République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 710
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la gestion de l'Aéroport international de Genève pour l'exercice 2005

Débat

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je m'exprime sur le point 119 de l'ordre du jour, mais c'est aussi valable pour le point 120, puisqu'il s'agit du même sujet pour l'exercice 2006. Ces deux rapports concernent en effet l'Aéroport international de Genève. Je groupe donc mon intervention pour demander le renvoi de ces deux rapports à la commission de l'économie.

On le sait, pour les TPG ou pour les SIG, les députés peuvent s'exprimer sur les rapports ainsi que sur la politique qui est menée dans l'entreprise... Ce n'est pas le cas pour l'Aéroport international de Genève... Pourtant, le rapport indique que l'Aéroport a connu une augmentation financière tout à fait remarquable, mais rien n'est dit sur l'augmentation du trafic aérien qui engendre des coûts énormes dus à la pollution, coûts qui se répercutent sur d'autres instances. Or il me semble qu'il y aurait quelque chose à dire à ce sujet.

De plus, le rapport se félicite de l'augmentation de la fréquentation des avions low cost (Easy Jet, etc.). Un tourisme très polluant est pourtant facilité par ce biais. C'est aussi un sujet dont il faudrait pouvoir discuter.

Par ailleurs, à une récente interpellation sur le nombre des vols d'hélicoptères en grande augmentation, le Conseil d'Etat s'est contenté de répondre que ce nombre allait encore augmenter... L'AIG a décidé - tout au moins, le règlement est, je crois, en cours d'élaboration - de prévoir des couloirs de navigation aérienne au-dessus de Cologny et du Lignon... Si le potentiel offert était utilisé, cela voudrait dire que les cadences seraient très élevées. Ce règlement devrait, me semble-t-il, pouvoir faire l'objet d'un débat au sein de ce parlement.

Il y aussi de gros problèmes de pollution sur le tarmac, car les camions tournent en permanence. Tout cela parce que l'on ne veut pas remplacer les batteries, qui coûtent cher ! Ces camions ne sont pas toujours équipés de filtres à particules, et les employés reçoivent ces gaz d'échappement très toxiques, très cancérigènes, en plein nez. Ils s'en étaient du reste plaints à l'occasion d'une pétition sur la mobilité. Le nouveau directeur semble être sensible à tous ces problèmes; je pense qu'il est ouvert d'esprit et qu'il ne néglige pas ce type de problématiques.

Je demande donc simplement que ces deux rapports soient renvoyés à la commission de l'économie - le but n'est pas d'ouvrir le débat aujourd'hui - pour que ces sujets puissent être débattus par les députés de ce Grand Conseil.

M. Eric Stauffer (MCG). Eh bien, pour une fois, nous vous rejoignons sur un point ! Avec, tout de même, des divergences notoires...

En effet, nous demandons le renvoi de cet objet en commission, mais à la commission des finances, et pour un tout autre motif, Madame la députée. Votre sentiment pour l'écologie est sans nul doute quelque peu réducteur... Si vous ne le savez pas - je parle en connaissance de cause, puisque je suis moi-même pilote d'avion et que je suis titulaire d'un brevet... (Exclamations.) - l'avion pollue beaucoup moins que la voiture ! Le rapport entre le nombre de passagers transportés et la quantité de carburant utilisé est bien plus avantageux avec l'avion qu'avec la voiture. Mais nous aurons certainement la possibilité d'en discuter en commission.

Madame la présidente, nous souhaitons le renvoi de cet objet en commission des finances, parce qu'aujourd'hui, somme toute, le rapport divers 710 nous demande, Mesdames et Messieurs les députés, à nous qui représentons les actionnaires, c'est-à-dire la population, d'approuver les comptes et de donner quitus au conseil d'administration et au réviseur des comptes pour l'exercice 2005.

Toutefois, des faits nouveaux sont survenus depuis quelques semaines - vous le savez: vous avez lu les journaux. Il y a d'abord eu l'histoire des bonus et des mécanismes salariaux aux SIG. Il y a eu ensuite la révélation fracassante selon laquelle la directrice générale des TPG avait perçu la bagatelle de 360 000 F, avec une fiche de salaire «arrangée», ce qui viole la loi - je dis bien: qui viole la loi - et ce qui n'est absolument pas tolérable ! Je vous passerai les détails ! Je vous dirai quand même que ce salaire de 360 000 F par an de la directrice générale...

Une voix. Cela n'a rien à voir !

M. Eric Stauffer. Je suis désolé, cela a affaire avec ce rapport divers, parce que je veux contester les comptes, et je dois pouvoir expliquer pourquoi ! Donc, la directrice générale qui...

La présidente. Monsieur le député, je vous rappelle que nous sommes en séance dite «des extraits», ce qui veut dire qu'en principe nous ne devrions pas avoir un débat de ce type. Je vous prie donc de bien vouloir être précis. Ne lancez pas ce débat: il le sera certainement ce soir à partir de 17h ! Je vous remercie.

M. Eric Stauffer. Madame la présidente, les principes sont faits pour s'y soustraire ! (Rires et protestations.) Nous sommes dans un parlement: c'est un lieu qui est prévu pour débattre. Si des faits nouveaux surviennent, il est de notre devoir - c'est même probablement une obligation, Madame la présidente - de les révéler aux députés ici présents et au public qui nous écoute, puisque les citoyens de Genève sont les réels propriétaires de l'Aéroport international de Genève ! Il ne faudrait pas l'oublier: nous ne sommes que les humbles représentants du souverain.

Je termine mon explication... Je disais que cette pauvre directrice générale - qui va devoir pointer au chômage pour toucher, comme tout citoyen genevois, 80% de 8000 F - va se retrouver avec un complément de 27 000 F de la part des TPG ! C'est proprement scandaleux !

Nous savons, Mesdames et Messieurs, que les mécanismes salariaux de l'Aéroport international de Genève ont peut-être - je dis bien «peut-être», car le bénéfice du doute doit encore profiter à l'AIG - violé la loi. Alors, Mesdames et Messieurs, qu'est-ce que cela signifie aujourd'hui ? Que nous ne sommes pas en mesure de réagir, puisque nous le savons ? La Cour des comptes va bientôt rendre son rapport sur tous les établissements publics autonomes. S'il y a quelques gestionnaires et quelques comptables dans cette salle, ils ne pourront pas me contredire. Aujourd'hui, nous devons au minimum mettre une réserve sur ce rapport pour ne pas approuver les comptes tels qu'ils sont présentés. Et, au mieux, il faudrait renvoyer ce rapport à la commission des finances pour examiner et contrôler la légalité des bonus qui ont été octroyés dans le cadre des mécanismes salariaux de l'Aéroport. Des centaines de milliers de francs ont été payés par les contribuables à quelques golden boys, et il y en a quelques-uns dans cet hémicycle, Mesdames et Messieurs, qui gagnent des centaines de milliers de francs sur le dos des contribuables. C'est la raison pour laquelle, Madame la présidente, je demande le renvoi en commission des finances de cet objet pour qu'il soit examiné sous l'angle légal.

Et puisque le conseiller d'Etat François Longchamp va très certainement reprendre la parole après moi, j'aimerais qu'il confirme à cette assemblée que la loi qui régit l'attitude des administrateurs dans les conseils d'administration - sauf erreur de ma part, il s'agit de l'article 320 du code des obligations - stipule bien que chaque administrateur est responsable de ses actes dans un établissement public autonome. Ou alors, y aurait-il une super loi - je ne l'ai pas trouvée, je vous l'avoue très franchement, Monsieur le conseiller d'Etat - qui donnerait une espèce d'absolution à toute hégémonie exercée par un administrateur dans un établissement public autonome, ce qui ferait qu'il ne serait jamais poursuivi pour avoir avalisé, cautionné et payé des salaires qui violent la loi, telle qu'elle est définie ?

Je conclurai ainsi, Madame la présidente. Si, nous, ici, dans ce parlement, nous rédigeons des lois, si nous les votons et si le Conseil d'Etat les met en application, ce n'est pas pour cautionner ceux qui violeraient la loi, surtout en notre sein !

M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes donc saisis d'un rapport du Conseil d'Etat dans le cadre de la loi sur l'Aéroport international de Genève... En lisant les deux premières pages, nous nous apercevons que cet aéroport est bien géré, qu'il dégage des bénéfices, qu'il en est de même pour l'exercice 2005 et pour l'exercice 2006. Sur cette base, nous avons le choix entre trois solutions. Premièrement, prendre acte du rapport du Conseil d'Etat, puisque, apparemment, la situation est particulièrement saine et enviable: d'autres cantons, voire d'autres pays, nous envient. Deuxièmement, le renvoyer à la commission des finances pour aborder l'aspect financier. Troisièmement, le renvoyer à la commission de l'économie, puisqu'elle a déjà connaissance de ce dossier, qu'elle a traité à plusieurs reprises, notamment dans le cadre du projet de loi sur les transferts d'actifs.

Ce parlement et les commissaires sont tout à fait au courant de la gestion de l'Aéroport, puisqu'il en a été longuement parlé ces derniers temps. Personnellement, je ne vois pas l'intérêt de renvoyer ces deux rapports en commission. Mais je devine l'intérêt de M. Stauffer, qui souhaiterait faire en commission «la fête à Jobin», en raison des dépenses somptuaires lors de son départ. Je pense toutefois que ce n'est pas un motif suffisant.

Je rappelle aussi qu'il n'y a pas de corrélation entre l'Aéroport international de Genève, les SIG et les TPG... L'Aéroport international de Genève est certes un établissement autonome, mais il subit une concurrence directe, contrairement aux SIG et aux TPG, qui bénéficient d'un monopole. L'Aéroport international de Genève ne bénéficie d'aucun monopole, et il n'y a aucune raison de dévoiler, par exemple, le salaire de son directeur général. En effet, si on devait se priver d'un bon directeur général et le remplacer par un mauvais dont on connaîtrait le salaire, je ne vois vraiment pas quel serait l'intérêt pour Genève et les citoyens de ce canton ! Pour ma part, je pense que vouloir lancer le débat sur la place publique par rapport à la gestion de cet aéroport - qui, je le rappelle, est excellente - représente un vrai risque pour le canton.

Le groupe UDC propose d'accepter ce rapport. Si cette proposition devait être refusée dans le but de créer une polémique en commission, le moindre mal serait de le renvoyer à la commission de l'économie, étant donné que la commission des finances est totalement surchargée - comme ce parlement, d'ailleurs. Je suggère donc que Mme la présidente de ce Grand Conseil fasse d'abord voter le renvoi au Conseil d'Etat.

M. Alain Meylan (L). Ce rapport du Conseil d'Etat devrait être approuvé tel quel. Nous devrions donc en prendre acte, notamment si on prend en compte tous les aspects économiques positifs que représente l'Aéroport. Notre canton peut en effet disposer d'un aéroport international compétitif, actif, créatif, qui lui permet de conserver son aura internationale et de maintenir sa compétitivité à bien des égards. Il est vrai qu'une politique de l'environnement tenant compte des produits qui sont utilisés à l'aéroport doit être menée. Je crois que c'est écrit dans le rapport, en page 28/56 sous la rubrique «Environnement: une politique responsable». L'Aéroport est conscient des difficultés et du fait que l'amélioration dans ce domaine doit rester un objectif constant dans son management. Mais je crois aussi qu'il ne faut pas contester la valeur de cet aéroport, car elle n'est pas contestable pour l'apport économique du canton de Genève.

Je disais en préambule que nous devrions prendre acte de ce rapport, mais nous accepterions son renvoi à la commission de l'économie s'il devait être proposé, même si je trouve cela dommage car ce rapport est tout à fait complet.

Le groupe libéral ne s'opposera donc pas à son renvoi en commission, à condition qu'il s'agisse de la commission de l'économie. Toutefois, il serait davantage favorable à ce qu'il en soit pris acte.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 710 à la commission de l'économie est adopté par 33 oui contre 3 non et 18 abstentions.