser la vie des autres. Ce n'est en tout cas pas la façon dont les libéraux conçoivent l'utilité des commerces dans notre société et des services en général.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Quelle leçon, Monsieur Weiss ! Quelle leçon... En fait, ce n'est pas forcément comme ça qu'on va résoudre la grande crise qui est en train d'arriver, en modifiant cette loi et en ouvrant plus longtemps les commerces ! La modification de cette loi ouvre une porte vers des changements bien plus importants - cela a été dit en commission, et vous le savez très bien - et c'est la raison pour laquelle nous refusons cette loi.

Nous aurions peut-être pu accepter le changement de dénomination de la loi en parlant d'ouverture des magasins plutôt que de fermeture, mais, tout le reste, nous ne l'aurions pas accepté. C'est aussi pour cela que nous n'avons pas accepté de changer le nom de la loi: parce que c'est un leurre ! C'est un leurre, car qu'il ne s'agit pas ici de liberté d'expression ou de liberté de consommation.

La vie, ce n'est pas ça ! La vie, c'est les relations entre les gens. La vie, c'est apprendre à consommer autrement. Et apprendre à consommer autrement n'implique pas forcément de vendre n'importe quoi à n'importe qui. Il faut aussi pouvoir prendre en compte ce genre d'aspects. Il y a un soutien des associations de défense des consommateurs et d'autres organismes qui ne sont pas pour une ouverture totalement débridée des magasins.

Donc, non, Monsieur Weiss ! Non, Messieurs les libéraux ! Non, Messieurs les Radicaux ! Non, Messieurs de la droite ! Nous ne voterons pas cette loi, parce que nous croyons à une autre façon de consommer, une façon plus responsable. Nous croyons aussi à une répartition des tâches qui permette de travailler un petit peu moins et, éventuellement, de rentrer à midi pour faire les courses. C'est ce que la plupart des femmes font quand elles sont seules à la maison avec leurs enfants. Elles y arrivent, et il n'y a pas de raison que vous n'y arriviez pas !

M. Jacques Follonier (R). Mesdames et Messieurs les députés, j'adore la naïveté de M. Deneys concernant les travailleurs et travailleuses des magasins genevois ! On sent que c'est du vécu et qu'il connaît effectivement bien le sujet.

Par contre, j'ai quand même un souci. Mme Fehlmann nous a beaucoup parlé de la cellule familiale et j'ai de la peine à comprendre qu'elle ne s'intéresse pas plus à la situation de l'aéroport et de la gare dont les commerces sont ouverts tous les dimanches et tous les soirs jusqu'à 21h; ils brisent un nombre incroyable de cellules familiales ! Pourtant, cela n'a pas l'air de toucher le parti des socialistes, celui des Verts non plus.

Tout compte fait, ce projet de loi contient quand même un point très important qui n'a peut-être pas été assez mentionné, c'est le montant maximal de l'amende encourue qui a été porté à 100 000 F. C'est une chose quand même intéressante, parce qu'en lisant le rapport je me suis aperçu d'une chose, c'est que les montants de la vingtaine d'amendes infligées s'élevaient en moyenne à 250 F. Les plus sévères allaient jusqu'à 500 F et, dans les cas exceptionnels d'une vente d'alcool ou de vin abusive, on a atteint les magnifiques plafonds de 2000 F ! Je ne pense pas que ce soit avec de tels montants qu'on fera peur aux gens. On pourrait peut-être éviter beaucoup de contrôles en prévoyant des amendes plus élevées, de manière que nous n'ayons pas à faire que ça.

Alors, Monsieur Deneys, ce petit pas qu'on vous demande, faites-le un jour, cela vous fera du bien !

Mme Victoria Curzon Price (L). Mesdames et Messieurs les députés, je vais être très brève, mais j'aimerais revenir sur deux ou trois points. D'abord, sur la difficulté d'application d'une loi qui fait une distinction entre deux catégories: le grand commerce et le petit commerce. Il y a toujours des problèmes d'application lorsque une loi fait des distinguos de ce type, ce n'est pas une nouveauté. Je vous rappelle que nous avons tout à l'heure discuté des effets de seuil; c'est partout, et ce n'est donc pas un argument suffisant pour rejeter la loi !

Mon honorable collègue du parti socialiste a dit que cela revenait tout simplement à travailler plus pour gagner moins... Mais le but du commerce n'est pas là ! Un autre de mes collègues vient de dire que le commerce est là pour servir - servir les consommateurs - et ce sont eux qui seront les premiers bénéficiaires de cette augmentation de leur plage de liberté.

«Danger de généralisation» ? J'ai bien peur que probablement non. Malheureusement pas, à cause de la puissance des syndicats, bien représentés ! Mais, à ce malheur il y a quelque chose de bien quand même. Vous savez que la plupart des lois et règlements sont favorables au grand commerce et pas au petit commerce, tout simplement parce que cela augmente les coûts fixes de l'entreprise. Donc, plus grande est l'entreprise, mieux elle supporte le poids de la réglementation. Voici donc, pour une fois, une loi qui redresse un peu cette balance en faveur du petit, en faveur de la PME, et je pense qu'il serait très malvenu de passer à côté de l'occasion de redresser cette injustice.

Une autre façon de consommer, Madame, c'est de ne plus voir nos centres-villes et nos quartiers se désertifier au profit des grands centres commerciaux. Cette loi est une opportunité de faire revivre les centres de vies ! (Applaudissements.)

M. Philippe Guénat (UDC). Monsieur le président, ce soir j'ai peut-être une des prises de position les plus difficiles à soutenir. Effectivement, cette idée - le projet de loi PDC - pourrait au premier abord sembler assez intéressante et tentante. Malheureusement, le projet de loi est beaucoup trop restrictif. Ce dont nous avons besoin, dans l'hôtellerie et le tourisme, c'est que les magasins soient ouverts, et pas seulement un magasin tous les coins de rue ! Ce que nous demandons, c'est une ouverture prolongée des magasins - ou un temps de fermeture raccourcie, pour Mme Fehlmann Rielle.

Ce que nous voulions aussi, par cette mesure d'ouverture, c'est aider notre économie, afin de résorber le chômage et augmenter le nombre d'employés travaillant le soir pour combler ces horaires. Malheureusement, lorsqu'on a traité ce projet de loi et qu'on a demandé à pouvoir étendre les heures d'ouverture de 19h à 20h, qu'avons-nous vu ? Le PDC et les initiants de ce projet de loi se sont opposés. Etonnant ! Lorsque l'UDC demande qui sont les personnes pouvant travailler le dimanche ou le soir dans ces magasins, la définition n'est pas assez spécifique ou trop vague. «Les travailleurs exerçant une fonction dirigeante élevée au sein de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964»... Mon Dieu, l'emploi et la perception des classes dirigeantes ont beaucoup changé !

Devant un tel risque de confusion et une telle imprécision, le groupe UDC a demandé à ramener cette amende de 100 000 F - montant complètement irréaliste - à quelque chose comme 50 000 F, qui était déjà un montant dissuasif. A nouveau, le même PDC a refusé, alors qu'il se prétend l'ami des petites entreprises et des PME, en disant que si quelqu'un fautait, il se devait de payer 100 000 F. Partis sur ces bases, nous n'étions vraiment pas très favorables à ce projet de loi.

Ensuite ont eu lieu les auditions. Quand je lis les termes du rapport de majorité, j'ai l'impression qu'il y a eu un enthousiasme populaire parmi les gens que nous avons interviewés... Mais je dois rectifier: cela n'a pas vraiment été le cas ! Lorsque nous avons demandé à M. Vibourel, représentant les grandes surfaces, ce qu'il pensait de l'ouverture des petits magasins, il a dit: «Bof !» On lui a ensuite demandé: mais ça vous fait plaisir ? Réponse: «Ouais.» Ça vous fera de la concurrence ? Réponse: «Non !»...

Puis, lorsque nous avons auditionné l'Association des petits commerces, nous avons constaté de prime abord que les trois représentants n'avaient pas l'air de se parler les uns aux autres. Quand on leur a demandé si ça leur ferait plaisir d'ouvrir plus, ils ont répondu: «Oui, mais comprenez que si mon voisin n'ouvre pas, moi je ne peux pas ouvrir. Si j'ouvre...». Oh la la ! On était parti avec une bonne intention, on voulait faire plaisir à tout le monde, et finalement on se rendait compte qu'on ne faisait plaisir à personne ! C'est pourquoi, à cause de tant d'imprécisions, à cause des amendes punitives exorbitantes, le groupe UDC, sur ce projet de loi...

Une voix. Laissez la liberté de vote !

M. Philippe Guénat. ...et je le dis vraiment à contrecoeur, on n'aura pas la liberté de vote, mais le chef de groupe et ses députés ont décidé que nous nous abstiendrons !

Une voix. Dommage ! (Commentaires.)

M. Gilbert Catelain (UDC). La prise de position de mon voisin a été relativement claire... (Commentaires. Rires.) Je compléterai sur un point: ce projet de loi, qui est un microprojet qu'on pourrait presque assimiler à une motion transformée en projet de loi, n'est finalement pas très réaliste. Je ressens une certaine arrogance de la part de l'un des auteurs de ce projet de loi, qui n'aime pas trop les contrariétés des groupes d'en face... C'est son projet, c'est son bébé; c'est vrai, il est allé voir les partenaires, il s'est beaucoup investi dans ce projet de loi, mais c'est un microprojet ! Il ne résout rien et induit un risque majeur pour l'économie: si nous acceptons ce projet de loi, tel qu'il est ressorti des travaux de la commission, ça veut dire qu'on aura bétonné cette loi sur l'ouverture des magasins pour les vingt prochaines années. Ça veut dire que la droite aura estimé que, finalement, seul le petit commerce peut ouvrir le week-end. Cela a été dit, et l'on ressortira les procès-verbaux, Monsieur Barazzone ! On ressortira votre prise de position, comme quoi c'est «niet» pour les autres ! Et sur ce point-là, vous avez le même discours que la gauche: on accepte une ouverture le week-end, pour autant que le magasin soit exploité par son propriétaire ou par quelqu'un qui en porte la responsabilité, etc., mais, surtout pas du personnel et surtout pas des étudiants. Donc, on exclut une catégorie de personnes qui pourraient travailler le week-end et seraient toutes contentes de trouver un job le dimanche, par exemple. Pour moi, c'est un très mauvais signal ! On sait, si nous acceptons ce projet de loi, qu'il n'y a pas d'avenir dans le débat sur l'ouverture des magasins. Je confirme qu'on a ressenti en commission un manque d'enthousiasme des différents partenaires. Effectivement, les uns étaient en contradiction avec les autres ! Ils ne pouvaient même pas prendre position quant à ce projet, parce qu'il n'y avait pas d'unanimité au sein des associations et que les amendes sont de toute manière excessives et irréalistes: un petit commerçant qui écope d'une amende de 100 000 F fait faillite ! Il faut être très clair ! (Commentaires.) Alors, pourquoi prévoyez-vous ce montant, s'il n'y aura pas d'amendes ! Autant ne pas en infliger ! Il fallait accepter l'amendement UDC sur ce point ! Vous l'avez refusé, parce que vous vouliez avoir le soutien de la gauche, ce que vous n'avez pas eu ! (Commentaires.) Certainement ! Sinon, je ne comprends pas la justification de l'amende à 100 000 F. Et je ne comprends pas pourquoi vous avez refusé cet amendement, qui considérait que, 50 000 F, c'était déjà pas mal !

Ce dont nous avons besoin, ce dont les petits commerçants ont besoin pour faire vivre leurs commerces, c'est quoi ? C'est de payer moins de taxes par rapport au commerce, que ce soit pour l'exploitation d'une terrasse, que ce soit pour la pose d'une enseigne. Peut-être - comme on va le voir en commission de l'économie - que ce qu'il faut, c'est étudier le bien-fondé de la taxe professionnelle. C'est là-dessus que nous devons agir ! On ne va pas faire des règles particulières. D'ailleurs, vous avez évalué le nombre de commerçants qui étaient touchés par ce projet de loi, et c'est marginal... La plupart n'ouvriront pas le dimanche ! C'est beaucoup trop de contraintes, surtout si tous les voisins et toutes les surfaces qui les entourent restent fermés. La clientèle ne viendra pas ! C'est valable pour un salon de coiffure dans un hôtel, mais ce ne l'est pas pour un salon de coiffure à la rue du Rhône, qui ne pourra pas engager son personnel.

Au niveau de la sécurité, je n'en parlerai pas, mais ces commerces seront des cibles faciles. Il suffit de regarder ce qui se passe dans la zone frontalière: voyez le nombre de stations-services et de bureaux de postes qui se font braquer ! Ce sont des cibles extrêmement faciles, le dimanche, lorsqu'il n'y a qu'une personne pour exploiter un établissement... Cela a un sens si les autres magasins sont ouverts, or, s'il n'y en a qu'un, c'est un non-sens ! Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais juste attirer votre attention sur le fait que Genève n'est pas une ville comme New York... (Brouhaha.) Nous avons pu nous rendre compte que, pendant les nocturnes avant Noël... (Brouhaha.) S'il vous plaît, c'est un peu lassant, à force ! (Commentaires.) Nous avons pu prendre... (Brouhaha.) Bon, j'attends...

Nous avons pu nous rendre compte à Genève, surtout ces dernières années, que, pendant les nocturnes, les gens flânent dans les magasins mais qu'ils n'achètent rien, malheureusement, parce qu'ils n'ont plus les moyens.

Je comprends parfaitement que les petits commerces ont besoin d'argent et qu'ils souhaitent ouvrir plus longtemps, mais j'aimerais aussi dire qu'en ce moment de crise, c'est plutôt l'économie qui est le maître-mot, c'est-à-dire les clients.

D'autre part, j'aimerais savoir combien cela va coûter pour les patrons, en termes de charges sociales, d'électricité, etc., parce que rien n'est gratuit... Il faudra qu'ils soient vigilants, car il est très difficile pour eux de régater avec les supermarchés - dont on ne citera pas les noms, mais que tout le monde connaît.

Après mûre réflexion et suite aux débats que j'ai entendus, je soutiendrai quand même ce projet de loi...

Des voix. Ah !

Mme Sandra Borgeaud. ...mais je ne donnerai en tout cas pas un chèque en blanc. Car je ne veux pas que cela se réalise au détriment des employés, qu'ils doivent aller travailler le dimanche ou en dehors de leurs heures sous prétexte qu'il y a des heures supplémentaires à rattraper ou je ne sais quoi d'autre ! J'aimerais que cela soit bien clair et que l'on se conforme à ce que cette loi prévoit. Les patrons doivent être honnêtes: s'ils demandent à ouvrir leur commerce, ils doivent en assumer les conséquences. En aucun cas les employés doivent être dans l'obligation d'aller travailler !

Pour conclure, je soutiendrai ce projet de loi, mais serai extrêmement vigilante: à la moindre faute, au moindre faux pas, je n'hésiterai pas à remonter aux barricades, parce que je ne veux pas qu'en cas de déboire ce soient toujours les mêmes qui paient les pots cassés ! Je ne suis pas d'accord avec ça, j'aimerais que les gens puissent profiter de leurs congés pour rester avec leur famille, car il n'y a pas que le métro-boulot-dodo: on a aussi le droit d'avoir une vie à côté de cela ! Alors, si des patrons ont envie d'ouvrir leur commerce 24h/24, qu'ils le fassent, mais qu'ils n'entraînent en tout cas pas leurs employés avec eux ! Car, là, je dis non et j'espère avoir été très claire.

M. Alain Charbonnier (S). J'ai entendu tout à l'heure un expert en sociologie nous dire que, quand un consommateur entre dans un commerce, il demande à quelle heure ce dernier ouvre... Et que c'est la raison pour laquelle il fallait modifier le titre de cette loi.

Cet expert en sociologie ne s'est pas mis à la place de l'employée de ce magasin, car, elle, elle se demande plutôt à quelle heure ferme le magasin... En effet, l'employée aurait autre chose à faire que d'y rester toute la nuit, puisque, très souvent, elle a une famille dont elle doit s'occuper; elle a des courses à faire elle-même, des repas à préparer, du ménage, et j'en passe ! Je ne vois donc pas la raison de changer le titre de la loi. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Il n'y a peut-être pas eu beaucoup d'oppositions en commission, mais, pour ma part, j'aurais été contre la modification de ce titre, parce qu'il est emblématique - de ce que vous voulez, vous l'avez dit, mais ça, c'est votre droit. Et puis, n'avons pas la même optique là-dessus, le débat de ce soir l'a bien montré. Nous, c'est vrai, nous envisageons encore quelques idéaux, entre autres celui que la société puisse encore vivre dans un certain équilibre. Et nous ne voulons pas promouvoir que de la consommation ! Excusez-moi, mais ce n'est pas en prolongeant les horaires d'ouverture des commerces à Genève qu'on va sauver ces dernier et l'économie genevoise en même temps ! Il ne faut pas se leurrer et il ne faut pas essayer de profiter de la situation. Je trouve assez mesquin de dire que, à cause de la crise, c'est le moment d'ouvrir les magasins le plus longtemps possible, 7j/7, etc., j'en passe et des meilleures !

J'ai aussi entendu dire qu'il fallait faire revivre le centre-ville... C'étaient les propos d'un ou d'une professeure d'université - je ne sais pas comment on dit. Mais, cette dame a-t-elle vu de quel genre de commerces il s'agit au centre-ville ?! Est-ce que ces bijouteries et horlogeries de luxe, ces banques ou autres fiduciaires demandent à être ouvertes pour faire revivre le centre-ville le soir ?! Cette dame est-elle allée se promener dans les magasins les soirs de nocturne, le jeudi soir ou même le vendredi à 19h30 ?! Qu'elle se rende une fois chez Globus pour voir s'il y a du monde: il n'y a pas un chat. Il n'y a personne ! Non, ça n'intéresse pas les gens d'aller se balader dans ces commerces... En revanche, les personnes qu'on y trouve sont des travailleurs et des travailleuses, soit du personnel qui effectue des horaires impossibles ! On ne peut pas dire, comme ça, «Ouh, c'est la crise !», en faire pâtir les employés et, aussi, les faire travailler... Mais c'est ce que vous voulez ! Pour l'instant, ce projet ne concerne que les petits commerces, or tout le monde - en tout cas sur les bancs de la droite - a dit dans cette enceinte que c'était un premier pas ou une ouverture et qu'il y aurait une suite...

Ensuite, tout à l'heure, au sujet de Gate Gourmet, que n'a-t-on pas entendu ? «Ouh la, ne vous en mêlez pas, c'est aux partenaires sociaux de s'arranger entre eux !» Or, ce n'est pas la première fois qu'on nous fait le coup de modifier une loi alors que des négociations sont en cours avec les partenaires sociaux... J'étais à la commission de l'économie il y a six ou sept ans, lorsqu'on nous avait dit qu'il fallait absolument voter la loi demandant l'ouverture quotidienne des commerces jusqu'à 19h30 et les «nocturnes» du jeudi jusqu'à 20h, parce qu'il y avait un élargissement de la convention collective, et qu'il ne fallait surtout pas intervenir, car les partenaires sociaux se débrouillaient entre eux. Alors, à l'époque, comme il y avait un peu d'ouverture, on nous avait dit: «Surtout, n'y touchez pas, vous êtes obligés de voter cette loi» - ce qu''on avait fait, pour notre grand malheur. Car qu'on voit quelle est votre attitude aujourd'hui: elle va tout à fait dans l'autre sens et vous nous dites que les partenaires sociaux s'arrangeront entre eux.

Pour terminer, je remercie M. Catelain de son intervention - je n'étais pas à la commission, je n'ai donc pas eu le loisir d'entendre les auditions. M. Guénat et M. Catelain nous disent que les commerçants ne sont pas contents de cette nouvelle loi - en tout cas pas très contents. (Commentaires.) Pas pour la même raison que nous ! Evidemment ! Mais ça ne fait rien, les commerçants ne sont pas contents, car des inégalités de traitement se forment. Bref, il faut refuser cette loi ! (Applaudissements.)

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Dans ce débat, j'ai eu une lueur d'espoir - qui s'est malheureusement éteinte assez rapidement - quand j'ai entendu le rapporteur de minorité Vert reconnaître que la situation n'était pas satisfaisante et que les petits commerçants, qui ne pouvaient pas ouvrir comme ils le voulaient, souffraient d'une injustice et d'un désavantage compétitif par rapport aux kiosques. Toutefois, la solution que M. le rapporteur de minorité propose me montre d'abord que sa connaissance de la législation constitutionnelle est assez limitée et que, au fond, il ne veut pas de solution !

Il suggère comme solution de réserver la possibilité d'horaires d'ouverture étendus aux seuls patrons de commerces au bénéfice d'une signature individuelle... Eh bien, Monsieur le rapporteur de minorité, cette mesure est absolument contraire à la liberté de commerce et d'industrie ! Notion qui vous est assez étrangère, car vous ne pouvez pas imposer à une personne une forme juridique déterminée pour exercer son activité commerciale ! Le fait d'imposer une forme juridique est totalement contraire à la liberté du commerce, je tiens à le souligner. Donc, vous détestez cette liberté de forme juridique et du commerce, tout en reconnaissant quand même le problème existant !

Concernant l'autre rapporteur de minorité, la rapporteure socialiste, je constate que la solution qu'elle propose est surtout de ne pas ouvrir plus longtemps les magasins et, en plus, de mettre derrière chaque commerçant un contrôleur. Voilà la solution proposée par le parti socialiste ! Tout vérifier, proposer de nouveaux postes de fonctionnaires pour contrôler le commerce, mais ne surtout pas favoriser la liberté de commerce !

Ensuite, je ne peux pas m'empêcher de sourire... J'ai le plaisir, en tant que rapporteur de majorité ou de minorité, de me trouver souvent face à Mme Fehlmann Rielle, et je suis confronté à un réflexe pavlovien: il n'y a pas une fois où Mme Fehlmann Rielle n'a pas placé dans son exposé une allusion contre la place financière. Tout le monde sait que je travaille pour la place financière, pour un groupe de banques, et ça ressort à chaque fois ! Il faudra quand même que Mme Fehlmann Rielle, qui est subventionnée à 100%, comprenne que son salaire est payé, à travers nos impôts, à raison d'au moins 30% par la place financière ! (Commentaires.) Donc, nos intérêts sont donc partagés !

Et puis, il y a un autre réflexe pavlovien, pour lequel j'ai de plus en plus de compréhension. C'est le réflexe pavlovien de l'UDC qui, chaque fois qu'elle se trouve face à un projet PDC, le refuse ! J'ai dit «plus de compréhension», mais, en l'occurrence, je pense qu'il faut dépasser cette barrière dogmatique. Je fais cet effort parce que je suis convaincu par ce projet, porté surtout par l'aile économique du parti démocrate-chrétien, et non par son aile chrétienne-sociale qui prévoit une plus grande liberté de commerce. Je pense qu'on peut dépasser cette barrière dogmatique et soutenir ce projet, hors de tout réflexe pavlovien ! (Applaudissements.)

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je précise que M. Cuendet entend certainement des voix parce que c'est la première fois que je me trouve en face de lui et que je me permets, en raison de la crise actuelle, d'évoquer la place financière. Apparemment, il m'en veut pour un certain nombre de raisons qui lui appartiennent.

Au cours de la discussion sur ce projet de loi, on a entendu évoquer des grands principes de liberté, de responsabilité, notamment par M. Barazzone. (Brouhaha.) Tout ça pour vanter une société de consommation qui, apparemment, est un modèle pour les partis de l'Entente et ceux qui soutiennent ce projet de loi parce qu'ils n'ont pas grand-chose d'autre à proposer ! Pour animer la ville et le canton, il faudrait consommer plus ?! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est un peu court ! Et ça ne correspond effectivement pas aux idéaux des socialistes, des idéaux dont nous sommes fiers ! (L'oratrice est interpellée.) Et s'il s'agissait de pouvoir consommer plus, il faudrait juste que ces messieurs-dames de l'Entente fassent en sorte d'augmenter le pouvoir d'achat des personnes qui sont supposées consommer ! (Brouhaha.)

M. Follonier nous a dit en commission de l'économie, à propos d'une fameuse résolution dont nous sommes en train de discuter, qu'en fait les gens entraient dans les magasins pour en ressortir aussi vite, parce qu'ils n'avaient plus assez d'argent pour consommer, à cause de la psychose de la crise... Psychose pour certains, crise réelle pour d'autres.

Je pense qu'il faudrait explorer d'autres solutions que la seule idée d'ouvrir plus longtemps les magasins et faire travailler encore plus les petits patrons qui peuvent le faire, mettant ainsi leur famille en danger.

Quelqu'un a parlé de l'analyse des besoins. Il est peut-être commode de pouvoir faire ses courses jusqu'à 20h, mais, si l'on regarde la fréquentation de certains grands magasins le jeudi soir, on s'aperçoit qu'il y a très peu de monde à ce moment. Si cela ne veut pas dire qu'il faut fermer ceux-ci à ce moment, ça signifie tout de même que ces ouvertures tardives répondent à un besoin extrêmement limité. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, un peu de silence ! Merci !

Mme Laurence Fehlmann Rielle. On nous accuse de faire de la «contrôlomania»... Mais on nous a souvent dit que, quand on instaurait des lois, il fallait avoir les moyens de les appliquer ! Alors soyez cohérents et réfléchissez aux moyens de faire appliquer cette loi !

M. Barazzone n'a pas répondu aux questions qu'on posait, notamment par rapport aux ressources nécessaires... Personne n'y a répondu, d'ailleurs, parce que personne ne veut des inspecteurs en plus - surtout pas ! - parce que cela pourrait causer des désagréments à certains !

Sachez aussi que les commerçants n'hésitent pas, lorsqu'ils sont amendés, à mandater des avocats pour déposer des recours. Certains ont les moyens de lancer des procédures et, pour cela, harcèlent l'administration; en fin de compte, l'administration est aussi prise en tenaille... Donc, avant de faire des projets de lois qui sont inapplicables, réfléchissons un peu plus !

Quelqu'un d'autre a parlé aussi de la désertification de notre centre-ville. Peut-être faut-il juste rappeler que, historiquement, la spéculation immobilière a aussi vidé les centres-villes de leurs locataires. Si davantage de gens y habitaient, pas seulement des bureaux d'avocats et des banques - qui nous servent, certes - et si l'on arrivait à plus de mixité, il y aurait peut-être plus d'animation en ville.

On a aussi eu l'occasion de dire que l'ouverture des magasins n'est pas la solution: on pourrait regarder du côté des cafés et restaurants qui, eux, ouvrent très tard, mais ont souvent un accueil un petit peu limité.

Je crois donc qu'il y a vraiment d'autres pistes et que ce projet de loi est malheureusement une fausse bonne idée. Je vous recommande ainsi de rejeter cet objet en refusant son entrée en matière.

M. Damien Sidler (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Je suis assez satisfait de voir que M. Weiss a pris la peine de lire le rapport de la deuxième minorité, dans lequel il a appris que les Verts ne sont pas pour la consommation à outrance, ne sont pas pour la consommation de loisirs, la consommation comme passe-temps, notamment parce que les Verts accordent de l'importance à d'autres aspects de la vie que simplement la consommation: la vie familiale, la vie associative, la vie de quartier, voire l'activité politique. Pour effectuer ce genre d'activités, il faut disposer d'un certain temps libre, qui puisse coïncider avec celui d'autres personnes. (Commentaires.)

Lorsque vous dites que les Verts veulent tout réguler et qu'ils ne laissent pas la liberté aux commerçants de choisir quand ils veulent ouvrir, je vous dirai simplement que, par votre réflexion, vous ne donnez pas la liberté à l'employé de choisir les moments où il peut partager son temps libre avec les membres de sa famille ou d'autres personnes de sa vie sociale. Et c'est bien là le problème, avec ce projet de loi ! On franchit une étape, avec cette notion très floue de «fonction dirigeante élevée»... On ne va pas seulement, contrairement à ce qu'a dit Mme Gautier, laisser la possibilité au patron d'une entreprise de gérer son temps comme il le veut. Ne vous y trompez pas, ce projet de loi permet aussi de fixer des horaires pour les employés, sans leur laisser le choix de décider de leurs horaires de travail. Ça, c'est un risque important que nous ne voulons pas prendre.

Je l'ai dit, Monsieur le rapporteur de majorité, les Verts n'ont rien contre l'idée de donner la même liberté à une S.A. ou à une S. à r.l., pour autant que cela ne touche strictement que les personnes qui ont le pouvoir de décision, qui ont l'entreprise entre leurs mains. On vous l'a dit, Monsieur Cuendet, peut-être que cette proposition n'est pas tout à fait légale en la forme dans laquelle elle a été discutée en commission, mais c'est une proposition qui vient de votre parti - ou alors, qui a été appuyée par le parti radical. En tout cas, elle ne venait pas de moi ! Il y aurait peut-être eu une issue vers laquelle obtenir le vote des Verts sur ce projet... Parce que je ne suis pas contre le fait qu'un patron ouvre sa propre boutique et qu'il la gère tout seul, comme bon lui semble; c'est effectivement à partir du moment où il prend des décisions pour d'autres que ça me pose des problèmes.

Par la même occasion, je répondrai encore à M. Follonier et à M. Barazzone, qui ont avancé comme argument que le montant maximal d'amende prévu a été rehaussé et que les gens ont peur. M. Follonier nous a dit toutefois que le montant maximal de l'amende est fixé à 50 000 F, mais que le montant maximal des amendes effectivement infligées... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Monsieur le député ! S'il vous plaît, vers les bancs UDC, je demande un peu de silence ! Monsieur Slatkine... (Brouhaha.) Monsieur Slatkine, s'il vous plaît ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Monsieur Sidler, vous avez la parole.

M. Damien Sidler. J'en étais donc au rehaussement du montant des amendes à un plafond de 50 000 F. C'est très bien ! C'est quelque chose qui pouvait permettre d'emporter le vote des socialistes et des Verts. Toutefois, M. Follonier nous l'a rappelé, actuellement, même avec un plafond fixé à 50 000 F, l'amende maximale infligée à ce jour était de 500 F, et c'est tout ! On peut bien passer à un plafond de 100 000 F, mais l'amende maximale qui sera infligée s'élèvera à 1000 F. Ce n'est donc pas cela qui fera respecter cette loi ! Le problème, avec la loi actuelle, c'est qu'elle est complètement inapplicable avec les moyens dont dispose le département. Et avec la notion de «fonction dirigeante élevée» que vous y intégrez, elle le sera encore moins ! L'UDC l'a dit en commission, tout le monde l'a relevé: cela n'empêche personne d'enfreindre la loi.

Je dirai encore que les kiosques, tabacs et journaux sont très préoccupés par l'introduction de cette nouvelle clause, parce que cela leur pose un problème de concurrence accrue, alors qu'ils ont déjà des gros problèmes actuellement, ils nous l'ont dit.

Pour terminer, je m'adresserai à M. Jeannerat, qui fait preuve d'un peu d'inflexibilité en commission de l'économie. Il arrive avec des mesures à l'emporte-pièce...

Des voix. Oh !

M. Damien Sidler. ...et supporte très difficilement qu'on fasse quelques propositions allant à l'encontre des siennes. Effectivement, nous nous sommes abstenus sur le mot «Ouverture» plutôt que «Fermeture». Mais vous savez comme nous quel était le contexte dans cette commission... Vous saviez que, vu votre peu d'ouverture concernant nos propositions, nous allions de toute façon nous opposer à ce changement de titre. Donc, nous nous sommes simplement abstenus. Mais, puisque vous n'avez pas su lire, je vous indique que le vote se trouve en page 13 du rapport.

Je terminerai ici et vous suggère, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ce projet de loi.

M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ferai d'abord quelques brefs constats. Effectivement, quoique ce débat ait été animé et qu'il ait duré deux heures, l'enjeu est assez minime, vous en conviendrez. Cela a été dit, il est assez minime parce que le petit commerce ne manifeste pas un enthousiasme délirant pour obtenir cette liberté. Est-ce une raison pour priver de cette liberté ceux qui souhaiteraient en faire usage ? Non ! Pour autant que... Et c'est un premier message que le Conseil d'Etat voudrait faire passer. Là, on parle du droit de quelqu'un qui a effectivement un statut proche de celui de l'indépendant, même s'il exploite une S. à r.l., le droit d'ouvrir un magasin au-delà des heures d'ouverture traditionnelles. Toute autre modification qui devrait toucher l'ouverture des magasins ne pourrait se faire que dans un cadre paritaire.

Deuxième élément mentionné, il est vrai que le montant des amendes prévu est extrêmement élevé. Il est non moins vrai que, dans la pratique, cette amende ne dépassera pas des montants modestes, sauf en cas de récidive multiple. Malgré tout, il y a des tribunaux et ceux-ci appliqueront le principe de proportionnalité. Cela fait qu'il faut voir dans cette mesure un geste plutôt symbolique que pratique, je suis désolé de vous le dire, Monsieur Barazzone, et cela, même si cette augmentation permettra d'augmenter un peu la moyenne, puisque le législateur en aura décidé ainsi.

Pour le reste, je ne pense pas que ce changement de loi amènera une amélioration très sensible de la situation économique de notre canton. Je ne pense pas non plus, en m'adressant à l'autre bord, que cela précipitera des milliers de personnes dans une situation d'exploitation la plus totale; cela me paraît un peu exagéré.

Toutefois, vous avez soulevé un point important, c'est celui du contrôle. Certains ont dit qu'il n'y avait pas assez de contrôles, mais qu'ils pourraient adhérer au projet de loi si l'on pouvait être sûr qu'il y aurait des contrôles. Il est vrai que, pendant de très longues années, le Service du commerce n'a pas été d'une folle efficacité. C'est l'exacte raison pour laquelle il a été intégralement réorganisé par notre collègue Unger.

En tout cas, la question est bonne, et il faudra y penser lorsqu'on parlera budget. Dans le domaine des contrôles, Monsieur Follonier, nous avons tendance à nous enfermer en refusant parfois de créer des postes qui rapporteraient plus qu'ils ne coûteraient, comme dans le domaine de la récupération d'actes de défaut de biens ou d'actes de contentieux. Là, il faudra peut-être affiner un peu les grilles d'analyse.

S'agissant de l'ordre public et du respect des lois, ça a été dit par certains, si l'on veut qu'il y ait plus de liberté, il faut aussi plus de responsabilité. S'il faut prévoir une dissuasion par le montant des amendes, il faut aussi qu'elle passe par le fait que le contrevenant pense qu'il a une chance raisonnable de se faire contrôler au moins une fois dans les vingt prochaines années !

Je crois que ces éléments sont importants par rapport au dada du Conseil d'Etat: la restauration de la confiance et de l'autorité de l'Etat. Un des défauts de notre canton, c'est d'avoir des lois relativement contraignantes et relativement compliquées, mais de ne pas les faire respecter dans toute une série de circonstances. Dans le cas présent, si cette ouverture est acceptée par votre parlement, vous en déciderez, il faudra se donner les moyens de veiller à ce que les personnes qui exploitent un commerce soient bel et bien celles qui ont une responsabilité dans la société, puisque c'est la limite que vous avez voulu fixer dans cette loi.

En dernière analyse, le Conseil d'Etat admire toujours - nous partageons d'ailleurs ce défaut avec vous - l'immense capacité que l'on a de discuter ici très longtemps de choses de modeste importance, alors qu'on est par ailleurs capable de dépenser en trente secondes 100 millions de francs de crédits d'investissement dans un seul budget ! C'est là le charme de notre république; ça ne fait de mal à personne, mais c'est toujours amusant à contempler ! Et, je le redis, le Conseil d'Etat partage ce défaut avec le parlement.

Le président. Merci, Monsieur le Conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 10179 est adopté en premier débat par 50 oui contre 31 non et 6 abstentions.

Deuxième débat

Le président. Le titre et le préambule... Ah, M. Slatkine a demandé la parole !

M. Ivan Slatkine. C'est une erreur, Monsieur le président.

Le président. Très bien ! Et M. Deneys ?

M. Roger Deneys (S). Monsieur le président, ce n'est pas une erreur ! En l'occurrence, je souhaite qu'on maintienne le mot «fermeture» dans le titre de la loi, et je vais vous expliquer pourquoi.

En ce qui me concerne, j'ai été mis en cause tout à l'heure par M. Follonier... (Commentaires.) ...et je dois dire que j'accepte assez mal ses critiques ! Vous êtes certes pharmacien, depuis de nombreuses années; personnellement, j'exploite une entreprise informatique depuis quinze ans, je suis donc un modeste indépendant: la différence entre et vous et moi, Monsieur Follonier, c'est que moi je ne bénéficie pas de prix garantis grâce à un système de lobbies soutenus par un conseiller fédéral radical ! Moi, Monsieur Follonier, je suis actif dans un domaine qui est l'informatique, avec des marges étroites et concurrentielles ! (Brouhaha.)

Le président. Adressez-vous au président, Monsieur le député !

M. Roger Deneys. J'y arrive, Monsieur le président ! En ce qui me concerne, je propose qu'on maintienne le terme «fermeture» dans le titre de la loi. Quand on parle de ce qu'on ne connaît pas et qu'on est apothicaire, on peut relire «Madame Bovary» et la fermer ! (Exclamations. Rires.)

M. Michel Halpérin (L). Mesdames et Messieurs les députés, je regrette un peu la dernière intervention parce qu'elle apporte une touche de vulgarité à un sujet qui n'en mérite pas tant. Je voudrais simplement faire remarquer à M. Deneys qu'il pèche trop visiblement sur les valeurs symboliques. Cette proposition d'amendement n'a non seulement aucun intérêt pratique, elle n'a aucun sens, si ce n'est celui d'afficher avec une superbe qui est digne de meilleures causes une orientation qui est exactement celle qui a été décrite par ceux qui l'ont relevée tout à l'heure.

Mesdames et Messieurs les députés, je ne suis pas très étonné, quand j'aperçois qu'une toute petite brise de liberté se lève dans cette enceinte, qu'elle suscite autant de crispations, notamment sur le banc qu'occupe M. Deneys. Ça m'étonne un peu plus des bancs Verts, qui m'ont habitué à plus d'humour et de décontraction, notamment en matière de petits commerces.

Mais alors, s'il vous plaît, ne recommençons pas en deuxième débat la salve inutile de ce que nous avons entendu au premier ! Nous avons une petite ouverture, toute petite ! Surtout, gardons-la et accordons un peu de confiance à ceux que la liberté amuse ! Et puis, laissons le système carcéral à ceux qui ne savent vraiment plus vivre sans béquilles ! (Rires. Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Losio. Je rappelle que je n'ai pas reçu de demande de modification de l'introduction du projet de loi. Donc, pour le moment, elle reste la même. Monsieur Losio, vous avez la parole.

M. Pierre Losio (Ve). Eh bien, Monsieur le président, j'interviendrai en troisième débat !

Le président. Je donne la parole à M. Clairet.

M. Maurice Clairet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, à Bernex, il y a trois boulangeries: une vraie, la mienne, où l'on fabrique; et il y a deux dépôts de pains, ce sont des boulangeries qui achètent le pain à des grandes industries. Bien sûr, ces gens, ça va les arranger: ils pourront travailler plus tard le soir, du moment qu'ils ne fabriquent pas leur pain ! Vous voyez la différence ? Ma femme, elle, se lève à 5h du matin pour faire l'ouverture à 6h, et on ferme à 19h. Vous voulez encore lui demander de reporter la fermeture à 21h ou 22h? (Commentaires. Exclamations. Le président agite la cloche.)

Oui, Monsieur, ça fait cinquante ans que je suis dans le métier ! J'ai fait vingt-cinq boîtes, et tous mes patrons fermaient un jour par semaine ! Pourquoi voulez-vous tout changer ? Ça a toujours bien fonctionné comme ça. Pourquoi vous voulez tout changer ? Tout à l'heure, vous, vous irez dormir, pendant que moi, à partir de 3h, je serai au boulot ! (Applaudissements. Commentaires.) Oui, c'est facile ! (Brouhaha.) C'est facile... Il y avait un consensus à Bernex, avec ces trois boulangeries, ça s'est toujours bien passé, et maintenant vous voulez mettre un coup de pied dans ce tas de fumier... Voilà ! (Commentaires.) Mais oui... Mais oui !

Une voix. Arrêtez de parler, vous le troublez !

M. Maurice Clairet. Je vous dis une chose. S'ils m'entendaient parler, mes anciens patrons seraient tout à fait d'accord avec moi: le jour de congé, c'est mon pote ! Alors, pourquoi voulez-vous nous l'enlever ? Moi, je ferme le mardi, c'est à ce moment qu'on nettoie le magasin à fond, on s'occupe des papiers... On a un travail fou, à l'arrière ! Derrière un commerce, il y a un travail énorme ! Et vous voulez encore nous faire travailler jusqu'à 22h ?!

On arrivera à une situation de concurrence déloyale ! Ici, tout le monde peut ouvrir une boulangerie, sans même avoir un CFC, voyez-vous... Vous pouvez simplement acheter une arcade et écrire «boulangerie-pâtisserie» dessus ! C'est comme ça que vous voyez l'avenir du petit commerce ? Vous êtes en train de le tuer, le petit commerce ! (Commentaires.) Bon, allez... C'est tout, Monsieur le président ! (Applaudissements.)

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1 souligné.

Le président. Nous sommes à l'article 2 souligné. Je donne la parole à M. Cuendet, qui l'a demandée.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Au moment du dépôt du rapport, le secrétariat général du Grand Conseil m'a rendu attentif à ce qu'il fallait modifier la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques - la LVEBA - pour tenir compte du changement de titre de la loi sur les heures de fermeture des magasins - LHFM. Il faudra dorénavant que l'article 11, al. 1, de la LVEBA mentionne «Loi sur les heures d'ouverture des magasins» et non plus de la «Loi sur les heures de fermeture des magasins». C'est une modification purement formelle qui ne change pas les heures - de 21h à 7h - durant lesquelles la vente d'alcool est interdite. (Commentaires.)

Le président. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter, je lis l'amendement: «Article 2 (souligné) Modification à une autre loi (nouveau, l'article 2 ancien devenant l'article 3). La loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques (LVEBA) (I 2 24), du 22 janvier 2004, est modifiée comme suit: Art. 11, al. 1 (nouvelle teneur). 1 La vente de boissons alcooliques à l'emporter est interdite de 21h à 7h, indépendamment des dispositions de la loi sur les heures d'ouverture des magasins, du 15 novembre 1968.»

Mis aux voix, cet amendement (article 2 souligné nouveau) est adopté par 47 oui contre 27 non et 7 abstentions.

Mis aux voix, l'article 3 souligné (ancien article 2 souligné) est adopté par 46 oui contre 28 non et 11 abstentions.

Troisième débat

M. Pierre Losio (Ve). J'aurais souhaité intervenir pendant le premier débat, mais vous avez clos la liste; cela fait partie des prérogatives qui sont les vôtres et celles de votre Bureau, et je le comprends fort bien. Si je me permets d'intervenir, c'est que, durant le premier débat, un préopinant radical a eu un accès de prurit anti-Verts en jouant sur les intitulés «LHOM» et «LHFM». Je ne sais pas si c'est lié à la «vespéralité» un peu tardive de ce débat, mais il a mené une attaque assez féroce contre notre groupe, arguant que nous étions opposés à l'appellation «ouverture». Il a dérivé en insinuant que nous étions un groupe fermé et que nous étions des gens bornés. Je voudrais simplement lui rappeler qu'il se trouve que j'ai - une fois n'est pas coutume - participé il y a quelques jours à un débat radiophonique avec un éminent collègue radical, Gabriel Barrillier, qui se félicitait que, durant cette législature, une des grandes réussites fut que nous étions parvenus à trouver sur de nombreux sujets des positions communes et consensuelles. Comme le disent certaines espèces invertébrées politiques, je me suis senti «interpellé à quelque part» et, en ce qui concerne le groupe des Verts, concerné.

Je voudrais rappeler à ce préopinant radical que, durant cette législature, nous n'avons pas fait preuve de fermeture: nous avons activement participé à la résolution de problèmes importants; nous avons pris nos responsabilités dans tout ce qui concernait la modification de la LPAC; nous avons pris nos responsabilités dans tout ce qui concernait la Loi sur le chômage; nous avons pris nos responsabilités en ce qui concerne les débats budgétaires !

Et, en ce qui concerne la cohérence et l'esprit d'ouverture, le groupe des Verts n'a pas de leçons à recevoir du préopinant radical ! (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais rendre hommage à notre collègue, M. Clairet, qui est un petit patron... (Exclamations.)

Une voix. Lui, c'est un patron !

M. Alberto Velasco. Je répète: j'aimerais rendre hommage à notre collègue Clairet. Monsieur le président, M. Clairet prend rarement la parole, mais, quand c'est le cas, il nous rappelle, avec le langage qui est le sien, des choses bien réelles !

Mesdames et Messieurs les députés, vous savez très bien qu'on vit une époque extrêmement difficile - et ce n'est pas fini - précisément parce que nous avons procédé à un certain nombre de dérégulations dans les années 80 et 90, des dérégulations financières qui nous amènent à la situation actuelle, qui coûte des milliards et des milliards aux collectivités !

Alors, que voit-on aujourd'hui ? On nous balance un projet de loi, qui agit certes à une moindre échelle, mais qu'est ce que c'est ? Vous introduisez une nouvelle dérégulation ! Notre collègue l'a rappelé. Que disait-il, Mesdames et Messieurs les députés ? Que, pour réagir dans des conditions acceptables pour les uns et les autres, le commerce a besoin de règles afin que la concurrence soit équitable ! Il a rappelé que le fait que tout le monde soit soumis à des horaires permet que la concurrence soit équitable, sinon les petits en pâtissent parce qu'ils doivent travailler trois fois plus que les grands ! C'est ça que voulait nous dire M. Clairet ! Et c'est ça qu'implique la dérégulation que vous voulez introduire ! Non contents d'avoir mis la finance dans l'état où elle se trouve, ce soir vous nous balancez à nouveau un projet de loi qui va, à moindre échelle, dans le même sens... Aujourd'hui, en pensant que vous ferez du bien aux petits commerces, vous vous attaquez à ces derniers !

Une voix. Mais non !

M. Alberto Velasco. Mais oui ! Vous êtes une experte, Madame... Vous croyez que vous allez améliorer leur condition ? Non Madame, les petits commerçants vont en pâtir ! Et leurs employés vont en pâtir ! Parce que, dans le petit commerce, ce sont les patrons qui travaillent dix à douze heures par jour. Et vous leur demandez de travailler encore plus ? Voilà ce que nous expliquait notre collègue Clairet. Vous allez l'obliger à travailler encore plus, avec des horaires insupportables ! (Brouhaha.)

La droite est toujours encline à nous donner des leçons d'économie et des leçons sur la bonne marche de la finance... En réalité, avec votre politique de dérégulation, vous êtes en train de massacrer l'économie, Mesdames et Messieurs ! Or ça nous coûte cher, et nous coûtera plus cher encore ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons enfin pouvoir voter ce projet de loi en trois débats. Je regrette seulement qu'on ait utilisé le verbe «fermer» dans un sens blessant, ce qui était fort inutile.

La loi 10179 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10179 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 49 oui contre 29 non et 5 abstentions.

Loi 10179

PL 9678
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les augmentations annuelles dues aux membres du personnel de l'Etat ainsi que sur la progression de la prime de fidélité (B 5 17)

Le projet de loi 9678 est retiré par son auteur.

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous souhaite une excellente fin de soirée et une bonne rentrée ! Je vous donne rendez-vous jeudi prochain à 8h du matin.

La séance est levée à 22h55.