République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9796-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Mme et MM. Claude Marcet, Gilbert Catelain, Caroline Bartl Winterhalter, Eric Bertinat, Philippe Guénat, Eric Ischi, Eric Leyvraz, Yves Nidegger, André Reymond, Pierre Schifferli, Olivier Wasmer modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00)
PL 9797-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Claude Marcet, Gilbert Catelain, Caroline Bartl Winterhalter, Eric Bertinat, Philippe Guénat, Eric Ischi, Eric Leyvraz, Yves Nidegger, André Reymond, Pierre Schifferli, Olivier Wasmer modifiant la loi instituant une Cour des comptes (D 1 12)

Premier débat

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse. Explicitement, on pourrait dire que ces projets de lois demandent une dépolitisation du processus électoral de la Cour des comptes; implicitement, cela peut être considéré comme une disqualification de nos corps constitués et de nos institutions, et le système proposé dans ces deux textes aurait un effet réellement contraire à ce qu'ils prétendent produire.

La commission, dans sa quasi-unanimité, a rejeté ces projets de lois et vous remercie de bien vouloir en faire autant.

Présidence de M. Eric Leyvraz, premier vice-président

M. Pierre Losio (Ve). Lors de la session de mai, nous avions dit très clairement que nous refuserions tous les projets de lois qui nous étaient alors présentés et celui d'aujourd'hui concernant la Cour des comptes: cette dernière vient de voir maintenant, sanctifié par notre parlement, son traitement.

La Cour des comptes n'a pas encore remis son premier rapport; la Cour des comptes a travaillé une année; de grâce, laissons cette institution montrer ses capacités, ses compétences ! Laissons-lui le temps de développer son travail et de rendre ses rapports, afin que notre parlement puisse en avoir une idée un peu plus précise.

Il y a quelque chose qui m'a un peu choqué dans l'exposé des motifs ou, en tout cas, dans certains arguments, c'est qu'il arriverait un moment où l'on entrerait dans une espèce de période électorale durant laquelle les magistrats seraient davantage préoccupés par leur élection que par les objets qu'ils ont à traiter et par les rapports à rédiger... Mais c'est une suspicion vis-à-vis de magistrats élus par le peuple, suspicion que j'ai véritablement de la peine à comprendre ! Ces gens ont une légitimité ! Et je n'arrive pas à m'imaginer que l'un de ces trois magistrats puisse laisser aller certains dossiers parce qu'il arriverait dans une période où son mandat devrait être renouvelé...

Il y a autre chose qui m'a encore plus stupéfait, c'est, dans le projet de loi 9797, une allusion aux renouvellements: «Les trois premiers renouvellements se déterminent par ordre alphabétique...». Des magistrats, élus par le peuple - et après un certain nombre d'années - devraient, étant donné que leur patronyme commence par une lettre proche de la fin de l'alphabet, remettre leur siège en jeu ?! Vous nous direz peut-être, Monsieur le président, que nous les Verts ne risquons pas grand-chose, puisque le magistrat Vert s'appelle M. Zuin et qu'il serait certainement le dernier dans la liste à voir renouveler son mandat...

Nous ne pouvons pas soutenir ces projets de lois. Nous souhaitons que la Cour des comptes puisse travailler paisiblement, efficacement, comme elle l'a montré jusqu'à aujourd'hui. Nous attendons avec une certaine impatience son rapport de gestion sur sa première année d'activité et nous allons, comme nous l'avons fait pour ceux qui ont été présentés lors de la session de mai, refuser ces deux projets de lois. Merci, Monsieur le président.

M. Eric Bertinat (UDC). Les deux demandes proposées dans nos projets de lois étaient, premièrement, un renouvellement partiel de la Cour des comptes, renouvellement qui aurait lieu tous les deux ans. Nous en avons débattu en commission. A certains avantages que nous trouvions à cette proposition qui nous permettrait de passer l'écueil d'une élection où nous nous retrouverions en présence de trois nouveaux magistrats - et, à ce moment-là, la Cour des comptes devrait reprendre en quelque sorte ses travaux et, ainsi, perdre du temps - nous trouvions quelque avantage à un genre de roulement au sein de la Cour des comptes, afin qu'elle puisse continuer, on va dire «de manière sereine», son travail.

Je dois indiquer qu'on a parfaitement compris les arguments qui nous ont été opposés, entre autres l'idée d'avoir, sous forme d'un roulement, des périodes de réélection ou d'élection pour certains des membres. Cela, nous pouvons le comprendre - il y a, d'un côté, des avantages, de l'autre, des désavantages - et la majorité a préféré s'opposer à notre projet.

Là où je suis un petit peu moins gentil, si j'ose dire, c'est avec notre proposition par laquelle nous aurions souhaité interdire l'accès à la Cour des comptes pour des fonctionnaires et des hauts magistrats. Cela se justifiait, à mon avis, beaucoup plus en termes de sérénité que de qualifications. Un des arguments qu'on nous a opposés était «Pourquoi se priver de personnes qui ont des qualifications évidentes pour travailler à la Cour des comptes ?» Nous, nous opposions simplement le fait que des magistrats ou des conseillers d'Etat qui ont été en charge d'un département pourraient être amenés, bien évidemment dans le cadre d'enquêtes de la Cour des comptes, à revenir sur leur propre passé, voire à s'occuper d'anciens collègues et de pouvoir peut-être, par là, régler quelques comptes personnels.

Nous avons compris tout cela et avons pu en débattre en commission des finances. Comme l'a dit mon collègue Losio, c'est une raison supplémentaire pour attendre impatiemment le premier rapport de gestion et observer, pour le moment en tout cas, le bon déroulement qui s'opère au sein de la Cour des comptes.

M. Edouard Cuendet (L). Je commencerai par relever que le premier signataire de ces projets n'est plus membre de l'UDC. Donc, je pense que ce parti peut avoir une certaine distance par rapport aux projets en question et se sentir assez libre.

Le parti libéral a toujours été contre les tribunaux et les juridictions d'exception. Ici, le caractère exceptionnel n'est pas tellement dans les compétences, mais dans le mode d'élection qu'on voudrait nous imposer. Pourquoi diable vouloir imposer ce roulement bizarre ? Alors que toutes les autres juridictions fonctionnent de manière satisfaisante, on peut le dire, avec une période de six ans ? Ce qui permet précisément à la justice d'avoir une indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, qu'il soit exécutif et législatif, parce que les périodes électorales ne se recoupent pas avec celles des élections, notamment du Grand Conseil et du Conseil d'Etat. Il serait absurde de pousser les magistrats, d'ailleurs peu nombreux, de la Cour des comptes à se lancer dans des combats électoraux permanents pour s'assurer une réélection auprès de la population.

D'autre part, il est tout aussi aberrant de vouloir exclure de cette Cour des comptes les anciens magistrats qui, comme l'ont relevé plusieurs de mes préopinants, bénéficient d'une expérience souvent précieuse. Même si la composition actuelle de la Cour des comptes n'était pas celle que souhaitaient forcément les partis de droite, on peut dire que les neuf premiers rapports qui ont été rendus dans le cadre de la Cour des comptes ne sont pas teintés d'une politisation extrême - ou même d'une politisation tout court - qui viendrait à lancer le discrédit sur cette institution.

Le seul petit bémol que je tiens à mettre, c'est qu'il a évidemment été très mal perçu et même contraire - à mon avis - au devoir de réserve que devait avoir cette Cour des comptes qu'une de ses juges prenne clairement parti en public pour l'élection du procureur général !

Pour le surplus, je vous invite à ne pas entrer en matière sur ces projets de lois. Je vous remercie.

M. Alain Charbonnier (S). Je n'ai pas grand-chose à ajouter et j'étais d'accord avec mon collègue Cuendet jusqu'à sa dernière petite réflexion quant au roulement de la Cour des comptes.

Il est vrai que c'est complètement aberrant de la part de l'UDC de proposer un tel roulement, puisqu'on a accordé un délai de six ans, largement suffisant pour obtenir une stabilité. Et vous, au contraire, vous voulez déstabiliser en faisant élire à tour de rôle des juges pour une période de deux ans... Quand allons-nous imaginer un projet de loi, afin que l'on procède aussi par tournus au sein du Grand Conseil ?! Nous sommes cent députés, il y a trois cent soixante-cinq jours, si l'on multiplie par quatre ans, cela signifie qu'on procéderait à l'élection d'un député à peu près tous les quatorze jours... Revenons à des choses un peu plus sérieuses ! Merci.

M. Jacques Jeannerat (R). Le groupe radical a fait une analyse relativement simple de ces projets de lois. Le peuple et le Grand Conseil ont voulu, certes pas à l'unanimité mais à la majorité, mettre en place une Cour des comptes: cette dernière vient à peine de rédiger ses premiers rapports, laissons-la vivre quelques années dans son fonctionnement tel que nous l'avons prévu ! Et puis, il sera toujours assez tôt, dans deux, trois ou quatre ans, de reprendre éventuellement un ou deux éléments des projets qui ont été déposés. En l'état, il est beaucoup trop tôt pour faire une évaluation.

Je n'entrerai pas du tout en matière sur le contenu, le groupe radical non plus, et nous proposons de refuser tout simplement l'entrée en matière. S'il y a de bonnes idées, on les reprendra dans quelques années.

M. Guy Mettan (PDC). Je serai bref. Je trouve que M. Jeannerat a parfaitement raison, et la position de son parti correspond à celle du parti démocrate-chrétien.

Nous avons voté la loi concernant la Cour des comptes lors de la dernière législature, la Cour des comptes vient de commencer son travail, il est donc prématuré de vouloir changer son mode d'élection. Il faut laisser à cette cour le temps d'effectuer son travail et de montrer, par son expérience, quelles sont éventuellement les lacunes qu'il conviendrait de combler à l'avenir.

Par ailleurs, je regrette que l'UDC, qui a assisté lors de cette législature à tous les travaux d'instauration de la Cour des comptes, n'ait pas jugé bon à ce moment-là de présenter ses amendements ou d'ouvrir cette discussion.

Pour toutes ces raisons, je vous recommande de refuser l'entrée en matière des deux projets de lois qui nous sont proposés.

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. La Cour des comptes est une très jeune institution, la plus jeune de notre république, mais elle est d'ores et déjà respectée, comme les propos de M. Cuendet m'ont permis de le comprendre, par la qualité des décisions qu'elle rend, par ses rapports et ses analyses.

Par conséquent, il est manifestement malvenu aujourd'hui de vouloir en modifier le fonctionnement et de vouloir revenir devant le peuple qui l'a voulue et qui a fixé son fonctionnement et les règles qu'elle applique actuellement.

Mesdames et Messieurs les députés, la Cour des comptes, qui est hors de nos trois pouvoirs traditionnels - il est difficile d'imaginer qu'elle fasse vraiment partie du pouvoir judiciaire - sera, j'en suis sûr, confortée dans l'importance de sa mission par votre refus d'entrer en matière sur ces deux projets de lois.

Mis aux voix, le projet de loi 9796 est rejeté en premier débat par 48 non contre 7 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, le projet de loi 9797 est rejeté en premier débat par 44 non contre 7 oui et 3 abstentions.