République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1591-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la pétition : Sauvez une bonne fois pour toutes la maison Blardone et le petit parc des Plantaporrêts
Rapport de majorité de M. Jean-Michel Gros (L)
Rapport de minorité de Mme Carole-Anne Kast (S)

Débat

M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que je n'ai pas grand-chose à ajouter, vous avez tous lu le rapport. La pétition en question n'a plus d'objet: la maison Blardone n'existe plus, le petit parc qui l'entourait n'existe plus non plus et un immeuble HBM est actuellement en construction, qui permettra la mise à disposition dans ce quartier d'un certain nombre de logements HBM qui m'échappe actuellement. C'est pour cela que la commission a décidé de classer cette pétition.

Je voudrais encore m'étonner du rapport de minorité de notre ancienne collègue, Mme Kast, qui, au-delà des travaux de la commission, a entamé une sorte de réquisitoire avec ce qu'elle avait appris en dehors de la commission. Elle n'a donc pas du tout relaté les travaux de la commission. Moi je me suis contenté de le faire. Nous avons eu l'assurance du Conseil d'Etat, par la voix du représentant du département des constructions, du chef du département des constructions, que toutes les procédures avaient été respectées, que toutes les possibilités de recours avaient été offertes aux habitants - aux squatters, pourrons-nous dire - de la maison Blardone pour faire recours dans les temps opportuns. Ils n'ont pas utilisé cette possibilité, et ainsi tout a été fait dans les meilleures conditions légales.

C'est pourquoi la majorité de la commission vous propose de classer cette pétition qui n'a plus d'objet.

M. Alain Etienne (S), rapporteur de minorité ad interim. La minorité est quant à elle favorable à un renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. En effet, nous sommes très surpris du traitement par le Conseil d'Etat de ce dossier. Je tiens tout d'abord à préciser que nous ne sommes pas opposés à la construction prévue sur cette parcelle, mais il nous semble qu'il y a eu dans ce dossier des problèmes de procédure. Pour cette raison, il n'est pas acceptable de défendre un simple classement de cette pétition.

En premier lieu, nous pouvons nous demander quelles étaient véritablement les dernières volontés de M. Georges Blardone, décédé en avril 1998. Ses propres amis, qui l'aidaient, s'occupaient de lui et de sa santé, ont décidé d'occuper la maison, il y avait donc bien des habitants dans celle-là. En même temps, alors qu'elle était occupée, une requête en autorisation de démolir et une requête en autorisation de construire un immeuble ont été déposées. Cependant, une première pétition des habitants du quartier de la Jonction, soutenus par la maison de quartier, a été déposée pour empêcher la démolition de la maison Blardone. Dans sa réponse, le conseil d'Etat avait relevé qu'il y avait une volonté de la Ville de Genève et des pétitionnaires de pouvoir conserver le bâtiment, de même que son jardin qui avait une certaine importance pour le réaménagement du quartier. (Brouhaha.) A l'époque, alors que la succession de M. Blardone n'était pas tranchée, le Conseil d'Etat avait déclaré qu'il n'avait pas d'objection à ce que la Ville de Genève devienne propriétaire de cette parcelle.

Que s'est-il donc passé entre la réponse du conseil d'Etat de cette époque et mars 2005, au moment où la demande d'autorisation a été acceptée ? Ce sont les explications dont nous avons besoin, que nous avons demandées au Conseil d'Etat et que nous n'avons pas reçues. C'est la raison pour laquelle nous demandons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

Nous ne savons pas non plus si la Ville de Genève a été recontactée à propos d'un préavis qu'elle aurait pu donner, sur ce qu'elle pouvait faire pour devenir propriétaire de cette parcelle se trouvant sur son territoire. Je le rappelle, cette parcelle a de l'importance dans ce quartier qui souffre d'un manque d'espaces publics et verts. Cette maison aurait pu permettre l'extension de la maison de quartier de la Jonction, donc jouer un rôle important pour les habitants de la Jonction.

Je tiens aussi à rappeler que, le 1er septembre 2006, la Brigade de recherche et d'îlotage communautaire - la BRIC - avait retiré l'ordre d'évacuation des habitants. Alors, comment se fait-il que ces derniers aient été délogés par la police alors que l'ordre d'évacuation avait été retiré ? C'est aussi une question que nous avons voulu poser au Conseil d'Etat, à laquelle nous n'avons toujours pas reçu de réponse. (Brouhaha.) Comment l'Etat de Genève et le promoteur sont-ils devenus propriétaires ? Nous attendons, là aussi, des explications.

La maison de quartier de la Jonction a toujours fait valoir son intérêt à gérer ce lieu, pour le bien des habitants du quartier, mais elle n'a jamais pu se faire entendre. Lors du rendez-vous demandé au conseiller d'Etat Mark Muller pour parler de cette maison, ce dernier avait déclaré aux pétitionnaires qu'il fallait attendre le traitement de la pétition par la commission. Puis, lorsque la première pétition a été traitée en commission, M. Muller a avoué qu'il ne tiendrait pas compte de cette deuxième pétition ! C'est pourquoi la minorité considère qu'un tel traitement est inacceptable de la part du conseil d'Etat !

Nous constatons qu'il n'a pas attendu que la commission des pétitions rende sa décision, il y a eu un passage en force. Et il est clair que le débat autour de cette maison est important, car cette parcelle était essentielle pour l'aménagement du quartier. A ce jour, nous n'avons reçu aucune réponse, les pétitionnaires n'ont reçu aucune réponse et l'Etat de Genève ne s'est jamais prononcé sur leurs demandes. On peut donc se demander comment fonctionnent nos institutions et comment l'Etat adapte les règles du jeu quand il a un intérêt direct. A notre avis, il y a eu dans cette affaire un mélange des genres entre l'Etat propriétaire, l'Etat promoteur et l'Etat garant des droits politiques.

Aussi voulons-nous que les droits fondamentaux soient respectés, et, afin d'obtenir les réponses à toutes nos interrogations, la minorité demande que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat.

M. Eric Leyvraz (UDC). Mesdames et Messieurs, la situation est claire ! La maison Blardone est démolie, l'objet de cette pétition a disparu, les procédures ont été respectées, les opposants n'ont pas exercé leur droit de recours dans les temps, la construction de 20 logements HBM a été autorisée, cette affaire a duré huit ans, c'est trop ! Construisons ! Il ne nous reste qu'à classer cette affaire !

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Antoine Bertschy... Qui renonce. Je la donne à M. Christophe Aumeunier.

M. Christophe Aumeunier (L). Mesdames et Messieurs les députés, il est extrêmement étonnant de voir un rapport de minorité faire l'apologie du squat et nous indiquer que l'occupation par un squatter peut justifier un retard dans les travaux de 20 HBM ! On met dans la pesée des intérêts l'occupation d'une maison par un seul squatter contre la création de 20 HBM: c'est absolument insoutenable ! La prise de position doit aujourd'hui être claire, elle ne doit pas être aussi diffuse.

S'agissant de l'affectation à une maison de quartier, la Ville est inactive, on vient de nous l'indiquer - le rapporteur de minorité dit la Ville a été inactive dans ce dossier... Eh bien, voilà ! On n'y peut rien ! La Commission des monuments, de la nature et des sites - CMNS - a déterminé que cette maison ne pouvait pas être sauvée parce que c'était une ruine. Eh bien, là aussi il s'agissait pour le département d'aller au plus vite pour faire en sorte que le propriétaire privé et l'Etat puissent réaliser 20 HBM. C'est ce qui sera fait, raison pour laquelle les libéraux préconisent le classement de cette pétition.

M. Gabriel Barrillier (R). J'hésitais à intervenir. Mais quand je pense que, dans cette affaire, toute les procédures ont été respectées, qu'on construit actuellement des logements sociaux - je crois d'ailleurs que l'immeuble est quasiment fini - eh bien, je m'étonne que ce parlement perde encore du temps pour traiter d'une pétition qui a une guerre de retard ! Et je m'étonne aussi, chers collègues de la minorité, qu'on trouve encore un parti politique qui fasse un rapport de minorité là-dessus ! Je dois dire que j'ai parfois l'impression d'être dans une démocratie de luxe, dans laquelle, vraiment, l'objectivité et le pragmatisme ont disparu !

Je demande au rapporteur de minorité de reconnaître que tout a été fait et qu'aucune liberté et aucun droit de recours n'ont été foulés aux pieds dans cette affaire. C'est ici l'illustration de l'abus et de l'excès dans lesquels nous sommes tombés.

C'est la raison pour laquelle il faut classer cette affaire et passer à autre chose ! Les locataires vont bientôt entrer dans leurs logements... Pourquoi on perd-on encore notre temps à traiter cette pétition ?!

Mme Michèle Künzler (Ve). Cet immeuble est bientôt construit et l'objet de cette pétition n'existe plus, mais celle-ci pose quand même un problème, car son traitement a induit en erreur les citoyens. Il y a deux difficultés avec cette pétition, les signataires ont cru que la pétition acceptée par la Ville produirait un effet et ils ont déposé une pétition que nous n'avons pas traitée à temps; par ailleurs, toutes les procédures administratives relatives à la construction ont été faites dans les règles de l'art. Seulement, et c'est là un vrai problème d'information du citoyen, les signataires n'ont pas agi où il le fallait. C'est pourquoi nous devons dans cette enceinte réfléchir à la manière de mieux informer le citoyen, afin qu'il sache qu'il doit faire opposition s'il le souhaite. Dans le cas présent, il sera débouté et ce n'est pas par le biais d'une pétition qu'il fallait agir. Il y a eu un réel problème d'information, d'autant plus que l'autre pétition avait été acceptée par la Ville qui est entrée en matière et a reconnu le besoin d'une maison de quartier, ce qui fait toujours défaut dans cette zone.

Alors, si l'on peut être d'accord sur l'objectif - que je partage hautement en ce qui concerne la construction de HBM, surtout au centre-ville - il y a quand même la manière de faire qui, pour moi, compte autant que le but. Et la façon dont on a procédé - et qui anticipait celle qui a été employée pour Rhino, même si, là aussi, le doute n'était pas possible quant à l'issue de ce qui allait se produire - eh bien, cela compte ! Quand on a la force publique et quand on a le droit pour soi, on agit avec le maximum de précautions - et de droit - sans aller au-delà ! Il ne sert à rien d'utiliser la ruse, nous avons le droit et la force pour nous, cela suffit ! Je vous invite tout de même à rejeter cette pétition.

M. Alain Etienne (S), rapporteur de minorité ad interim. Je voudrais quand même rappeler à M. Aumeunier et à M. Barrillier qu'il ne s'agissait pas véritablement d'un squat, puisqu'il y avait des habitants dans cette maison, et certaines questions se posent par rapport aux procédures qui ont été mises en route. Il y a eu un passage en force alors qu'il y avait encore des habitants dans cette maison ! La BRIC est passée retirer l'ordre d'évacuation affiché, donc il fallait attendre la fin des procédures avant de passer à l'acte !

Suite à cela, M. Mark Muller n'a pas voulu recevoir les pétitionnaires, leur disant d'attendre le traitement de la pétition par la commission. Et entre-temps la maison a été démolie. Il y a donc eu un problème dans le traitement de ce dossier !

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, trois problèmes distincts sont soulevés par cette pétition. Le premier, qui semble être le plus important aux yeux du rapporteur de minorité, est celui du traitement des pétitionnaires par le Conseil d'Etat. Je crois que les procédures d'autorisation de construire sont suffisamment longues et complexes pour qu'à partir du moment où une décision est entrée en force, on ne soit pas encore ralenti par des interventions ultérieures ! Je ferai le parallèle avec le CEVA: alors que toutes les autorisations sont entrées en force et les crédits votés, on lance une initiative pour bloquer le projet. La démarche des pétitionnaires pour la maison Blardone était exactement du même acabit et on ne pouvait pas simplement constater qu'une pétition avait été déposée pour s'opposer à la démolition de cette maison, pour attendre que la pétition soit traitée ! Si on l'avait fait, c'est demain, après cette séance du Grand Conseil, que nous aurions alors enfin pu aller de l'avant, Monsieur le rapporteur de minorité !

Je vais quand même corriger votre propos, car vous ne pouvez pas dire que le Conseil d'Etat aurait affirmé aux pétitionnaires qu'il serait répondu à leurs préoccupations dans le cadre des travaux du Grand Conseil et que nous verrions ensuite ce que nous ferions avec la maison. Ce n'est pas vrai, on ne leur a jamais fait cette promesse-là. Au contraire, nous avons laissé la procédure parlementaire aller de l'avant. A son rythme ! Et nous sommes allés de l'avant, à notre rythme. Au rythme que nous souhaitons suivre pour construire des logements à Genève !

Maintenant, s'agissant de la procédure d'évacuation de cette maison, c'est une procédure menée par le Procureur général, qui a constaté une violation de domicile, qui a constaté qu'il y avait une plainte pénale contre les occupants illicites et qui a interpellé ceux-ci une première fois, les condamnant à une peine avec sursis. Il a ensuite constaté une récidive et a de nouveau interpellé l'occupant - puisqu'il n'y en avait qu'un ! Et une fois cet occupant dehors, les propriétaires ont repris possession de la maison, c'est leur droit le plus strict, cette pratique ne me paraît pas critiquable dans ce cas-là.

Le dernier élément, c'est la question de l'information des pétitionnaires. Là, le Conseil d'Etat est impuissant en quelque sorte, ce n'est pas de son ressort. Il y a peut-être une amélioration à apporter par le Grand Conseil à l'information des pétitionnaires, cela étant je ne crois pas que ce soit une raison suffisante pour accepter cette pétition.

Mises aux voix, les conclusions du rapport de majorité de la commission d'aménagement du canton (classement de la pétition 1591) sont adoptées par 45 oui contre 25 non.