République et canton de Genève

Grand Conseil

Points initiaux

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.

Assistent à la séance: MM. François Longchamp et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Pierre-François Unger, Charles Beer et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Esther Alder, David Amsler, Caroline Bartl Winterhalter, Edouard Cuendet, Fabiano Forte, Claude Marcet, Yves Nidegger, Jean Rossiaud et Louis Serex, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons la discussion sur le projet de loi 10327.

PL 10327-A
Rapport de la commission ad hoc Justice 2011 chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle du Conseil d'Etat modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (Adaptation au code de procédure pénale suisse)

Le président. Nous reprenons nos travaux concernant ce projet de loi et pouvons procéder au prochain vote.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 7 (nouvelle teneur) à 136 (abrogé).

Le président. Nous sommes saisis d'une demande d'amendement pour un nouvel article 137, lequel est abrogé dans le projet de loi. Monsieur Losio, je vous laisse la parole.

M. Pierre Losio (Ve). Nous l'avons tous bien compris dans le premier débat: ce soir il n'y a pas d'échappatoire. En effet, à la fin de nos débats, ou bien le jury aura subsisté, ou bien il aura disparu. Nous nous trouvons ainsi dans une situation tout à fait binaire et ceux qui sont attachés à l'existence du jury n'ont pas d'autre solution que d'amender cet article 137.

Nous devons nous prononcer de manière principielle, et non pas de manière à prendre en considération les contingences pratiques qui pourraient découler du maintien du jury, contingences selon lesquelles ce serait compliqué, cela durerait des années, sans oublier l'histoire de l'immédiateté, etc. C'est en toute conscience que ceux et celles qui, dans ce parlement, souhaitent le maintien du jury doivent prendre leur décision, en disant: «Oui, je suis attaché à l'existence du jury, donc je vais voter cet amendement» ou: «Non, je ne suis pas attaché à cette institution et j'accepte que cet article soit abrogé.» C'est dans cet esprit que l'on doit se prononcer, les questions de praticabilité, d'intendance, ne devant pas entrer en ligne de compte. Si j'ose dire: «L'organisation judiciaire providebit».

En ce qui concerne l'amendement, nous ne sommes pas dans le cas de figure d'un projet de loi d'aménagement, par exemple, dans lequel, si l'on devait changer la bretelle de tel échangeur à l'entrée d'un parking, on pourrait trouver une solution foncière permettant d'arranger le projet de loi, qui deviendrait praticable... Ici, il n'y a pas d'échappatoire: c'est oui ou non. Voilà comment il va falloir se prononcer.

L'amendement que nous avons déposé maintient l'institution du jury pour ce que l'on peut appeler des crimes graves, puisqu'ils concernent strictement le Tribunal criminel et le Tribunal criminel d'appel. De plus, nous avons indiqué la composition du jury - nous aurions pu traiter de cela ultérieurement et décider dans la LOJ ou, à la limite, même dans le CPP, combien de membres... Cependant, nous l'avons fait figurer dans cet amendement. Ce faisant, nous avons voulu donner au Tribunal criminel d'appel une importance véritablement citoyenne supérieure, puisque nous l'avons composé de douze jurés. Enfin, pour qu'il y ait une plus large représentation possible, nous avons élargi à 65 ans l'âge du panel potentiel des jurés, de façon que l'on ait une possibilité d'élection plus étendue et un, si j'ose dire, «bassin» de tirage au sort plus grand. C'est donc dans cet esprit-là que je vous appelle à soutenir cet amendement.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, toujours à titre personnel, puisque la liberté de vote a été décrétée au MCG, je soutiendrai l'amendement de mon collègue, M. Losio. En réalité, je suis dans l'impossibilité de dire si, légalement parlant, le maintien du jury populaire pourrait être ou pas une réalité. Alors laissons le peuple décider, puisqu'il y aura une votation populaire sur ce projet de loi ! Et si le peuple lui-même désire maintenir le jury populaire, eh bien, il sera assez tôt pour le Tribunal fédéral de rendre un arrêt, s'il y a un recours un jour, afin qu'il tranche et confirme ou pas la légalité du jury populaire.

En conclusion, je dirai que, oui, je suis attaché aux valeurs citoyennes, et que, non, je ne suis pas pour une société aseptisée où tout serait parfait et professionnel. Il faut laisser cette marge de manoeuvre. En vérité, notre conseiller d'Etat lui-même a un doute du point de vue juridique... Enfin, je l'espère, parce que, s'il n'en a pas, c'est vraiment qu'il y aurait... Mais il est vrai que le Conseil d'Etat nous a habitués à quelques errances juridiques, rétablies par le Tribunal fédéral. Bref, je veux dire que, in fine, c'est la volonté, c'est l'esprit de maintenir ou pas le jury, c'est l'idéologie d'une justice citoyenne ou non, dont nous débattons en réalité ce soir. En ce qui me concerne, étant attaché aux principes citoyens qui sont les fondements de notre république, je suis en faveur du maintien du jury populaire.

Laissons donc les bavards bavarder, les juges juger, et nous autres, population genevoise... (Commentaires.) ...serons bientôt fixés sur la légalité de ce principe.

Mme Loly Bolay (S). Permettez-moi tout d'abord, Monsieur le président, de dire ceci: il est à relever que dans de nombreux cantons qui connaissent des juridictions incluant des juges laïcs occasionnels, celle avec jury a disparu avant même - avant même ! - cette nouvelle unification des procédures pénales. Je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a que les cantons de Neuchâtel, Zurich, Vaud et du Tessin qui ont encore ces juridictions, mais sont en train de les abolir. Pour rappel, la Confédération a aboli les assises en 2000 déjà.

J'en viens à l'amendement que vous proposez. L'alinéa 2 énonce ceci: «Le Tribunal criminel est composé de neuf jurés et de trois juges de carrière.» Or, Mesdames et Messieurs, votre proposition suit exactement l'exemple du canton de Neuchâtel qui, lui, est en train de l'abolir parce que, précisément, cela contrevient au nouveau code de procédure pénale.

S'agissant de la deuxième proposition que vous faites, laquelle vise à prévoir, comme en Italie ou en France, les tribunaux d'appels - que vous nommez «Tribunal criminel d'appel», puisque la Cour d'assises n'existera pas - eh bien, cette proposition souffre des mêmes inconvénients que le jury populaire de première instance ! Elle souffre des mêmes avatars, des mêmes complications, c'est-à-dire de procédures lourdes, techniques et extrêmement compliquées.

De plus, permettez-moi, Mesdames et Messieurs, d'ajouter ceci: les modèles français et italien sont différents, puisque ces pays, eux, organisent les sessions de la Cour d'assises d'appel - que vous nommez «Tribunal criminel d'appel» - dans une autre circonscription. Mais à Genève, Mesdames et Messieurs, on a un seul tribunal, on n'en a pas deux ! Donc le système que vous proposez ne joue pas avec celui que nous avons ici !

Permettez-moi enfin de dire - Monsieur le président, je vais conclure - que votre proposition risque de se faire casser par le Tribunal fédéral. Avec quelles conséquences, Mesdames et Messieurs ? Des décisions cassées ! C'est-à-dire de voir en liberté des personnes dangereuses qui ont été condamnées par un jury n'ayant pas l'approbation du Tribunal fédéral ! Il s'agit de personnes dangereuses, étant donné que la Cour d'assises s'occupe de cas extrêmement graves. Alors, est-ce ce que vous voulez ?!

Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste ne peut pas prendre ce risque et vous demande de refuser cet amendement.

M. Claude Aubert (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes ici à la première étape, puisqu'il s'agit au fond de décider du texte, et cet amendement est évidemment décisif pour savoir dans quel sens cela va se passer. Ensuite, à la deuxième étape, il s'agira pour les partis de se déterminer quant à la campagne qui aura lieu. Enfin, la troisième étape sera le vote populaire.

Il serait étonnant qu'au sein des partis il n'y ait pas de débats, étant donné que l'on nous annonce déjà qu'il pourrait y avoir liberté de vote. Et si tous les partis laissaient la liberté de vote, bonjour la campagne d'affichage ! Cela rappellerait le poète qui disait: «Elle ne dit ni oui ni non, c'est une fille avec un garçon.» Personnellement, je souhaiterais que ces trois étapes permettent de définir très clairement l'argumentaire, de manière que la population puisse décider en connaissance de cause. En ce qui me concerne, je soutiens le travail de nos collègues commissaires.

M. Roger Golay (MCG). Cet amendement démontre encore un peu plus l'art de compliquer la question qui nous est posée ce soir: abolir ou non le jury populaire ? Si l'on modifie par cet amendement la disposition qui existe aujourd'hui, je pense que nous courons un risque encore plus grand - en admettant que le jury populaire passe la rampe, la nôtre et celle du peuple - de voir cette proposition se faire casser par le Tribunal fédéral. Nous courrons aussi le risque d'être plus ridicules encore, de produire une nouvelle Genferei, et de nous «distinguer» comme nous l'avons fait à plusieurs reprises ces derniers temps.

Par ailleurs, Monsieur Losio, votre amendement... C'est un peu comme demander à une arrière-grand-mère de faire de la chirurgie esthétique pour plaire à des jeunots. Non, Monsieur Losio, je ne soutiendrai pas cet amendement.

M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chaque année, le 11 décembre, vous fêtez l'Escalade. Vous êtes fiers d'être genevois pour les vaillants exploits que nos ancêtres ont accomplis dans cette ville. Vous êtes fiers de vos institutions, fiers d'être dans la ville de Calvin, d'être à l'avant-garde dans de très nombreux domaines. Et aujourd'hui, il vous appartient, à vous députés de gauche comme de droite, de défendre les institutions genevoises.

Tout à l'heure, j'ai rencontré mon ami Christian Luscher, notre ancien collègue, avec qui j'ai discuté du jury de Cour d'assises, de Cour correctionnelle, auquel il adhère pleinement. Il me disait très justement: «C'est drôle, quand la Berne fédérale a voulu supprimer les agents d'affaires vaudois, des Vaudois se sont tout de suite mobilisés pour faire obstacle à ces changements de lois fédérales. Par contre, au niveau genevois, il n'y avait personne !»

Etes-vous, Mesdames et Messieurs les députés, un peuple soumis ? Etes-vous un peuple de perdants ? Non ! Il faut démontrer aujourd'hui que vous êtes attachés à vos institutions telles qu'elles ont été créées, même si elles doivent être modernisées par le biais des nouvelles lois, de l'unification des lois de procédure. Aujourd'hui, je vous demanderai d'appuyer l'amendement des Verts, car, s'il n'abroge pas totalement le jury, il permet de donner une autre ouverture, une autre dimension, au projet de loi que le Conseil d'Etat vous propose aujourd'hui.

Il ne faut pas vous soumettre, Mesdames et Messieurs les députés, aux injonctions de la Berne fédérale ! Il faut résister et démontrer que, à Genève, nous avons encore la capacité de gérer nos affaires sans que l'on nous impose une fois de plus - comme ç'a été le cas dans de très nombreux domaines - des lois fédérales qui ne nous concernent pas ! Nous avons des procédures particulières à Genève, que tout le monde connaît, et il n'y a aucune raison pour que l'on renonce à ce jury qui a fait ses preuves jusqu'à ce jour.

Pour toutes ces raisons, à titre personnel en tout cas, je soutiendrai cet amendement. J'espère que mes collègues le feront également.

Mme Nathalie Fontanet (L). Pour le groupe libéral, il ne s'agit ni d'être soumis, ni d'être perdant, mais d'être responsable. Nous construisons la justice de demain: une justice efficace qui respecte les droits de la défense et notre démocratie. Et nous sommes convaincus, pour les motifs exposés un peu plus tôt ce soir, que le maintien du jury ne remplit pas le droit supérieur et n'y est pas conforme. Par conséquent, il est absolument impossible de le maintenir. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral ne soutiendra pas l'amendement.

Mme Michèle Ducret (R). Je suis ravie d'entendre un UDC dire qu'il est indépendant de la Berne fédérale ! C'est vraiment une déclaration qui mérite d'être reprise dans les journaux, d'autant plus qu'elle est un peu paradoxale. En effet, si nous ne sommes pas censés obéir à la Berne fédérale - selon vous, elle n'interdit pas le jury - alors on tourne dans tous les sens ! Jury, pas jury, on fait comme on veut à Genève. Je crois que, là, vous êtes mal parti, Monsieur Wasmer, parce que ce n'est pas ainsi que cela va se passer.

Tout cela pour dire que nous avons voté en commission - et quand je dis «nous», c'est moi, puisque j'étais la seule représentante radicale. (Commentaires.) C'est un nous de majesté ! Donc, je dis «moi», parce que je ne suis pas sûre que tous les radicaux vont penser comme moi. (Commentaires. Rires.) Enfin, si nous avons voté la suppression du jury, ce n'est pas pour le ramener par la bande. Par conséquent, nous allons maintenir notre position et ne pas accepter cet amendement.

M. Michel Halpérin (L). Quelques mots, brièvement. D'abord pour répéter, mais en une phrase, que nous n'allons pas, si nous maintenons le jury en adoptant l'amendement proposé par M. Losio, porter atteinte au droit supérieur. J'ai dit tout à l'heure que le droit supérieur n'a pas proscrit le jury et que s'il devait être déduit de textes qui n'existent pas que ce jury était implicitement contraire au droit fédéral, il appartenait à ceux qui ont vocation à dire le droit de fédéral de l'exprimer et de condamner ce jury à mort. Mais on ne peut pas nous demander, en attendant que les législateurs ou les juges fédéraux se soient exprimés sur ce sujet, de commettre un suicide politique; cela ne me paraît pas nécessaire. Cet argument-là n'est donc pas recevable.

Le deuxième argument consistait à dire qu'une condamnation qui serait ensuite l'objet d'un recours au Tribunal fédéral entraînerait la mise en liberté du dangereux criminel recourant. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, mais je le répète, puisque on ne m'a apparemment pas entendu: c'est faux ! Aujourd'hui déjà, il arrive que des cours d'assises condamnent quelqu'un, que le jugement soit cassé, pour n'importe quelle raison, et que la personne dont le jugement a été cassé reste en prison jusqu'à ce qu'elle ait été rejugée. C'est ainsi que cela se passe. Il ne faut donc pas s'imaginer que vous prendriez la responsabilité de laisser circuler librement un multirécidiviste des attentats contre la personne humaine, puisque ce n'est pas comme cela que cela fonctionne. Il ne faut donc pas se tromper d'argument pour prendre cette position.

La troisième considération, c'est pour m'étonner quelque peu du traitement réservé - notamment sur certains bancs - à l'importance de la présence du jury populaire lors des débats. Le jury populaire, a-t-on entendu à plusieurs reprises aujourd'hui, s'étiole, n'est plus en mesure de remplir ses fonctions, n'a plus envie de les remplir; les vocations seraient en disparition et on nous a expliqué ici ou là qu'il n'y siège plus que quelques fonctionnaires ou des gens qui ont du temps. Et tout à l'heure, j'ai même entendu avec plaisir Mme Bolay enfin prendre la défense des indépendants et des libéraux pour qui tout cela est un trop gros effort. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous faisons nous-mêmes ce genre d'effort à longueur d'année; et être mobilisés une fois de plus ou une fois de moins pendant une journée ou une semaine pour remplir des fonctions de jury de tribunal criminel ne serait pas un changement radical dans les habitudes que nous avons prises. Je crois que l'effort civique demandé dans ces circonstances s'impose.

Enfin - c'est ma dernière remarque - je voudrais vous faire observer que l'introduction du code de procédure pénale unifié a essentiellement pour conséquence l'introduction du système que l'on appelle «accusatoire». C'est donc un système qui confie l'instruction de la cause à l'accusation et qui met en théorie sur pied d'égalité le parquet et la police d'un côté, la défense de l'autre côté. Nous avons tous à l'esprit que ce système a été a appelé des voeux de nombreux avocats, parce que c'est une manière populaire de faire le travail qui nous incombe et qu'on le voit fonctionner de cette façon-là en Angleterre ou aux Etats-Unis, maintenant en Italie.

Mais nous sommes aussi tous conscients que ce système présente un très gros inconvénient: il demande des moyens plus importants pour se défendre, parce qu'il n'y a pas d'arbitre pour faire l'instruction de sa propre autorité. L'instruction sera donc conduite en fonction des moyens qui seront mis, d'un côté par l'accusation, de l'autre côté par la défense. Cela fait donc courir un risque de justice à deux vitesses, en défaveur de ceux qui auront moins de moyens pour se défendre. Ce risque-là pourrait être utilement pris en considération par un jury qui n'aurait pas le sentiment que la justice suit son cours selon un mode huilé, fonctionnel, mais pas nécessairement aussi critique qu'il devrait l'être. C'est l'argument décisif, avec celui que j'évoquais tout à l'heure: la présence d'un regard attentif, une participation à la souffrance de la victime et de l'auteur dans cette espèce de théâtre tragique qu'est une cour d'assises.

Le président. Je vous remercie. La parole est à M. Jornot. (Quelques instants s'écoulent. Rires.)

M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je n'avais pas compris que c'était déjà fini.

Je voudrais dire, tout d'abord à M. Losio, l'auteur de cet amendement, que je ne comprends pas très bien la philosophie qui y préside. En effet, Monsieur Losio, vous nous avez dit tout à l'heure: «Nous devons nous prononcer dans le principiel» - il s'agit de se battre sur les principes, de ne pas ergoter sur les détails, ces derniers suivront. Or, vous nous proposez un amendement qui - alors qu'aujourd'hui la constitution garantit le jury en matière criminelle - non seulement répète la garantie, ou la fait renaître en matière criminelle, mais qui, de surcroît, nous prescrit en son alinéa 2 tout le détail. Alors, il faut choisir ! Soit c'est le principiel, et l'on se bat ici pour savoir quel est le principe, si le jury existe ou non, puis on examine au niveau de la loi comment cela doit fonctionner, soit on fait du détail. Or ici, vous nous faites faire du détail.

Cela présente des inconvénients, parce que ce Grand Conseil ne pourrait voter cet amendement qu'après s'être convaincu que la solution à neuf jurés en première instance et à douze en appel est la meilleure. Ce faisant, vous prenez un risque, parce que la solution de l'introduction du jury d'appel, qui n'est que l'une des possibilités de conserver un jury dans notre canton, est l'une des plus décriées ! C'est en effet l'une de celles... Regardez les débats en France et en Italie ! C'est celle qui fait du jury le moins ce qu'il devrait être, puisque l'on demande à des citoyens de statuer souverainement en leur disant que leur voisin de palier pourra venir le lendemain dire autre chose. On est donc complètement à côté de la notion de «vox populi, vox Dei» qui est le principe même du jury ! Parfois, les solutions sont bancales, telle celle qu'ont choisie les Italiens et qui consiste à demander un certificat de fin d'études aux jurés d'appel pour justifier le fait qu'ils puissent remettre en question ce que les jurés de première instance ont décidé. Je regrette que vous n'ayez précisément pas choisi la voie consistant à maintenir le débat à un niveau principiel et que, d'une certaine façon, vous nous embarquiez dans un débat sur la solution de détail.

L'appel, tel qu'il est exigé par le code de procédure pénale - fédéral, futur, nouveau - est un appel dans lequel la juridiction va reprendre l'ensemble du procès. Elle peut également laisser de côté ce qui n'est pas controversé et ne traiter que ce qui est contesté par l'une ou l'autre des parties. Donc on sort complètement - tout à l'heure, Mme Bolay l'a expliqué avec précision - du système actuel de la cassation. Et imaginer que l'on puisse avoir, dans un canton comme le nôtre, un empilement de jurys divers qui tous statuent sur les mêmes causes, c'est tout simplement une solution non seulement compliquée, mais - soyons corrects - une solution absurde.

J'aimerais terminer par ceci - une remarque de procédure, cela tombe bien - pour vous dire que je regrette - je l'ai peut-être déjà dit précédemment, mais je le dis maintenant - que, précisément sur une question aussi compliquée, aussi importante, qui peut autant porter à conséquence, on sorte de la manche un amendement de détail en plein pendant le débat. Je regrette que les choses n'aient pas été faites, par exemple pour que la commission ait eu l'occasion de débattre de ce genre de choses, ou pour que, dans l'élaboration du débat, les solutions qui n'étaient apparemment pas prêtes aient pu être présentées en vue de notre débat de ce soir.

Au-delà des arguments de principe et de tout ce que nous avons dit avant l'interruption - arguments qui doivent évidemment conduire, selon que l'on est favorable ou pas à la suppression du jury, au rejet ou à l'acceptation de votre amendement - j'aimerais terminer en relevant que son acceptation plongerait - non pas ce Grand Conseil, puisque nous aurions terminé nos travaux et que nous rentrerions avec la satisfaction du devoir accompli - mais notre république dans une situation assez embarrassante. En effet, dans le fond, vous obligeriez ensuite le législateur - notamment la célèbre commission Justice 2011 - à trouver la solution permettant de créer ce jury dans le cadre du nouveau code de procédure pénale. Vous obligeriez donc le législateur à faire la seule chose possible, c'est-à-dire à considérer le jury comme partie intégrante du tribunal. Vous contraindriez ensuite le législateur, et peut-être le Conseil d'Etat, à se demander comment il va pouvoir appliquer de manière concurrente cet article, le nouvel article 137, qui garantirait le jury, et l'article 132, qui oblige notre république à faire élire tous les juges par le peuple. Vous m'expliquerez, Monsieur Losio, comment vous ferez élire des jurés par le peuple lorsqu'ils devront, pour être conformes au droit fédéral, être considérés comme des magistrats !

Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à rejeter cet amendement.

M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, vous allez voter sur un problème très important, puisqu'il s'agit de la suppression d'une institution bicentenaire - ce qui n'est pas rien - institution qui permet un fonctionnement démocratique de la justice. Or je pense qu'aujourd'hui toute la lumière n'a pas été faite au vu des derniers propos du rapporteur sur les tenants et aboutissants de la suppression du jury en correctionnelle et en cour d'assises. Cela étant, afin d'éclairer encore les députés que nous sommes sur les problèmes qui se poseront si nous devions arriver à un vote négatif, c'est-à-dire en faveur de la suppression du jury, l'UDC pense qu'il faudrait renvoyer ce projet de loi en commission pour entendre à nouveau certains partenaires, notamment l'Ordre des avocats, d'autant plus que le projet de Justice 2010 n'a pas encore abouti. Pour tous ces motifs, l'UDC demande le renvoi de ce projet de loi en commission.

Le président. Peuvent s'exprimer sur ce renvoi en commission le rapporteur et le Conseil d'Etat.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le renvoi en commission ne servirait de toute évidence à rien, parce que votre commission Justice 2011 a fort bien travaillé et a entendu à réitérées reprises tous les partenaires possibles. A un moment donné, il faut trancher ! Ce moment est arrivé. Votre Grand Conseil connaît l'ensemble de la situation, il lui appartiendra dès lors de prendre sa décision.

Le renvoi en commission ne sert à rien et pose un problème particulier, c'est qu'il faut que le peuple vote ! Or, s'il y a un renvoi en commission, on n'arrivera pas à faire voter le peuple dans des délais raisonnables. Par conséquent, la suite de l'opération, qui est la mise en oeuvre légale de cette constitution - de quelque constitution que ce soit - serait extrêmement problématique.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc nous prononcer sur cette demande de renvoi à la commission ad hoc.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10327 à la commission ad hoc Justice 2011 est rejeté par 68 non contre 6 oui.

Le président. Nous revenons maintenant à la demande d'amendement. La parole est à M. Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Je réponds brièvement à M. Jornot - Maître Jornot - concernant l'élection du jury par le peuple. J'aimerais seulement, très «basiquement» et sans base légale, vous donner un exemple: lorsque ce Grand Conseil élit des membres dans les conseils d'administration, c'est bien par suprême délégation de la population. Nous pourrions donc très bien, pour parer à cet article, faire simplement en sorte - peut-être à huis clos, afin que les noms ne soient pas divulgués - d'élire, sur la base d'une liste, ces jurés pour le procès qu'ils devraient juger.

Donc - encore une fois - il y a des solutions ! Mais je crois que, ce soir, la majorité de ce Grand Conseil, représentée par son rapporteur, a plutôt combattu l'idéologie du jury populaire, et non pas les arguments vraiment juridiques. Des arguments ont été utilisés, mais, selon que l'on défend l'agresseur ou l'agressé, comme on le sait bien lorsqu'on est avocat - et c'est là le fondement de leur profession - l'utilisation des articles et l'interprétation de la loi sont très divergentes !

En conclusion, je le répète: laissons les bavards bavarder, les juges juger, et nous verrons bien si le peuple veut maintenir le jury populaire. Ensuite, le Tribunal fédéral tranchera et nous saurons enfin si c'est légal ou non.

M. Michel Halpérin (L). Monsieur le président, je me suis posé la même question que M. Jornot à propos de l'amendement, c'est-à-dire s'il était de principe uniquement ou s'il devait entrer dans le détail. Je pense que ce que M. Jornot a appelé le détail du deuxième alinéa, qui précise ce que serait la composition d'un tribunal criminel de première instance, puis d'un tribunal criminel d'appel, est utile dans la constitution, parce que cela permettrait à la population de savoir exactement sur quoi on lui demande de voter et que nous ne serions pas ensuite, au cas où la population soutiendrait l'idée d'un jury populaire, en train d'avoir à réfléchir à la forme ou à l'interprétation qu'il aurait lieu d'y donner. On pouvait certes imaginer d'autres formules, mais, à partir du moment où la commission n'avait pas retenu, à l'issue de ses travaux, l'option du jury, il fallait bien que les rédacteurs de l'amendement imaginent eux-mêmes une solution. C'est ce qu'a fait M. Losio.

Je trouve que cette solution a du sens. D'abord parce qu'elle propose une composition différente, avec un nombre plus élevé de jurés en appel, ce qui donne cette légitimité permettant au deuxième jury de revoir le travail du premier. Je rappelle que cela arrive déjà maintenant: lorsque l'arrêt d'une cour d'assises est cassé, l'affaire retourne dans une autre cour d'assises avec un autre jury. Ce n'est donc pas une véritable innovation, et je ne vois personnellement aucune complication technique particulière sur ce sujet.

Avant de me rasseoir, Monsieur le président, je voudrais suggérer que nous votions par appel nominal.

Le président. Etes-vous soutenu pour l'appel nominal ? (De nombreuses mains se lèvent.) Vous êtes largement soutenu, Monsieur le député !

La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur l'amendement de M. Losio. Le voici: «1. L'institution du jury est garantie pour les infractions relevant du Tribunal criminel et du Tribunal criminel d'appel, sauf en ce qui concerne les tribunaux chargés de connaître des infractions commises par des mineurs. 2. Le Tribunal criminel est composé de neuf jurés et de trois juges de carrière; le Tribunal criminel d'appel est composé de douze jurés et de trois juges de carrière. 3. Les jurés sont pris parmi les citoyennes et citoyens suisses, âgé(e)s de plus de 25 ans et de moins de 65 ans, domiciliés dans le canton de Genève.»

Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 53 non contre 19 oui et 6 abstentions.

Appel nominal

Mis aux voix, l'article 137 (abrogé) est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Troisième débat

La loi 10327 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10327 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 59 oui contre 6 non et 12 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 10327

R 575
Proposition de résolution de Mme et MM. Michel Halpérin, Claude Aubert, Ivan Slatkine, Pierre Weiss, Alberto Velasco, Mario Cavaleri, Frédéric Hohl, Fabiano Forte, Gilbert Catelain, Sandra Borgeaud : Bienvenue à l'Assemblée Constituante

Débat

Le président. Nous sommes en catégorie III. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Silence, s'il vous plaît... La parole est à M. Halpérin.

M. Michel Halpérin (L). Monsieur le président, pardon d'abuser ce soir de la patience de cette assemblée. Mais comme je suis l'un des auteurs de cette proposition de résolution, il m'appartient de la développer en quelques mots. Tout le monde en aura compris le sens à sa lecture. Nous proposons que ce Grand Conseil invite l'Assemblée constituante à siéger lors de ses séances plénières dans la salle du Grand Conseil, à l'Hôtel de Ville.

Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition est faite parce que, depuis plusieurs semaines, nous entendons la république bruire de toutes sortes de propos étonnants sur le fait que les membres de l'Assemblée constituante ne montreraient pas assez de courtoisie à l'égard de ce Grand Conseil en lui demandant - courtoisement - l'hospitalité. On entend aussi, du côté de ce Grand Conseil, des gens s'étonner de ce que les constituants, une autre assemblée, aient la prétention de venir poser leur auguste postérieur dans nos fauteuils somptueux.

Mesdames et Messieurs les députés, tout cela relève du malentendu. Cela relève, à la rigueur extrême - mais je ne veux même pas imaginer cette hypothèse - de la mauvaise humeur de certains élus à l'idée que d'autres puissent être aussi élus. Comme nous ne sommes pas de cette trempe-là, je vous propose au contraire de montrer le sens de l'hospitalité qui nous caractérise, et qui, d'ailleurs, est une hospitalité à la genevoise, parce que le premier considérant qui a animé les auteurs de ce texte est un considérant d'économie.

Mesdames et Messieurs les députés, dans cette salle siège, outre notre noble assemblée, le Conseil municipal de la Ville de Genève. Il est donc vrai que, à peu près quatre jours par mois, cette salle est occupée. Cela la laisse vacante vingt-six autres jours. Il me semble de bonne économie de faire en sorte que, certains de ces autres jours, elle puisse être affectée aux travaux de la Constituante, plutôt que d'envoyer cette dernière, à grands frais, siéger dans d'autres salles qui seraient mises à sa disposition.

J'ajoute que nous sommes équipés pour cela, puisque nous disposons de tableaux électroniques qui permettent de compter les voix, d'un matériel pour enregistrer les débats, et même, lorsque les conflits avec Léman Bleu seront résolus, de caméras qui permettraient au public d'assister aux travaux de son Assemblée constituante.

Enfin - comme vous le savez, je mets toujours l'essentiel ailleurs que dans le détail pratique - je trouve que notre assemblée s'honorerait en saluant avec cordialité cette Constituante nouvelle et en lui offrant l'hospitalité, qu'elle l'ait demandée formellement ou non. Je vous remercie de réserver bon accueil à cette résolution. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je vais un peu tempérer l'hospitalité genevoise de mon prédécesseur... (Commentaires.) ...pour les raisons suivantes. J'ai été appelé à remplacer mon collègue, à la commission des finances, lorsque nous avons auditionné une délégation du Bureau de la Constituante. Le spectacle auquel nous avons assisté était affligeant ! Affligeant ! Laissez-moi vous donner brièvement quelques détails.

Nous devions auditionner la benjamine, la présidente de la Constituante, qui est une fille vraiment top: elle a été concise, claire et extrêmement professionnelle, malgré son jeune âge; je lui rends hommage ce soir. Mais nous avons eu affaire à un combat de coqs, de politicards, qui se croient, en tant que constituants, être revenus au Grand Conseil... (Brouhaha.) ...et qui ont déplacé les chaises autour de la table pour ne pas se trouver derrière la présidente nommée pour la Constituante. C'est affligeant, Mesdames et Messieurs les députés ! Un autre constituant est venu nous dire: «C'est la dernière fois que vous nous convoquez ! La prochaine fois, vous nous inviterez !» On lui a répondu très modestement que la commission des finances convoque le procureur général, convoque les conseillers d'Etat, et que ce «phrasage» n'était tout simplement pas digne des nouveaux élus constituants.

Alors non, Mesdames et Messieurs les députés ! Le MCG va s'opposer à ce que la Constituante siège ici, parce que nous avons peur ! Nous avons peur que cela dégénère comme certains débats... (Exclamations.) Comme certains débats ! Et je sais que vous allez me soutenir ! (Applaudissements.) Merci ! Parce que nous avons peur que cela dégénère comme certains débats dans ce Grand Conseil et que la présence des caméras de Léman Bleu puisse donner des idées à d'anciens élus revenus pas la petite porte ! (Brouhaha.)

Le président. Silence, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Je sais que vous allez me soutenir sur cet aspect des choses. C'est pour cette raison que, si nous voulons, nous autres députés, que les constituants, dans quatre ans, nous fournissent un texte qui soit «votable» pour les citoyens, ils doivent siéger ailleurs, travailler en sérénité. (Brouhaha.) Il y a assez de salles, comme à l'université - on demandera à M. Weiss un prix de faveur ou une invitation - où ils pourront siéger et se réunir en commissions. Donc, le MCG s'opposera à ce que la Constituante, outre l'assermentation que ses membres vont faire, siège dans la salle du Grand Conseil. Merci !

Une voix. Bravo !

M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.)

Le président. Silence, s'il vous plaît !

M. Stéphane Florey. Pour pouvoir disposer de l'une des salles de l'Hôtel de Ville, y compris la salle du Grand Conseil, l'usage plusieurs fois séculaire veut qu'il faille en faire la demande formelle, par écrit, au Bureau du Grand Conseil, qui statue sur la requête. L'UDC étant très attachée aux us et coutumes qui font le charme de notre république, notre groupe n'entrera pas en matière, refusera cette résolution et vous invite à faire de même.

M. Christian Bavarel (Ve). Je pense que le sujet n'est pas forcément essentiel, mais symboliquement important. Le groupe des Verts estime qu'il appartient aux constituants de choisir où ils veulent siéger. Des propositions ont été soumises et j'aimerais porter votre réflexion sur le fait que les constituants doivent produire ensemble un seul texte. Etes-vous sûrs, Mesdames et Messieurs les députés, vous qui «pratiquez» tous cette salle depuis un certains temps, que cette disposition, face-à-face, les uns contre les autres, soit la meilleure manière d'accoucher d'un texte fédérateur, celui de la constitution ? Ne pensez-vous pas que la disposition d'un seul micro, où un orateur irait s'exprimer, éviterait peut-être les prises de bec dont nous sommes coutumiers ? Je ne suis pas sûr, très honnêtement, que cette salle soit la plus appropriée pour faire un travail serein et en profondeur tel qu'on le demande à la Constituante.

La Constituante est bel et bien un organe cantonal. Donc, dans ce sens-là, il n'y a pas de problème de lieu. Vous savez que je suis déjà plus réticent quant au fait de siéger dans la même salle que le Conseil municipal. J'ai toujours demandé si le Conseil municipal de la Ville de Berne siégeait au Palais fédéral; il semblerait que non. La question qui se pose aujourd'hui dans ce canton... (Exclamations.)

Le président. Silence, s'il vous plaît !

M. Christian Bavarel. Voici la question qui se pose aujourd'hui. Les salles, il y en a de multiples. Celle-ci, effectivement, est une salle solennelle, et je ne suis pas du tout gêné qu'elle soit utilisée pour des prestations de serment, pour des gens qui vont venir une fois dans leur vie dans un endroit qui doit marquer quelque chose d'important. Mais je ne suis pas sûr que ce soit la salle qu'il faille utiliser pour les tirages au sort d'un loto ou de l'Eurofoot, comme on a pu le voir. A la Constituante, nous sommes plutôt réticents, c'est pourquoi nous ne suivrons pas cette proposition.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, je fais partie de ceux qui, dès le départ, ont tenté de trouver des solutions pour permettre que les travaux de la Constituante puissent se dérouler dignement. Il y avait bien entendu de la part de certains constituants une volonté de grandeur, ou en tout cas une volonté de reconnaissance de leur grandeur, et on aurait pu imaginer qu'ils en fussent arrivés au point de vouloir siéger pendant quatre ans dans la cathédrale Saint-Pierre ! Mais, cela relevant probablement du fantasme - qui n'a pas tenu longtemps - la réalité est revenue. Et dans cette réalité revenue, il y avait évidemment d'autres solutions qui auraient pu être imaginées, dès lors que cette salle leur aurait été refusée.

Par exemple, il y avait la possibilité de siéger dans l'aula, que certains d'entre nous avons connu, du premier étage de l'université. C'est une salle digne, dans laquelle il y a une tribune pour le public, dans laquelle, aussi, il y a la possibilité de se déplacer devant un micro pour y présenter dignement les vues des uns et des autres et qui, enfin, permettrait, ou aurait l'avantage de ne pas - j'allais dire «singer», mais non - de ne pas imiter le comportement parfois exagéré, voire «histrionesque» que l'on trouve chez certains dans cette salle.

Mais il n'en demeure pas moins que ç'aurait été une deuxième bonne solution et qu'il y en avait une première; une première bonne solution pour deux raisons. D'abord parce qu'il convient, je crois, de traiter avec cette espèce d'hospitalité à la genevoise, une hospitalité parfois un peu pingre, ceux que le peuple a élus; c'est une raison de ne pas augmenter les dépenses par des locations ou des recherches coûteuses de salles. Et puis, il y a évidemment le fait que, pendant quatre ans, ceux qui détermineront le futur de nos institutions méritent, je crois, d'être considérés par nous comme nos égaux. Raison pour laquelle, donc, cette salle me semble s'imposer. Et rien ne s'oppose, en faisant abstraction de l'ordonnancement gauche/droite partisan, à ce que siègent les membres de la Constituante dans cette salle en fer à cheval.

Evidemment, comme je parle d'économies, je ne peux pas ne pas revenir sur ce qu'a dit l'un des membres de ce Grand Conseil il y a un moment. Il est vrai que, à la commission des finances, des déclarations pour le moins stupéfiantes ont été faites, montrant, de la part d'un ancien membre de la commission des finances, membre d'un parti aujourd'hui exclu de ce Grand Conseil et par ailleurs professeur de mathématiques à la retraite, une conception... (Rires.) Mais je ne veux pas aller plus loin dans le dévoilement de l'identité de celui qui s'est exprimé, tant est grand le serment de confidentialité de nos débats !

Donc, cet ancien député du Grand Conseil, par ailleurs ancien professeur de mathématiques, membre d'un parti aujourd'hui défunt ou, disons, dans un état de coma profond... (Brouhaha.) ...a fait une addition, plus exactement une espèce de tentative d'imaginer le budget pour la Constituante - et je vous la livre: les constituants sont quatre-vingts; nous sommes cent. Nous avons un budget de plusieurs millions; eh bien, il fallait simplement que la Constituante ait le quatre-vingt pourcent du budget du Grand Conseil... Une petite règle de trois qui m'a semblé, de la part d'un esprit que je considérais comme intelligent...

Le président. Il faut terminer ! Cela fait déjà quatre minutes que vous vous exprimez, Monsieur le député.

M. Pierre Weiss. Est-ce que je peux intervenir une deuxième fois, éventuellement ?

Des voix. Non !

D'autres voix. Mais oui !

Le président. On vous laisse trente secondes.

M. Pierre Weiss. Alors je vais me débrouiller pour vous dire l'essentiel dans les trente secondes. De la part de ce constituant, cela me semblait totalement déraisonnable. En revanche, il est raisonnable, aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir cette proposition de résolution. C'est le respect que nous devons aux élus du peuple. Je vous en remercie.

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, certes, plusieurs d'entre vous ont été probablement vexés lors de la première séance de la Constituante dans cette salle, où certains élus ont affirmé qu'ils devaient venir là en priorité, etc. Chers collègues, des membres de tous les partis siègent dans cette Constituante; nous devons être fiers de cette Constituante. La salle, cela été répété plusieurs fois, est utilisée quatre jours par mois. Alors, on va peut-être mettre un ordre de priorité. En premier le Grand Conseil, ensuite toutes les manifestations de l'Etat, puis le Conseil municipal; et, à la fin, quand il reste des plages libres, aucun problème, montrons que nous avons le sens de l'accueil à l'égard nos collègues de la Constituante: accueillons-les ! Merci beaucoup. Nous allons bien évidemment soutenir cette résolution.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, mais qui sommes-nous ?! Qui sommes-nous pour nous arroger de tels pouvoirs ?! Certes, nous convoquons les conseillers d'Etats... Alors, «Les constituants, eh bien, ils attendront !»... Non, Mesdames et Messieurs les députés ! Avec le groupe socialiste, en toute humilité, nous vous dirons qu'ils sont bien sûr les bienvenus, pour autant qu'ils le souhaitent - c'est à eux de le décider - et que, bien évidemment, cela ne perturbe en rien les travaux de notre Grand Conseil. En cela, nous faisons confiance au Bureau pour organiser les choses.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci de cette confiance, Madame la députée. La parole est à M. Barazzone.

M. Guillaume Barazzone (PDC). Madame Torracinta, vous m'avez enlevé les mots de la bouche ! Plus que les questions d'intendance, de pratiques, de budget, ce dont nous devons parler ce soir, ce sont des principes. Rappelons-nous que cette assemblée a voté la loi qui a institué l'Assemblée constituante - le peuple nous a suivis. L'Assemblée constituante, rappelons-le aussi, va définir les principes directeurs de notre république et l'organisation de nos institutions pour les prochaines années, c'est une assemblée parlementaire ! Quoi de plus normal qu'elle siège dans un parlement, si elle le souhaite ?

Quand on parle d'hospitalité et d'accueil, je crois que ces mots sont en trop ce soir, puisque nous n'avons pas à accueillir des gens qui ont tout autant de droits que nous de décider s'ils veulent siéger ici, si, bien évidemment, c'est leur souhait. Donc, je propose que, tout naturellement, l'ensemble de ce parlement invite l'Assemblée constituante, pour autant qu'elle le désire, à venir siéger ici.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, pour avoir eu l'honneur, il y a deux ans, de faire partie du Bureau, j'ai le souvenir d'avoir été invitée par le Conseil municipal, qui était sous la présidence de l'un de nos collègues ici présents. J'aimerais seulement vous faire une petite piqûre de rappel, puisque je semble être la seule à avoir retenu la leçon d'histoire. J'ai en mémoire que c'est le Conseil municipal de la Ville de Genève qui a siégé en premier dans cette salle: avant le Grand Conseil ! Visiblement, vous l'avez tous oublié; moi pas. (Exclamations.) Donc, on ne peut pas établir un ordre de priorité.

Maintenant, j'aimerais ajouter que si j'ai cosigné cette résolution, c'est parce que... (Brouhaha.) S'il vous plaît... Merci ! Je ne vous ai pas interrompus, moi... J'ai été gentille ! (Commentaires.)

Le président. Continuez, s'il vous plaît ! (Brouhaha.)

Mme Sandra Borgeaud. Moi, je n'ai interrompu personne... S'il vous plaît, soyez sympas !

Le président. Oui, mais allez-y, je vous en prie !

Mme Sandra Borgeaud. Merci ! J'ai signé cette résolution parce que j'estime que cette salle ne nous appartient pas. Nous avons le privilège et l'honneur - accordés par notre peuple - d'être élus et d'avoir l'opportunité de siéger dans cette salle; elle ne nous appartient pas, à nous, spécifiquement - effectivement, le Municipal y siège. Et, en ce qui me concerne, je ne vois pas en quoi cela dérangerait que les constituants le fassent également.

D'autre part, pour les raisons évoquées tout à l'heure, si l'on veut prôner l'économie et faire des économies, il faut travailler intelligemment et être cohérents. Donc, à partir de là, il faut rentabiliser cette salle, vide vingt-six jours par mois, en laissant siéger ici les constituants. Comme nous sommes des députés polis, éduqués, ayant du savoir-vivre, nous nous devons de leur souhaiter la bienvenue dans cette salle.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, deux précisions. En premier lieu, la gestion des biens de l'Etat est affaire d'exécutif; le DCTI est en charge de gérer les biens immobiliers et le service de la gérance, plus particulièrement - de s'assurer qu'ils soient chauffés, balayés, entretenus, réparés et mis à la disposition de leurs utilisateurs. Il en va ainsi de tous les locaux de l'Etat, y compris de cette salle. Je rappelle simplement comment les choses se passent.

En second lieu, il va de soi que cette salle vous est à ce point dédiée, est à ce point un symbole important pour vous, que le Conseil d'Etat suivra la décision que vous allez prendre par le biais de cette résolution.

Mise aux voix, la résolution 575 est adoptée par 42 oui contre 18 non et 9 abstentions.

Résolution 575

PL 10149-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat attribuant un mandat de prestations 2008-2009 à l'Hospice général

Premier débat

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il y a peu à dire, en tout cas pour le moment. Ou, plus exactement, il n'y a que la moitié à dire, puisque ce mandat de prestations porte sur les années 2008 et 2009 et que nous en sommes déjà à 2009. Donc, concentrons-nous sur l'année 2009 et ratifions ce qui s'est passé pour 2008.

J'aimerais tout d'abord remercier notre collègue, Mme Captyn. A la commission des affaires sociales, elle a établi, à l'intention de la commission des finances, un préavis qui concluait à ce que ce projet de loi 10149 fût accepté. Il l'a été par une majorité de la commission des finances, par 9 voix contre 2 - 2 voix socialistes, et mon collègue, M. Charbonnier, vous expliquera d'abondance, je l'espère, le sens de l'opposition. Ce projet de loi a été accepté, notamment après une modification de l'article 2, alinéa 3, lettre b), qui a été rendue identique à la lettre a) du même alinéa. C'est-à-dire, en clair, qu'il s'agissait de rendre les dépenses égales pour les deux années 2008 et 2009.

Il est entendu que cette modification formelle quant au montant des dépenses pour l'Hospice général pouvait être - y compris ce soir - modifiée, qu'il ne s'agit évidemment pas pour ledit Hospice d'une obligation de dépense et que cette modification est motivée par deux raisons, en tout cas au moment du vote. La première raison est l'évolution favorable du nombre de bénéficiaires de l'Hospice général, c'est-à-dire leur diminution. Et même si l'on en venait à contester cette première motivation de l'amendement, il resterait la seconde.

En effet, des avances AI, des avances au titre de l'assurance-invalidité, ont dû être consenties par l'Hospice général dans le passé en raison d'un fonctionnement pas toujours optimal de l'office cantonal de l'assurance-invalidité. Or, cette raison a disparu du fait de l'amélioration. précisément, du fonctionnement de la maison des assurances sociales de notre canton que constitue l'OCAI, dans le conseil d'administration duquel certains, y compris votre serviteur, ont l'honneur de siéger. C'est la raison pour laquelle nous pouvons aujourd'hui penser que le montant prévu pour l'année 2008 - mais pour l'année 2009 surtout - est suffisant afin que l'Hospice général puisse accomplir à satisfaction sa tâche.

Si tel ne devait pas être le cas ce soir, comme il l'a été dit en séance, le Conseil d'Etat peut toujours proposer un amendement qui serait fonction de l'évolution des demandes de prestations de l'Hospice, ce qui évite de faire courir tout risque aux bénéficiaires. Car il va de soi que les députés membres de la commission des finances qui ont accepté l'amendement auquel j'ai fait allusion sont tous convaincus - et ils l'ont été par les explications données - qu'il n'y a, en ce qui concerne les bénéficiaires de prestations de l'Hospice, aucun risque, aucune diminution de prestations: toute la loi, dans sa juste générosité, sera appliquée en leur faveur, rien n'est mis en péril.

C'est la raison pour laquelle, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'abord d'entrer en matière sur ce projet de loi, de le prendre en considération, et de l'accepter tel que ressorti des débats de la commission des finances.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Pour le groupe socialiste, il y a deux raisons de s'opposer à ce projet de loi concernant le mandat octroyé à l'Hospice général, mais ce n'est pas du tout contre l'Hospice général en tant qu'institution que le groupe socialiste a voté non en commission des finances.

En commission des affaires sociales, notre groupe s'est abstenu principalement en raison des indicateurs fournis par cette institution. En effet, dans le domaine social, les indicateurs posent quand même de grosses difficultés: ils sont maigrement détaillés dans ce mandat de prestations, avec, comme on l'avait d'ailleurs relevé pour l'Hôpital cantonal, très peu d'objectifs... Mais heureusement ! Car, dans ce secteur, fixer des objectifs à une institution qui assure des prestations régies par la loi paraît tout de même être très difficile; du reste, les syndicats l'ont relevé lors de leur audition et dans le courrier qu'ils ont adressé à la commission. Dans le domaine social, il n'y a pas moins de quatre facteurs qui interviennent quant aux objectifs et aux indicateurs: il y a évidemment la responsabilité des professionnels, celle de l'institution, celle des usagers, et surtout - surtout ! - il y a le contexte économique et social dans lequel évoluent les usagers. Je vais y revenir.

Après ce préavis, sur lequel le groupe socialiste s'est abstenu en commission des affaires sociales, l'affaire est venue devant la commission des finances, où la majorité s'est permis - mon préopinant, rapporteur de majorité, l'a rappelé - de réduire la subvention de l'Etat pour les bénéficiaires de l'assistance publique, du RMCAS et de l'aide aux requérants d'asile. De cette façon, elle a diminué cette subvention de plus de 7 millions. Evidemment, c'est symbolique, c'est bien clair, puisque des lois régissent ces prestations et que des droits sont donnés aux personnes qui remplissent les critères en vue d'obtenir l'aide sociale, le RMCAS ou d'autres aides relatives à l'asile.

Maintenant, c'est aussi un signal que l'on donne... Quand j'entends que, en même temps, le groupe libéral - une majorité de ce Grand Conseil aussi - se permet d'augmenter la subvention à l'Université, se permet encore de proposer de hausser la subvention à l'Institut des hautes études internationales et autres, eh bien, il y a de quoi... (Commentaires.) Il y a de quoi... (Remarque.) Il y a de quoi ! (L'orateur est interpellé.) «Cela n'a pas été accepté par la majorité du Grand Conseil, malheureusement», dit le rapporteur de majorité... Mais on voit bien l'état d'esprit de ces personnes !

En haute conjoncture, je dis: «en haute conjoncture économique», en ce qui concerne des sommes qui n'ont pas été proposées par des gauchistes, puisque c'est le département qui le fait, et sur des sommes approuvées par la direction de l'Hospice général - qui n'est pas un nid de gauchistes non plus, je le rappelle ! - les membres de la majorité de la commission des finances se permettent de dire: «Ouh ! là là ! non, c'est trop ! Puisque nous sommes dans un bon contexte économique, alors allons-y, «râpons» 7 millions sur cette subvention» ! Eh bien, même si c'est symbolique, je trouve que c'est scandaleux !

Et le scandale se poursuit, puisque ces grands défenseurs de l'économie - ces grands «prévoyeurs» de l'économie ! - produisent le 5 mai 2008 un rapport, arguant de l'évolution favorable de l'économie et de la baisse - pour la première fois depuis dix-sept ans - du nombre de bénéficiaires de l'Hospice général... Mais c'est tout faux aujourd'hui, car il y a un fait nouveau ! Même si je crois que certains indicateurs montraient, en mai 2008 déjà, qu'il y avait quelques troubles dans l'économie ! Et comme je ne suis pas un expert, je me réfère aux spécialistes d'en face... Eux nous ont promis ceci: «Tout va très bien, on peut diminuer ce montant de 7 millions.» Aujourd'hui, on se rend bien compte que c'est une fausse piste et qu'ils se sont trompés, une fois de plus ! La crise atteint notre pays, elle va certainement le frapper en 2009; il n'y a donc aucune raison - mais aucune ! - de donner à la population le signal que, d'ici à ce que la crise s'installe, on va diminuer ainsi l'aide sociale ou, en tout cas, la subvention prévue pour l'année 2009. M. le rapporteur de majorité l'a relevé: c'est une autorisation de dépenser ! Mais c'est aussi un signal - c'est aussi symbolique - et il est totalement scandaleux de fixer aujourd'hui, à mi-janvier 2009, les choses pour 2009 ! Même s'il s'agit de 50%, même si 2008 est derrière et que ce mandat de prestations se réfère aussi à 2008, on n'est qu'au début de 2009 !

Il faut par conséquent que l'on montre ici, dans ce parlement, un signal clair: le signal que nous soutenons la population qui sera précarisée. Parce que des licenciements ont déjà lieu à Genève même ! Chez Charmilles Technologies SA, par exemple ! Ailleurs aussi ! Et le RMCAS accueillera certainement de nouveaux bénéficiaires, malgré la toute belle loi sur le chômage que vous avez votée, et que le peuple a votée il y a un peu plus d'une année. Concernant les personnes en situation précaire - les journaux nous l'affirment, les analystes nous le montrent, même l'économie le reconnaît... donc les maîtres de l'économie qui savent si bien prédire l'avenir... - eh bien, on prévoit que cette année sera difficile pour ces elles ! C'est pourquoi diminuer de 7 millions cette subvention 2009 destinée à l'Hospice général, pour des personnes nécessitant des prestations, serait un signal très négatif à la population ! Par ailleurs, les indicateurs...

Le président. Il faut conclure, Monsieur le député !

M. Alain Charbonnier. Il est incroyable de pouvoir communiquer des indicateurs sans préciser les objectifs ! Pourtant, ce n'est certainement pas par hasard; ces objectifs sont effectivement très difficiles à définir dans un domaine comme celui des prestations sociales.

Il reste tout de même un côté positif de ce mandat de prestations, c'est la création d'une fondation de droit public pour gérer les biens immobiliers. Il s'agit d'un premier pas vers l'évolution des statuts de l'Hospice général, que nous, groupe socialiste, approuvons pleinement, mais que, évidemment, la majorité de la commission - en tout cas une partie - désapprouve grandement ! Or, en ce qui concerne le mandat de prestations, elle s'est faite toute petite sur ce chapitre - on y reviendra tout à l'heure avec le point suivant - alors que cela fait partie intégrante du mandat. D'ailleurs, c'est étonnant que des gens s'opposent de cette façon...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député !

M. Alain Charbonnier. Je finis, Monsieur le président ! Eh bien, en commission sociale, le groupe libéral s'est opposé au préavis, et tout à coup, pour d'autres raisons, il l'accepte !

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes face à un mandat de prestations qui est d'importance pour notre canton. On pourrait essayer, à un certain moment, de se dire: «Si l'on votait non, peut-être que l'on pourrait supprimer l'Hospice général»... Or un projet de loi socialiste nous fait une proposition plus intéressante et mieux conçue.

La technique consistant à réduire la somme prévue par le Conseil d'Etat est très surprenante. On sait pourtant que l'argent que l'Hospice général dépensera est garanti par la constitution. Donc, nous avons maintenant un problème d'interprétation comptable et il convient de se demander: voulons-nous un budget qui est faux, parce que cela nous arrange pour avoir des chiffres plus confortables ? Mais vous savez tous que si les dépenses sont supérieures aux chiffres donnés par l'Hospice général, nous devrons les couvrir... Ainsi, on s'est retrouvé un peu coincé par la manoeuvre du groupe libéral consistant à réduire la somme concernée. Les Verts se sont donc abstenus en commission.

Nous allons vous écouter très attentivement. Bien évidemment, nous ne souhaitons pas que prennent fin les tâches remplies par l'Hospice général. Nous verrons, au fur et à mesure de ce débat, quelle sera la position qui en découlera, mais il est vrai que nous trouvons totalement ridicule d'avoir coupé cette somme.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, j'ai entendu le rapporteur de majorité, il a une rhétorique extraordinaire car il arrive toujours à tout expliquer. Voilà pourquoi, Monsieur le président, chers collègues, j'aimerais que ce soit le chef du département qui nous expose la raison pour laquelle il a déposé ce projet de loi avec des budgets différenciés entre une année et une autre. Je suis en effet convaincu que les personnes, les fonctionnaires qui ont établi ce budget, ne l'ont pas fait à la «olé olé»; c'est-à-dire qu'il correspond à des nécessités concrètes.

Ou alors, cher collègue rapporteur de majorité, vous deviez posséder des informations que nous n'avions pas ! Peut-être saviez-vous que les 7 millions supplémentaires n'étaient pas nécessaires. Ayant scrupuleusement analysé ce budget, vous avez trouvé des éléments que nous, nous n'avons pas vus. Donc, Monsieur le président du Grand Conseil, il faudrait que l'on nous en fasse part. Car il n'est pas possible de présenter une différence de 7 millions à la commission des finances et que des députés, d'un coup de crayon, barrent cela !

Et attention, ce n'est pas n'importe quoi: c'est l'Hospice ! L'Hospice, qui est chargé, de par loi, d'assurer un certain nombre de prestations. Et j'ajoute ceci: cet exercice est tellement ridicule que, au cas où l'Hospice viendrait à connaître un déficit, il est vrai que l'Etat oblige à couvrir ce dernier. C'est donc vraiment un exercice que je qualifie de purement idéologique. (Commentaires.) Vous savez très bien que nous devons couvrir le déficit de l'Hospice ! Par conséquent, vouloir lui imposer une diminution pareille est absurde !

J'ajoute que nous avons traité mercredi passé à la commission des finances - vous étiez président - un projet de loi concernant précisément une association qui se charge des handicapés et qui a vu son allocation diminuer. M. Charbonnier a justement demandé pourquoi ces chiffres avaient changé entre le début de la réalisation du projet de loi et la présentation à la commission des finances. On nous a répondu, on a compris que cela résultait de la fameuse coupe de 25 millions que vous avez effectuée dans le budget. Je veux dire par là que, effectivement, le Conseil d'Etat fait bien les choses, je trouve... (Remarque.) Oui, Monsieur le chef du département ! Vous présentez des projets de lois avec des sommes qui correspondent à des réalités et à des nécessités que vous avez détectées et auxquelles vous devez répondre, mais ce sont mes collègues de la commission des finances qui ne font pas les choses comme il le faut ! Eux coupent n'importe où et n'importe comment, sans donner d'explications, sans expertise et sans mesurer les conséquences de ce qu'ils font ! Sans mesurer les conséquences ! Et pourquoi ? Parce que demain, quand vous viendrez avec des dépassements, ces mêmes députés vont nous dire, de même qu'au directeur de l'Hospice: «Mais c'est quoi, ces dépassements ? Mais cela veut dire quoi ? Vous vous rendez compte ?!» J'en ai déjà vu - notamment M. Catelain - qui auscultent toujours les comptes pour connaître la différence entre les budgets et ces derniers... «Qu'est-ce que c'est, ces dépassements, cet élément, cette manière de dépenser ?!» Cependant, ce qu'on ne leur a pas dit, c'est que le budget avait été établi correctement, avec des dépenses correctes, mais que c'est vous qui les avez manipulées de manière, disons, idéologique. (Brouhaha.)

C'est la raison pour laquelle mon collègue Charbonnier a eu raison de déposer cet amendement. Pour nous, ce dernier est effectivement important, quoi qu'il arrive par la suite. Et vous savez que, avec la crise qui s'approche, l'Hospice connaîtra vraiment un engagement important. Par conséquent, en connaissance de cause - en connaissance de cause, Monsieur le rapporteur de majorité ! - vous devriez accepter que l'on revienne au chiffre initial, puisque l'on sait très bien aujourd'hui l'amplitude de la crise et les nécessités auxquelles l'Hospice devra répondre.

Monsieur le président, il est évident que nous allons appuyer l'amendement de mon collègue. Et je souhaite que M. le rapporteur de majorité, M. Weiss, qui est tout de même un homme intelligent, cultivé, qui comprend les chiffres... (Remarque de M. Pierre Weiss.) ...s'ouvre une fois à une proposition socialiste: une seule fois en quatre ans ! Vis-à-vis de la crise, ce serait très bien. Je vous y invite, Monsieur Weiss ! On attendra tout à l'heure. Et je reprendrai la parole quand il s'agira aussi de défendre cet amendement, Monsieur le président.

Le président. Doivent encore s'exprimer: MM. Catelain, Slatkine, Cavaleri, Odier, Weiss, Charbonnier, Jeanneret et Longchamp. Le Bureau clôt la liste. La parole est à M. Catelain.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC a soutenu le préavis technique en commission des affaires sociales; il a aussi soutenu ce projet de loi à la commission des finances. Il ne fait donc aucun doute qu'aujourd'hui il le soutiendra encore, ce d'autant plus que, finalement, nous n'assistons pas à une baisse du budget de l'Hospice général...

M. Alberto Velasco. Sept millions !

M. Gilbert Catelain. ...puisqu'il faut comparer sur la durée. Je ne sais pas quel était le budget de l'Hospice général à sa fondation, en 1435... (Brouhaha.) Mais, j'ai repris - M. Velasco a eu le nez fin - le rapport d'activités 2007 de l'Hospice général, page 32: «Subventions, canton de Genève». Ecoutez bien ! Pour 2003: 137 millions de francs; 2007: 255 millions; 2008-2009: 261 millions. (Brouhaha.) Ce qui veut dire que, globalement, entre 2003 et 2009, le budget de l'Hospice aura doublé grâce à la générosité des commissaires de l'Entente, de l'UDC et de la gauche !

Donc, il n'y a pas de problème de fond sur le budget de l'Hospice général; il est en progression constante, moyennant une stabilisation qui correspond à l'esprit du discours de Saint-Pierre du Conseil d'Etat, qui veut maîtriser les dépenses. Et c'est normal que tout le monde apporte sa contribution. Cette dernière est possible pour l'Hospice général: pourquoi ? Parce que, grâce à la nouvelle direction, qui a été réformée, on a pu mieux contrôler son activité et rendre efficaces les processus... Bref, l'Hospice général est devenu tout simplement plus performant ! Il n'y a donc pas de relation directe entre augmentation de subventions et augmentation de prestations.

Il y a un seul point qui devrait peut-être nous faire souci - Monsieur Charbonnier, je vais vous surprendre - c'est le domaine de l'asile. Depuis le 1er octobre, vous savez que l'on assiste dans ce pays à une arrivée massive de requérants d'asile, dont seuls 20% à 25%, grosso modo, sont compris dans le système Dublin et, par conséquent, devraient normalement être repris par les pays qui les ont enregistrés. Cela signifie que la Suisse devra bien s'occuper des 75% restants, et Genève aura sa clef de répartition. On devrait donc plutôt s'attendre à une augmentation massive de besoins dans le domaine de l'asile. Il faut dire que, depuis à peu près une ou deux semaines, la tendance est à nouveau inversée, probablement à cause de conditions météo. Cet aspect n'a apparemment pas été étudié par la commission des finances, et il faudra peut-être s'attendre à devoir mettre la main à la poche dans le courant de l'année.

Mais sur la base du contrat de prestations qui nous a été présenté par le département, le groupe UDC soutiendra cette augmentation de près de 100% en six ans.

M. Ivan Slatkine (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas intervenir sur le pour ou le contre du contrat de prestations, je crois que notre rapporteur de majorité est très clair à ce niveau-là. Mais permettez-moi, au nom du groupe libéral, de vous faire part tout de même d'une certaine retenue. Ce sera un vote positif, certes, sur ce contrat de prestations qui est cependant quelque peu dépassé, mais aujourd'hui c'est plutôt l'avenir qui nous intéresse. Or, sur les bancs d'en face, j'entends nous parler de la crise... Il me semble pourtant que c'est dans le contrat de prestations 2010-1013 qu'il faudrait se soucier de la crise, car les chiffres pour 2009 sont pratiquement connus et le contrat de prestations, tel qu'il est voté, paraît tout à fait convenable.

Toutefois, pour le parti libéral, il reste un petit problème qu'il faudrait régler concernant la gestion du parc immobilier de l'Hospice. Vous allez me dire que je mélange un peu les sujets et que j'anticipe sur le débat du prochain point, le projet de loi 10211, concernant la gestion du patrimoine immobilier de l'Hospice général, mais il nous semble que les objectifs que le PL 10211 fixe par rapport à la gestion du patrimoine immobilier de l'Hospice général pourraient tout à fait être inclus dans le contrat de prestations... Pardon: le mandat de prestations ! qui a été passé avec l'Hospice général.

Quand on nous parle d'optimisation des compétences professionnelles pour la gestion du patrimoine immobilier, il semble que c'est un objectif qui pourrait être intégré dans le contrat de prestations ! Quand on nous parle d'une lisibilité plus grande et d'un contrôle plus efficace des activités de l'Hospice général sur son patrimoine immobilier, nous estimons que tout cela pourrait faire partie du contrat de prestations ! Quand on nous parle d'une amélioration du rendement du parc immobilier de l'Hospice général, outre le fait que l'actuel conseil d'administration et le service immobilier de l'Hospice général sont en train de répondre à ces objectifs, nous estimons que nous pourrions tout à fait inclure dans le contrat de prestations ce genre d'objectifs par rapport au patrimoine immobilier de l'Hospice général. Quand on nous parle de recentrage de l'Hospice général sur ses missions premières, il faut savoir que l'histoire fait en sorte que l'Hospice général est aujourd'hui propriétaire de biens immobiliers et que, donc, en tant que propriétaire, il a l'autonomie pour gérer ses biens et que le Conseil d'Etat pourrait tout à fait définir dans le contrat de prestations les objectifs que devrait atteindre l'Hospice général en matière de rendement immobilier.

Si je vous dis tout cela, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que, avant de débattre du projet de loi 10211, il semble au parti libéral que le prochain contrat de prestations qui sera passé avec l'Hospice général et qui doit être voté rapidement, puisqu'il s'agit du contrat 2010-2013, pourrait tout à fait inclure l'ensemble de ces objectifs, car le projet de loi 10211, qui pour nous est totalement insatisfaisant, est superflu et crée une structure qui coûtera plus. Nous aimerions donc entendre le Conseil d'Etat sur cette proposition, c'est-à-dire d'inclure dans le contrat de prestations à venir les objectifs fixés pour la fondation immobilière, laquelle nous semble, comme je viens de vous le dire, superflue. Ainsi, nous aimerions bien entendre le magistrat en charge du département se prononcer sur ce point.

M. Mario Cavaleri (PDC). Je vais compléter les propos de mon préopinant. Je souhaitais tout de même rappeler que le contrat de prestations, tel que nous avons à l'examiner ce soir, a été déposé à fin 2007 - je le dis en réponse aux critiques qu'a faites le rapporteur de minorité, M. Charbonnier. On ne pouvait évidemment pas, en l'état, prévoir l'évolution de la situation économique. En cela, il a raison. Mais là où il se trompe, c'est que les effets négatifs tels qu'il les décrit se déploieront certainement d'une manière beaucoup plus violente en 2010 et les années suivantes, M. Slatkine l'a dit. (Remarque.) Et vous savez pertinemment, Monsieur le rapporteur de minorité, que si les sommes prévues dans ce contrat de prestations devaient s'avérer insatisfaisantes, insuffisantes, la garantie de l'Etat étant ce qu'elle est, le parlement y pourvoira lors de l'examen des comptes de l'Etat. Aussi n'y a-t-il, pour le groupe démocrate-chrétien, pas de souci majeur par rapport aux montants prévus dans le contrat de prestations.

Par contre, je rejoins mon collègue, M. Slatkine - mais je serai alors beaucoup plus affirmatif que lui - au sujet des objectifs visés au travers de la gestion immobilière du patrimoine de l'Hospice général. Nous trouvons, au titre II, «Prestations de l'Hospice général», article 4, page 11 du rapport de la commission des finances, une mention sur la gestion du patrimoine... Franchement, nous avons l'impression que, pour régler quelques problèmes - qui existent, et nous ne le nions pas - on sort le gros canon, la «Grosse Bertha», alors que de simples mortiers pourraient suffire... Il faut peut-être en appeler à la raison et relativiser l'importance de ce patrimoine à gérer - aussi considérable soit-il, apparemment, pour certaines et certains. Par comparaison, je vais vous donner un simple chiffre. La caisse de prévoyance des Services industriels de Genève, de la Ville de Genève et des communes, la CAP, a un patrimoine immobilier d'un peu moins d'un milliard, 980 millions, et je vous cite les chiffres à fin 2007. Mais ce qui est plus intéressant, au-delà de la valeur, c'est surtout le volume: 3570 logements ! Je ne vous parle pas des arcades, des bureaux, ils sont d'une moindre importance, c'est simplement pour imager le propos.

Il ne faut pas se leurrer ! Ce patrimoine est tout à fait appréhendable ! On peut tout à fait bien le gérer dans la structure actuelle ! Autrement, il faudrait que le Conseil d'Etat ait le courage d'aller jusqu'au bout de cette même logique pour les patrimoines de la CIA, Caisse de prévoyance des enseignants et du personnel de l'administration cantonale, et de la CEH, Caisse de prévoyance du personnel des établissements médicaux. Il faudrait alors confier la gestion de leur patrimoine à des fondations indépendantes des comités de gestion ?! Soyons sérieux ! Nous savons que ces institutions doivent s'occuper de la gestion des fonds récoltés au titre de cotisations...

Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député !

M. Mario Cavaleri. ...à deux tiers par l'Etat et un tiers par les assurés, pour garantir les rentes futures. Et pour garantir ces rentes futures, il y a un patrimoine, lequel doit produire de l'argent ! Et c'est la même chose à l'Hospice général ! Alors arrêtons de tenter de mauvais procès, parce qu'il y a certainement eu de «malencontreuses manipulations», c'est-à-dire que l'on n'a pas comptabilisées...

Le président. Il faut conclure, Monsieur le député !

M. Mario Cavaleri. ...dans la gestion immobilière. Mais ce n'est pas une raison pour sortir cela de la gestion de l'Hospice.

Je conclus, Monsieur le président, en disant que le groupe démocrate-chrétien peut tout à fait accepter le contrat de prestations tel quel pour 2008 et 2009. En revanche, il est inacceptable d'entrer en matière sur le projet de loi qui vise à instituer une fondation, et la question devra être reprise dans le cadre du contrat de prestations qui suivra celui dont il est question ce soir.

M. Jean-Marc Odier (R). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites ce soir par rapport à cet objet. Le groupe radical dira simplement: «L'Hospice général va bien.» Il va sans doute mieux qu'il y a quatre ans, cela grâce aux collaborateurs de l'Hospice général, à la direction de l'Hospice général, à sa présidence et, probablement, à la présidence du département aussi.

Je m'étonne que les partis libéral et socialiste s'accrochent par rapport à un tel objet, avec des arguments qui sont tout de même de moindre importance. Qu'un contrat de prestations soit établi pour deux ans ou quatre ans, soit, on peut ne pas être d'accord, mais je pense que cela ne justifie pas que l'on s'oppose finalement à ce contrat de prestations.

Quant au parc immobilier, je peux effectivement comprendre le parti libéral. A la commission des affaires sociales, cela a été le principal argument du parti libéral en défaveur de cet objet; il ne souhaitait pas voir le parc immobilier géré par une fondation de droit public. Je peux le comprendre, mais, somme toute, cela justifie-t-il de s'opposer en finalité à cet objet ? Je ne le pense pas. De plus, ce n'est pas un bon signe que l'on donnerait ce soir.

Pour ces raisons, je vous en prie, Mesdames et Messieurs les députés, soutenez donc ce contrat de prestations. Je suis sûr que, lors du vote, nous serons tous d'accord.

M. Claude Jeanneret (MCG). Messieurs, Mesdames, chers collègues députés, le groupe MCG va accepter ce contrat de prestations, parce que, s'il a été signé entre les partenaires, il n'y a pas de raison que nous revenions ce soir sur ce qui a été convenu.

Je sais que ces derniers temps nous avons vu pas mal de choses, ne serait-ce qu'à l'Université, dont on a augmenté de 5 millions le budget, ce qui n'était pas nécessaire. Or je dois dire ceci à mon excellent collègue, qui a dit tout à l'heure qu'il était surpris: ce sont tout de même les socialistes qui ont fait voter ce supplément de budget. Cependant, nous ne sommes pas là pour dépasser les budgets, les prestations, les conventions de prestations.

L'Hospice général a une utilité énorme dans notre république, et il est de mieux en mieux géré. En effet, nous avons vu les progrès depuis quelque temps, et je pense que l'on peut encore en faire, de même que des économies sur la gestion. Quant aux économies sur les prestations, je ne pense pas qu'elles puissent se réaliser maintenant, pas plus que, même si la crise est là, les demandes vont exploser d'un coup. En outre, ce contrat de prestations est fait pour deux ans, nous avons donc le temps de voir venir: si véritablement des gens cessent d'être au chômage et doivent être pris en charge par l'Hospice général, il sera assez tôt de voir l'année prochaine ou l'année d'après si nous devrons changer le budget. Mais, pour le moment, il a été accepté sur la base des éléments connus, travaillés, qui sont le quotidien de l'Hospice général, dès lors nous n'avons pas à mettre en doute la bonne foi de cet établissement ni celle du département. Donc, nous acceptons ce contrat de prestations.

Quant à la gestion immobilière, je crois qu'elle doit faire l'objet d'une autre étude, quelque chose de sérieux. Mais ce soir, avec ce débat qui ne s'appuie pas sur des chiffres sérieux - ni un potentiel, ni une étude qui permette de savoir quelle est la valeur réelle, la valeur potentielle, ce que l'on peut faire d'un parc - je ne pense pas que l'on puisse décider si l'on est d'accord ou non d'instituer une fondation. Il sera assez tôt d'étudier le sujet le jour où on nous le proposera.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, je crois que M. Charbonnier a eu raison, en tant que rapporteur de minorité, de relever tout à l'heure le caractère imparfait des indicateurs du contrat de prestations. Il s'agit du premier contrat de prestations, toutefois ! Et quand on commence une nouvelle ère dans la gestion des rapports entre l'Etat et les organismes qui dépendent de lui, notamment par le biais de la subvention, de l'aide financière qui leur est versée, il est normal que le premier essai soit modeste et qu'il mérite d'être amélioré par la suite. Je peux parfaitement le suivre quand il dit qu'il s'agit d'améliorer les choses; je dirais même «de les réviser», y compris, par exemple, pour les indicateurs concernant le parc immobilier du contrat de prestations, pour lequel on pourrait tout à fait imaginer que lesdits indicateurs amènent l'Hospice général à des obligations de rendement, une sécurité quant à la façon dont le parc immobilier est géré, et d'autres points encore que connaissent fort bien les spécialistes de l'immobilier. Voilà le sens dans lequel, notamment, pour les années 2010 à 2013, le contrat de prestations pourrait être modifié, à savoir une amélioration de la gestion du patrimoine.

En revanche, j'ai plus de peine à suivre le rapporteur de minorité lorsqu'il critique au passage les amendements libéraux, mais pas seulement libéraux, d'abord pour l'Université - puisque vous avez aussi soutenu une augmentation du budget pour l'Université, Monsieur Charbonnier... (Remarque.) Votre parti; ou votre fraction ! ...et, d'autre part, l'amendement concernant l'Institut des hautes études internationales et du développement, parce qu'il n'a pas vu, je crois, dans sa juste mesure, combien il s'agissait là de dépenses d'investissement pour la formation, précisément pour affronter les défis du futur à Genève. S'opposer aux dépenses en faveur des institutions d'excellence en matière de formation ne me semble personnellement pas tout à fait responsable, mais c'est un autre point, je vous laisse la responsabilité de vos propos et reviens à l'essentiel.

Le montant prévu pour 2009 est suffisant. Il l'est, compte tenu des données qui nous ont été présentées même l'an passé en commission - je l'ai dit tout à l'heure - non seulement en raison de l'évolution favorable de la gestion des avances en matière d'assurance-invalidité, mais aussi - aussi ! - pour ce qui concerne les montants qui seraient à débourser par l'Hospice général pour les victimes de la crise. Pourquoi ? Tout simplement parce que les victimes de la crise, et plutôt les premières d'entre elles, ne sont que dans la phase préliminaire de vivre dans leur chair la difficulté de l'exclusion par le chômage et que les indemnités de chômage portent sur plusieurs centaines, sur 400 jours d'indemnité, ce qui leur permet de traverser l'année 2009 sans devoir recourir aux prestations que devrait leur verser l'Hospice. Par conséquent, l'argument que vous avez développé ne me semble pas pertinent.

Au surplus, et aussi pour répondre à la deuxième critique qui a été faite par M. Velasco, il ne s'agit nullement d'une attitude psychorigide, puisque nous avons dit en commission que nous étions prêts, si le besoin était démontré par le Conseil d'Etat, à revoir les montants qui avaient été votés. Et vous voyez, Monsieur Velasco, avec quelle ouverture d'esprit nous abordons la question du montant de la subvention pour l'année 2009, si le besoin d'un montant différent devait s'avérer. A notre connaissance, ce n'est pas le cas.

Un troisième reproche a été émis concernant le côté idéologique de la coupe. Mais on ne vote pas ici des signes ! On vote des millions ! Et qu'il y ait moins de millions n'est pas un signe suffisant, me semble-t-il, pour dire que les missions de l'Hospice ne pourraient pas être remplies. Au contraire, cela n'a strictement aucun effet, dès lors que l'on peut garantir que les missions de l'Hospice sont remplies. Ainsi, si un nombre trop grand avait été prévu, on peut se contenter d'un nombre moins grand - je sais bien, Monsieur Charbonnier, que vous avez plus de peine à réfléchir dans la soustraction que dans l'addition; il est vrai que les études PISA ont montré que Genève pouvait encore faire quelques progrès, je vous encourage vivement à aller dans cette direction.

Enfin, comme cela a été relevé par mon collègue Odier, j'aimerais souligner que si nous pouvons, avec cette conviction, aller dans le sens de l'amendement qui a été adopté par la commission et du rapport tel qu'il en est sorti, c'est parce que, après des années où, concernant la gestion de l'Hospice général, on avait connu dans ce Grand Conseil...

Le président. Il vous faudra terminer, Monsieur le député !

M. Pierre Weiss. ...j'allais dire «une certaine incertitude» qui n'avait pas été évitée - et peut-être même un certain amateurisme, y compris au plus haut niveau - nous pouvons dire aujourd'hui que l'Hospice est bien dirigé, bien administré et bien surveillé, et que, par conséquent, les montants décidés seront suffisants pour lui permettre d'accomplir sa tâche.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. J'aime la cohérence à géométrie variable de M. le rapporteur de majorité ! Quand on parle des rentrées fiscales, on peut aussi citer l'amélioration du fonctionnement du département des finances... Mais non, «C'est uniquement la conjoncture économique !» Et là, quand on parle de l'assistance publique et de l'Hospice général, on entend ce discours: «Si cela va mieux, c'est grâce à l'efficience de l'Hospice général et cela n'a rien à voir avec la conjoncture économique...».

Concernant le chômage, je ne suis pas entré dans les détails tout à l'heure, parce que, en sept minutes, on a relativement peu de temps. Mais quand je parle du chômage, je parle aussi des chômeurs «de longue durée», entre guillemets, puisque vous avez - et le peuple avec - fortement raccourci la durée du chômage à Genève: d'abord, en 2005, le SECO - le Secrétariat d'Etat à l'économie - en réduisant de 500 à 420 jours; ensuite, le peuple, en supprimant les emplois temporaires cantonaux et la possibilité de trouver un deuxième délai-cadre... Eh bien, les gens qui arrivent aujourd'hui au bout de leurs indemnités de chômages et qui recherchent du travail auront encore plus de peine à en trouver avec la crise qui est en train de débuter ici ! Moi, je ne parlais pas des personnes qui entrent au chômage maintenant - et malheureusement pour elles, parce que cela va durer dix-huit mois. Or il n'est pas question de faire des calculs de ce genre, Monsieur Weiss ! Nous, nous nous refusons à faire ce genre de calculs.

M. Pierre Weiss. Eh bien voilà !

M. Alain Charbonnier. Et quand on parle de mesures en faveur de l'Hospice général, aujourd'hui c'est un signe. Eh oui, ce sont des signes, Monsieur Weiss, la politique est aussi faite de cela ! Et quand on décide de couper dans des subventions destinées à des personnes précarisées, on montre un signe à la population ! Vous faites comme vous voulez, mais, pour notre part, nous nous opposons à ce genre de pratiques.

Ensuite, concernant les avances AI, je vais à nouveau vous contredire, Monsieur Weiss. Bien sûr que l'OCAI s'est réformé ! Heureusement, d'ailleurs. Parce que s'il avait continué à fonctionné comme il y a encore deux ans, je ne sais pas où l'on en serait aujourd'hui... C'était plus que catastrophique. Aujourd'hui, il s'est quelque peu réformé, quoique... Je peux vous dire que l'on a des témoignages assez précis sur ce qui se passe à l'OCAI, ce n'est pas très fameux et il y a encore des progrès à faire. Il faut particulièrement préciser que, avec la cinquième révision, l'AI a donné un sacré tour de vis dans sur les prestations qu'elle peut distribuer, surtout - surtout ! - pour les personnes connaissant des problèmes psychiques. Et l'on sait très bien ce qui se passe avec ces derniers. Je me souviens très bien de ce que, lors d'une première séance de la commission de la santé - c'était en 2001 à Belle-Idée - le professeur Ferrero nous avait donné des statistiques, que j'ai encore à la maison - malheureusement, je ne les ai pas prises ce soir. (Remarque.) Elles ont vieilli ! Mais ce sont toujours les mêmes ! Elles se répètent, elles montrent que, à chaque hausse du chômage, il y a une forte augmentation de cas à l'assurance-invalidité, spécialement à Genève, ce qui explique en grande partie les problèmes, ici, de l'AI et des avances AI. Nous ne sommes donc, Monsieur Weiss, pas à l'abri d'une augmentation - malheureusement - de ces problèmes d'avances AI, et il ne faut pas non plus donner de signes négatifs de ce côté-là.

Certains déclarent que tout va très bien... M. Slatkine nous dit: «Tout va bien, ne vous en faites pas, ce n'est pas pour 2009, mais pour 2010»... Super, formidable ! M. Cavaleri aussi connaît tous les chiffres, il dit: «On connaît les chiffres 2009.» Alors là, je suis carrément scié ! En mai 2008, on nous disait: «La situation économique est défavorable»... Et M. Cavaleri, lui, vient nous dire: «Je connais les chiffres 2009 de l'assurance-invalidité, de l'assistance publique, etc.» C'est magnifique ! Or on ne vous croit plus ! On ne vous croit plus ! Vous avez beau interdire les manifestations, faites tout ce que vous voulez, on ne vous croit plus concernant la situation économique. (Remarque de M. Pierre Weiss.) Aussi craint-on que les gens se retrouvent de plus en plus précarisés, et on ne tient pas à montrer des signes, comme vous le faites ce soir, en coupant cette subvention.

M. Pierre Weiss. Quel est le rapport avec les manifs ?

M. Alain Charbonnier. M. Catelain nous parlait du budget qui augmente constamment depuis 2003, de la générosité des députés... Mais quelle honte ! Entendre des choses pareilles, Monsieur Catelain... (Remarque.) Non, c'est derrière vous que cela se passe ! Mais c'est du même côté, malheureusement pour vous. Je disais: «Générosité des députés ?» Pas du tout ! Ce sont des lois, Monsieur Catelain, il faut qu'elles soient appliquées. D'ailleurs, le rapporteur de majorité vient de nous dire: «On verra. Si le Conseil d'Etat vient nous proposer une augmentation, on acceptera sûrement.» Mais pas du tout, Monsieur Weiss ! Ce sont des lois, on n'aura pas le choix ! Elles seront appliquées dès qu'elles auront été votées par ce parlement. Et si vous ne voulez vraiment plus être généreux, Monsieur Catelain, allez-y, proposez une modification de la loi, et on ne versera plus d'assistance aux personnes précarisées !

Pour terminer, je ne sais pas où M. Odier est allé chercher son histoire de quatre ans... Ce n'est pas du tout pour cela que l'on s'oppose ce soir à ce mandat de prestation. Je souligne au passage, pour ceux qui l'ont mal lu, qu'il s'agit d'un mandat de prestations. J'ai en effet beaucoup entendu parler de «contrat»; non, c'est un mandat ! C'est un peu différent, ce n'est pas contractuel, c'est tout de même plus ou moins imposé - d'ailleurs, la direction de l'Hospice général s'en est un peu plainte.

Je vais revenir sur le dernier point: l'immobilier... C'est magnifique ! Des gens disent: «On s'oppose au projet de loi qui va suivre sur la constitution d'une fondation de droit public», cependant ils vont accepter ce projet de loi, qui précisément instaure par-là même, par ce mandat de prestations, la fondation de droit public ! Sur les bancs de la droite, l'incohérence va jusqu'au bout de ce mandat de prestations, et nous le déplorons.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites. Elles ne sont pas toutes exactes. Il convient de rappeler en premier lieu que le montant des dotations budgétaires dévolues à l'Hospice général pour les prestations sociales accordées aux citoyennes et citoyens de notre canton qui se trouvent dans la difficulté figure dans le budget de l'Etat de Genève que vous votez. Lui seul fait foi. Ce budget se monte cette année à 179 457 850 F. Or, il a été réduit, pour des raisons que vous connaissez, parce que les résultats financiers de l'Hospice général pour l'année 2008 - je me permets d'ores et déjà de vous l'annoncer - font état d'un boni financier de plusieurs millions, probablement même plusieurs dizaines de millions. Cela est dû pour l'essentiel à deux raisons.

Il y a d'une part le fait que, pour la première fois depuis dix-sept ans, le nombre de personnes à l'aide sociale a diminué. D'autre part, le nombre de personnes en provenance du chômage a diminué à Genève comme jamais, plaçant le canton de Genève, que cela plaise ou non, dans le peloton de tête: Genève est le deuxième canton suisse où le chômage a le plus baissé l'année dernière. Et comme par hasard, c'est exactement consécutif au mois de février 2008, qui est l'époque de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le chômage. Chacun en fera l'interprétation que bon lui semble. Vous me permettrez de penser qu'il y a un lien avec les mesures qu'une grande partie de ce parlement a votées et que le peuple a confirmées. L'Hospice général pourra donc faire face, en 2009, avec les budgets qui ont été votés par la commission des finances et dont les réductions ont été effectuées avec l'accord du département et de la personne qui vous parle.

Je tiens, dans ce cadre-là, à vous dire que les procédures budgétaires qui amènent au calcul des budgets de l'Etat de Genève pour l'Hospice général sont faites sous la surveillance étroite de la personne qui vous parle, pour ne pas dire carrément par la personne qui vous parle, pour des raisons que vous pouvez bien imaginer. Le passé a démontré que, quand les choses vont mal à l'Hospice général, c'est toujours le chef du département qui en est le responsable; et quand elles vont bien, c'est évidemment quelque chose de beaucoup plus partagé. Quels que puissent être les chiffres, j'assumerai donc la responsabilité des dotations budgétaires de l'Hospice général, ce d'autant que - les membres de la commission des finances le savent - entre la demande 2008 présentée par l'Hospice général et celle que le Conseil d'Etat a finalement octroyé dans son budget, il y a une réduction de 103 millions entre ces deux chiffres. Malgré cette réduction, l'Hospice général sera en situation excédentaire, ce qui est réjouissant pour tout le monde.

Cela n'implique aucun risque - cela va de soi - pour les bénéficiaires, ni en 2008, ni en 2009, puisque, s'ils se présentent aux portes de l'Hospice général, ils recevront les prestations - toutes les prestations - prévues par la loi, si, bien sûr, ils remplissent les conditions de celle-ci. Il n'y a aucune crainte à avoir, et il n'y a aucune crainte surtout à répandre à l'endroit de personnes qui se trouvent dans des difficultés et qui ont droit au moins à ce qu'on ne leur raconte pas d'histoires et que l'on n'ajoute pas des craintes artificielles à leurs soucis, qui sont déjà suffisamment grands.

J'ai également été, à propos, interpellé par plusieurs députés, MM. Slatkine, Cavaleri, d'autres encore, sur la gestion immobilière de l'Hospice général. Nous aurons l'occasion d'en discuter. J'aurais d'ailleurs aimé en discuter avec les députés membres de la commission des affaires sociales. Malheureusement, celle-ci a interrompu ses travaux. C'est dommage, car nous aurions pu analyser la situation de l'Hospice général et peut-être trouver, Messieurs Slatkine et Cavaleri, des solutions qui permettent d'atteindre le but de ce projet de loi du Conseil d'Etat - qui est certainement perfectible, qui est assurément perfectible, comme tout ce que le Conseil d'Etat fait - en liant la gestion immobilière à des objectifs.

Je saisis au vol votre proposition - qui se trouve précisément dans un contrat de prestations ultérieur, puisque nous allons venir avec un mandat pour les années 2010 à 2013 d'ici peu de temps - de pouvoir être plus performants, pas seulement sur les mandats immobiliers, qui sont une partie de l'activité de l'Hospice. Mais je me plais tout de même à souligner qu'il y a des choses plus importantes, à l'Hospice général, que le patrimoine immobilier, malgré l'importance historique et financière de celui-ci. Il y a présentement la politique sociale que nous entendons mener et la façon dont nous pouvons atteindre les objectifs que nous lui fixons.

Par ailleurs, il y a les autres indicateurs qui se trouvent dans ce mandat de prestations; des indicateurs que nous avons là aussi suscité par tâtonnement, parce que nous n'avions aucun élément de référence, aucun autre canton ne fonctionnant ainsi. Nous nous sommes fixé un certain nombre d'objectifs et nous voulions, dans cette période de deux ans, pouvoir les tester afin de les rendre perfectibles. Il y a des améliorations à faire dans ce mandat de prestations, assurément. Elles seront faites d'ici le prochain mandat, parce que ces objectifs-là ne sont pas faciles à élaborer.

Ma dernière remarque aura trait à certaines digressions sur les problématiques AI. On semble confondre deux choses: la loi sur l'assurance-invalidité et ses différents effets et la problématique très spécifique, qui était une problématique comptable liée aux avances AI de l'Hospice général. Cette problématique est aujourd'hui résolue, et il est vain de vouloir en faire un argument dans ce débat, puisque, comme vous le savez, nous avons aujourd'hui un taux de couverture de ces avances qui est largement suffisant pour faire face aux décisions négatives ou positives de l'Hospice général et de l'assurance-invalidité.

Je vous invite donc, en conclusion, à voter ce mandat de prestations - car il serait temps de le faire - et à le voter tel qu'il est, ce en vous donnant la garantie que celui-ci permettra à l'Hospice général de déployer ses bienfaits pour la population la plus précarisées de notre canton.

Mis aux voix, le projet de loi 10149 est adopté en premier débat par 53 oui contre 14 non et 5 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1.

Le président. A l'article 2, alinéa 3, lettre b), nous sommes saisis d'un amendement. La demande de M. Charbonnier est la suivante: «Pour l'année 2009, 268 613 405 F», soit 7 millions de plus que ce qui est marqué dans le projet de loi actuel.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. J'ai bien écouté le chef du département: il nous a parlé des chiffres examinés avec l'Hospice général et de la subvention octroyée. Je reviens donc aux chiffres proposés par le département dans son projet de loi, dont nous avons discuté à la commission des finances. Ainsi, nous rétablissons la ligne qui a été prévue par le Conseil d'Etat et l'Hospice général, c'est-à-dire 268 613 405 F, comme vous l'avez dit, et, plus précisément, les prestations aux bénéficiaires à raison de 186 062 850 F.

Quant à la baisse du taux de chômage, M. le chef du département nous a dit que Genève était en tête en ce qui concerne le nombre de personnes qui étaient sorties du chômage. Toutefois, Genève conserve la palme du taux de chômeurs, qui est toujours le double de la moyenne suisse ! C'est le cas depuis des années et des années - M. le chef du département n'est nullement en cause - et demeure le double de la moyenne suisse. Quoi que l'on y fasse, pour l'instant on en est là, nouvelle loi sur le chômage ou pas ! C'est malheureux, mais c'est ainsi. Il est donc de notre devoir de prendre en compte cette situation et, dans une période de crise comme celle qui est en train de s'installer aujourd'hui, de ne pas susciter de craintes supplémentaires. Or ce n'est pas nous qui suscitons les craintes supplémentaires ! C'est quand même un peu fort de café d'entendre cela... Ceux qui provoquent ces craintes chez les personnes précarisées sont ceux qui coupent dans les subventions ! Ces dernières ne sont pas obligatoirement dépensées - évidemment, puisque ce sont des autorisations de dépenser. De plus, elles sont relatives à des lois sur l'assistance publique qui font que, comme l'a dit le chef du département, les personnes qui se présentent au guichet auront accès, quelle que soit la ligne votée par ce parlement, aux prestations et recevront ce qu'il leur revient dans ce cadre-là.

Simplement, je l'ai dit tout à l'heure, c'est un signe que l'on donne à la population la plus précarisée... Les craintes suscitées le sont par la majorité de la commission des finances, qui s'est permis de procéder à des coupes allant à l'encontre des chiffres du département, qui les avait calculés, semble-t-il, soigneusement.

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais rappeler au rapporteur de majorité qu'en commission des finances vous avez rajouté 4,5 millions pour l'Université - sans problème ! - et 18 millions - encore ! - pour les cadres supérieurs... (Remarque.) Pour les classes 27 à 31, cela faisait une augmentation d'environ 1500 balles par mois ! C'est vrai que ce sont des gens précarisés... Et qu'ils sont presque à l'Hospice... (Remarque.) En revanche, pour l'Hospice général, vous diminuez de 7 millions, je ne sais selon quelle logique ! De plus, j'entends M. Catelain dire ceci: «Tout le monde doit apporter sa contribution à la crise»... (Commentaires.)

Une voix. C'est toujours les mêmes !

M. Alberto Velasco. C'est-à-dire que ceux qui n'ont plus de moyens, qui sont dans la dèche, en train de perdre leur dignité - puisque tout le monde les a envoyés dans le ravin - eh bien, ceux-ci doivent contribuer à essuyer la crise provoquée par ceux qui ont beaucoup de pognon ! C'est extraordinaire, ça ! C'est extraordinaire, vous demandez aux gens qui n'ont vraiment plus rien de contribuer à relever l'économie de ceux qui l'ont affaiblie ! (Remarque.) J'ai cru comprendre cela !

Mais, Monsieur Catelain, les gens qui vont à l'Hospice essaient de sauvegarder leur dignité ! Vous n'y êtes peut-être jamais allé... Déjà, le fait de devoir aller à l'Hospice, de s'asseoir, de devoir mendier auprès de l'Etat pour que l'on paie votre logement, des habits pour vos enfants... Effectivement, pour vous, ce n'est pas important... Ce n'est pas important, ça ! Mais 4 millions supplémentaires pour l'Université et 18 millions pour les cadres supérieurs, voilà qui est important ! Parce qu'il faut sauvegarder l'avenir de notre cité !

Je suis d'accord, Monsieur Weiss, qu'il faut investir des millions dans l'Université et dans l'enseignement supérieur, c'est pourquoi j'appuierai le projet de loi de M. Mettan, relatif au fonds pour la recherche et l'investissement. Mais en même temps, Monsieur Weiss, il faut aussi s'occuper des démunis de notre société ! Il faut qu'ils puissent conserver leur dignité, Monsieur Weiss ! Pas le minimum du minimum, mais toute leur dignité ! Et c'est ce qui me gêne avec vos 7 millions en moins. Il est inadmissible d'enlever 7 millions à l'Hospice ! C'est à la fois une question de forme et de fond.

M. le chef du département nous a expliqué qu'il s'arrangera, que les chiffres sont ce qu'ils sont... Et, ma foi, il nous garantit qu'il n'y aura pas de problème. Le fait est qu'à l'époque, Monsieur le chef du département, vous aviez présenté à la commission des finances un budget... (Brouhaha.) ...pour une année, avec une certaine somme, et que, pour l'année suivante, cette dernière était augmentée de 7 millions. Pour moi, cela avait une cohérence et devait signifier quelque chose. Il n'est donc pas normal de prétendre que cela ne fait rien d'enlever 7 millions à l'Hospice ! Et que la direction est tellement bonne que cela ne fait rien... Non ! Il y a un problème ! On ne peut pas enlever 7 millions, comme cela, à une entité telle que l'Hospice. D'autant moins que vous nous garantissez que cette entité est bien gérée et que son conseil d'administration travaille comme il faut ! Or, si elle est bien gérée, tellement bien gérée, cela veut dire que ses budgets sont établis au strict minimum. Or quand ils le sont, il n'y a plus rien à couper ! Si l'on coupe encore, eh bien, on doit couper quelque part !

Une voix. Exactement !

M. Alberto Velasco. Voilà, Mesdames et Messieurs, je trouve qu'il est inadmissible d'avoir procédé à une telle suppression et je vous demande de bien vouloir, eu égard à la dignité des gens qui font appel à l'Hospice, accepter les 7 millions que nous vous proposons aujourd'hui. (Applaudissements.)

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'ai envie d'aller beaucoup plus loin dans la réflexion en ce qui concerne l'Hospice général. Connaissant la situation de manière approfondie, je peux dire que c'est très difficile à vivre; on perd sa dignité humaine, sa confiance, ses repères; souvent, on perd ses amis. On perd énormément ! Il est très difficile de devoir franchir la porte de l'Hospice général pour aller réclamer de l'aide, surtout quand on vit dans ce pays, que l'on y a travaillé, payé ses impôts, etc., et que, souvent, par rapport à certaines classes de personnes, on se sent moins aidé que les autres.

Je vais soutenir ce projet de loi tel qu'il est présenté pour une simple et bonne raison: j'estime que ce n'est pas une vie que de devoir être à l'Hospice général, aux frais de la société. Je pense que la dignité humaine, c'est de pouvoir avoir la fierté de se lever le matin, d'aller travailler, de pouvoir payer ses factures et s'offrir ce que l'on souhaite. Donc, à mon avis, les solutions sont ailleurs. Le but est de faire en sorte que les gens - en tout cas les résidents de ce canton - n'aient plus besoin de l'Hospice général. Je pense en effet que l'Hospice général devrait davantage s'occuper des personnes qui arrivent à Genève sans aucun moyen de subsistance et qui attendent de connaître leur sort. Or, pour les gens qui vivent chez nous, je trouve que c'est indigne de devoir se retrouver à l'Hospice général. Je pense que l'Etat a la tâche d'assurer la sécurité de l'emploi, de proposer un emploi à durée indéterminée pour permettre à ces gens de fonder une famille, d'avoir un avenir, des objectifs, une fierté et une dignité.

Par conséquent, je soutiendrai ce projet de loi et refuserai tout amendement.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, j'aimerais lancer un appel à mes collègues socialistes ! J'aimerais lancer un appel pour qu'ils entendent les chiffres et les arguments donnés tout à l'heure par le chef du département et qu'ils fassent preuve de la souplesse qu'ils me demandaient d'avoir si, précisément, la situation avait été différente. M. Longchamp, chef du département, nous a dit non seulement que, sur le plan des avances AI, sur le plan du traitement du chômage, et du chômage de longue durée, les conséquences pour l'Hospice n'étaient pas celles qui ont été imaginées par certains et que, au contraire, qu'il y avait une amélioration, mais il a encore ajouté que les chiffres des comptes pour 2008 allaient montrer qu'il y avait des améliorations par dizaines de millions par rapport aux besoins qui avaient... (Remarque.) Pardon, combien de millions ?

M. François Longchamp. Une dizaine assurément, deux dizaines probablement.

M. Pierre Weiss. Eh bien, deux dizaines, ce sont des dizaines ! Et puis, une dizaine, c'est déjà à peu près l'inverse de moins 7 millions ! Donc, il y aurait en tout cas une dizaine de millions d'amélioration. Par conséquent, il faut faire preuve, chers collègues socialistes, de réalisme. Et précisément, si vous voulez ce soir donner un signe, un signe de responsabilité face aux montants que nous votons, quel est le sens de vouloir voter des montants qui sont - on les connaît aujourd'hui - trop élevés par rapport aux besoins, si ce n'est de faire preuve d'une espèce de générosité inutile ?

Nous devons être responsables dans ce que nous faisons. Tout à l'heure, certains parlaient d'aventuriers... Eh bien non ! Nous ne devons pas avoir de comportement aventurier en matière de finances publiques. Nous ne devons pas non plus faire preuve - et vous, chers collègues ! - vous ne devez pas, non plus, faire preuve d'une rigidité idéologique qui nie la réalité des chiffres ! Ce soir, c'est vous qui êtes au défi de faire preuve de réalisme ! Je crois qu'il en va de votre responsabilité. Vous êtes attachés à la politique sociale de ce canton; on vous démontre que les montants proposés sont suffisants: alors, de grâce, écoutez ces voix ! Y compris celle du chef du département ! Et faites preuve d'un minimum de confiance, comme nous le faisons dans d'autres cas quand il s'agit du magistrat socialiste, de la confiance qui peut lui être due à lui aussi - ou a eux aussi, mettons-les au pluriel !

Par conséquent, chers collègues, votez tel qu'il est ressorti de commission le projet de loi avec les montants qui ont été amendés, parce qu'ils sont suffisants !

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Je ne serai pas trop long. D'abord, nous ne sommes pas du tout des aventuriers ! Comme vous parlez d'aventuriers, Monsieur Weiss, je vous retourne le compliment. Les chiffres 2008, on les connaît peut-être, une dizaine de millions, peut-être deux... Disons, à mi-chemin, 15 millions de bénéfice pour l'Hospice général en 2008. Nous sommes en 2009. Et les retournements de nos conjonctures, vous ne savez pas les prédire. Nous ne savons pas mieux que vous, mais vous, vous prétendez toujours les connaître ! La preuve: vous avez écrit ce rapport en mai 2008, je vous le rappelle. Vous parliez alors d'une évolution favorable de l'économie: ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui.

Donc, si nous ne pouvons pas faire les aventuriers pour 2008 - évidemment, puisque les chiffres sont maintenant connus - nous refusons de les faire pour 2009 et tablons sur les chiffres donnés par le département, encore en octobre ou novembre 2008, concernant le budget 2009. Par conséquent, nous refusons toute coupe touchant l'Hospice général et les gens précarisés pour 2009, année très difficile déjà en son début - et nous n'osons pas imaginer la suite.

Le président. Nous allons nous prononcer sur l'amendement de M. Charbonnier, à l'article 2, alinéa 3, lettre b): «Pour l'année 2009, 268 613 405 F».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 47 non contre 25 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 11.

Troisième débat

Le président. Nous allons voter l'ensemble de ce projet de loi... (Remarque.) M. Velasco a demandé la parole.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, je voudrais m'adresser à M. Weiss: il est vrai que je ne prends peut-être pas la réalité des chiffres dans le sens que vous dites. Par contre, j'essaie de prendre la réalité sociale telle que je la vis, et que je la vois ! Tous les jours ! Et je ne vous dis pas le nombre de lettres que je dois faire, moi - pas les assistants sociaux, mais moi - pour des gens qui n'arrivent pas à payer leur chauffage, leur loyer, l'administration, etc. Voilà ce que je fais et ce que je vois ! Telle est la réalité sociale que je constate, jour après jour, laquelle se dégrade.

En voyant que la réalité se dégrade, je me suis dit que les gens de l'Hospice avaient été un peu prémonitoires lorsqu'ils avaient calculé leur budget à la hausse. Mais peut-être que votre réalité à vous n'est pas la même que la mienne, cher collègue ! Voilà ce qui fait la différence de jugement. (Remarque.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons pouvoir voter l'ensemble de ce projet de loi... Non, M. Cavaleri demande la parole.

M. Mario Cavaleri (PDC). Oui, Monsieur le président, nous n'avons pas encore atteint l'heure limite de 23h, il nous reste encore trente-sept minutes exactement...

Le président. Je vous en prie, Monsieur Cavaleri, allez-y !

M. Mario Cavaleri. Je vous remercie de m'avoir donné la parole... (Commentaires.) Pardon: vingt-sept minutes !

J'aimerais entendre très formellement M. le conseiller d'Etat sur l'intention de retirer ou pas le projet de loi s'agissant de la création de la fondation. Pourquoi ? Parce que j'ai entendu quelque chose d'intolérable - je dis bien «intolérable» Monsieur le conseiller d'Etat - lorsque vous dites que le débat n'a pas été fait sur la fondation. Vous savez pertinemment que ce n'est pas le cas, que la discussion a eu lieu et que des décisions ont été prises au moment où les auditions ont été terminées ! (Remarque.)

Le président. Je crois que l'on mélange les débats. Mais si M. le conseiller d'Etat veut répondre, je lui donne la parole.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur Cavaleri, nous avons effectivement encore vingt-cinq minutes pour débattre. Et c'est fort volontiers, mais très brièvement, que je vais répondre à cela.

Je pense que la question de la gestion du patrimoine immobilier de l'Hospice mérite un examen extrêmement attentif. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je pense que le projet que le Conseil d'Etat vous a proposé est - à l'instar, d'ailleurs, de tous les projets que le Conseil d'Etat vous propose - assurément perfectible. En effet, il y a certains problèmes qui tiennent à la structure même de l'Hospice général, et non à la qualité ou à l'ampleur de son patrimoine immobilier. J'aurais aimé pouvoir expliquer tout cela moi-même à la commission. J'aurais aussi aimé pouvoir vous entendre sur un certain nombre d'éléments, et notamment sur ceux qu'a cités M. Ivan Slatkine. Ce dernier, d'ailleurs, s'oppose au projet de loi suivant, mais suggérait que nous puissions, dans le mandat de prestations - pas celui-ci, que vous êtes en train de voter, mais le suivant, celui qui est en préparation - intégrer certains éléments qui nous permettent d'améliorer, de structurer, de fixer des règles sur la gestion du patrimoine immobilier.

Tout cela me semble digne d'intérêt. Comme vous le savez, je n'ai malheureusement pas eu l'occasion - certains rapports de minorité l'ont relevé - de pouvoir développer tout cela. D'ailleurs, alors que Mme Fehlmann Rielle était présidente de la commission, elle avait convoqué plusieurs personnes pour les séances suivantes, qui n'ont pu être auditionnées. Elles auraient peut-être eu des choses intéressantes à dire, mais il a malheureusement fallu annuler ces auditions. Je trouve cela dommage.

Maintenant, nous traitons d'un mandat de prestations pour l'Hospice. Nous parlons de la subvention 2008 avec un intérêt relativement mineur, puisque l'exercice est terminé, et de celle de 2009. J'aimerais donc que l'on puisse voter ce projet.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'annonce pour la troisième fois que nous allons voter ce projet de loi en trois débats, en espérant que cette fois-ci est la bonne... Oui !

La loi 10149 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10149 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 40 oui contre 14 non et 23 abstentions.

Loi 10149

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de la qualité des débats de ce soir. Je vous souhaite une bonne fin de semaine et vous donne rendez-vous jeudi 19 février. Merci !

La séance est levée à 22h40.