République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9922-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi en matière de chômage (J 2 20)

Premier débat

M. François Gillet (PDC), rapporteur. La problématique du chômage est sans aucun doute l'une des plus préoccupantes de notre république. Quelle est la situation aujourd'hui à Genève ? Nous comptons environ 13 700 chômeurs et 20 300 demandeurs d'emploi. Le taux de chômage est actuellement de 6,2% - c'est nettement le plus haut du pays - et plus grave encore, le chômage de longue durée touche 40% des chômeurs, alors qu'en moyenne nationale il est de 25%. Malgré l'amélioration de la conjoncture, la situation est toujours préoccupante. Il y a certes un socle dit incompressible de l'ordre de 3% avec lequel il faudra composer à l'avenir, mais il reste aussi beaucoup à faire pour réinsérer les milliers de chômeurs de notre canton.

Mesdames et Messieurs les députés, derrière les chiffres, derrière les pourcentages, des milliers d'hommes et de femmes, jeunes et moins jeunes, vivent dans leur très grande majorité cette situation comme une souffrance, une souffrance personnelle, mais aussi une souffrance familiale.

En commission de l'économie, durant les vingt séances consacrées à cet objet, l'ensemble des commissaires ont toujours eu à l'esprit que nous ne travaillions pas sur des chiffres et des dépenses budgétaires, mais bel et bien sur des situations touchant des hommes et des femmes.

J'ai relevé dans mon rapport que tous les groupes ont, dès le départ, considéré cet objet comme prioritaire. Et dès le départ, la commission de l'économie a manifesté une volonté de rechercher un consensus pour élaborer une loi pouvant être acceptée par tout le monde - ou tout au moins par le plus grand nombre. J'insiste encore sur la qualité d'écoute manifestée durant nos travaux et sur la volonté de rechercher le consensus.

Dans cet esprit, le projet de loi socialiste - qui ne figure pas en en-tête de notre rapport - a été largement présenté et débattu, il a d'ailleurs permis aux personnes auditionnées de s'exprimer sur ces propositions. Ce projet de loi a donc alimenté les réflexions de notre commission.

Au final, aucune opposition n'a été enregistrée contre le projet de loi du Conseil d'Etat, cela montre que nous avons pu avancer de manière consensuelle. Il y a certes eu un certain nombre d'abstentions du côté des Verts et des socialistes, mais un point a fait l'unanimité - et je me permets d'insister sur ce point - la loi actuelle ne satisfait quasiment plus personne.

Cette loi n'a malheureusement pas permis de lutter efficacement contre le chômage. Elle n'a pas permis la réinsertion des milliers d'hommes et de femmes dans cette situation. Pire encore, la loi actuelle a contribué à la prolongation de la durée du chômage en rendant plus aléatoire le retour à l'emploi. Les emplois temporaires cantonaux n'ont pas rempli la fonction qui devait être la leur. Au contraire, ils se sont révélés être responsables de la prolongation de la durée du chômage et donc de la difficulté à retrouver un emploi.

Pourtant, Genève fait beaucoup pour ses chômeurs. Pour soutenir les différentes mesures cantonales, le canton dépense plus de 90 millions de francs par année. A cela s'ajoutent les dizaines de millions octroyés par la Confédération. Nous ne sommes donc pas restés les bras croisés, mais force est de constater que - en dépit du contexte particulier de Genève - notre politique n'est pas adéquate et qu'il convient de trouver de nouvelles dispositions.

Ces nouvelles dispositions sont au nombre de cinq - cinq innovations, cinq améliorations évidentes dans la loi proposée par le Conseil d'Etat. Quelles sont-elles ?

Premièrement, l'objectif est d'octroyer des mesures de formation et de réinsertion beaucoup plus rapidement qu'aujourd'hui. Il faut aller vite si l'on veut lutter contre le chômage, et c'est ce que cherche à mettre en place la nouvelle loi.

Parallèlement, il est prévu d'améliorer le fonctionnement de l'Office cantonal de l'emploi qui doit être capable de mettre rapidement en oeuvre cette nouvelle politique, dans de bonnes conditions.

Mentionnons ensuite le renforcement de l'allocation de retour en emploi, mesure trop peu utilisée ces dernières années et qui offre de belles perspectives. Nous verrons tout à l'heure que l'ouverture de cette mesure au secteur public n'a pas fait l'unanimité, mais c'est une solution intéressante pour dynamiser ces allocations destinées à favoriser le retour en emploi.

Relevons encore la décision de supprimer les emplois temporaires cantonaux qui, comme vous le savez, ne sont plus reconnus par la Confédération et sont même condamnés par cette dernière. Que les choses soient claires, si nous voulons les conserver, nous devrons en payer la totalité des charges. Il est donc prévu de supprimer les emplois temporaires cantonaux au profit d'un programme d'emploi et de formation beaucoup mieux ciblé.

Enfin, et c'est là l'innovation essentielle, il est également prévu de mettre en place un programme d'emplois de solidarité sur le marché secondaire. C'est une nouveauté à Genève et une perspective intéressante pour les chômeurs de longue durée, pour lesquels il y a parfois des difficultés à envisager un retour sur le marché principal.

La présidente. Il va vous falloir conclure, Monsieur le rapporteur.

M. François Gillet. Donc, toutes ces mesures sont intéressantes et ont pour objectif de lutter efficacement contre le chômage, sans pour autant exclure celles et ceux qui, malgré tout, auront des difficultés à trouver un premier emploi ou à retrouver un nouvel emploi.

Je terminerai, Madame la présidente, en disant que nous savons qu'un certain nombre d'amendements seront proposés ce soir. Je souhaiterais que ces derniers suscitent l'écoute, la discussion et, si possible, que nous puissions continuer à travailler dans le même climat consensuel que nous avons connu durant les vingt séances de commission. Et j'ose espérer que nous aboutirons à une adoption la plus large possible de cette loi qui est très importante pour l'avenir de notre canton. (Applaudissements.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous informe que la Télévision Suisse Romande filmera les débats de cette séance.

M. Antonio Hodgers (Ve). Pour saisir le sens des mesures de ce projet de loi, il faut tout d'abord comprendre les changements macro-économiques et structurels qui se sont effectués dans notre économie entre la fin des années '80 et le début des années '90, période durant laquelle la loi actuelle a été instaurée.

Il y a vingt ans, le marché de l'emploi était beaucoup plus protégé. L'Etat avait les moyens de gérer l'attribution des permis de travail; par conséquent, le taux de chômage pouvait être perçu comme conjoncturel et le dispositif des occupations temporaires pouvait être compris comme un moyen de maintenir des gens aptes au travail dans un cadre d'occupation - sans les exclure du marché de l'emploi, pendant trois à quatre ans - le temps pour l'Etat de régler ou d'ajuster le phénomène migratoire et de recréer des conditions propices à une baisse du chômage. Ces mesures avaient un sens à l'époque, mais aujourd'hui, avec les bilatérales - voulues par une très grande majorité de la classe politique - la donne a changé et la pression sur le marché de l'emploi se fait fortement sentir dans certains secteurs.

Le marché de l'emploi se cherche un nouvel équilibre, et ce dernier ne sera plus conjoncturel, mais durable. Certaines personnes, les plus faibles, seront exclues de ce nouvel équilibre, et non plus de manière conjoncturelle, mais de manière durable. Ce constat est difficile, mais nous devons le faire.

Par conséquent, si une partie du chômage est structurelle, nous devons alors faire le deuil du plein emploi dans notre type d'économie. Ce qui était vrai hier ne l'est plus aujourd'hui et ce projet de loi s'inscrit dans ce changement de paradigme.

Cependant, refuser ce projet de loi ne signifierait pas un retour à la situation d'hier, mais seulement maintenir un outil inadapté pour gérer la situation d'aujourd'hui. Notre principale préoccupation - à nous les Verts, mais aussi à toutes les forces politiques qui ont une vision humaniste de l'activité publique - doit être de protéger nos concitoyens les plus faibles, ceux qui, pour des raisons de vie, de profil professionnel, ou d'âge, ne parviennent plus à trouver une place sur le marché de l'emploi. Nous avons un devoir de solidarité vis-à-vis d'eux. Si le marché principal de l'emploi ne leur donne pas de place, le rôle des pouvoirs publics est alors de leur en trouver une.

Mais de quelle solidarité parlons-nous ? Pour les Verts, l'action publique ne doit pas consister à développer des systèmes incitant les gens à demeurer dans une dépendance financière de l'Etat; cela n'est ni bon pour le bénéficiaire, ni durable pour l'Etat sur le long terme. L'action publique doit, au contraire, aider les gens à devenir autonomes, elle doit leur fournir les outils pour qu'ils soient indépendants, pour qu'ils puissent décider de leur destin. C'est avant tout une question de dignité et de respect vis-à-vis de ces personnes. Et force est de constater que dans nos sociétés, le travail, le fait d'avoir une activité quotidienne, est une condition nécessaire à cette dignité et à ce respect de soi-même.

C'est pour toutes raisons que les emplois de solidarité sont crées dans ce projet de loi. Puisque nous créons un marché complémentaire pour des gens qui n'ont pas trouvé de place sur le marché principal, il faut que ces emplois soient de vrais emplois, avec des contrats à durée indéterminée. Ces gens auront des horaires, des collègues, un patron, un salaire à la fin du mois, et finalement tout ce qu'une activité amène comme socialisation et valorisation - ce que la plupart des gens connaissent heureusement.

Bien sûr qu'aucune mesure ne peut résorber le chômage à elle seule, mais ce dispositif et les autres nouveautés dans la loi sont vraiment un pas important dans l'affirmation du nouveau paradigme économique. Les Verts seront attentifs à certaines conditions, à notre sens indispensables, liées aux emplois de solidarité. Ces emplois ne doivent, bien sûr, pas concurrencer le marché principal des emplois réels. Il y a un risque de dumping salarial important à ce niveau. Un effort important sera également demandé au monde associatif et aux institutions qui vont créer - on espère, en nombre important - ces emplois de solidarité.

Il y a encore des doutes sur ces points mais nous devons accorder un vote de confiance au gouvernement pour que ces politiques soient mises en places. Et les Verts veilleront à ce que l'Etat dispose de moyens suffisants pour appliquer cette politique.

Pour conclure, je dirais que, ce soir, en renforçant la prise en charge rapide des personnes, mais surtout en créant ce marché complémentaire, nous accomplissions tous un acte de solidarité, pour que chacun puisse trouver sa place dans notre société. Et c'est véritablement en insistant sur cette considération première que les Verts voteront ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Véronique Pürro (S). J'aimerais remercier M. le rapporteur qui nous a fourni un rapport vraiment très bien construit et sur lequel nous avons eu plaisir à organiser ces travaux.

Les socialistes sont unanimes dans leur volonté de tout mettre en oeuvre pour réduire le nombre de chômeurs dans notre canton. Mais à ce stade, j'aimerais apporter une précision. S'il est vrai que le taux de chômage est particulièrement élevé à Genève et probablement le plus élevé de Suisse, il faut quand même préciser qu'en comparaison intercantonale le pourcentage de personnes inscrites à l'assurance invalidité et le pourcentage de bénéficiaires de l'assistance publique est sensiblement plus bas qu'ailleurs. Cette précision est importante, car elle montre bien qu'à Genève nous avons eu une volonté de maintenir les personnes sans emploi dans un système, dans une logique de réintégration de l'emploi - sous l'égide de la loi cantonale sur le chômage - plutôt que de les transférer sur l'assurance-invalidité ou l'assurance sociale qui n'ont pas de logique de réintégration sur le marché de l'emploi.

Les socialistes sont également unanimes pour admettre que la situation actuelle n'est pas satisfaisante et qu'il faut agir vite. J'aimerais rappeler, comme M. le rapporteur, que les socialistes ont déposé l'an dernier un projet de loi qui est encore à la commission de l'économie et qui prévoyait toute une série de mesures pour améliorer le système actuel que nous dénonçons.

Néanmoins, le projet de loi présenté aujourd'hui et qui ressort des travaux de la commission de l'économie contient - il faut l'admettre et nous l'admettons - des améliorations par rapport à la situation actuelle.

Soulignons en premier lieu que la période d'indemnisation fédérale - les dix-huit premiers mois - est mieux cadrée et obligera à revoir le fonctionnement de l'OCE. Je crois que cela n'est plus un mystère pour personne: il y a urgence, car il n'est plus acceptable d'attendre des mois et des mois avant d'être reçu et pris en charge pour se faire proposer quelque chose allant dans le sens d'une réintégration sur le marché de l'emploi. C'est important de réorganiser très rapidement, et indépendamment de l'acceptation ou non de cette loi, le service cantonal de l'emploi.

Parmi les améliorations, relevons également la volonté d'anticiper. C'est conséquent à ce que je viens de dire, il faut prendre en charge immédiatement le chômeur et lui proposer très rapidement des mesures. Parmi ces dernières, les mesures au niveau de la formation nous satisfont. C'est une revendication de longue date de la gauche, les formations au niveau du chômage doivent être requalifiantes et permettre à certaines personnes de se réorienter, d'apprendre un nouveau métier ou de devenir simplement plus concurrentielles sur le marché de l'emploi.

Enfin, comme l'a dit M. Hodgers et comme nous l'avions déjà développé dans notre propre projet de loi, je salue la reconnaissance de l'existence d'une nouvelle économie sociale et solidaire, même si je regrette que cette économie importante n'ait une reconnaissance qu'à travers la loi sur le chômage et que, finalement, elle ne serve qu'à réintégrer des personnes qui n'ont pas trouvé un emploi sur le marché primaire de l'économie depuis un certain temps.

Malgré ces améliorations notables en relation avec notre projet de loi, plusieurs points importants n'ont pas été retenus par la majorité de la commission de l'économie, et nous le regrettons. Il s'agit notamment de la question du chômage des jeunes, pour lesquels nous souhaitions des mesures ciblées, et la question du chômage pour les plus de cinquante ans, pour lesquels nous pensons également qu'il faut prévoir des mesures particulières, tant il est vrai qu'à cet âge, malheureusement, l'intégration sur le marché de l'emploi devient très difficile.

Par ailleurs, plusieurs points demeurent sans réponse, malgré nos questionnements tout au long des travaux de la commission de l'économie. Par exemple, nous notons l'absence de réponse satisfaisante sur l'avenir des emplois temporaires actuels. Je vous rappelle que 1600 personnes travaillent au sein des différents services de l'Etat ou des administrations communales, ou dans des institutions privées subventionnées.

Dans un contexte de réduction de 5% de l'effectif de l'Etat et de réduction des subventions aux associations, nous ne savons pas exactement ce que vont devenir ces 1600 personnes et les services qui les emploient quand cette loi sera mise appliquée - si elle est adoptée.

Nous nous questionnons également sur l'absence de garantie au niveau du nombre et du profil des postes devant être créés dans l'économie sociale et solidaire. A ce stade, peu de choses ont été faites - il faut l'admettre - alors qu'il va falloir trouver entre 1000 et 1200 places de travail à offrir aux personnes arrivant en fin de droit fédéral.

Enfin, l'adoption de plusieurs propositions est difficilement acceptable par les socialistes, notamment la question du chômage des personnes de plus de 50 ans. Le projet de loi du Conseil d'Etat prévoit une limite à 50 ans alors que la majorité de la commission de l'économie a cru bon de la reporter à 55 ans.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, et à ce stade de la discussion, les socialistes accepteront l'entrée en matière et déposeront une série d'amendements. Vous l'aurez compris, la position des socialistes dépendra de votre capacité à nous entendre et à prendre en compte nos propositions.

M. Guy Mettan (PDC). J'aimerais d'abord rendre hommage à notre collègue rapporteur François Gillet dont le rapport est un modèle du genre, parce qu'il est complet, synthétique et très objectif. Il rend hommage aux contributions de chacun lors des travaux intenses de la commission.

Le parti démocrate-chrétien soutiendra ce projet de loi à la fois novateur, mesuré et pragmatique. Ce sont les ingrédients qui nous paraissent nécessaires pour mettre fin à la situation intolérable du chômage à Genève.

Je vais rappeler brièvement les quatre objectifs de ce projet de loi. Le premier objectif est l'amélioration de la réinsertion des chômeurs dès la période d'entrée au chômage, c'est-à-dire dès le deuxième mois de chômage. Ce fait nouveau est très important pour que les personnes ayant le malheur de tomber dans le chômage ne perdent pas contact avec le monde du travail et ne perdent pas pied.

Le deuxième objectif est la suppression des emplois temporaires cantonaux. Vous savez qu'ils avaient été crées il y a une quinzaine d'années, quand le taux de chômage avait fait un énorme bond suite à la crise économique du début des années '90.

A l'époque, ces emplois temporaires semblaient être une bonne idée et devaient permettre à des chômeurs de longue durée de retrouver un emploi. Mais ce qui semblait être une bonne idée s'est révélé une idée calamiteuse dans la réalité. Pourquoi ? Parce qu'à Genève les bonnes idées - malheureusement trop fréquemment - se transforment en charge pour la république, et ces emplois temporaires sont devenus quasiment permanents. Toute l'originalité du projet de loi proposé ce soir est de supprimer ces emplois temporaires cantonaux devenus permanents pour créer une alternative sur le deuxième marché, le marché de la solidarité. C'est une innovation qu'il nous faut saluer.

Le troisième objectif est le développement des allocations de retour en emploi. Pour avoir permis à trois personnes de bénéficier des ARE au cours des dix dernières années, et d'avoir ainsi pu les remettre sur le marché de l'emploi fixe, je suis personnellement extrêmement favorable au développement de ces allocations de retour en emploi qui sont malheureusement trop souvent méconnues du monde de l'entreprise. C'est un instrument extrêmement utile et efficace pour les PME comme pour les ONG qui ne peuvent pas se permettre d'engager du nouveau personnel tout de suite et à plein temps.

Enfin, le quatrième objectif est l'amélioration du fonctionnement de l'Office cantonal de l'emploi.

Pour ces quatre raisons, nous soutiendrons sans réserve ce projet de loi et nous accepterons également les amendements du Conseil d'Etat qui sont techniques ou répondent à une demande légitime des syndicats, notamment en ce qui concerne le maintien du conseil de surveillance du marché de l'emploi.

En revanche, nous sommes sceptiques - pour ne pas dire déçus - face aux amendements que propose le parti socialiste. Au moins deux de ces amendements sont tout à fait inacceptables, car ils ne visent à rien d'autre qu'à saboter l'objectif même de la loi. L'amendement proposé à l'article 6, alinéa 3, vise par un subterfuge à rendre ces emplois temporaires à nouveau permanents, en les perpétuant sans limite et aux frais du canton de Genève. Et l'amendement à l'article 42 ne vise rien d'autre qu'à augmenter les revenus des chômeurs de longue durée par rapport aux indemnités fédérales, c'est-à-dire à faire obstacle à leur réinsertion sur le vrai marché de l'emploi, sur le marché des emplois ordinaires.

En revanche, les autres amendements socialistes en faveur des allocations de recherche - les ARE - et en faveur du rabaissement à 50 ans de l'application de ces ARE, eh bien, ces amendements vont, selon moi, dans le bon sens. Et nous serions prêts à les accepter si le parti socialiste retirait les deux précédents amendements, car ces trois-là sont tout à fait constructifs. Si le parti socialiste renonçait à ces deux amendements, la preuve serait alors faite que ce parti, qui a pourtant collaboré activement en commission - j'ai assisté à certains travaux - cherche des prétextes pour ne pas voter ce projet de loi et le torpiller.

M. Gabriel Barrillier (R). Avec ce projet de loi, Genève se trouve à un moment décisif dans la lutte contre le chômage: soit nous agissons résolument et apportons des solutions efficaces pour combattre l'exclusion des chômeurs de longue durée par la réinsertion - notamment celle des jeunes dont le nombre ne cesse d'augmenter, j'insiste sur ce point, vous avez vu les statistiques - soit nous échouons et envoyons dans le mur toutes ces femmes et ces hommes que le dispositif en vigueur depuis dix ans n'a pas permis de réintégrer dans le monde du travail.

Si nous échouons, nous continuerons à nous ridiculiser aux yeux de la Confédération et des autres cantons suisses avec ce taux de chômage éternellement supérieur de plus de deux points à la moyenne nationale.

Certaines des multiples causes de cette mauvaise performance sont contestées, mais il en est une qui, à nos yeux, demeure incontestable et attestée par tous les spécialistes - en particulier par le Professeur Flückiger, une autorité en matière d'emploi: les chances de retrouver un emploi sont inversement proportionnelles à la durée du chômage. Autrement dit, plus l'inactivité se prolonge, plus les risques d'exclusion augmentent.

Le système des emplois temporaires publics a largement contribué à l'allongement de cette durée de chômage et il faut reconnaître - cela a été dit - qu'une majorité de ce parlement, il y a dix ans, avait voté pour cette mesure. Nous avions fait fausse route à l'époque. Etait-ce par cécité ? Etait-ce pour se donner bonne conscience, culpabilisés que nous étions par ce phénomène relativement nouveau d'un socle incompressible de chômage dû aux rapides mutations de l'économie, ou encore à la faiblesse des outils de réinsertion qui a abouti à abandonner sur le bord du chemin de l'emploi de trop nombreux habitants ?

La croissance économique est restée sans effet sur ce taux de chômage. Chaque trimestre, on lisait les mêmes chiffres et il fallait réagir. Une première tentative pour corriger le système a échoué, parce qu'elle ne reposait pas sur une assise politique et sociale assez large. Vous le savez, la Confédération n'acceptera plus notre régime d'emplois temporaires. Très récemment, lundi dernier, j'ai eu l'occasion d'entendre Serge Gaillard, patron du SECO et ancien chef responsable de la très connue Union Syndicale Suisse: il a encore confirmé que le régime fédéral sera modifié pour exclure l'exception genevoise qui consiste à faire payer au reste du pays le doublement de la durée d'indemnisation. Il a précisé, et je me tourne vers mes collègues socialistes, que les partenaires sociaux, à l'échelon national, avaient accepté à l'unanimité ce changement et qu'ils étaient d'accord de briser ce cercle infernal.

Nous devons réussir cette mutation, car nous n'avons plus le droit de précipiter, par manque de courage, les gens - et notamment des jeunes - dans un cul-de-sac social. Les mesures proposées me semblent équilibrées et sont de nature à rétablir la situation, à condition d'être appliquées avec détermination par tous les acteurs, les chômeurs, l'Etat, les institutions et les entreprises - j'insiste sur les entreprises, je suis bien placé pour en parler. Il est vrai qu'il va falloir mouiller sa chemise pour convaincre les entreprises - et notamment les PME - de jouer le jeu des ARE, mais je pense que les conditions réunies sont de nature incitative.

En conclusion, le groupe radical votera ce projet qui résulte d'un large consensus en commission et qui n'entraîne pas une réduction de l'engagement financier de l'Etat en faveur de la lutte contre le chômage. En revanche, nous refuserons - je le dis très clairement - tous les amendements proposés par le groupe socialiste. Mais nous accepterons ceux proposés par le Conseil d'Etat.

Nous avons tous reçu un courriel d'une association qui regroupe des chômeurs de plus de 45 ans: malheureusement, cette intervention est trop tardive ! Mais j'aimerais dire à cette association que ce projet de loi - c'est ma conviction - n'est pas une machine de guerre contre les chômeurs. Au contraire, il est là pour les aider à se sortir de la mouise dans laquelle ils se trouvent. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Dans une Suisse idéale, la loi cantonale genevoise sur le chômage n'existerait pas. On voudrait que dans ce canton un maximum de personnes profitent d'une situation de quasi plein emploi, où l'on éviterait l'exclusion de certains travailleurs tombés dans une trappe les conduisant non seulement à l'exclusion professionnelle, mais aussi à l'exclusion sociale... Cette Suisse idéale n'existe pas, il faut se contenter de la Genève réelle.

Dans cette Genève réelle, un premier optimum avait été essayé, il consistait en une suppression franche et non hypocrite des emplois temporaires cantonaux. Cette solution a été refusée il y a quelque temps par 55% de la population, on peut le regretter, mais c'est ainsi.

Un deuxième optimum est aujourd'hui recherché et il nous rapprocherait de ce que j'appellerais l'heure de la quasi-vérité. En effet, le tabou qui permettait de considérer les emplois temporaires comme une bouée de sauvetage, alors qu'ils ne sont qu'un bloc de béton entraînant au fond du lac ceux qui en ont «bénéficié», est tombé ! (Exclamations.)

De plus, j'ajouterai que ces emplois temporaires cantonaux ont été analysés par l'Université de Genève comme ayant une productivité d'un tiers inférieure à un emploi normal. Cela montre au passage que l'Etat a profité de la situation pour se servir d'une main-d'oeuvre peu productive, et peut-être à des conditions qui n'offraient pas la possibilité à ces personnes de retourner sur le marché du travail.

La situation est insatisfaisante parce que non seulement elle est coûteuse pour Genève - environ 90 millions par an - mais aussi parce qu'elle coûte un demi-milliard à la Confédération par année - et un demi-milliard peu efficient, c'est-à-dire qu'il a une efficacité relativement faible par rapport aux dépenses, même si des efforts ont été fournis récemment.

Enfin, cette situation est illégale, puisque jamais la disposition concernant les emplois temporaires n'a obtenu la garantie fédérale. C'est la raison pour laquelle, plutôt que de se faire imposer la fin des emplois temporaires par l'autorité fédérale, nous acceptons - pour certains, nous poussons; pour d'autres, nous rechignons - que l'on mette fin à cette exception.

Le but du Conseil d'Etat est de réduire d'un quart le chômage à Genève. Le chômage frappe 6,3% de la main-d'oeuvre active, c'est-à-dire 13 800 personnes à fin mai. Ce sont 10% de moins qu'il y a une année, les choses s'améliorent quand même et il faut en rendre grâce à ceux qui y travaillent à l'Office cantonal, mais aussi aux entreprises qui embauchent ces chômeurs, notamment les 40% d'entre eux qui ont été éloignés pendant plus d'une année du marché du travail et que l'on peine à placer. En d'autres termes, il faut nous rapprocher de la durée moyenne de chômage à Bâle-Ville qui est de 300 jours, alors que nous en avons une de 400.

Le projet de loi du Conseil d'Etat veut aussi créer - quand je disais quasi-vérité - de nouveaux emplois à l'efficacité, disons l'efficacité économique réduite, dans l'économie sociale et solidaire.

Ne nous leurrons pas ! Il n'y aura pour les 15 000 chômeurs, le rapporteur l'a dit clairement, que quelques centaines d'emplois dans l'économie sociale et solidaire: 200 au début, 400 ou 500 quand lesdites associations pourront offrir un emploi à tous ceux qui le souhaiteraient - compte tenu des disponibilités réduites dans ce secteur. L'heure de vérité devra aussi venir un jour pour ces emplois de l'économie sociale et solidaire, c'est-à-dire qu'il faudra aussi les évaluer, car une bonne partie d'entre eux sont des emplois subventionnés.

Les libéraux vont se prononcer positivement sur ce projet de loi, notamment parce que les dispositifs concernant les mesures actives pour le marché du travail sont renforcés, mais aussi parce que la loi cantonale fait disparaître les exceptions que j'ai dénoncées, à l'instar de mes collègues Mettan et Barrillier.

Mais à nouveau, il s'agit d'être lucide. Un référendum est annoncé: certains y travaillent hors de ce parlement, d'autres dans ce parlement.

Contrairement aux amendements du Conseil d'Etat, l'un des amendements présentés par le parti socialiste est clairement une provocation. Provocation qui conduit à nier l'esprit de cette loi ! Il doit absolument être refusé, comme d'ailleurs tous les autres amendements déposés par ce parti - mon collègue Barrillier l'a dit.

Dans ces conditions, nous soutiendrons ce projet de loi. Comme nous savons qu'il sera soutenu par l'ensemble des milieux économiques de ce canton qui, grâce aux allocations de réinsertion, auront à coeur d'embaucher des chômeurs qui ne seront plus écartés depuis trois, quatre ou cinq ans, du marché du travail, mais seulement depuis quelques mois.

Une voix. Que Dieu t'entende ! (Brouhaha.)

M. Pierre Weiss. Je terminerai en adressant mes remerciements au rapporteur pour la qualité du travail fourni. Ce travail est d'une grande qualité, Monsieur Gillet, je tenais à vous le dire. Je sais combien dans ce domaine les mots sont importants, et vous avez su choisir les bons mots pour dire qu'il était nécessaire de procéder à une réforme honnête, franche et radicale de la situation du chômage dans notre canton. C'est au passage également un hommage à M. Longchamp pour la qualité de son projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). En ma qualité de présidente de la commission de l'économie, je tiens à relever le travail constructif - sinon consensuel - de la commission. Mais ce n'était pas du consensus: on a parfois eu des idées similaires, souvent des idées divergentes, néanmoins le travail s'est effectué dans la sérénité. Et contrairement à ce que M. Mettan a avancé tout à l'heure, ce n'est pas parce que nous déposons un certain nombre d'amendements que nous n'avons pas contribué de manière constructive au travail effectué. Nous avons le droit d'avoir des opinions divergentes.

Je tiens aussi à remercier le chef du département de la solidarité et de l'emploi, M. Schmied, de l'OCE, ainsi que M. Rageth, qui ont assisté la commission tout au long de ses travaux. Je remercie également M. Gillet pour son rapport, que tout le monde a trouvé très complet et qui reflète la complexité de la question du chômage à Genève, et par conséquent de ce projet de loi.

Comme cela a été mentionné - notamment par ma collègue Véronique Pürro - ce projet de loi nous met dans un certain embarras. Il comporte des éléments très positifs, comme cette volonté d'anticiper et de proposer des mesures d'insertion dès le début du chômage. Nous soutenons cela depuis un certain temps et les projets que nous avons déposés par le passé allaient aussi dans ce sens. Nous saluons également l'idée de promouvoir des mesures de formation qui permettent à la personne de réorienter sa carrière et l'inscription dans la loi du volet de l'économie sociale et solidaire. Mais évidemment, ce projet souffre à nos yeux d'un grand nombre de lacunes, et certaines ont déjà été largement relevées par Mme Pürro. J'aimerais souligner, et c'est malheureusement quelque chose qui nous préoccupe beaucoup, que la majorité de la commission a péjoré ce projet de loi en décidant que les chômeurs pourront bénéficier d'une prolongation du programme cantonal d'emploi et de formation seulement à partir de 55 ans. Cela fait l'objet d'un des amendements que nous avons déposés.

De même, il n'y a aucune véritable mesure en faveur des jeunes, au motif - cela a été dit en commission à différentes reprises - qu'il n'y avait pas lieu de favoriser une catégorie de chômeurs plutôt qu'une autre. Les socialistes sont revenus plusieurs fois à la charge pour que l'on puisse proposer des mesures dans cette loi en faveur des jeunes, parce que nous sommes convaincus qu'il est inacceptable que des jeunes commencent leur «carrière» à l'assistance sociale.

Pour illustrer ces propos, permettez-moi de citer la dernière enquête fédérale qui a fait l'objet de certains articles dans la presse et qui évoque les bénéficiaires de l'aide sociale. Cette enquête met crûment en lumière le fait que ce sont les jeunes entre 18 et 25 ans, habitant les villes et sans beaucoup de formation, souvent issus de familles monoparentales, qui sont particulièrement exposés au chômage et donc, en dernier lieu, susceptibles d'être placés à l'assistance.

Le projet socialiste qui a été examiné parallèlement prévoyait de maintenir des stages professionnels de réinsertion. Plutôt que de mettre sans cesse en doute leur efficacité, il aurait mieux valu essayer d'envisager des stages réellement efficaces, avec un encadrement sérieux qui donne à ces jeunes un tremplin vers l'emploi. Et nous ne sommes pas les seuls à le dire: au cours des auditions, l'OSEO et le Trialogue avaient exprimé ces préoccupations. L'OSEO avait rappelé que Genève est en retard sur un certain nombre de mesures pour les jeunes, qu'il aurait fallu proposer davantage de semestres de motivation, comme il en existe dans d'autres cantons. Il faudrait les développer de manière plus intensive.

Les socialistes sont aussi très préoccupés par le fait qu'aucune garantie n'est apportée sur le sort réservé aux emplois temporaires actuels. C'est un problème qui va se poser non seulement pour les personnes en place, mais également pour un grand nombre de services de l'administration, voire d'institutions subventionnées, qui utilisent ces emplois temporaires et qui devront alors tourner avec des effectifs réduits.

A ce titre, je pense qu'il est inacceptable de dire, comme M. Weiss, que les personnes en emploi temporaire tournent à un tiers en moins de la productivité d'un emploi «normal». (Remarque de M. Pierre Weiss.) C'est une véritable insulte à ces personnes qui font tourner un certain nombre de services ! (Remarque de M. Pierre Weiss.) Il faut témoigner un peu de respect aux personnes qui font parfois exactement le même travail, mais avec un plus petit salaire. (Applaudissements.)

Enfin, nous pensons qu'il est important de promouvoir l'économie sociale et solidaire, c'est un projet porteur d'une potentialité de nouveaux emplois. Je constate que beaucoup ici saluent cette nouvelle économie en disant que nous allons créer beaucoup d'emplois, mais je vous rappelle qu'il faudra absorber à peu près 1200 personnes et que, pour l'instant, nous avons très peu de garanties - environ 200 emplois sont évoqués. Le fossé reste donc très grand.

A cet égard, je remarque que des projets de lois de subventionnement, pour Trialogue, pour Elisa ou pour l'Association 360°, pourraient fort bien créer des emplois. Mais ils restent en plan parce que la droite de ce parlement refuse la subvention ! Alors, il faudrait savoir ! D'un côté, tout le monde se félicite, on se dit: «Youpi, on va tous aller vers l'économie sociale et solidaire, c'est la grande solution !» et, de l'autre, on refuse des subventions ! (Applaudissements.) Excusez-moi, mais il faut un peu de cohérence !

Dernière remarque. Il est maintenant reconnu que le chômage est en grande partie structurel; on n'arrivera donc pas à absorber l'ensemble des demandeurs d'emploi. Mais nous ne pouvons pas admettre, comme certains - notamment suite aux premières conclusions de l'étude Hestia - que les chômeurs sont responsables et se complaisent dans la situation où ils vivent.

Malgré ces réserves, le parti socialiste entrera en matière sur ce projet de loi, mais nous attendrons le sort qui sera réservé à certains de nos amendements. (Applaudissements.)

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Il y a plus de 13 000 chômeurs à Genève et plus de 20 000 demandeurs d'emploi... C'est très facile de dire que le chômage baisse quand une personne arrivant en fin de droit sort de la statistique et se retrouve tout simplement à l'assistance publique.

Depuis le début des années 90 on vit une épouvantable crise du chômage, et cela n'a que trop duré. Ma volonté est de faire confiance à notre Conseil d'Etat pour enfin - et ce n'est pas trop tôt - s'occuper du problème des chômeurs. Pendant trop longtemps, un chômeur s'entendait dire: «Si tu n'as pas d'emploi, c'est ta faute.» Il a fallu des années pour que la société accepte que le chômeur n'était pas fautif, mais victime du marché de l'emploi.

Comment se fait-il que Genève, avec un taux de croissance économique aussi haut, ait le plus grand nombre de chômeurs ? Qu'a-t-on fait ces dernières années pour y remédier ? Encore une fois, nous avons attendu d'être «dans le mur» pour s'en préoccuper enfin. Vous me direz qu'il vaut mieux tard que jamais, mais je souhaite que la promesse de remettre nos chômeurs et nos demandeurs d'emploi dans le circuit économique soit tenue sérieusement. (Brouhaha.) Nous ne pouvons plus tolérer les emplois temporaires cantonaux, qui servaient à rouvrir un délai-cadre alors qu'ils étaient censés permettre de retrouver un emploi fixe et stable. Pendant des années, c'était de l'esclavage humain: on payait moins pour le même travail qu'un emploi fixe; pendant des années, des gens ont connu la précarité, l'Hospice général, l'éclatement de leur famille, voire des drames tels que le suicide.

Le pouvoir public doit à tout prix trouver des partenariats avec le secteur privé afin de permettre au plus vite à nos chômeurs - et surtout à nos demandeurs d'emploi qui se trouvent à l'assistance publique - de revivre à nouveau une existence décente, dans la dignité et avec le respect d'autrui. Ils ont droit à une nouvelle chance dans ce monde du travail.

Je refuse les amendements du parti socialiste. En effet, même s'ils partent d'une bonne intention, ils ne résolvent pas le problème. Au contraire, on laisse les gens au chômage.

J'attends de ce projet de loi que toute personne ayant besoin de travailler puisse être prioritaire pour un emploi. Les gens ne sont pas faits pour être au chômage ou à l'assistance publique, mais au travail. C'est une question de dignité qui a trop longtemps été bafouée. Le travail permet d'apprendre à vivre en communauté, il permet l'intégration, le respect humain et, surtout, l'apprentissage des valeurs: pour s'offrir quelque chose, il faut travailler. (Brouhaha.) C'est la fierté non négligeable de gagner sa vie par soi-même, «à la sueur de son front», comme on dit.

Mesdames et Messieurs, je vous encourage à voter ce projet de loi et à faire confiance à notre Conseil d'Etat, afin que nous puissions tenir les promesses de ce dernier et de ce parlement. Je vous remercie aussi d'avoir fait de ce projet de loi votre priorité, de même que je remercie le rapporteur de son excellent rapport.

M. Alain Charbonnier (S). Je suis sidéré d'entendre des députés et des députées s'étonner et dire tout à coup: «Tiens, il y a du chômage structurel à Genève !» Mais le chômage structurel existe à Genève depuis plus de vingt ans, toutes les études le démontrent ! M. Weiss les cite, mais il ferait mieux de les lire jusqu'au bout. Dans une étude réalisée au début des années 2000, le Professeur Flückiger démontrait que le chômage structurel existait à Genève, bien avant les mesures cantonales si hautement critiquées ce soir, et que le taux de chômage était deux fois plus élevé que dans le reste de la Suisse en 1980 déjà ! Bien avant les mesures cantonales !

Par conséquent, ceux qui s'étonnent aujourd'hui et disent que les mesures cantonales provoquent du chômage de longue durée ont tout faux. Bien sûr, on peut critiquer ces mesures cantonales et, surtout, le fait qu'en 1997 une loi votée à la quasi-unanimité de ce parlement - sur tous les bancs - accordait un retour automatique à un deuxième délai-cadre fédéral. Je voudrais le dire à M. Weiss, Madame la présidente, mais vous le ferez vous-même quand vous le verrez: l'octroi de ce deuxième délai-cadre a effectivement provoqué de la paresse, mais il n'a pas engendré des chômeurs ! Il ne faut pas s'en prendre aux victimes du système, mais au service cantonal de l'emploi ! Et toutes les études effectuées - là non plus, je ne sais pas si les gens les lisent - le démontrent ! En 2002, après une étude sur les mesures cantonales, la CEPP a déterminé onze recommandations, directement adressées à l'Office cantonal de l'emploi, pour une meilleure utilisation de la loi actuelle, sans modification.

La CEPP relevait en outre une chose intéressante, c'est que l'OCE n'utilisait pas l'argent octroyé par la Confédération pour des mesures de formation. Déjà en 2002 ! Aujourd'hui nous sommes en 2007, donc cinq ans après, et il semblerait que la situation n'a pas beaucoup évolué et que l'Office cantonal de l'emploi n'a pas été capable de se réformer et d'octroyer des formations ciblées pour les chômeurs et les chômeuses. Nous sommes donc un peu circonspects quand nous entendons parler de consensus sur ce projet de loi.

Il y a une année, le parti socialiste a déposé un projet de loi qui se voulait consensuel, car il demandait un gros effort au parti socialiste en reconnaissant que l'automaticité des mesures cantonales - le fait de retrouver un deuxième délai-cadre - n'était pas une bonne chose pour les chômeurs et les chômeuses de ce canton et n'était pas la meilleure mesure d'insertion. Nous avons donc proposé un projet de loi pour abolir cette automaticité, sans toutefois la supprimer complètement. On dit que c'est une exception genevoise: mais ce n'est pas vrai ! A Zurich, Bâle, Fribourg, des emplois temporaires redonnent parfois un deuxième délai-cadre. Nous ne sommes une exception que dans le sens de l'automaticité, mais pas dans l'utilisation des emplois temporaires cantonaux.

Les gros problèmes quant à ce projet de loi ont déjà été évoqués, mais je vais y revenir. Dans un moment, ce parlement va se permettre de supprimer les mesures ciblées pour les jeunes; il va aussi, en ce qui concerne les mesures spécifiques relatives aux personnes de 50 ans, repousser l'âge requis pour en bénéficier à 55 ans - et cela sans aucune étude puisqu'il n'y en a point... Alors que toutes les autres études démontrent que, pour retrouver un emploi, des problèmes se posent dès 50 ans - par rapport aux autres catégories, hormis les jeunes - et non pas dès 55 ans. Alors, je ne sais pas où la commission est allée chercher cela...

Ensuite, j'aimerais évoquer le problème des emplois de formation - ex-emplois temporaires - où l'on propose évidemment un salaire maximum, mais pas de salaire plancher... Eh bien, il ne nous est pas supportable de constater que l'on emploie des gens sans savoir à quel salaire ils seront mangés ! M. le conseiller d'Etat avait proposé une compensation financière... Voilà, on va faire travailler les gens pendant six mois pour une compensation financière... Finalement, le SECO a un peu tapé sur les doigts du Conseil d'Etat et a dit que cette compensation financière devait être un salaire. Par conséquent, avant de critiquer les amendements socialistes, M. Mettan ferait mieux de lire les amendements du Conseil d'Etat, puisqu'après les remontrances du SECO il a dû rectifier son article de loi concernant la contribution financière qui doit être un salaire réel, donc taxé à l'AVS et avec des prestations sociales. Cela, c'est le minimum.

Déjà en 1997, les allocations de retour en emploi devaient être la mesure prioritaire, mais cela n'a pas été le cas pour plusieurs raisons. D'abord, les entreprises ne s'y sont pas intéressées, car on sait très bien qu'une entreprise qui a le choix entre plusieurs candidats - encore aujourd'hui - ne va pas choisir le chômeur... Le chômeur est stigmatisé, une étude du Professeur Flückiger le prouve aussi, et le chômeur à Genève est davantage stigmatisé que dans le reste de la Suisse. Alors, des allocations de retour en emploi que l'on augmente à peine de 10% - de 40% à 50% de participation - sont vouées à l'échec, on vous le dit tout de suite !

Dans notre projet de loi, nous préconisions une participation de l'Etat à 80% et un passage à vingt-quatre mois de participation pour les chômeurs de plus de 50 ans - et non pas de 55 ans.

Personne n'en a parlé, mais dans ce projet de loi un article traite de projets pilotes, c'est-à-dire que l'on prévoit un article de loi dans les mesures cantonales, pour que le Conseil d'Etat puisse lancer des projets pilotes... Suite à une étude avec une entreprise privée française venue à Genève, on a vu ce que cela donne ! Cette dernière a choisi cent chômeurs, elle les a «drillés» et en a réorienté certains vers un emploi. C'est très bien ! Mais quand on regarde le prix de cette expérience, on s'aperçoit que le coût par chômeur est le double de ce qu'il aurait coûté à l'Etat ! Evidemment, puisque les conseillers en placement imposés par le SECO se retrouvent avec cent ou cent vingt dossiers par personne - par personne ! - alors que cette entreprise n'avait que cent dossiers à gérer. Et je n'ose pas imaginer combien de personnes y travaillent...

M. Gilbert Catelain. Cinq !

M. Alain Charbonnier. Merci, Monsieur Catelain.

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.

M. Alain Charbonnier. Un employé pour cent chômeurs à l'Office cantonal de l'emploi, cinq pour cette entreprise privée...

Ensuite, les estimations de M. Weiss quant aux emplois dans l'économie sociale et solidaire me laissent un peu perplexe, tout comme le manque d'estimation financière du Conseil d'Etat. Même M. Lamprecht avait été capable à l'époque, concernant l'ancien projet de loi, de nous donner des estimations sur la somme qui allait être octroyée pour chaque mesure, etc. Là, il n'y en a aucune... Et quand je lis certains articles de presse, entre autres celui du directeur de l'Office cantonal de l'emploi...

La présidente. Il faut conclure, Monsieur le député !

M. Alain Charbonnier. ...eh bien, il nous dit qu'ils ont placé des chômeurs sur France pour travailler sur l'autoroute A41 - c'est très bien, on redonne un emploi, en tout cas pour un moment, à des chômeurs - malheureusement, il ajoute que l'étape suivante, pour ces derniers, sera d'aller s'établir en France, pour éviter le décalage entre le revenu et le coût de la vie, et qu'il faudrait donc que la frontière saute dans les mentalités... J'espère que ce monsieur va, lui aussi, faire un saut dans sa mentalité et fournir un petit effort en faveur des chômeurs d'ici, qui habitent à Genève, et non pas envoyer tout le monde en France. (Applaudissements.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Le chômage concerne effectivement 20 000 citoyens de ce canton; cela représente 5% de la population et, si l'on compte les familles, c'est 10% de cette population qui sont concernés par notre vote de ce soir.

Il me semble important de rappeler certains points. Si nous sommes confrontés aujourd'hui à 15 000 ou 16 000 chômeurs, rappelons-nous qu'il y a cinq ans, en 2002, le nombre de demandeurs d'emploi dans ce canton dépassait à peine les 10 000 personnes. Entre juin 2002 et juin 2005, nous avons enregistré une augmentation de 64% des demandeurs d'emploi.

Heureusement, depuis un an, la conjoncture économique s'est inversée. Après avoir perdu environ 7 000 à 8 000 emplois, notre économie est parvenue à en recréer quasiment autant, mais malheureusement... (L'orateur est interpellé.) Ce sont 15 000 emplois, me souffle le chef du département. Eh bien, malheureusement, ces 15 000 emplois créés ces deux dernières années n'ont pas profité aux chômeurs de ce canton ! Alors, cette baisse du chômage est certes réjouissante, mais nos chômeurs n'en ont pas bénéficié.

Genève souffre surtout d'une crise du chômage de longue durée, c'est ce qui la distingue des autres cantons suisses. Cette crise a très certainement été favorisée par la loi actuelle, que nous nous apprêtons à modifier, et probablement aussi par notre système social, notre mentalité et le fait que de nombreuses personnes parmi nous n'ont pas pris en compte les changements politiques intervenus ces cinq dernières années.

De nombreux secteurs économiques, dans un canton qui compte plus de 15 000 demandeurs d'emploi et chômeurs, sont sinistrés: dans le domaine de l'hôtellerie, il est quasiment impossible de trouver une réceptionniste; dans certains secteurs étatiques, il est très difficile de trouver du personnel qualifié, que ce soit l'Etat de Genève, avec la police, ou la Confédération, dans d'autres secteurs.

Des entreprises de pointe comme Rolex cherchent de la main-d'oeuvre qualifiée par annonces en France voisine. (Commentaires.) En 2002, les accords bilatéraux ont dynamisé notre économie et ont été source de création d'emplois, mais nous devons reconnaître que, avec des salaires que les mesures d'accompagnement - voulues par la plupart des milieux de notre société - ont maintenu au double du SMIC français, les travailleurs de l'UE ont été attirés par cet Eldorado. Les chiffres fournis par l'Observatoire statistique sont clairs à ce sujet et font apparaître que les immigrants de l'UE - anciennement l'Europe des Quinze - viennent dans le but d'obtenir une activité salariée dans notre canton.

Ce projet de loi prévoit des mesures efficaces pour lutter contre le chômage de longue durée. Il vise à réinsérer rapidement les chômeurs sur le marché du travail, étant admis qu'une personne au chômage depuis plus de douze mois est extrêmement difficile à réinsérer dans le marché de l'emploi. Ce projet de loi veut également se mettre en conformité avec le droit fédéral: sur ce plan-là, nous n'avons aucune marge de manoeuvre. Le rapporteur - je le félicite pour son excellent rapport - l'a clairement dit, Berne nous menace par rapport à nos emplois temporaires qui ouvrent un deuxième délai-cadre, exception suisse qui jusqu'à ce jour a plutôt alimenté le chômage que la réinsertion.

Nous savons que le chômeur genevois est clairement en concurrence avec le chômeur européen. Un journal de la place relatait récemment le cas d'un secteur économique qui n'est apparemment pas couvert par une convention collective et qui offrait, pour un emploi à plein-temps, un salaire de 2700 francs brut... A ce tarif, il est évident que le dispositif actuel n'incite pas du tout un chômeur ou un demandeur d'emploi à se réinsérer le marché du travail.

Je rappelle aussi que le projet de Constitution européenne prévoit une seule solution pour lutter contre le chômage: la mobilité professionnelle. A Genève, nous sommes encore dans la mentalité selon laquelle habiter sur la rive gauche et travailler sur la rive droite peut poser un problème. Et, pour passablement de demandeurs d'emploi, il n'est pas question d'aller occuper un emploi à Zurich ou Lausanne.

La présidente. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député !

M. Gilbert Catelain. La mise en oeuvre de cette loi passera par le soutien de tous les acteurs: les chômeurs en premier lieu, par leur mobilité et leur volonté de changer de secteur d'activité et de se former; ensuite, une collaboration avec le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, un système éducatif et certificatif qui favorise l'apprentissage, un Office cantonal de l'emploi dynamique, une fiscalité des entreprises assouplie et une réforme de notre système social sont les éléments complémentaires qui permettront à cette loi d'obtenir les succès que nous attendons.

La présidente. Je vous demande de conclure !

M. Gilbert Catelain. Je conclus, Madame la présidente. Ce parlement a une responsabilité vis-à-vis des chômeurs de ce canton. Le groupe UDC, qui a fait des compromis en commission, ne comprend pas l'attitude du parti socialiste et ne soutiendra pas ses amendements. Nous devons nous montrer responsables et...

La présidente. Votre conclusion !

M. Gilbert Catelain. ...nous vous demandons de voter ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission, avec les amendements déposés par le Conseil d'Etat. Nous ne voulons surtout pas instaurer des catégories de chômeurs au sein de cette république.

M. Claude Jeanneret (MCG). Je remercie mon collègue Gillet, compte tenu des discussions lors de ces nombreuses séances de travail à la commission de l'économie, d'arriver à un rapport aussi objectif et aussi consensuel. C'est remarquable et je le félicite.

J'entends ce soir des choses beaucoup moins consensuelles, et c'est très dommage. En effet, il est regrettable que l'on ne fasse pas un constat, un historique, des faiblesses de ce qui a été réalisé, plutôt que de relever seulement ce qui l'a mal été. Chaque fois, il y a eu la bonne volonté d'entreprendre ! Et puis, on sait qu'on ne peut pas toujours être dans le vrai.

Dans cette nouvelle loi proposée par le Conseil d'Etat se dégage une volonté d'agir, et cela dans un sens que tout le monde souhaite: la réinsertion rapide du chômeur. Il ne faut plus le faire attendre en lui donnant la possibilité de ne retourner à l'emploi qu'après cinq ans... Et je défie quiconque de pouvoir travailler comme il faut après cinq ans de non-emploi. La deuxième chose séduisante dans ce projet de loi est que l'on n'essaie plus d'aider uniquement le chômeur en fin de droit: on entreprend immédiatement l'action et c'est important.

La troisième chose qu'il faut remarquer est que, indépendamment de l'action générale, le Conseil d'Etat se donne la possibilité d'effectuer des essais, des tests... Et cela me surprend un peu d'entendre critiquer le Conseil d'Etat à propos de l'expérience qu'il tente avec cette société, etc. Evidemment, on peut reprocher à cette dernière d'être française - on peut lui reprocher beaucoup de choses - mais, avec ce panel de personnes choisies au hasard, on a une expérience suivie d'une manière scientifique par notre université et, simultanément, une action sur le terrain. On essaie donc de faire quelque chose de concret et d'en tirer les conséquences pour agir de manière intelligente et constructive. Alors, je ne comprends pas très bien la volonté d'abolir une telle idée.

Ensuite, je ne comprends pas non plus une partie des amendements de mes amis socialistes - quelque part, c'est une sorte de retour en arrière... Notre volonté est d'essayer de réintégrer les chômeurs rapidement; il ne faut pas redonner des possibilités de ne plus se réintégrer, avec, à nouveau, la certitude d'avoir un revenu suffisant... De toute manière, ils l'auront ce revenu suffisant, mais ce n'est pas au niveau du chômage que cela doit se concevoir.

Il faut parler d'une manière plus générale. Si Genève a 7% de chômeurs, contre 3% en Suisse, ce n'est pas un hasard ! Genève a créé beaucoup d'emplois - M. le conseiller d'Etat a dit 15 000 - or, depuis de nombreuses années, notre canton a toujours ses 20 000 demandeurs d'emploi. Et puis, sans vouloir revenir sur l'éternelle histoire de la ville frontière, nous avons un arrière-pays qui lui-même a été envahi par des nouveaux travailleurs. Il ne s'agit pas de parler du frontalier traditionnel. Nous avons été indiscutablement un aimant pour de nombreux travailleurs européens venus s'établir à côté. De ce fait, et par une mauvaise préparation de notre gouvernement, nous n'étions pas prêts à affronter cette situation. Et il faut être juste, nos nouveaux emplois n'ont pas nécessairement profité à nos chômeurs.

Enfin, une chose - dont on ne parle jamais - me surprend. Nous avons quand même de nombreuses écoles intéressantes, notamment le CEPTA, et je donnerai un exemple: il y a trois ans, sept jeunes électroniciens ont été diplômés mais n'ont pas été dirigés là où l'on avait besoin d'eux, soit vers le CTI, qui a besoin d'électroniciens. Et sur les sept ex-élèves, il n'y en a qu'un qui continue dans sa profession... Je trouve cela scandaleux, quand on pense que cela coûte 40 000 F à 50 000 F à la République pour former un jeune et qu'ensuite on n'a même pas l'idée de l'employer là où on peut lui donner du travail ! L'effort n'est donc pas seulement à fournir en ce qui concerne le chômage, il l'est dans tous les départements, où l'on doit tenir compte du fait que nous avons des chômeurs à replacer et qu'il faut les assimiler.

Enfin, parlons des ETC. C'est quelque chose de particulier. A l'origine, l'idée était excellente, mais elle a permis de tricher. Les services de l'Etat ont un budget pour avoir des personnes payées par ce budget. Si l'on commence à employer des gens qui émargent à des budgets qui ne sont pas les budgets d'activité, cela veut dire qu'on triche !

C'est la même chose pour un EMS: le prix de pension quotidien est calculé en fonction du nombre de personnes qui travaillent pour un résident; si parmi ces personnes certaines ne sont pas payées, qui prend donc l'argent ? Il faut donc totalement abolir cette pratique, parce que cela n'est pas décent dans une république qui fonctionne avec des budgets et sur des engagements devant être respectés.

Pour toutes ces bonnes raisons, le MCG est absolument convaincu qu'il faut essayer quelque chose de nouveau. Et la loi présentée par le Conseil d'Etat ne répond peut-être pas à la totalité des besoins, mais elle correspond fortement à l'idée d'innover dans le bon sens. Dès lors, il serait dommage d'amoindrir cette efficacité par l'adjonction de nombreux amendements qui lui enlèveraient l'essence même de sa conception.

La présidente. Le Bureau a décidé de clore la liste. Sont encore inscrits: Mmes et MM. Eric Stauffer, Renaud Gautier, Anne-Marie von Arx-Vernon, François Gillet, Brigitte Schneider-Bidaux, Christian Brunier, Georges Letellier, Alain Charbonnier et M. le conseiller d'Etat François Longchamp.

M. Eric Stauffer (MCG). Comme l'a dit mon excellent collègue Jeanneret, le MCG va évidemment soutenir ces différents projets de lois. Il sied quand même de faire quelques remarques... (L'orateur est interpellé.) Oui, Monsieur... Enfin, peu importe !

J'ai bien écouté tous les intervenants. C'est vrai que le chômage est une très grande préoccupation, à tout le moins pour le Mouvement Citoyens Genevois - vous le savez, nous nous sommes battus et continuons à nous battre. Mais j'aimerais rafraîchir un peu la mémoire de certains. En date du 6 avril 2006, c'est-à-dire il y a plus d'un an, nous avions déposé une motion pour dynamiser l'Office cantonal de l'emploi. J'ai repris quelques extraits du Mémorial - d'ailleurs, cela m'attriste un peu de voir les retournements de vestes qui peuvent se faire... Du reste, je me souviens que notre cher collègue, le député Weiss, s'était opposé à notre motion - qui avait quand même été saluée par la quasi-totalité des groupes - simplement parce que l'intitulé était «Task Force pour l'emploi» et non «Cellule». Comment aviez-vous dit, Monsieur Weiss... C'était: «force de circonstance». Et je vous cite: «C'est ainsi, en tout cas, que "Le Temps" appelle une Task Force. Vous auriez pu vous rendre compte que cela aurait été plus adéquat. Et cela aurait convenu à ceux qui voulaient imposer l'utilisation du français dans ce parlement.» Voilà la raison pour laquelle vous vous étiez opposé à cette motion et ce n'est pas respectueux pour nos 15 000 chômeurs genevois. Aujourd'hui, les mesures proposées par le Conseil d'Etat ne sont pas suffisantes... Elles vont dans la bonne direction, et nous ne pouvons que saluer le travail de notre conseiller d'Etat François Longchamp - ce n'est pas moi qui vais lui jeter la pierre en ce qui concerne ce dossier, peut-être pour d'autre, or en tous cas pas celui-là - mais ce n'est pas suffisant ! Je vous rappelle que nous avons déposé, le 30 octobre 2006, une motion intitulée «Le Contrat Citoyen». Elle est à l'ordre du jour et va arriver incessamment sur ces bancs, peut-être au mois d'octobre ou de novembre... C'est très lent, on avait pourtant demandé l'urgence.

Alors, je vais vous expliquer brièvement pourquoi les mesures proposées par le Conseil d'Etat ne sont pas suffisantes. Si vous réformez et dynamisez l'Office cantonal de l'emploi, c'est une bonne chose - et c'est l'analyse, très détaillée, que nous avions faite au MCG il y a plus d'une année. Or, si l'employeur n'a pas d'intérêt financier... Parce que le nerf de la guerre, malheureusement, dans la société dans laquelle on vit, c'est l'argent ! Et si l'employeur a le choix entre engager un chômeur de 52 ans qui va lui coûter X et un Eurofrontalier de 25 ans qui va lui coûter Y, le choix est très vite fait et c'est l'économie qui l'emporte ! Et une petite PME de dix employés va économiser 1500 F par employé, c'est-à-dire 15 000 F par mois, donc 180 000 F par année, et ces économies entrent directement dans la poche de l'employeur. C'est là où le bât blesse ! Vous pouvez dynamiser tout ce que vous voulez au sein de l'Office cantonal de l'emploi, mais, si vous ne prenez pas le problème sous cet angle financier, cela sera peine perdue et des deniers publics gaspillés.

C'est la raison pour laquelle le MCG a proposé le Contrat Citoyen, pour récompenser les PME genevoises qui engageront des chômeurs - et des chômeurs de longue durée. Nous avons qu'ils pourront bénéficier des ARE, mais nous sommes allés encore plus loin: jusqu'à imaginer des remises fiscales, des primes à l'engagement ou l'abolition de la taxe professionnelle. Car c'est cela qui résorbera le chômage dans notre canton, sinon, nous n'y arriverons jamais !

Je conclurai en disant que nous avons eu la chance, au MCG, de faire accepter une motion intitulée: «Bureau onésien pour la promotion de l'emploi - BOPE». Vous pouvez critiquer nos actions, mais cette motion est passée et elle propose exactement ce que vous avez suggéré au Grand Conseil il y a plus d'une année: dynamiser, entretenir un contact constant avec les entreprises et avoir les bons fonctionnaires aux bons postes au sein de l'Office cantonal de l'emploi. C'est comme ça que nous pourrons aider les chômeurs de ce canton !

Quand vous parlez de 15 000 demandeurs d'emploi, Monsieur le rapporteur, vous avez raison, mais vous oubliez juste les 10 000 demandeurs d'emploi qui se trouvent au RMCAS ou à l'Hospice Général ! Parce que, ceux-là, vous les avez sortis des statistiques, ce qui les fausse complètement. Je me souviens que lorsque la Confédération nous a contraints à réduire le nombre d'allocations chômage, eh bien tout à coup il y a eu une embellie ! Et le nombre de chômeurs a baissé... Evidemment ! On venait d'en sortir 450, qui ont fini à l'Hospice général ! Mais ce ne sont pas des manières, de dire certaines choses et de tromper ainsi la population.

Aujourd'hui à Genève, je l'affirme, plus de 10% des gens cherchent un emploi ! Et évidemment, c'est beaucoup trop ! J'ajouterai que nous avons le taux de chômage le plus élevé de Suisse et que, comme par hasard, les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie ont le taux de chômage le plus bas de France. (Exclamations.) Alors, c'est aussi un phénomène que vous devez prendre en compte pour protéger notre marché local de l'emploi. Au nom de tous les chômeurs, je tiens à vous en remercier !

M. Renaud Gautier (L). Dans ce débat d'ordre général, je voudrais dire que cette loi a un mérite et demi. Son mérite plein et entier, c'est d'abord d'être une loi meilleure que la loi précédente et, somme toute, de s'insérer dans l'ensemble juridique suisse, ce qui n'était pas le cas de l'ancienne loi. Son demi-mérite, c'est que cette loi tend enfin à éloigner ou à séparer un peu l'appréciation économique du chômage de l'appréciation sociale. Contrairement à ce qui a été dit ce soir plus d'une fois, la gestion du chômage n'est pas la gestion du filet social. Si l'on veut lutter contre le chômage, rappelons-le, la manière la plus simple est encore de créer de l'emploi.

A ce titre, et dans le cadre de ce débat, il faudra aussi rendre hommage à toutes celles et ceux qui, par exemple dans le cadre de la promotion économique, s'efforcent de créer de l'emploi à Genève et y font venir des industries. Car c'est grâce à cela que nous arriverons à réduire le chômage !

L'autre élément important est que ce projet de loi favorise une formation ou une «re-formation» plus précoces, dans un délai où l'on peut objectivement espérer que les gens arrivent à retrouver du travail. Elle met aussi en place des contraintes - cela manquait probablement avant - ou des sollicitations pour que celles et ceux qui auraient tendance à penser que le chômage est un filet social réalisent que ce n'est pas le cas.

La formation, oui, c'est une bonne chose, mais plus que la formation, l'incitation à se former ou à retrouver du travail me paraît importante. Et il faut diminuer les temps d'intervention. Tous ces éléments semblent facilités par ce projet de loi.

Mais il serait temps aussi que l'on cesse de mélanger deux problèmes, et c'est pourquoi certains amendements proposés m'inquiètent. Nous devons donc, dans une certaine période et à un moment donné, mettre en oeuvre tout ce qu'il faut pour que celles et ceux qui peuvent retrouver du travail en retrouvent. En revanche, c'est une autre histoire que de savoir à quel moment et de quelle manière notre société peut, si elle en a les moyens, s'occuper de ceux qui ne retrouvent pas du travail. Mais, pour l'amour du ciel, ne mélangeons pas les deux problèmes, ne faisons pas d'angélisme et contentons-nous de mettre en place les éléments nécessaires à la réinsertion des uns et des autres dans le monde du travail ! Cette loi, à mon sens, doit en rester à ce niveau, sans inclure des appréciations subjectives.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Cela a été déjà dit par notre éminent rapporteur et par notre chef de groupe, mais il nous semble que cette loi apparaît à un moment où il y a urgence. Ce projet de loi est une sorte de Plan Marshall qui réunit les notions de travail et de solidarité - je n'ai pas dit «d'aide sociale», j'ai dit «de solidarité», et je sais que M. Gautier est très susceptible dans ce domaine... Les mesures incitatives pour les chômeurs sont une nouvelle perspective et cette formation immédiate, qui était déjà souhaitée dans la loi précédente, est cette fois parfaitement incarnée. Il y a aussi les mesures incitatives pour les entreprises par les allocations de retour en emploi.

On propose à travers cette loi de changer les mentalités en reconnaissant comme respectables ces emplois de solidarité, tellement utiles pour redonner une place digne aux chômeurs qui ne peuvent pas retrouver un emploi dans l'économie de marché. On peut d'ailleurs imaginer l'économie sociale et solidaire et l'économie de marché comme les deux revers d'une même médaille.

Si les entreprises acceptent de jouer le jeu - elles doivent en avoir assez d'être accusées de ne pas engager des chômeurs - eh bien, cette loi sera efficace ! Et si les chômeurs saisissent les opportunités qui leur sont offertes - ils ont intérêt à les saisir, car personne n'a envie d'être stigmatisé comme chômeur à perpétuité - alors cette loi sera efficace.

Les démocrates-chrétiens soutiennent cette loi pragmatique qui a le mérite d'élargir le dispositif en faveur des chômeurs. On ne va pas passer de l'état d'urgence à l'état de grâce, mais en tout cas, en soutenant cette loi, nous acceptons un état des lieux qui permettra de construire un avenir pour des chômeurs, et surtout pour les entreprises.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Ce débat a déjà duré un certain temps, néanmoins je voulais remercier M. Gillet pour son excellent rapport et dire que, effectivement, se retrouver au chômage n'est pas une volonté mais un coup du sort. (L'oratrice est interpellée.) Un coup du sort, Monsieur Weiss, je le répète !

En revanche, cette loi est novatrice quand elle dit vouloir s'occuper tout de suite du réemploi des personnes au chômage et placer dans le secteur des emplois de solidarité ceux qui, par malheur, ont davantage de difficultés à retrouver un emploi. Je pense que c'est une excellente chose que de pouvoir être employé dans ce domaine et de se garantir par là un lien social. Parce que le lien social, qu'on le veuille ou non, se fait le plus souvent au travail ou dans un réseau d'associations - mais le plus souvent, c'est au travail que se tissent des liens sociaux.

Je n'entrerai pas dans la polémique ouverte par l'UDC sur les chômeurs étrangers qui viennent prendre du travail chez nous, je trouve déplacé de dire les choses comme cela.

Et je dirai à M. Gautier que notre canton a les moyens de s'occuper des personnes en demande d'emploi. Notre rôle de parlementaire est de garantir cette volonté en votant les budgets alloués au soutien des emplois solidaires, et ce sera notre travail au mois de décembre, quand nous voterons les budgets. Je vous attends à ce moment-là, Mesdames et Messieurs les députés.

M. Christian Brunier (S). J'ai entendu ce soir, dans quasiment tous les rangs, de nombreuses certitudes par rapport à l'emploi, par rapport au chômage, mais je pense que nous devrions tous et toutes faire preuve d'humilité. Parce que le chômage touche quasiment le monde entier, que l'on soit de gauche, de droite, du centre ou je ne sais quoi, pas grand-monde a trouvé la bonne solution et il faut donc tâtonner... Il n'y a pas de bonnes solutions pour lutter contre le chômage; s'il y en avait, elles auraient déjà été appliquées dans le monde et auraient apporté des bons résultats. Personne n'a trouvé la solution, alors soyons humbles à l'égard de ce sujet !

Cette loi présente un intérêt - beaucoup l'ont dit - elle permet d'agir vite. Le problème aujourd'hui est que l'on agit plutôt sur les gens en fin de droit, et nous espérons que ce projet de loi permettra de donner une impulsion pour agir beaucoup plus rapidement. Car il est plus facile de replacer aussitôt un chômeur ou une chômeuse qui vient de perdre son emploi que d'attendre plusieurs années avant de le faire - personne ne conteste ce point.

Le deuxième élément que je voudrais souligner quant à ce projet de loi, c'est qu'il apporte des mesures test, des projets pilotes, et lorsqu'on entend «projet pilote»... Je n'étais pas en commission et je m'attendais à de l'innovation. Mais il faut tester, essayer, adapter des choses - des choses vraies aujourd'hui qui ne le seront plus demain, des choses fausses hier qui sont vraies aujourd'hui - et il faut continuellement tâtonner, puisque la société évolue rapidement. Je m'attendais donc à une idée novatrice, et la première idée en termes de projet pilote est de privatiser le placement... Il n'y a rien de plus ringard ! C'est un déficit entier du service public et cela signifie que les gens doutent complètement que l'on puisse améliorer le service public.

Eh bien nous, nous faisons le pari que l'Office cantonal de l'emploi est un organisme qui peut se réformer. On sait qu'il revient de loin, on sait que c'est difficile et on ne va pas incriminer le nouveau patron de cet office en disant qu'il fait mal son travail - il faut lui laisser du temps - mais nous faisons le pari que nous devons et pouvons réformer l'Office cantonal de l'emploi. Et privatiser le placement est un fatalisme que nous refusons totalement.

Une autre mesure prise dans ce projet de loi - alors là je comprends assez mal les partis de droite - est de couper complètement les prestations aux indépendants.

Je vous rappelle que les indépendants au chômage n'avaient pas les mêmes droits que les employés, mais que, grâce aux occupations temporaires, ils pouvaient trouver un minimum de prestations sociales. Aujourd'hui, c'est fini ! Avec ce projet de loi, vous êtes en train de desservir ceux que vous appelez vos «amis politiques», les petits commerçants, les petits patrons... Avec votre projet de loi, ces derniers, qui demain n'auront plus d'emploi, ne bénéficieront plus d'aucune prestation, et c'est dommageable.

Une autre chose, pour laquelle il n'est absolument pas investigué dans ce projet de loi, c'est la réforme de la promotion économique. On nous dit que la meilleure chose pour lutter contre le chômage est de créer de l'emploi... Oui, bien sûr ! Mais quel emploi ? Quelle est aujourd'hui la promotion économique pratiquée à Genève ? Est-ce bien de faire venir des sociétés de prestige, avec leur armada de cadres pour qui il faut faire des cadeaux fiscaux, pour qui il faut construire des écoles et des infrastructures, et qui vont souvent de l'autre côté de la frontière et ne paient pas d'impôts ou obtiennent des arrangements d'enfer ?! Est-ce cela la promotion économique qu'il faut pour Genève ?! On n'en est pas sûr. La promotion économique doit se penser en termes d'emploi, mais aussi en termes d'infrastructures et de bien-être de la population genevoise. Et ce chantier, de la promotion économique, le Conseil d'Etat ne l'a pas entamé. Excusez-moi, Monsieur Unger, mais la promotion économique a du travail ici, de même que pour renforcer le tissu des PME. Et peut-être que d'aller voir les courses d'Alinghi n'est pas le meilleur chantier à entreprendre aujourd'hui... (Protestations. Brouhaha.)

Je disais tout à l'heure qu'il n'y avait pas de solution miracle pour lutter contre le chômage... En revanche, nous devrions partager au moins une chose, c'est le diagnostic du manque d'emplois. Un diagnostic n'est pas de gauche ou de droite, c'est un constat simple - et je crois que des deux côtés il y a des gens raisonnables. Mesdames et Messieurs de l'UDC, dire que le seul point responsable du chômage ce sont les bilatérales, c'est une négation de la réalité ! Au contraire, un des gros problèmes de l'emploi en Suisse, c'est la non-adhésion à l'Union Européenne. Les études le démontrent, les résultats économiques de la Suisse sont au-dessous des normes européennes - à part l'an dernier, mais toutes les autres années on a été au-dessous des normes européennes. Alors, on a beau se leurrer et se dire que l'on vit dans un pays fantastique, nous avons des résultats moins bons que les normes européennes ! Au niveau des bilatérales, les résultats sont très contrastés: aujourd'hui un ingénieur suisse coûte moins cher qu'un ingénieur français... Il n'y a donc pas ici de conséquence. Par contre, il y a un vrai problème concernant les travaux du bâtiment... Le groupe socialiste vient d'ailleurs de déposer un projet dans le but d'instaurer une véritable convention collective pour lutter contre le dumping social lié aux bilatérales - et là, nous testerons l'UDC.

On nous dit aussi qu'il faut valoriser les formations professionnelles. Oui, mais attention: quand on voit les lois que vous votez sur l'école, faites attention de ne pas tirer sur les formations professionnelles ! Parce qu'à force de défendre une école élitiste, comme certains l'ont fait - heureusement de manière minoritaire dans ce parlement - vous allez marginaliser encore davantage les professions manuelles, et ce n'est pas dans ce sens qu'il faut agir.

Vous dites qu'il faut assouplir la fiscalité pour les entreprises. Pourquoi pas ? Mais à certaines conditions. Si vous assouplissez sans conditions, il arrivera ce qu'il s'est passé avec les charges sociales en France: les bénéfices des actionnaires sont plus importants mais ils ne réinvestissent pas dans les entreprises, ils réinvestissent dans le placement boursier. Donc, il faut conditionner véritablement les déductions ou les arrangements fiscaux qui sont possibles...

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.

M. Christian Brunier. Pour créer de l'emploi, pour investir dans les entreprises, il y a heureusement beaucoup de patrons qui le font, mais pas en suffisance.

Alors, ce projet de loi a quelques avantages et un certain nombre d'inconvénients. Le groupe socialiste se dit prêt à le voter, à des conditions: elles sont les trois amendements que nous présentons. (Brouhaha.) Ils sont élémentaires, l'un d'entre eux est simplement de fixer un salaire minimum pour les chômeurs à 3 300 F. Et 3 300 F pour vivre à Genève, c'est vraiment un minimum ! Quand on est dans l'une des régions les plus riches du monde, je pense qu'on peut se le payer ! Et aujourd'hui, nous devons défendre les chômeurs, car la plupart d'entre eux sont des gens honnêtes, qui cherchent du travail, qui ont envie de s'investir pour la société. Alors, arrêtons de les stigmatiser en les prenant tous pour des voleurs ! (Applaudissements.)

La présidente. Je signale d'ores et déjà que le débat ne se prolongera pas au-delà de 23h.

M. Georges Letellier (Ind.). Ce projet de loi est un très bon projet qui va de l'avant. Je pense qu'il va permettre progressivement de remettre les pendules à l'heure.

En revanche, ce projet de loi a un défaut essentiel: le contrôle du chômage. On parle de mesures de réinsertion, etc., mais on ne parle pas du contrôle des chômeurs. Et sans ce paramètre, vous ne pouvez pas mettre en ordre une loi, ce n'est pas possible.

Sachant que le contrôle actuel des chômeurs n'est que de la poudre aux yeux afin de cacher la vérité au citoyen-contribuable, je demande au Conseil d'Etat de mettre en place une équipe de contrôleurs, avec formation spécifique, pour débusquer les profiteurs et les abuseurs d'acquis sociaux subventionnés, dont certains siègent sur les bancs de ce Grand Conseil...

La présidente. Monsieur le député, s'il vous plaît, je vous demande de parler de la loi qui nous occupe. (Brouhaha.)

M. Georges Letellier. C'est tout, je ne la critique que sur ce point. (Remarques.) Il n'y a aucune mesure contre cela... (Brouhaha.)

Une voix. Continue Georges !

La présidente. Vous avez terminé ?

M. Georges Letellier. C'est tout bon.

M. Alain Charbonnier (S). Je ne serai pas trop long. J'aimerais juste revenir sur la conformité juridique de la loi actuelle par rapport aux mesures cantonales et signifier qu'au niveau fédéral notre brillant Secrétariat d'Etat à l'économie - SECO - a mis dix ans - dix ans ! - pour venir mettre sa patte dans cette loi et dire qu'elle n'était pas tout à fait conforme à la loi fédérale...

Que dit la loi fédérale ? L'article 13 prévoit qu'après avoir exercé durant douze mois une activité salariée, l'employé licencié se retrouvant au chômage a droit à des indemnités fédérales pendant dix-huit mois. Tant que cet article de loi ne sera pas changé, je ne vois pas comment les autorités fédérales pourraient venir nous dire que nous sommes dans l'illégalité complète. Ce qu'il faut changer, c'est l'automaticité de cette mesure. Mais je ne vois pas en quoi nous sommes hors-la-loi, il faudrait quand même que le SECO nous explique de quelle façon il porte ce jugement. Je préciserai aussi que nous avons, sur les bancs de la gauche, émis quelques réserves à l'égard de ce gouvernement à majorité de droite au niveau fédéral.

Ensuite, concernant le délai pour retrouver du travail, M. Gautier dit qu'il ne fallait pas mélanger le social et l'économie... Mais cela fait des années que l'on entend cela ! Si la loi votée en 1997 n'était pas une loi économique et sociale - puisqu'elle fixait une automaticité pour retrouver un deuxième délai-cadre - qu'était-elle d'autre ?! Quand M. Gautier dit: «Moi je ne veux pas faire de social, ce n'est pas mon rayon, ici on parle du chômage...». Mais que nous propose-t-il, avec la majorité, pour voter cette loi ? Des emplois dans l'économie sociale et solidaire ! Nous y adhérons pleinement au parti socialiste, mais c'est une mesure sociale avant tout et non pas une mesure économique ! Il ne faut pas non plus prendre les gens pour des imbéciles ! (Brouhaha.) Quand on les envoie dans un emploi de ce genre, on se dit bien que ce n'est pas pour leur redonner un travail dans le marché primaire, puisque c'est un marché secondaire.

Le regret que nous avons par rapport à cette mesure est que nous proposions la même chose: des emplois dans ce marché secondaire, mais couplés à une formation, et un contrat à durée déterminée - dix-huit mois - renouvelables après vérification des objectifs, alors que cette loi veut un contrat à durée indéterminée... On se débarrasse d'une partie de ces gens avec un contrat à durée indéterminée, sans contrôle de l'Office cantonal de l'emploi. C'est donc pire - pire ! - que l'emploi temporaire cantonal. D'ailleurs, le SECO a déjà émis une réserve, puisqu'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée avec un salaire. Vous êtes donc en pleine contradiction par rapport à cette mesure, je tenais quand même à vous le signaler. (Brouhaha.)

Je terminerai par une petite chose. Je remercie M. le rapporteur pour son rapport, lequel signale à la première page que vous avez siégé durant dix-neuf séances pour élaborer cette loi, mais sans une seule audition d'un seul chômeur ou d'une seule chômeuse ! Je suis donc un peu circonspect en constatant cela. Pour tous les autres travaux que nous avons effectués concernant les lois sur le chômage, on a au moins eu la décence d'auditionner des chômeurs ou des chômeuses... Or là, en dix-neuf séances, cela n'a pas été le cas. Donc, j'ai vraiment un regret immense par rapport à cela.

M. François Gillet (PDC), rapporteur. J'aimerais rapidement réagir aux interventions du groupe socialiste, d'abord au sujet du chômage des jeunes. Les socialistes ne sont pas les seuls à se préoccuper de cette question, le groupe démocrate-chrétien, notamment, l'a également fait de son côté. Il est vrai que le Professeur Flückiger nous a clairement expliqué - et je crois que la majorité de la commission a été convaincue - que nous ne pouvions pas, dans le cadre de cette loi, différencier chaque catégorie de chômeurs et trouver des réponses spécifiques pour chacune d'elles. Les jeunes, effectivement, représentent une tranche d'âge préoccupante, mais il y a également, comme cela a été évoqué lors de nos travaux, de nombreuses femmes qui ont fait une pause pour éduquer leurs enfants et qui souhaitent revenir à l'emploi. Nous aurions également pu imaginer des dispositions spécifiques pour ce groupe important de la population.

De plus, la démonstration a été faite que, si la question des jeunes est préoccupante, nous ne pouvions pas la régler exclusivement à travers la loi en matière de chômage. En effet, cette problématique est à l'intersection de plusieurs lois: la loi sur l'information et l'orientation scolaires et professionnelles; la loi sur l'instruction publique; en particulier, nous aurons d'ailleurs, je l'espère, l'occasion d'y revenir prochainement dans le cadre d'une motion.

En outre, vous avez aussi évoqué la nécessité d'une rémunération plancher de 3300 F que vous appelez de vos voeux pour le programme d'emploi et de formation. Mais le fait est que nous sommes ici, non pas dans le cadre d'un emploi salarié, mais d'un programme de formation. Nous ne pouvons donc pas mettre cette rémunération sur le même plan que de véritables salaires tels qu'ils sont prévus dans d'autres dispositions de la loi.

Par ailleurs - et on peut le regretter - il n'est pas possible, à travers cette seule loi en matière de chômage, de régler tous les problèmes du marché de l'emploi ! On peut, comme vous le faites, critiquer un certain nombre de salaires qui sont indécents sur le territoire genevois, on peut dénoncer le fait que certaines conventions collectives n'aient pas été reconduites, mais il est impossible de tout régler par le biais de cette loi.

M. Gautier l'a dit, cette loi a pourtant une vertu: celle de chercher à séparer la politique de l'emploi de la politique sociale. Et même s'il y a une intersection entre les deux, il s'agit ici de mesures qui visent essentiellement l'insertion et la réinsertion sur le marché de l'emploi, primaire ou secondaire.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Mes premiers propos seront pour vous, Monsieur le rapporteur, pour la qualité de votre travail. Merci d'avoir résumé les vingt séances de commission, d'avoir synthétisé la teneur de ces débats, le contenu des auditions, les affinements et les améliorations apportées à la loi. Vous avez aussi, et de très brillante manière, résumé dans ce rapport l'objet qui nous réunit ce soir: une loi qui scelle une nouvelle politique publique de lutte contre le chômage.

Mesdames et Messieurs, cette nouvelle politique publique de lutte contre le chômage est nécessaire, car celle qui en fait office aujourd'hui a échoué. Genève est le canton suisse qui crée le plus d'emplois. Il fait partie des cinq régions d'Europe qui sont les plus actives en matière de création d'emplois. Pourtant, Genève connaît, et de loin, le plus grand nombre de chômeurs de Suisse, la plus forte proportion de chômeurs de longue durée et la plus forte durée moyenne de chômage du pays.

Ce n'est pas du à une absence de moyens. Nous sommes le canton suisse qui, de très loin, consacre le plus d'argent à la lutte contre le chômage. Dans la plupart des autres cantons, voire dans la quasi-totalité, il n'existe pas de moyens ni aucune politique cantonale de lutte contre le chômage. C'est la politique fédérale, et elle seule, qui en fait office.

Cette politique genevoise s'incarne actuellement et essentiellement autour d'un outil: les emplois temporaires. Mais ceux-ci, dans les faits, ne sont qu'une machine à fabriquer des chômeurs de longue durée. Affirmer cela n'a rien de politique. Deux expertises scientifiques l'ont dit de la manière la plus claire qui soit: les conclusions de la commission d'évaluation des politiques publiques et les études de l'Université de Genève conduites par le Professeur Flückiger.

Le seul avantage aujourd'hui de ces emplois temporaires, le seul qu'on leur reconnaît, c'est d'ouvrir une deuxième période d'indemnisation de chômage. Or, vous le savez, à Berne, le Conseil fédéral refuse désormais d'octroyer une deuxième période d'indemnisation après ces emplois temporaires. Il faut donc aujourd'hui changer de politique.

Le Conseil d'Etat a fait de l'emploi avec le redressement des finances et la construction de logements, la priorité cardinale de la législature. C'est pour cette priorité que nous avons opéré la plus forte modification administrative et politique jamais effectuée dans les départements, en regroupant dans la même sphère, à la fois les logiques d'action sociale et celles d'emploi, autour du nouveau département de la solidarité et de l'emploi. Nous voulons porter un message fort qui consiste à dire que, si quelqu'un sort de l'Office cantonal de l'emploi pour entrer dans les services de l'Hospice général, on n'a pas résolu le problème. Au contraire, on l'a amplifié. Il faut donc avoir une politique qui soit coordonnée et qui soit simultanément une politique de solidarité et d'emploi.

Nous avons mené, dans la mesure des moyens possibles, une très forte réorganisation de l'Office cantonal de l'emploi. Il y a encore mille choses à faire, j'en conviens. Mais il faut admettre que, sous l'impulsion du nouveau directeur et avec l'appui de ses collaborateurs, de nouvelles dynamiques produisent déjà un certain nombre d'effets. D'ailleurs, le chômage a baissé de façon significative ces derniers mois, et plus nettement encore que dans le reste de la Suisse, ce qui n'était pas arrivé depuis des années.

Ensuite, nous avons expérimenté un certain nombre de solutions nouvelles. Il faut, pour lutter contre le chômage, utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition. Nous avons testé une expérience pilote qui visait à confier à des structures privées, sur la base d'une évaluation faite par l'Université de Genève, le placement de chômeurs de longue durée. Nous avons introduit des programmes de formation, avec des entreprises qui étaient confrontées à une pénurie d'employés. Nous avons même, et cela m'a été reproché, envoyé des chômeurs se former sur des chantiers en France voisine.

Cette nouvelle loi, Mesdames et Messieurs, est nécessaire, parce qu'elle va nous fournir des outils qui nous permettront d'être plus efficaces dans la lutte contre le chômage. Cela a été dit: le temps qui passe est l'élément le plus discriminant aujourd'hui pour retrouver un emploi. Il faut donc inculquer un sentiment d'urgence auprès des chômeurs et leur donner des ressources et des solutions pour qu'ils puissent régler plus efficacement et plus rapidement leur situation.

Nous créerons des programmes d'emploi et de formation qui, par un balisage de ce parcours, nous permettront d'être plus efficaces, avec des engagements forts de l'Etat.

Nous augmenterons l'attractivité des allocations de retour en emploi, avec l'objectif d'en doubler le nombre, en aidant les entreprises et en les incitant à engager des chômeurs et notamment des chômeurs âgés.

Nous créerons également les emplois de solidarité, sur le marché complémentaire. C'est une réponse de solidarité pour un certain nombre de gens qui, malgré l'efficacité attendue des dispositifs que je viens de décrire, resteront au bord de la route. Et la République ne veut pas laisser des chômeurs au bord de la route, notamment les plus âgés. C'est pour ces personnes en priorité que nous instituerons, dans l'économie solidaire, des emplois de solidarité. Et je tiens à dire ici que les engagements écrits et oraux du Conseil d'Etat ont été extrêmement clairs en la matière sur le nombre, l'ambition et la volonté de créer ces emplois.

Enfin, nous avons pris l'engagement, malgré la priorité au redressement des finances, de consacrer le même budget à l'emploi, mais pour des solutions plus efficaces. Il n'y aura donc pas d'économies faites sur le dos des chômeurs dans le cadre de la politique de lutte contre le chômage.

Mesdames et Messieurs, cette loi est une loi de solidarité. Elle donne de l'espoir et de la dignité à celles et ceux qui sont en difficulté. La République ne les abandonnera pas et ne les abandonnera jamais. Et cette loi est une loi pour l'emploi, parce que c'est dans les entreprises que nous devons inciter à la création d'emplois.

Sur le plan politique, enfin, cette loi est celle de la mesure. Le chemin est étroit. Cette loi cherche à réunir, non à diviser. Elle vise à réconcilier les forces politiques genevoises avec une lutte contre le chômage qui soit efficace.

A ceux qui sont tentés de s'opposer à cette loi, je poserai cette question: cette loi est-elle plus efficace que la loi actuelle ? Ce soir, personne n'a prétendu le contraire et chacun, dans de cet hémicycle, est convaincu que cette loi est meilleure, quels qu'en puissent être les défauts, quelles que soient les options politiques qu'on puisse avoir à son égard.

J'emprunterai ma conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, à Victor Hugo, qui disait: «Vous voyez l'ombre, et moi je contemple les astres. Chacun a sa façon de regarder la nuit...». Puissions-nous, en la matière, et tous ensemble, la regarder d'une même manière. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mis aux voix, le projet de loi 9922 est adopté en premier débat par 85 oui et 2 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1, lettre b (nouvelle teneur), lettres c, d, et e (nouvelles) à 4 (nouvelle teneur, sans modification de la note).

La présidente. A l'article 6A, nous sommes saisis d'un amendement avec un alinéa 3 (nouveau).

M. Alain Charbonnier (S). Mesdames et Messieurs les députés, M. le conseiller d'Etat a terminé son allocution en nous disant que l'Etat n'abandonnerait pas les chômeurs et que cette loi sera meilleure que l'actuelle. Pour notre part, nous pensons qu'elle le sera à condition que vous acceptiez nos amendements. Si c'est le cas, nous adopterons la loi.

Cet amendement ne fait rien d'autre que de ne pas abandonner les chômeurs, puisque nous demandons que, une fois que ceux-ci ont épuisé leur droit aux indemnités fédérales, ils puissent bénéficier d'une des prestations énumérées dans cette loi, à savoir des stages de réinsertion pour jeunes - nous avons également déposé un amendement dans ce sens, dont on discutera un peu plus tard - des allocations de retour en emploi, des emplois de solidarité ou des programmes d'emploi et de formation. Il ne s'agit que de cela et en aucun cas d'un deuxième délai-cadre fédéral. Il faut bien lire notre amendement: il ne vise qu'à offrir une de ces mesures qui, en général, ne s'étend pas au-delà de six mois - hormis peut-être les emplois de solidarité, dans l'économie sociale et solidaire - et qui ne se déroule donc pas dans un deuxième délai-cadre.

En conclusion, nous vous demandons d'accepter cet amendement qui, je le répète, ne fait rien d'autre que de ne pas abandonner les chômeurs.

M. Antonio Hodgers (Ve). Je tenais à m'exprimer sur cet amendement, parce que, si nous partageons les objectifs et les intentions du parti socialiste, il est vrai que la rédaction même de cet amendement nous semble inopportune. Je m'explique.

Tout d'abord, cet alinéa 3 (nouveau) vise à donner au chômeur ayant épuisé ses droits fédéraux la possibilité de bénéficier d'une des mesures citées à l'article 7. Or, des trois mesures qui y figurent, deux, à savoir l'allocation de retour en emploi et le programme d'emploi et de formation, sont des dispositions qui commencent pendant le délai-cadre fédéral. Pour le programme d'emploi, c'est évident, et, pour l'ARE, vous avez juste un mois de plus à la fin du délai-cadre, comme il est prévu à l'article 33 du projet de loi.

Donc finalement, votre amendement ne concernerait que les emplois de solidarité, et là se pose un autre problème, Mesdames et Messieurs. En effet, la loi prévoit que ces emplois de solidarité soient créés en dehors de l'Etat; celui-ci n'aura pas le droit d'instituer des emplois de ce genre. Mais comment peut-on se doter d'un article qui oblige l'Etat à trouver un emploi de solidarité pour un chômeur alors que l'employeur de ce dernier doit forcément être une association ou une institution externe, qui va l'engager selon un contrat de travail de droit privé ? Il y a donc vraiment une impossibilité matérielle.

Mais, à nouveau, je le souligne, je partage l'inquiétude et l'intention du parti socialiste de voir un nombre d'emplois de solidarité qui soit suffisant pour que cette mesure atteigne son objectif qui, comme M. Longchamp l'a dit, est d'éviter de laisser les plus fragiles d'entre nous au bord de la route. Mais il est difficile d'avoir cette garantie dans la loi, parce qu'elle découle d'un budget. Et ce parlement sait bien qu'on a beau mettre des principes dans une loi, ce qui compte in fine, c'est de voter les budgets.

Pour l'instant, nous avons quand même deux indications fortes du Conseil d'Etat. La première est de M. Longchamp, qui a insisté sur le fait que ce projet de loi ne faisait pas d'économies sur le dos des chômeurs. Et là, j'aimerais rebondir sur ce qu'a dit M. Weiss tout à l'heure, lorsqu'il rappelait le débat que nous avions eu sur le même sujet il y a quelques années et auquel il comparait notre discussion de ce soir... Mais je trouve qu'il n'y a pas de comparaison ! En effet, dans le projet de loi que nous avions discuté il y a quatre ans, il était clair que des mesures d'économies se faisaient sur le dos des chômeurs. Mais ce n'est pas le cas ici, M. Longchamp l'a répété dès le départ, et c'est un élément très important qui a mis tout le monde à l'aise.

Alors, on a actuellement un budget d'environ 100 millions, et l'essentiel de ces 100 millions, qui aujourd'hui sont affectés aux emplois temporaires, iront aux emplois de solidarité ! Je crois que cela a été dit assez clairement.

La deuxième chose, c'est que le but de ces emplois de solidarité est d'éviter que les gens se retrouvent à l'Hospice général. Ce point constituait une de nos demandes sous l'ancienne législature. Vous vous souvenez peut-être que M. Lamprecht nous disait qu'il avait moins de chômeurs... Evidemment ! Parce qu'ils passaient à l'Hospice général, qui faisait partie à l'époque du département de son collègue du Conseil et de parti, M. Unger, et l'on voyait un phénomène de vases communicants qui était mal maîtrisé par le Conseil d'Etat. Aujourd'hui, dans la logique d'associer emploi et solidarité, Monsieur Gautier, parce que les choses vont de pair, ces deux sphères sont regroupées dans le même département, mais de toute façon l'Etat n'aurait pas intérêt à limiter les emplois de solidarité pour envoyer les gens à l'Hospice général, parce que le coût social serait plus important.

Voilà les deux raisons qui nous font avoir confiance aujourd'hui. Mais cette confiance n'est pas absolue, ce n'est pas un chèque en blanc, et on sera attentif, budget après budget, pour qu'il y ait les moyens nécessaires.

En l'état, je le répète, nous partageons les intentions socialistes, mais il est vrai que la matérialisation à travers cet amendement à l'article 6A ne nous satisfait pas, et c'est pourquoi nous nous abstiendrons.

M. Alain Charbonnier (S). J'aimerais quand même préciser deux ou trois choses, parce qu'il semble que la loi ne soit pas tout à fait maîtrisée par certains.

En ce qui concerne l'allocation de retour en emploi, il est écrit dans l'article 32, alinéa 3, que le chômeur doit en outre avoir épuisé son droit aux indemnités fédérales. Donc l'article 6A, alinéa 3, que nous vous proposons d'ajouter concerne bien aussi ces ARE.

Et, pour ce qui est du programme cantonal d'emploi et de formation, je vous lis l'article 39, alinéa 1: «Lorsque le retour à l'emploi n'a pu être assuré, l'autorité compétente peut prolonger, pour le chômeur ayant épuisé son droit aux indemnités fédérales, le programme d'emploi et de formation initié durant le délai-cadre...». Il est donc bien initié pendant ce délai-cadre, mais il faut une prolongation, une autorisation du Conseil d'Etat, et c'est précisément ce qu'on demande, à savoir que ces autorisations soient acceptées à chaque fois, et non pas qu'on fasse du cas par cas et qu'on retrouve des gens directement à l'assistance publique à cause de ce tour de passe-passe.

Ensuite, concernant les chiffres du chômage, M. Longchamp a signalé tout à l'heure que le chômage avait diminué de façon significative et que cela était sûrement dû à l'efficacité de l'Office cantonal de l'emploi. Je n'en doute pas, mais je tiens juste à rappeler qu'en juillet 2005 les indemnités fédérales ont passé de 520 à 400 jours, ce qui fait 120 jours de moins - heureusement, peut-être, Monsieur Weiss - et cela représente presque 25% de diminution ! On devrait donc retrouver ce chiffre sur le taux de chômage, ce qui est loin d'être le cas pour l'instant.

Mme Virginie Keller Lopez (S). Pourquoi cet amendement ? Simplement parce que, comme l'a très bien dit mon collègue Antonio Hodgers, c'est au moment des budgets, finalement, que sonne l'heure de vérité. Je crois que le parti socialiste peut le dire ce soir: il n'a aucune confiance dans la majorité de ce Grand Conseil quant à sa capacité de donner les moyens à l'économie sociale et solidaire de remplir ce magnifique défi. Car c'est un magnifique défi que de redonner de l'emploi à plus de mille personnes, qu'aujourd'hui nous n'arrivons pas à remettre dans le marché du travail !

Evidemment que c'est un beau projet, Mesdames et Messieurs les députés ! Mais il faut quand même qu'il y ait quelques contraintes pour qu'il se réalise. Parce que, si nous nous rappelons les derniers budgets votés, ce parlement, au moment de l'heure de vérité, n'a pas considéré comme une priorité les subventions à l'économie sociale et solidaire, et de loin pas !

Alors cessons l'hypocrisie ! Car d'un côté on demande que ce soit ce secteur-là qui se charge des personnes qui sont en fin de droit et, de l'autre côté, l'Etat n'assume pas ses responsabilités, notamment concernant les subventions qu'il pourrait accorder pour que ce type d'activités dans le secteur social et solidaire engendrent de l'emploi. Il n'y a que l'Etat qui puisse assumer cette contrainte et permettre la création de ces emplois ! Indirectement, par des budgets affectés à ces secteurs et par des subventions !

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés - et parce que nous, contrairement aux Verts, nous ne faisons pas confiance à la majorité de droite du Grand Conseil - nous vous demandons des garanties pour que l'Etat s'engage quant à la création indirecte de ces emplois. (Applaudissements. Protestations.)

La présidente. Je vous rappelle l'alinéa 3 (nouveau) qui est proposé à l'article 6A: «Chaque chômeur ayant épuisé son droit aux indemnités fédérales a droit à un genre de prestations énumérées à l'article 7.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 14 oui et 18 abstentions.

Mis aux voix, l'article 6A (nouveau) est adopté, de même que les articles 6B (nouveau) à 6D (nouveau).

La présidente. A l'article 6E, alinéa 5, lettre c, nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat, que voici: «les conseils en matière d'orientation professionnelle délivrés en application de la loi sur l'information et l'orientation scolaires et professionnelles, du 15 juin 2007.» M. le conseiller d'Etat ne souhaitant pas s'exprimer, je vous fais voter cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 78 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 6E (nouveau) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 6F (nouveau) est adopté, de même que les articles 6G (nouveau) à 6I (nouveau).

La présidente. A l'article 7, lettre b) (nouvelle teneur), nous sommes saisis d'un amendement. Le voici: «b) les stages professionnels en réinsertion pour jeunes; c) l'allocation de retour en emploi; d) le programme d'emploi et de formation; e) le programme d'emplois de solidarité sur le marché complémentaire de l'emploi.»

M. Alain Charbonnier (S). Comme nous l'avons annoncé tout à l'heure, nous tenons à ce que des mesures spécifiques pour les jeunes soient à nouveau prévues dans cette loi. En effet, il était question de reprendre les stages professionnels de réinsertion pour jeunes, stages qui figuraient dans l'ancienne loi, en enlevant - je précise bien - en enlevant l'automaticité quant à la possibilité de retrouver un délai-cadre fédéral. Ce n'est donc pas une mesure qui vise à obtenir un deuxième délai-cadre, mais pour que les jeunes puissent effectuer des stages de réinsertion au sein des entreprises.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 16 oui et 18 abstentions.

Mis aux voix, l'article 7, lettres b, c et d (nouvelle teneur), lettre e (abrogée) est adopté, de même que les articles 9, al. 2, lettres a et b (nouvelle teneur) et 19, al. 3 (nouvelle teneur).

La présidente. Au chapitre III du titre III (abrogé, y compris les articles 22 à 29), nous sommes saisis d'un amendement concernant l'ensemble du chapitre. La parole n'étant pas demandée, je vous fais voter cet amendement au chapitre III, pour les articles 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28 et 29. (Brouhaha.)

Une voix. Par qui a été déposé cet amendement ?

La présidente. C'est un amendement socialiste. (Brouhaha.) Monsieur Charbonnier, je vous donne la parole.

M. Alain Charbonnier (S). Je croyais avoir été clair tout à l'heure avec un des membres du Service du Grand Conseil, quand je lui ai dit qu'on déposait cet amendement mais qu'il formait un tout avec l'article 7. Alors, du moment que, à l'article 7, la majorité de ce parlement a refusé les stages professionnels de réinsertion pour jeunes, il est évident que les articles 22 à 29 tombent.

La présidente. Est-ce que vous retirez cet amendement ? (Remarques. Brouhaha.) Nous poursuivons.

Mis aux voix, l'article 32 (nouvelle teneur, sans modification de la note) est adopté, de même que l'article 33 (nouvelle teneur).

La présidente. A l'article 34, alinéa 3, nous sommes saisis d'un amendement socialiste consistant à supprimer la deuxième phrase du paragraphe. Voici le texte modifié: «Dans le cadre de son budget annuel, le Conseil d'Etat détermine le nombre maximum de bénéficiaires d'allocation de retour en emploi au sein des entités publiques concernées.» Je donne la parole à Mme Fehlmann Rielle.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, je rappellerai qu'il est reconnu que les ARE - allocations de retour en emploi - sont des mesures efficaces, parce qu'elles permettent réellement une insertion ou réinsertion. Malheureusement, elles ne sont pas suffisamment utilisées, car souvent pas assez incitatives pour les entreprises.

Je rappellerai aussi que dans le projet de loi socialiste elles étaient plus généreuses, puisque l'on prévoyait que la participation au salaire soit, je crois, de 80%, alors que dans le projet de loi actuel elle n'est que de 50%.

Dans ce contexte, je pense qu'il était important de rappeler cela et, donc, nous estimons qu'il n'est pas nécessaire de rajouter, à la fin de l'alinéa 3, que le nombre des ARE créées dans les collectivités publiques ne doit pas dépasser celui des entreprises privées.

Nous pensons de toute façon que, dans le cadre du budget, c'est l'Etat qui déterminera le nombre maximum de bénéficiaires de ces ARE et que c'est une garantie suffisante pour qu'il n'y ait pas de disproportion entre les deux. Nous vous proposons donc de soutenir cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 30 oui et 3 abstentions.

Mis aux voix, l'article 34 (nouvelle teneur) est adopté.

La présidente. A l'article 35, alinéa 1, nous sommes à nouveau saisis d'un amendement socialiste.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). J'ai l'innocence de penser que cet amendement devrait être soutenu par l'ensemble de ce Grand Conseil, c'est en tout cas ce que nous souhaitons.

Je rappelle que dans le projet de loi initial du Conseil d'Etat il était prévu que ces mesures-là s'appliquent aux chômeurs dès 50 ans - comme c'est le cas dans l'amendement que nous vous proposons - et que c'est la majorité de la commission qui a péjoré ce projet en portant cet âge à 55 ans.

Je vous engage donc à accepter cet amendement, dans la mesure où l'on sait que les chômeurs de plus de 50 ans ont déjà beaucoup de mal à retrouver un emploi. D'ailleurs, on se demandait si la moyenne d'âge de la commission avait un rapport avec le fait que cet amendement ait été proposé... (Rires.) Mais je laisse cette question à votre appréciation.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 31 oui et 11 abstentions.

Mis aux voix, l'article 35, al. 1 et 2 (nouvelle teneur, sans modification de la note), al. 3 (abrogé) est adopté, de même que les articles 36, al. 4 (nouvelle teneur) à 41 (nouvelle teneur).

La présidente. A l'article 42, nous sommes saisis d'un amendement socialiste et d'un amendement du Conseil d'Etat. L'amendement socialiste étant le plus éloigné, je vous le soumets d'abord. Premier paragraphe: «Le bénéficiaire perçoit un salaire égal à sa dernière indemnité fédérale de chômage; il ne peut cependant être inférieur à 3 300 F ni supérieure à 4 500 F par mois.» Deuxième paragraphe: «Ce salaire est déterminant au sens de l'AVS et donne lieu au prélèvement des cotisations sociales usuelles.»

M. Alain Charbonnier (S). J'aimerais dire deux choses. Pour ces emplois de formation, le chômeur reçoit un salaire et non une compensation financière - pour un programme à plein temps, évidemment. Nous demandons que ce salaire soit égal à la dernière indemnité fédérale de chômage et qu'il ne soit pas inférieur à 3300 F. Car, comme l'a dit mon collègue Brunier tout à l'heure, il nous semble que cette somme, pour vivre à Genève, n'est pas un luxe. Par ailleurs, nous laissons le montant maximum être fixé à 4500 F - comme c'est le cas depuis 1997, je le rappelle. Il n'y a donc pas d'abus, vu le renchérissement et l'augmentation des prix en général, si nous restons dans cette fourchette de 3300 à 4500 F. Cela, pour la dignité des chômeurs.

M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG s'opposera à cet amendement. Néanmoins, j'aimerais attirer l'attention du Conseil d'Etat sur le fait que ce n'est pas un chèque en blanc qu'on lui donne. S'agissant des salaires minimaux, je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais je ne vois pas comment on peut vivre à Genève avec 3300 F si l'on a une famille... En revanche, avec cette même somme et si l'on vit de l'autre côté de la frontière, cela devient possible. Alors attention, nous serons là pour veiller à ce que qu'on ne provoque pas une augmentation de la paupérisation de la population genevoise et nous refuserons donc cet amendement. Parce que le travail du Conseil d'Etat a été considérable et que nous ne voulons pas être une entrave à son action, mais bien le soutenir dans sa démarche. Encore une fois, ce n'est pas un chèque en blanc, Monsieur le conseiller d'Etat, et nous serons là pour veiller au grain.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 29 oui et 2 abstentions.

La présidente. Toujours à l'article 42, voici à présent l'amendement du Conseil d'Etat. Alinéa 1:«Pour un programme à plein-temps, le bénéficiaire perçoit une compensation financière calculée sur la base de sa dernière indemnité de chômage; la compensation mensuelle ne peut cependant être supérieure à 4 500 F par mois. En cas d'activité à temps partiel, la compensation financière est réduite en conséquence.» Alinéa 2: «Cette compensation financière est assimilée à un salaire et donne lieu au prélèvement des cotisations sociales usuelles.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 69 oui et 15 abstentions.

Mis aux voix, l'article 42 (nouvelle teneur) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 43 (nouvelle teneur) est adopté, de même que l'article 44 (nouvelle teneur).

La présidente. A l'article 45, alinéa 2, nous sommes saisis d'un amendement socialiste.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Cet amendement est en quelque sorte le petit frère de celui que nous avions présenté à l'article 35. En effet, il s'agit de porter de 55 à 50 ans l'âge des personnes pouvant bénéficier pendant douze mois de la mesure citée à l'alinéa 1. Encore une fois, je vous engage à voter cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 30 oui et 8 abstentions.

Mis aux voix, l'article 45 (nouvelle teneur, sans modification de la note) est adopté, de même que les articles 45A (nouveau) à 45D (nouveau).

La présidente. A l'article 45E, alinéa 4 (nouveau), nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat. En voici la teneur: «Le département demande le préavis du Conseil de surveillance du marché de l’emploi sur les mandats attribués, les projets et les activités retenus.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 85 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'article 45E (nouveau) ainsi amendé est adopté.

La présidente. A l'article 45F, alinéa 2 (nouvelle teneur), nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat. Le voici: «Il consulte préalablement le Conseil de surveillance du marché de l’emploi.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 83 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'article 45F (nouveau) ainsi amendé est adopté.

La présidente. Le Conseil d'Etat propose également un amendement à l'article 45G, alinéas 1 et 2 (nouvelle teneur). Le voici: «1 Les bénéficiaires perçoivent de la part des institutions partenaires un salaire dont le montant est au moins équivalent aux normes prévues par la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, du 18 novembre 1994, ou celles découlant de la loi sur l'aide sociale individuelle, du 22 mars 2007.

2 Le Conseil d'Etat détermine des salaires minimaux sur préavis du Conseil de surveillance du marché de l’emploi.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 82 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'article 45G (nouveau) ainsi amendé est adopté.

La présidente. A l'article 48, nous sommes saisis d'un nouvel amendement du Conseil d'Etat demandant que les articles 48 et 48A deviennent les articles 48A et 48B.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 83 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 48A (nouveau) (ancien article 48) ainsi amendé est adopté, de même que l'article 48B (nouveau) (ancien article 48A) ainsi amendé.

Mis aux voix, l'article 49, al. 4 (abrogé) est adopté, de même que l'article 54, al. 1 et 2 (nouvelle teneur, sans modification de la note).

La présidente. Enfin, concernant l'article 54A, le Conseil d'Etat a déposé un amendement demandant la suppression de cet article.

Mis aux voix, cet amendement (suppression de l'article 54A) est adopté par 84 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 55A (sous-note, nouvelle) est adopté, de même que l'article 58 (nouvelle teneur, sans modification de la note).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Troisième débat

M. Pierre Weiss (L). Madame la présidente, je demande l'appel nominal ! (Appuyé.) Et j'en profite pour remercier les conseillers d'Etat présents à ce débat.

Mme Véronique Pürro (S). Je serai très brève, j'aimerais juste dire que je regrette énormément que, sur aucun des amendements présentés par le parti socialiste, vous n'ayez fait l'effort de nous entendre et de nous suivre. (Exclamations.) Certains d'entre eux auraient mérité votre soutien, je pense notamment à celui qui concerne les jeunes, car je crois qu'on ne peut pas rester sourds à la problématique du chômage des jeunes qui est particulière, cela a été rappelé tout à l'heure. On voit que la population de notre pays qui est la plus frappée par la pauvreté est celle qui fait le plus appel à l'aide sociale. (Brouhaha. Remarques.) Et on a beau déposer des motions, Monsieur Gillet, il y a un moment où il faut agir concrètement, et c'est à travers les lois qu'on pose les lignes de la concrétisation d'une véritable volonté politique !

Je regrette également que, sur la question des personnes de 50 ans et plus qui sont au chômage, vous n'ayez pas, pour certains, fait l'effort de soutenir notre proposition, car je crois qu'elle ne mangeait pas de pain. Elle allait dans la direction de ce que certains prônent dans leur programme, c'est-à-dire mettre un accent particulier sur ceux qui sont le plus fragilisés au niveau du marché de l'emploi, et on le sait, c'est une réalité - tous ceux qui, dans cette enceinte, ont des responsabilités et engagent des personnes le savent aussi - les personnes de 50 ans et plus sont désavantagées sur le marché de l'emploi.

Alors, sur ces deux propositions, j'aurais au moins espéré que certains d'entre vous, ceux qui se disent les plus ouverts, les plus centristes, fassent un pas dans notre direction... (Remarques. Brouhaha.) Monsieur Weiss, je sais que ce que je dis ne rencontre pas votre accord, ça ne m'étonne pas du tout... Je disais simplement que, parmi nous, certains étaient ouverts au soutien à cette loi, mais que, par votre vote «aligné couvert» contre tous les amendements que nous avons déposés, je crois qu'il ne nous reste plus qu'à être très unanimes, nous, socialistes, et à refuser cette loi ! (Protestations. Applaudissements. Huées. La présidente sonne la cloche.)

La présidente. Non, non ! Je ne souhaite pas que le débat se termine de cette manière-là !

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la présidente a raison, ne faites pas de démonstration de ce genre-là, ce n'est pas respectueux, nous traitons de quelque chose d'important pour nos chômeurs... (Rires. Protestations.) Vous pouvez rigoler, mais ne fanfaronnez pas, Messieurs qui gagnez tous plus de 100 000 F par année ! Parce que ce n'est pas le cas de la majorité de nos concitoyens...

La présidente. Monsieur le député, avez-vous une déclaration à faire ?

M. Eric Stauffer. Voici ce que je voulais dire: il est vrai que parmi les amendements déposés par la gauche certains auraient pu retenir notre attention. Mais je vais simplement répéter ce que j'ai dit: le Mouvement Citoyens Genevois ne donne pas un chèque en blanc au Conseil d'Etat ! Néanmoins, nous devons lui laisser une chance de gouverner ! Nous serons attentifs, et d'ailleurs, Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que le premier pouvoir de la République, c'est nous ! Et si nous constatons qu'il y a des écarts ou des vases communicants, c'est-à-dire que le chômage baisse mais que l'assistance sociale augmente, eh bien, le but de l'exercice ne sera pas atteint et ce sera la responsabilité du Conseil d'Etat ici présent. (Exclamations.) Nous saurons lui en rendre compte à ce moment-là.

M. Antonio Hodgers (Ve). Madame la présidente, merci... (Commentaires. Rires.) Merci, Jean Rossiaud ! L'intervention de ma collègue Véronique Pürro me force à réagir. Je suis un peu surpris et déçu. Surpris, parce que Mme Pürro a été une actrice - et les autres membres de la commission peuvent en témoigner - très active dans l'élaboration de cette loi. Elle a pu elle-même obtenir plusieurs consensus, dont certains ont été acceptés ce soir. Puis, sur le vote final en commission, elle s'est abstenue en disant qu'elle avait, comme nous, un préavis positif, mais qu'il restait certaines choses à voir et que, surtout, elle devait encore consulter son groupe.

Ensuite, s'il est vrai qu'il y a des amendements que nous avons soutenus et défendus en commission et que nous avons perdus tant en commission qu'ici - mais ce n'est pas grave, nous les avons redéposés et nous sommes battus à nouveau, même si ce fut en vain - en revanche, l'amendement que vous avez cité en premier, sur l'article 7, concernant les stages de formation, eh bien, on ne l'a pratiquement pas évoqué durant vingt séances de commission. Le conseiller d'Etat a dit que ce sujet serait traité à part, donc on se retrouve avec un amendement de deux pages - qu'on reçoit au début du débat - et on prétexte le refus de cet amendement pour, ensuite, justifier le refus de la loi... J'ai un peu de peine à comprendre cette attitude.

Pour notre part, nous sommes évidemment déçus de ne pas avoir de loi qui soit tout à fait à la hauteur de nos attentes, mais finalement, pour ce qui est du vote de ce soir, il ne s'agit pas notre déception et il ne s'agit pas de décider entre une loi idéale et celle que nous discutons en ce moment: il s'agit de choisir entre la loi actuelle et celle que l'on s'apprête à voter. Et justement, concernant celle-ci, j'avais cru comprendre dans votre discours qu'il y avait des progrès... Donc, je suis surpris et déçu de votre refus, et finalement de votre retournement de veste en plénière.

Les Verts, du moins la majorité du groupe, soutiendront cette loi, malgré le fait que nous aurions voulu qu'elle soit encore meilleure.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

La présidente. Le Bureau a décidé de clore la liste des intervenants. Sont inscrits: Mme et MM. Gilbert Catelain, Véronique Pürro, Christian Brunier, Alain Charbonnier, Eric Stauffer et François Gillet, rapporteur.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC est satisfait du résultat du débat de ce soir et votera donc ce projet de loi. Je rappelle toutefois qu'il ne résoudra pas à lui seul la problématique du chômage et je rends attentif le groupe socialiste sur ses responsabilités. Je vous rappelle également qu'en France un nouveau gouvernement a été mis en place, qu'une nouvelle majorité a pris possession du palais Bourbon, que la politique du chômage en France va également se durcir... (Exclamations. Commentaires.) ...et qu'elle aura des répercussions sur le marché du travail suisse, puisqu'un chômeur français ne pourra pas refuser plus de deux emplois. (Brouhaha.)

Concernant le chômage des jeunes, je trouve scandaleux de vouloir ici stigmatiser cette tranche d'âge. Il est vrai que nous devons investir dans la formation, car les jeunes, statistiquement, représentent 11% des chômeurs, mais les 30 à 50 ans en représentent 55% ! Laissons au département et à l'Office cantonal de l'emploi le soin d'apporter des réponses ciblées en fonction de la conjoncture et de l'évolution du chômage, sans que nous ayons à inscrire des mesures spéciales pour les jeunes dans la loi.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à voter ce projet de loi.

Mme Véronique Pürro (S). J'aimerais réagir à l'intervention de M. Hodgers et lui dire à quel point je suis étonnée qu'il découvre ce soir un amendement qui a pourtant été largement discuté en commission... (Remarques.) ...puisque c'est une reprise de notre projet de loi, et que, comme M. le rapporteur l'a très justement rappelé en début de discussion, le projet de loi socialiste et celui du Conseil d'Etat ont été traités en parallèle. Donc, nous avons eu amplement l'occasion d'aborder la question des mesures que nous souhaitions voir intégrer dans le projet de loi concernant les jeunes au chômage. Et je ne crois pas, Monsieur Hodgers, qu'aujourd'hui vous découvriez la lune avec cet amendement.

Maintenant, il est vrai, comme vous l'avez dit tout à l'heure, que j'ai fait le maximum pour que tout le monde soit derrière cette loi, mais il y a un moment où il faut aussi voir quels sont les points qui sont chers à chacun d'entre nous et savoir faire un pas en direction des autres si l'on veut vraiment arriver à une unanimité. Et c'est vrai qu'il aurait été bon que nous puissions aboutir à un tel résultat à propos d'une loi aussi importante que celle-ci. Donc, je regrette une fois de plus que ces pas n'aient pas été faits dans notre direction sur les questions qui nous tenaient à coeur.

M. Christian Brunier (S). Je serai très bref... (Exclamations. Chahut.) Si vous me laissez parler, bien entendu ! M. Hodgers nous a dit que notre amendement sur le chômage des jeunes était intéressant, mais qu'il l'avait en quelque sorte découvert à la dernière minute et que nous ne l'avions pas présenté en commission... On ne va pas refaire l'histoire, c'est vrai qu'on l'a déposé pendant la pause. Or cela fait maintenant cela fait deux heures et quarante-cinq minutes que nous sommes en débat, donc vous avez eu le temps de le lire. Et comme vous le trouvez intéressant, je redépose, pour le troisième débat, cet amendement sur l'article 7... (Protestations.) Uniquement celui-là ! C'est uniquement l'article 7 ! C'est l'amendement sur le chômage des jeunes que certains ont pu lire maintenant et trouvent intéressant !

Nous vous proposons donc de le revoter,... (Remarques. Brouhaha.) ...cela ne prendra que quelques secondes, et c'est pour lutter contre le chômage des jeunes !

La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député. Je vais donc... Oui, Monsieur Charbonnier, vous souhaitiez vous exprimer à propos de l'article 7? (Remarque.) Vous renoncer à prendre la parole. Monsieur Stauffer, vous renoncez également ? (Remarques. Brouhaha.)

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Madame la présidente, je serai bref. En conclusion, je vous dirai, Mesdames et Messieurs les députés - et surtout à ceux d'entre vous qui sont de gauche - que si vous prenez conscience aujourd'hui du chômage des jeunes, eh bien nous, cela fait deux ans qu'on vous dit qu'il faut réguler le trafic des Eurofrontaliers... (Brouhaha.) ...parce que ça, c'est un problème ! (Protestations.) Mais vous, vous découvrez cela et aujourd'hui vous criez au loup !

Pour notre part, nous allons faire confiance au Conseil d'Etat pour qu'il fasse son job - parce que je ne pense pas que le conseiller d'Etat François Longchamp va oublier les jeunes dans son équation. Mais comme vous vous êtes rendu compte maintenant de ce problème, j'espère que, la prochaine fois qu'on déposera un texte allant dans le sens de la protection de notre République et canton de Genève et du peuple qui nous a élus, vous ne nous déprécierez pas en nous traitant de tous les noms d'oiseaux ! Merci et bonne soirée.

M. François Gillet (PDC), rapporteur. Concernant le groupe socialiste, je regrette aussi beaucoup que l'attitude constructive dont ont fait preuve ses représentants en commission ait tendance à s'évaporer en cette fin de débat. Je rappelle que ce parti a été très actif, notamment lorsqu'il a proposé d'instituer un conseil de surveillance du chômage susceptible d'assurer un suivi, une évaluation et, le cas échéant, une adaptation de la loi, ce qui était effectivement nécessaire au vue de toutes les innovations proposées.

Cette idée a d'ailleurs été reprise par l'amendement du Conseil d'Etat, et je crois que les garanties existent et que les adaptations qui devront à terme être apportées dans de bonnes conditions pourront l'être. Je comprends donc mal que le groupe socialiste se bloque à cause du refus d'un certain nombre d'amendements qui ne modifient pas uniquement la forme mais bel et bien le fond de la loi.

Quant à l'amendement concernant la limite d'âge de 55 ans, sur lequel, effectivement, une majorité aurait pu se dégager, il est regrettable que vous ne vous soyez pas limité à celui-ci.

Enfin, s'agissant du chômage des jeunes, je crois effectivement que la réponse à cette problématique ne se trouve pas uniquement dans cette loi, mais à l'intersection de trois lois existantes qui doivent être mieux coordonnées.

Je rappelle tout de même à ce sujet, et en particulier à Mme Pürro que, suite notamment aux interventions de son groupe en commission, il est fait état dans la loi - ce qui n'était pas le cas au départ - de deux catégories particulièrement sensibles qui sont les jeunes et les chômeurs âgés. Cette nouvelle disposition, certes déclamatoire mais qui a été ajoutée à la demande des commissaires socialistes, donne effectivement les moyens, dans le cadre de l'application des trois lois concernant les jeunes, de travailler à la lutte contre le chômage de cette tranche de la population. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous soumets à nouveau l'amendement socialiste concernant l'article 7, lettre b.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 16 oui et 19 abstentions.

La loi 9922 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9922 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 68 oui contre 14 non et 4 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 9922 Appel nominal