République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1796
Proposition de motion de Mmes et MM. Jean-Claude Ducrot, Guy Mettan, Michel Forni, Guillaume Barazzone, Anne-Marie von Arx-Vernon, Béatrice Hirsch-Aellen, Mario Cavaleri, Didier Bonny, François Gillet, Pascal Pétroz pour des sapeurs-pompiers efficaces

Débat

Le président. Nous sommes toujours en catégorie II: trois minutes de parole par groupe plus trois minutes pour l'auteur de la motion.

M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, pour commencer, ce sont les rôles et responsabilités qui ne sont pas clairs concernant les sapeurs-pompiers. Le MCG est conscient des nouveaux défis qu'il y aura dans le domaine de la lutte contre les sinistres et de la nécessité, notamment, de créer de nouvelles casernes.

Il est bon de rappeler qu'il faudra de petites casernes, et non pas seulement de grandes. A Genève, par exemple, nous aurions plutôt besoin d'une grande caserne et de trois petites, comme le prévoyait le projet conduit par l'Etat en - tenez-vous bien - 1983 ! Il faut savoir que les communes, à ce jour, sont pour la majorité très bien équipées et répondent presque toutes aux risques qui se présentent sur leur territoire.

Rappelons en outre que Genève réorganise l'ensemble de ses secours depuis le 1er juin 2007 dans le cadre du concept d'engagement SP XXI décliné du plan suisse SP 2000 plus. Il faut également savoir que le groupement de la Coordination suisse des sapeurs-pompiers est en train d'établir un projet national appelé SP 2015. En ce moment, il y a un projet de partenariat SIS-SSA, qui touchera aussi les communes, notamment celles de la rive droite, plus précisément celles de l'arrondissement Rhône-Lac.

A Genève, on parle toujours des interventions et très peu de la prévention. Prenons par exemple la commune de Vernier. En 1982, alors qu'elle comptait 29 000 habitants, il y avait six interventions des pompiers pour 1000 habitants. En 2007, avec 32 000 habitants, il y avait seize interventions pour 1000 habitants. C'est-à-dire une augmentation de 10% par rapport à 1982. Bien que le tissu social se dégrade, on peut se poser les questions suivantes: la prévention est-elle mal réalisée ? est-elle insuffisante ? mal ciblée ? toutes les interventions sont-elles justifiées ? sont-elles vraiment toutes des missions de sapeurs-pompiers ? Nous pouvons décemment, et par expérience, penser que c'est un peu de toutes ces raisons qu'il est question. Il est important de les revoir et de les réactualiser.

En résumé, le groupe du Mouvement Citoyens Genevois demande de réexaminer l'organisation des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires du canton de Genève; de recenser l'ensemble des moyens disponibles, de manière à rationaliser les acquisitions de matériel; d'envisager la création d'un établissement cantonal autonome englobant le SIS, la Sécurité civile, les pompiers volontaires des communes et leurs autorités respectives. Cela...

Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député !

M. Henry Rappaz. Immédiatement, encore deux lignes ! ...permettra de garantir en tout temps les besoins cantonaux requis par les citoyens, enjeu qui va remettre le feu au lac en ces temps d'austérité.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion démocrate-chrétienne n'a pas pour but de nuire aux pompiers, comme on a pu le craindre à un moment donné... Vous le savez, on ne touche pas aux pompiers de Genève. Rassurez-vous, nous n'entendons pas du tout remettre en cause l'importance des pompiers à qui il convient de rendre hommage à chaque fois que cela est possible. On les aime et on les respecte ! Voilà le contexte posé, Monsieur le président.

Cette motion demande de ressortir des tiroirs non pas un projet de M. Cramer, mais des projets qui appartiennent aux pompiers. Il y a lieu de s'interroger, de connaître, d'envisager en concertation avec la Ville de Genève et les communes et d'aborder les fameux défis de l'avenir pour lesquels les pompiers vont devoir continuer à se définir. Ces défis sont multiples, Monsieur le président ! L'évolution du canton à l'extérieur des zones suburbaines et des zones industrielles doit nous inciter à réfléchir aux moyens de sécurité adéquats à donner à l'ensemble des services de sécurité. Nous disons bien: à l'ensemble des services de sécurité. Nous citerons notamment le quartier de la Praille avec les tours que l'on projette d'y construire.

Le canton, avec sa protection civile, la ville et les communes sont-ils prêts à relever ces défis de sécurité ? Nous le pensons, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, oui, nous savons bien que le SIS de la Ville de Genève est coincé dans sa caserne et que, à terme, il devra aussi sortir de ses murs pour pouvoir émigrer vers des zones suburbaines. Nous savons que, immanquablement, de nouvelles collaborations avec les communes s'avèrent incontournables.

Il convient également de saluer que, depuis le dépôt de cette motion il y a une année, la Ville de Genève a approché l'aéroport pour envisager la création d'une nouvelle caserne. On le voit, de nouvelles synergies sont nécessaires entre l'Etat, la protection civile de la Ville, le SIS, les communes et, bien sûr, les compagnies volontaires.

Comme ce développement aura des conséquences financières, nous proposons, avant de pouvoir réfléchir aux rôles que ces entités devront remplir, d'examiner ensemble ces défis de l'avenir à la commission des affaires communales, régionales et internationales.

M. Pierre Losio (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, rien n'est plus beau qu'un lieu commun et le bon sens est ce qu'il y a de mieux partagé au monde. Voilà l'idée qui m'est immédiatement venue quand j'ai pris connaissance de cette motion; mais je me suis aussi dit que nos collègues démocrates-chrétiens avaient peut-être été servis un peu plus tard que les autres. (Rires.)

Effectivement, on retrouve dans cette motion, grosso modo le projet que le M. le conseiller d'Etat Cramer et le Conseil d'Etat avaient déposé il y a plusieurs années, allumant une guerre du feu qui a mis bien du temps à s'éteindre. Le contenu de cette motion relève effectivement du bon sens: la centralisation des achats et la mise en commun du matériel devraient aller de soi. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Il suffit de penser à ce qui existe dans les «casernes d'Ali Baba» de deux communes de la rive gauche distantes de cinq cents mètres l'une de l'autre pour susciter l'envie des pompiers de la Ville de Genève.

Nous ne souhaitons pas que la guerre du feu se rallume, Mesdames et Messieurs les députés. L'arrivée d'un nouveau conseiller administratif au département de la sécurité à la Ville de Genève a fait tomber tous les tabous. Des discussions sont en cours entre l'Association des communes, la Ville de Genève et l'Etat. Nous souhaitons que ces discussions puissent se poursuivre dans la sérénité afin que d'éventuelles susceptibilités communales n'aient pas la tentation de se rallumer.

Nous avons beaucoup hésité sur ce qu'il fallait faire de cette motion - tout à l'heure, j'ai entendu mon collègue, M. Weiss, qui m'a soufflé une remarque. Nous allons accueillir cette motion avec retenue. Nous pensons que le fond est bon. Mais nous ne souhaitons pas, à l'heure actuelle où des travaux et des discussions sont en cours entre toutes les parties prenantes de la sécurité, raviver une guerre du feu. C'est la raison pour laquelle, très courageusement et très prudemment, nous nous abstiendrons ! (Rires.)

Mme Christiane Favre (L). Mesdames et Messieurs les députés, que l'on puisse toujours mieux faire en matière de sécurité civile, il n'y a pas de doute. Que l'on puisse observer des doublons entre les divers organismes, c'est très probable. Mais il serait très injuste de dire que l'organisation actuelle ne fonctionne pas ou qu'elle ne présente pas de garantie suffisante pour assurer la sécurité des habitants du canton. En effet, le SIS et les compagnies communales de sapeurs-pompiers volontaires ne nous ont pas attendus pour s'adapter au développement urbain et industriel du territoire cantonal ou de leur commune respective. Je suis très heureuse que personne n'en doute.

Cela dit, cette motion, qui pourrait amener le Conseil d'Etat à réfléchir une fois encore - on l'a souligné - à la question d'une réorganisation de la sécurité civile englobant service du feu et service de protection civile au sein d'un organisme cantonal, est intéressante et mérite que l'on ouvre à nouveau le débat, en espérant bien sûr ne pas rallumer la guerre du feu, ou en tout cas pouvoir l'éteindre très vite. Le groupe libéral soutiendra donc le renvoi à la commission des affaires communales, régionales et internationales.

M. Pablo Garcia (S). Mesdames et Messieurs les députés, l'efficacité des sapeurs-pompiers professionnels de Genève, c'est-à-dire les sapeurs-pompiers du SIS et de l'aéroport, n'est pas à remettre en doute, tout comme l'engagement des volontaires. Sont problématiques, au contraire, la répartition des tâches et des territoires d'intervention entre les professionnels et les volontaires et la mise à niveau des formations et des structures de ces différentes entités.

Plusieurs réformes profondes sont actuellement en cours. Tout d'abord, le groupe de travail chargé de dégager les grandes lignes de la fusion SIS-SSA va rendre ses conclusions dans le courant du mois. Ensuite, un nouveau concept fédéral de formation de base pour les sapeurs-pompiers est en marche. Enfin, la restructuration des trois grands centres de volontaires devra tôt ou tard amener à un regroupement des casernes communales pour correspondre à ces trois secteurs existants. La création d'un établissement autonome regroupant le SIS et la protection civile sera donc l'étape suivante des évolutions actuelles.

Par contre, je crois qu'il faut bien se rendre compte que notre canton est certainement celui où les moyens sont parmi les plus importants, multipliant à l'envi, dans chaque commune, et les véhicules, et le matériel. Cette motion répond donc à une situation insatisfaisante.

Mais la création d'un établissement autonome ne se fera pas sans plusieurs garanties portant sur les conditions de travail, d'accès aux grades, aux avancements, et sur la gestion des retraites, cela afin de ne pas prétériter ces femmes et ces hommes remarquables pour leurs qualités humaines et professionnelles et pour leur grand dévouement. Les socialistes seront particulièrement attentifs à ces garanties et à la défense des conditions de travail des sapeurs-pompiers de ce canton, que ce soit pour le SIS ou le SSA.

Afin de remplir ces impératifs, nous demanderons donc le renvoi à la commission des affaires communales, régionales et internationales.

M. Michel Ducret (R). Quelle belle motion «pour des sapeurs-pompiers efficaces» ! Il est vrai que, à Genève, ils sont déjà passablement efficaces, peut-être plus que la motion elle-même. Elle est pleine de bonnes idées qui envisagent de changer quelques habitudes qui sont précisément en train de changer. M. Losio l'a dit tout à l'heure: ce n'est pas si facile. Il a aussi raison de relever l'action en Ville de Genève, de Pierre Maudet, magistrat en charge du Service d'incendie et de secours: il tente de faire changer les choses. Nous espérons que tous ceux qui approuvent cette motion appuieront ensuite ces changements, lesquels ne sont pas si faciles, parce qu'ils bouleversent quelques habitudes. Ils vont modifier quelque petites baronnies dans nos communes, et ce n'est pas évident d'amener ce type de changements dans des habitudes bien ancrées.

Mais je ne ferai pas comme le représentant du MCG tout à l'heure, qui nous a déjà exposé avec force détails la synthèse des nombreuses auditions de la commission - à laquelle nous n'avons pas encore renvoyé cet objet ! - et me contenterai donc de signaler que le groupe radical examinera avec intérêt cette motion en commission des affaires communales, régionales et intersidérales... - pardon ! - ...internationales avec, pour but, plus d'efficacité et d'économie des moyens à disposition de notre population.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Deneys, à qui il reste une minute quinze.

M. Roger Deneys (S). C'est bien assez: je remercie mon collègue Pablo Garcia, qui a exprimé la position du parti socialiste avec une célérité qui l'honore. On a presque dû appeler le 118, tellement cela prenait feu, tellement il a parlé vite ! Mais j'espère que vous avez compris ce qu'il voulait dire. (Brouhaha.)

Je voulais ajouter une précision sur cet objet. Certes, un établissement public autonome cantonal, c'est très bien, mais, pour cela, il faut en avoir les moyen, Mesdames et Messieurs les députés, et notamment Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente ! Et pour cela, il faut avoir des recettes fiscales. Alors, faire un établissement sans recettes et vouloir décider sans moyens, ce n'est simplement pas possible ! Donc, je vous invite à considérer toutes les baisses de recettes fiscales cantonales avec la plus grande circonspection pour pouvoir réaliser de tels projets, parce que, sinon, c'est du blabla !

Une voix. Bravo !

M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC soutiendra le renvoi de cette motion en commission. Elle a le mérite de poser les bonnes questions sur l'organisation des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires du canton de Genève, qui, au vu de la situation actuelle, est effectivement à revoir, même si un certain travail est déjà entrepris au niveau des communes. Cela promet un débat passionné et passionnant en commission.

Personnellement, je n'ai qu'un seul point négatif à relever: le manque d'audace et d'ambition du groupe PDC. Car, à mon sens, un projet de loi aurait été beaucoup plus approprié. En effet, un projet de loi étant renvoyé d'office en commission, il nous aurait permis d'entrer directement dans le vif du sujet et, ainsi, d'économiser ce débat. Parce que, en fin de compte, si cette motion est acceptée, elle devrait logiquement déboucher sur un projet de loi allant dans le sens de la motion. Mais le groupe PDC n'a peut-être pas voulu s'attirer une nouvelle fois les foudres des sapeurs-pompiers après sa défaite lors d'un précédent débat qui concernait également les pompiers, «chat échaudé craint l'eau froide», et il laisse cette lourde tâche au Conseil d'Etat. (Quelques applaudissements.)

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il n'est jamais inutile de revoir le fonctionnement d'une quelconque institution et le renvoi de cette motion en commission nous permettra d'avoir un débat sur le fonctionnement de la sécurité «feu» à Genève. J'aimerais cependant vous rendre attentifs à un certain nombre de points.

Le premier concerne le fait que la répartition des tâches entre le SIS, sapeurs-pompiers professionnels, et les compagnies de sapeurs-pompiers volontaires a été complètement revue au 1er juin 2007. C'est ce qu'on appelle le concept «sapeurs-pompiers XXI», initié pendant la précédente législature par Mme Micheline Spoerri et mis en oeuvre sur l'ensemble du territoire l'an dernier. Cette nouvelle répartition a eu pour conséquence de responsabiliser beaucoup plus les volontaires, donc de leur donner plus de travail. Je dois dire que, aujourd'hui, le premier bilan qui a pu être effectué est tout à fait positif. Les compagnies de sapeurs-pompiers volontaires se sont admirablement adaptées à la nouvelle organisation et ont assumé ces nouvelles responsabilités avec beaucoup d'engagement. Je tiens ici, au nom du Conseil d'Etat, à les en remercier.

Le deuxième point que je veux relever, c'est que la problématique est éminemment sensible. Effectivement, nous avons vécu dans notre chair, lors du dernier débat budgétaire, la problématique du financement, en l'occurrence des caisses de secours des sapeurs-pompiers, et avons essuyé un échec - quand je dis «nous», je veux dire le Conseil d'Etat.

S'agissant de l'organisation de l'intervention dans ce domaine, nous avons en face de nous une multitude de partenaires, au premier rang desquels les communes, mais pas seulement. Nous avons aussi l'aéroport, l'administration cantonale, et nous avons aussi le droit fédéral à respecter. Or, il y a quelques années, lorsque la tentative avait été faite de centraliser davantage l'organisation de ce domaine, nous avions effectivement été confrontés à des problèmes difficiles, tant et si bien que le projet avait été - peut-être provisoirement, nous verrons l'issue de ces débats - enterré.

Donc, reprenons la discussion, examinons ce qu'il en est. Voyons s'il y a une ouverture, s'il y a une volonté de reprendre la discussion - je n'en suis pas sûr - aussi bien du côté des communes, qui ont des compagnies de sapeurs-pompiers volontaires et non pas de professionnels, que du côté de la Ville de Genève, qui assume aujourd'hui une tâche de niveau cantonal, il faut le dire, dans un grand nombre de cas. Donc, si vous renvoyez cette motion en commission, nous pourrons rouvrir ce passionnant débat, et je me réjouis d'ores et déjà de l'avoir avec vous.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1796 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est adopté par 59 oui (unanimité des votants).