République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10012-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant le Conseil d'Etat à aliéner la parcelle n° 963 de la commune de Pregny-Chambésy
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Odier (R)
Rapport de minorité de M. Alberto Velasco (S)

Premier débat

M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur de majorité. Je ferai un bref résumé du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Celui-ci autorise le Conseil d'Etat à aliéner une parcelle et une demeure situées à la route de Lausanne, sur la commune de Pregny-Chambésy. Il s'agit d'une parcelle de 12 000 mètres carrés avec une demeure qui est actuellement louée à la Confédération, mais dont le rendement est tout à fait insuffisant pour que l'Etat ait intérêt à conserver ce bien. (Brouhaha.) Il est donc proposé de vendre ce bien pour un montant minimum de 20 millions. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Je vous remercie, Madame la présidente !

La minorité de la commission souhaitait conserver ce bien parce qu'il pouvait représenter un avantage pour la collectivité pour accéder aux rives du lac... Or il faut savoir que l'aménagement de cette parcelle afin de permettre l'accès au lac serait particulièrement coûteux, notamment en raison des règlements concernant les rives du lac. Par ailleurs, il n'y a pas de parking à disposition à proximité de cette parcelle. Il faut savoir également qu'il y a déjà en amont et en aval - si je peux m'exprimer ainsi - des accès au lac: le lieu-dit le Reposoir et, de l'autre côté, le Vengeron.

Donc, pour la majorité de la commission, il s'est avéré que la vente de cet objet était tout à fait justifiée.

Le projet original du Conseil d'Etat prévoyait une affectation du produit de la vente pour l'acquisition de terrains. La majorité de la commission s'est opposée à cette demande du Conseil d'Etat, pour des raisons de transparence, de comptabilité des finances publiques. Elle estime en effet que toute affectation pour l'acquisition de terrains doit passer automatiquement par des projets de lois distincts.

Voilà, en quelques mots, les raisons pour lesquelles la commission vous incite à voter ce projet de loi.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Voilà un projet de loi qui devrait vous intéresser, puisqu'à l'origine de ce projet de loi il était question d'un bien commun et que j'entends des députés de tous bords - même en face - faire tout le temps référence au bien commun de la République... Eh bien, voilà un bien commun de la République !

Il avait été acheté à l'époque par le Conseil d'Etat pour mettre le bâtiment en question à la disposition d'organisations internationales ou d'ONG. Et il était prévu, justement, de créer un club de planche à voile et, pourquoi pas, aussi une plage. Ce projet était tout à fait honorable, puisque cela devait permettre aux citoyens genevois, avec les 9 millions qui avaient été payés à l'époque, d'avoir un nouvel accès au lac. D'autant, Mesdames et Messieurs les députés - et vous le savez - que l'accès au lac est très restreint pour les citoyens. C'était donc une opportunité d'avoir un nouvel accès, avec une possibilité de préemption future à gauche et à droite de cette propriété, qui pouvait permettre au Conseil d'Etat ou à la République de ce canton d'augmenter l'accès aux rives du lac pour les citoyens et citoyennes dans le futur. Eh bien, voilà: cette possibilité va nous être enlevée, puisque cet actif de l'Etat de Genève va être vendu pour un prix, d'ailleurs, qui n'est vraiment pas en rapport avec la qualité de l'objet.

En ce qui me concerne, je trouve qu'il aurait été logique, puisque, à l'époque, ce bien avait été acheté dans le but de le mettre à disposition des citoyens, de demander à ces derniers ce qu'ils en pensent: s'ils préfèrent conserver une possibilité d'avoir un nouvel accès au lac ou amortir la dette et renoncer à la plage qui avait été promise. Je le répète, il aurait été logique de demander aux citoyens de ce canton s'ils sont d'accord avec ce mode de faire !

Et ce qui me gêne, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'à chaque fois que l'on voudra vendre un objet, on prétextera que c'est pour amortir la dette. La dette a bon dos ! Avec la dette, on fait tout passer ! Je suis désolé, mais c'est un peu court: va-t-on vendre tout le patrimoine administratif de la République et canton de Genève sous prétexte qu'il faut amortir la dette ? Ça n'est pas possible ! Les générations futures auront besoin de plus d'accès au lac, puisque la population augmente. Je pense, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il faut absolument refuser ce projet.

Alors que l'on se targue d'être la Genève internationale...

La présidente. Monsieur le député, s'il vous plaît, vous devez conclure !

M. Alberto Velasco. Oui, Madame la présidente, je conclus tout de suite ! On s'entend dire que l'on n'a pas suffisamment de locaux à mettre à disposition des organisations internationales ! En l'occurrence, nous avons une possibilité d'offrir une demeure pour des ONG, pour des organisations internationales, mais, non, elle va certainement être vendue à un privé qui va s'empresser de bétonner l'entrée de la propriété !

Madame la présidente, cela va a contrario de la politique que nous menons, que ce soit au niveau de la Genève internationale, au niveau du bien commun, au niveau de l'ouverture aux citoyens du domaine public en facilitant l'accès au lac. Mesdames et Messieurs les députés, nous devons absolument refuser cette vente.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. le député Pierre Weiss...

Une voix. Il n'est pas là !

Une autre voix. Pierre !

La présidente. C'est une erreur ! La parole est à M. le député Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (L). Merci, Madame la présidente ! Ce n'est pas une erreur...

La propriété Rive-Belle, comme son nom l'indique, est une magnifique propriété, mais elle n'est d'aucune utilité pour l'Etat de Genève. Celui-ci la loue actuellement pour un montant ridicule à la Confédération, qui ne l'utilise que quelques jours par année. De plus, cette dernière n'a montré aucun intérêt lorsque l'Etat de Genève lui a proposé de la racheter. Son rendement est donc dérisoire alors que ses coûts d'entretien sont énormes; et je ne parle pas des éventuels coûts de rénovation...

A l'heure actuelle, la vente se justifie d'autant plus que le marché immobilier est très porteur pour ce genre de propriété et que l'Etat de Genève pourrait en retirer un montant considérable.

Je relève par ailleurs que le seul argument que le rapport de minorité oppose à cette vente est la volonté de donner à la population un accès au lac... Déjà, sur le principe même, on peut se demander si donner un accès supplémentaire au lac aux citoyens fait partie des tâches essentielles de l'Etat. Dans une situation où les finances du canton sont au plus bas, il faut se demander si cela fait partie des investissements indispensables de l'Etat.

Quoi qu'il en soit, même en admettant que ce soit une prestation indispensable de l'Etat, les travaux de la commission ont démontré que ce projet était difficilement réalisable étant donné que la propriété est trop petite et que son accès n'est pas aisé, comme l'a relevé à juste titre le rapporteur de majorité.

Je reviendrai encore un bref instant sur le montant éventuel d'une transaction sur cette propriété. On parle d'un montant largement supérieur à 20 millions. Certains parlent même de montants supérieurs à 30 millions... C'est intéressant, car cela montre qu'en une seule opération on arriverait à générer un montant supérieur à l'ensemble des mesures d'économie du Conseil d'Etat, selon le plan des mesures pour l'année 2006. C'est donc quand même assez frappant comme rapport ! Une seule opération rapporterait plus que toutes les mesures d'économie du Conseil d'Etat en une année. Je pense que cela mérite d'être relevé !

Je noterai aussi les récentes déclarations de notre ministre des finances David Hiler, qui a clairement déclaré à la presse que Genève n'arriverait jamais à se sortir de son endettement catastrophique sans céder des actifs qui ne sont pas nécessaires aux prestations indispensables que l'Etat doit fournir. Ce projet est une belle illustration de ce qu'il a dit. D'ailleurs, nous nous réjouissons que le Conseil d'Etat nous donne un plan de désendettement à ce sujet.

En dernier lieu, je dirai que, pour le groupe libéral, l'amélioration des finances du canton constitue une priorité beaucoup plus importante que l'accès à la plage, n'en déplaise au rapporteur de minorité !

Présidence de Mme Loly Bolay, première vice-présidente

M. Guy Mettan (PDC). Je voulais juste rappeler aux minoritaires qui s'opposent à la vente de ce bien que l'article en question dit ceci: «Le Conseil d'Etat est autorisé à aliéner [...]», ce qui ne veut pas dire qu'il est obligé d'aliéner. Connaissant un peu cette propriété, je crois que l'important est de donner la possibilité au Conseil d'Etat de vendre cette propriété si une mission diplomatique ou une organisation internationale voulait l'acquérir, comme cela a été le cas pour l'OMC. Sachant la lenteur de nos procédures, il me semble qu'il serait judicieux que nous votions ce projet de loi, afin que l'Etat puisse, le moment venu et le cas échéant, aliéner cette propriété.

Cela dit, le prix de vente a été estimé par notre commission entre 20 et 25 millions de francs. A mon avis, c'est plus qu'intéressant pour l'Etat de Genève: ceux qui ont eu l'occasion de se rendre dans cette propriété savent en effet qu'il s'agit d'une toute petite bande de terrain. Certes, il y a une maison de maître, mais sa surface au sol est très petite et il n'est pas possible de l'aménager puisqu'elle est classée. Donc, en fait, le futur acquéreur aura un usage assez limité de cette propriété.

Par ailleurs, il faut savoir qu'elle est située exactement au débouché de l'autoroute au Vengeron et que l'endroit, s'il est bien situé côté lac, l'est nettement moins côté autoroute.

Je crois, par conséquent, que l'on peut accepter ce projet de loi sans aucune mauvaise conscience.

M. Alain Charbonnier (S). Tout à l'heure, le rapporteur de majorité, nous parlant de ce projet de loi, disait que le prix minimum de vente serait de 20 millions... J'ai beau relire le texte de ce projet de loi, il n'est pas parlé d'une estimation à 20 millions ! Cette estimation n'a pas été faite par la commission, mais par le département qui a indiqué que ce sont des experts qui l'ont effectuée en 2005.

Et puis cette propriété ayant été achetée 10 millions par l'Etat en 1987, on peut s'étonner, comme l'a fait la présidente de notre commission, qu'étant donné le marché immobilier très porteur - mes préopinants l'ont dit tout à l'heure - cet objet n'ait que doublé de prix en vingt ans, malgré ses caractéristiques ! Si jamais cela intéresse des députés, j'ai la photo de la propriété... Il ne s'agit pas d'une petite bande de terrain, comme l'a indiqué M. Mettan tout à l'heure: il s'agit d'une parcelle de 12 000 mètres carrés avec une partie boisée, un petit port privé et, effectivement, une petite maison de maître.

Si nous avons refusé ce projet de loi en commission, ce n'est pas en raison du prix trop élevé ou trop bas de l'estimation ou de la vente éventuelle de ce terrain. Nous voulions simplement faire remarquer que les accès au lac sont peu nombreux sur la rive droite du lac. Cela a été indiqué tout à l'heure, il y en a deux: le Reposoir et le Vengeron. Comme cela a également été précisé, les parkings ne sont pas très éloignés de cette parcelle, ce qui pourrait répondre en partie au problème de stationnement. Et puis, il faut quand même rappeler que la capacité de parking du Reposoir n'est de loin pas gigantesque. A l'époque, quelques parkings en épi ont été réalisés à cet endroit, ce qui fait qu'aujourd'hui la majorité des personnes qui se rendent à la plage, notamment celle du Reposoir, prennent soit les transports publics jusqu'au BIT, puis elles marchent à pied, soit elles vont en vélo puisqu'il y a une magnifique piste cyclable sur la route suisse. Je vous le rappelle, Monsieur Mettan, ce n'est pas l'autoroute, mais la route suisse ! Il faut être précis lorsque l'on fait une description !

Par ailleurs, le projet d'origine de l'Etat de Genève prévoyait de mettre à disposition cet objet pour des organisations internationales, mais surtout, de créer un centre de planche à voile équivalent à ce qui existe sur la rive gauche, à la hauteur de Genève-Plage. Malheureusement, cela ne s'est jamais réalisé. Pour quelle raison ? On nous a dit que cela coûterait beaucoup trop cher, etc. Je voudrais bien que l'on nous fournisse des arguments chiffrés, au lieu de nous affirmer simplement que cela coûterait trop cher, sans le prouver. D'autant qu'il existe déjà un port privé et que l'accès au lac est assuré. L'argument du coût me semble en l'occurrence un peu fumeux.

Tout à l'heure, vous parliez du Vengeron... C'est intéressant que vous en parliez ! Vous voulez parfois faire de la prospective, alors, allons-y ! Vous parlez de la traversée de la rade... Vous voulez la faire où ? Tous les plans que nous avons eus en main indiquaient qu'elle pourrait se faire au niveau du Vengeron ! Alors, réservons des terrains de l'Etat de Genève pour les mettre à disposition du public, et, le jour où vous raserez et bétonnerez le Vengeron, nous aurons au moins une solution de rechange tout près - au bord du lac - et qui profitera à toute la population. (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). M. le député Charbonnier me tend une perche... Les Verts vont vous proposer de vendre le plus vite possible cette parcelle si elle peut servir à la réalisation d'une traversée de la rade ! Mais revenons directement à notre sujet !

Nous les Verts, nous avons simplement constaté que nous étions propriétaires de cette maison depuis quelques années et que nous n'en avons rien fait. Nous ne sommes donc pas tout à fait persuadés de son utilité directe pour la population. Cette maison vaut entre 30 et 40 millions sur le marché aujourd'hui. C'est de l'argent dont l'Etat de Genève a besoin pour rembourser sa dette, mais, à ce prix, on pourrait aussi racheter sept cent cinquante à mille logements à la Fondation de valorisation de la BCGe. Quoi qu'il en soit cet argent permettrait à l'Etat de faire des choses utiles.

Et puis, cela rend l'accès au lac très cher. Franchement, nous pourrions acquérir d'autres zones au bord du lac, très caillouteuses, où il serait possible de réaliser un ponton pour que les gens puissent se baigner, à un prix bien moindre !

Le problème se pose pour nous en termes de priorités. Nous devons nous demander ce que nous pouvons faire d'une telle somme et réfléchir à la meilleure manière de diminuer notre dette. Aujourd'hui, nous devons faire des choix. Ils sont difficiles: nous ne pourrons pas tout faire ! Alors, nous préférons nettement vendre cet objet et garder le produit de la vente. Nous devons avoir une gestion raisonnable des deniers publics. Nous pensons vraiment qu'il est prioritaire de garder cet argent et qu'il vaut mieux trouver d'autres accès au lac. Nous ne sommes pas certains qu'il faille se priver d'une telle somme pour pouvoir le faire !

Une voix. Bravo !

M. Yves Nidegger (UDC). Toutes les raisons rationnelles et logiques pour l'Etat de se défaire d'un bien dont il n'a pas l'utilité en échange d'un excellent prix, c'est-à-dire de l'argent dont il a, évidemment, le plus grand besoin, ont déjà été évoquées.

L'opposition à ce projet de loi est de nature purement idéologique. Malgré l'avancement de l'Histoire, il y a dans ce parlement des gens qui croient encore que, le marxisme étant une science, l'étatisation progressive de tout le territoire est génétiquement programmée et prédestinée. Ils s'opposent par conséquent à tout retour d'un bien en main publique vers le privé parce que cela heurte un dogme, une croyance qu'ils voudraient bien maintenir un peu plus longtemps, en dépit de toutes les évidences contraires.

Il n'y a donc absolument rien de rationnel: c'est un combat idéologique, quasiment religieux auquel nous assistons aujourd'hui. (Exclamations.) Il faudrait donc, ne serait-ce que pour des raisons pédagogiques, crucifier cette opposition, parce que vous verrez dans le futur que d'autres biens du même type devront pouvoir être réalisés si nous voulons sortir Genève des vrais problèmes - et non pas des problèmes idéologiques. Ce symbole auquel certains s'accrochent encore aujourd'hui, parce qu'ils ont peur qu'il n'ouvre la porte à la privatisation d'autres biens, doit être détruit. Ces privatisations sont nécessaires et elles auront lieu. Il faut ébranler le moral des troupes qui défendent ce symbole et cette croyance, afin que nous puissions enfin travailler sérieusement dans ce canton au redressement des finances.

Nous vous invitons donc évidemment à rejeter la proposition minoritaire et à adopter le projet de loi voté par la majorité de la commission.

M. Pierre Kunz (R). Le rapporteur de minorité fait des raccourcis réellement aussi saisissants que révélateurs...

Que nous dit-il ? Ce bien est d'utilité publique, puisqu'il est propriété de l'Etat... Ping ! Autrement dit, Mesdames et Messieurs, tout ce qui appartient à l'Etat doit y rester. A ce titre, pour aller au bout de cette logique - la logique socialiste, semble-t-il - la dette cantonale est d'utilité publique, puisqu'elle est d'Etat, et elle doit y demeurer ! (Rires.) Elle doit y demeurer !

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, une bien curieuse façon de concevoir la gestion de l'Etat; une bien curieuse façon de concevoir l'intérêt général ! Eh bien, c'est pourtant la manière dont - d'après ce que nous dit M. Velasco - l'on considère les choses au sein de ce grand parti qu'est le parti socialiste, deuxième parti de notre pays ! Mesdames et Messieurs, soyons sérieux, la situation est pourtant d'une limpidité totale ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Le Conseil d'Etat mène une politique qui vise à débarrasser son bilan de biens immobiliers qui lui coûtent ou dont il n'a plus l'utilité. Sans les brader, bien sûr, et la commission des finances y veille, Mesdames et Messieurs ! Tout gouvernement sensé agit ainsi au même titre que tout gestionnaire agit ainsi.

Mais, bon, tout le monde ne voit pas les choses de la même manière... En ce qui concerne le parti radical, il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'il votera le projet de loi 10012 tel qu'il est ressorti des travaux de la commission.

M. Eric Stauffer (MCG). Les arguments qui ont été développés sont intéressants du point de vue idéologique... L'accès au lac pour les citoyens devrait - c'est vrai - être un droit inaliénable. Nous avons la chance d'avoir un superbe lac à Genève, mais seules les villas de multimilliardaires le bordent, au détriment de la population.

Quoi qu'il en soit, l'argument de M. le député Bavarel nous conforte définitivement dans l'idée qu'il faut vendre cette parcelle au plus offrant, tant il est vrai qu'avec une somme de 30 ou 40 millions il serait possible d'aménager un certain nombre de quais et d'accès au lac. Bien sûr, il y a l'affectation de ces fonds... Il faut respecter les normes IPSAS... Si vous avez lu le rapport, il est évident que cela doit rentrer dans le budget de fonctionnement. C'est la raison pour laquelle le groupe MCG soutiendra le rapport de majorité.

Je souligne néanmoins, puisque vous avez parlé de la dette de Genève, que cet hémicycle est composé de différents partis - dont proviennent les conseillers d'Etat. Que cette dette nous coûte un million d'intérêt par jour pour rembourser les banques auprès desquelles Genève a contracté des emprunts et que 40 millions ne représentent que quarante jours d'intérêt... Je vous prie de croire qu'il y a bien des choses à dire sur ce qui s'est passé à l'époque et sur les responsabilités des uns ou des autres. Mais, bon, bref: je ne vais pas m'éterniser sur ce sujet.

Nous allons donc accepter que l'Etat se départe de ce bien.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Monsieur Bavarel, je vous remercie pour votre déclaration. Donc, si j'ai bien compris, vous êtes d'accord de vendre cet actif pour financer du logement !

Vous le savez: l'initiative de l'Asloca à propos de l'or de la Banque nationale permettra de financer des logements à hauteur de centaines de millions... J'espère donc que vous la voterez ! D'autant plus que l'on ne demande pas de vendre des actifs: il s'agit d'une affectation directe de recettes extraordinaires qui parviennent à l'Etat de Genève. Je vous attends donc, Monsieur Bavarel, vous et votre groupe, pour voter notre initiative, puisque les recettes seront affectées au logement !

Mais revenons à l'objet qui nous concerne. M. Nidegger prétend que parler de bien commun relève de l'idéologie, de la religion. Mais, Monsieur Nidegger, la religion consacre le bien commun ! Cela ne me gêne pas d'être religieux dans ce cas ! En ce qui me concerne, je ne rejette pas la religion comme cela: certains préceptes de la religion sont très bien ! Dans le marxisme, il y a de très bonnes choses aussi ! Par contre, il n'y a rien de bien dans les idées de l'UDC ! C'est cela le problème, voyez-vous: il n'y a rien de bien ! J'ai regardé votre programme: il est nul ! C'est zéro, c'est mauvais ! Et paf ! Et je ne parle pas des affiches: c'est encore pire ! Cela ne me gêne donc pas, Monsieur, d'être religieux s'il s'agit de préserver le bien commun ! Cela ne me gêne pas du tout, Monsieur ! Pas du tout !

On nous dit que l'Etat pourrait récupérer un montant de 30 millions... Mais alors, si je suis votre raisonnement, on pourrait vendre la cathédrale ! Vendons la cathédrale ! (Exclamations.)

M. Robert Cramer. Ce serait plus intéressant !

M. Alberto Velasco. Vendons la cathédrale, Messieurs: ce serait plus intéressant ! Et puis, tant qu'à faire, vendons aussi cette salle ! Cela nous permettrait d'amortir la dette plus vite !

Il y a d'autres solutions pour amortir la dette, qui sont plus en adéquation avec les besoins de notre République... Mais il n'en est pas question: il faut que l'Etat se départe de tous ses actifs !

Mesdames et Messieurs, je constate, alors que l'Etat possède un accès au lac sur la rive droite, que vous préférez dessaisir les citoyens de cette possibilité - qui leur appartient aujourd'hui - pour la mettre à disposition d'un privé, pour 30 millions, ou 20. On n'en sait rien... On verra bien !

Eh bien, vous avez une drôle de notion de ce qu'est le bien commun de cette République ! Quelle sera la prochaine vente ?

Certes, dans une déclaration, le Conseil d'Etat s'est engagé à amortir la dette sans relever les recettes et, précisément, en se dessaisissant d'actifs faisant partie du patrimoine immobilier de l'Etat de Genève. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas impossible que nous lancions un référendum sur cet objet ! Ce n'est pas impossible ! Il y a en effet des citoyens qui sont outrés - outrés ! - de voir l'Etat se départir d'actifs comme celui-ci.

M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur de majorité. Je ne reviendrai pas sur l'aspect idéologique du débat. Que l'on veuille conserver un accès au lac pour la population me semble une conviction tout à fait respectable.

Je voudrais simplement aborder l'aspect financier. D'abord, le produit de cette vente ne servira pas au remboursement de la dette. Pour cela, il faudrait déjà que nous ayons équilibré nos comptes ! Mais, dans la situation financière dans laquelle nous nous trouvons, est-il raisonnable de conserver un bien qui, à l'heure actuelle, coûte plus qu'il ne rapporte et qui, dans les années à venir, générera probablement encore des frais d'entretien et de transformation ? En effet, entretenir une telle demeure implique d'engager des frais supplémentaires qui pèseront sur les finances publiques. Cela ne me semble pas du tout raisonnable financièrement parlant. En outre, quelles que soient les transformations que l'on voudra faire sur cette parcelle, elles seront pratiquement impossibles à réaliser. D'une part, il ne sera pas possible de toucher à cette demeure car elle est classée et, d'autre part, les accès au lac ne pourront pas être modifiés, dans la mesure où les règlements en matière de rives du lac sont très stricts. Et un changement d'affectation coûterait également très cher à l'Etat.

Monsieur Charbonnier, vous avez peut-être lu plusieurs fois le rapport, mais vous devriez le relire encore une fois: vous verriez qu'en page 3 la commission parle effectivement d'un montant minimum de 20 millions et qu'elle souhaiterait obtenir 25 millions. Vous devriez donc le relire encore une fois !

Voilà pourquoi je continue à penser qu'il faut voter ce projet de loi.

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Cela fait plusieurs années que le Conseil d'Etat vous propose d'aliéner des biens immobiliers de l'Etat. Il est vrai que, jusqu'à présent, ces propositions ont essentiellement porté sur d'anciennes gares, d'anciennes gendarmeries, d'anciens postes de douane et, parfois, de petites parcelles. Aujourd'hui, nous proposons de vendre un objet un peu plus conséquent, mais il s'agit de poursuivre la politique que vous avez soutenue pendant plusieurs années.

Quels sont les critères que nous appliquons pour choisir les objets que nous vous proposons de vendre ? Ils sont deux. Le premier critère, c'est l'aspect financier. C'est l'objectif de désendettement de l'Etat qui a déjà été évoqué. Vous aurez peut-être relevé que, dans le projet de budget 2008, nous consacrons environ un million de francs par jour à payer des intérêts sur la dette de l'Etat. C'est presque autant que le montant des investissements nets de l'Etat par année !

C'est vous dire à quel point il est urgent de nous désendetter et de poursuivre cette politique d'aliénation de terrains ! En effet, à part, peut-être, en vendant les actions d'un certain nombre d'entreprises dont l'Etat est propriétaire, nous ne voyons pas vraiment de quelle façon nous pourrions désendetter l'Etat sérieusement et de manière substantielle, si ce n'est en vendant un certain nombre d'actifs immobiliers. Le désendettement de l'Etat est le premier élément qui guide notre politique.

Le deuxième élément, c'est l'intérêt public de conserver un immeuble ou de le vendre. Or, s'agissant de cet objet, nous avons fait un constat très simple: nous l'avons acheté en 1987 avec, à l'époque, des objectifs d'intérêt public d'accès au lac, d'hébergement d'organisations internationales, d'ambassades ou de personnalités particulières, mais, en vingt ans, nous n'avons rien réussi d'autre que de louer cette maison à la Confédération pour un loyer relativement modique. L'objectif de départ n'a pas été atteint, et nous sommes donc arrivés à la conclusion qu'il fallait vendre cet immeuble.

Alors, on peut évoquer d'autres types d'intérêt public. M. Velasco a cru bon de comparer cet objet à la cathédrale... Je pense que vous ferez la différence entre l'intérêt public qu'il y a à conserver la cathédrale et celui qu'il y a à conserver cette maison au bord du lac. (Commentaires.)

M. Charbonnier met dans la balance la traversée de la rade... Très bien ! On peut éventuellement se demander s'il est intéressant de conserver cette parcelle en vue de la traversée de la rade... Je vous remercie d'ailleurs de soutenir ce projet qui est effectivement d'intérêt public - du point de vue du Conseil d'Etat - mais, je ne crois pas non plus que l'on puisse comparer ces éléments.

Je crois, Mesdames et Messieurs, que ces éléments militent assez clairement en faveur de l'aliénation de cette parcelle, et je vous remercie d'ores et déjà de soutenir ce projet.

Mis aux voix, le projet de loi 10012 est adopté en premier débat par 69 oui contre 15 non.

L'article unique de la loi 10012 est adopté en deuxième débat et en troisième débat.

Une voix. Je demande le vote nominal !

La présidente. Etes-vous soutenu, Monsieur le député ?

Des voix. Oui !

La présidente. Vous l'êtes ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets donc le projet de loi 10012 à l'appel nominal en troisième débat.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10012 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui contre 16 non et 2 abstentions.

Loi 10012 Appel nominal

Présidence de Mme Anne Mahrer, présidente