République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1702
Proposition de motion de Mmes et MM. Anne-Marie Arx-Vernon von, Véronique Schmied, Béatrice Hirsch-Aellen, Luc Barthassat, Jacques Baudit, Guillaume Barazzone, Mario Cavaleri, Michel Forni, François Gillet, Guy Mettan, Pascal Pétroz, Pierre-Louis Portier pour l'installation de distributeurs de nourriture saine dans tous les collèges du canton

Débat

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nos débats sont en catégorie II et que chaque groupe dispose de trois minutes pour s'exprimer.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Cette motion est représentative du bon sens dont veut faire preuve le parti démocrate-chrétien en proposant l'installation de distributeurs de nourriture saine dans tous les collèges du canton. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Nous avons bien évidemment pris en compte le souci de tous les parents en sachant que leurs enfants, au moment des pauses, consomment des produits qui sont beaucoup trop gras, beaucoup trop sucrés et qui ne sont évidemment pas du tout bénéfiques pour leur santé. Nous le savons maintenant, les pourcentages d'enfants obèses sont extrêmement inquiétants, et nous devons pouvoir leur proposer, en tant que communauté politique responsable, une alternative non seulement valable, mais aussi agréable et goûteuse. Nous pensons donc, avec cette proposition de motion, répondre à un réel besoin.

Cela nous permet également de faire la promotion des produits genevois; c'est un élément auquel nous tenons beaucoup, et nous savons que nous ne sommes pas les seuls.

C'est pour ces raisons que nous vous invitons, Mesdames et Messieurs, à accepter cette motion et à la renvoyer à la commission...

Une voix. De l'enseignement !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. ...de l'enseignement ! Bien évidemment, Madame la présidente !

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je remercie les initiants d'avoir déposé cette motion, qui pose un vrai problème. La suralimentation et la «malbouffe», comme Mme von Arx-Vernon vient de le dire, sont effectivement des causes des nombreux problèmes de santé publique, mais elles ne sont - et de loin - pas les seules, la précarité étant aussi une autre cause. Proposer d'autres produits que des mets gras et des boissons super sucrées aux adolescents est une bonne chose.

Un tel projet est actuellement en cours d'évaluation dans deux établissements du canton: à Claparède et à l'ECG Jean Piaget. Une évaluation sera faite d'ici à fin juin. Des problèmes de maintenance des appareils frigorifiques et de respect des normes d'hygiène se posent, ce qui a un coût en termes d'argent et d'énergie. Ce n'est donc pas un projet aussi simple que cela à mettre sur pied. Alors, attendons le résultat des deux expériences qui sont en train d'être faites. J'ai discuté récemment avec l'une des diététiciennes qui procède à l'évaluation de ces expériences: je pense que des éléments très intéressants pourront être repris par la suite.

Je vous engage par conséquent à renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation pour que nous puissions étudier cette problématique globalement.

Mme Christiane Favre (L). Bien que je n'aie moi-même pas toujours su calculer soigneusement mes calories, je vais essayer de peser mes mots pour ne pas alourdir un sujet qui devrait quand même rester léger !

La «malbouffe» et l'obésité sont de vrais problèmes... Mais le plus difficile aujourd'hui, ce n'est pas de trouver de la nourriture saine, c'est de trouver un endroit où il n'y a rien à manger ! Notre société est ainsi faite que, où que nous soyons, tout le monde agit comme si nous allions mourir de faim sur place ! On nous alimente aussi régulièrement que des nourrissons prématurés et aussi solidement que des marathoniens menacés par le dessèchement et la déshydratation ! Réussir ses études demande des efforts soutenus, c'est entendu, mais cela ne nécessite probablement pas que l'on mette les collégiens sous perfusion alimentaire par distributeurs interposés !

Ce dont ils ont besoin, en revanche, c'est de repas équilibrés, pris assis de préférence, à des heures normales, en famille ou dans une cafétéria. Imaginer qu'ils puissent s'en passer et se nourrir d'une poignée de fraises achetées dans un distributeur de nourriture saine: c'est illusoire, voire dangereux ! A l'inverse, espérer que des adolescents repus, mais pas encore rassasiés, puissent craquer pour un kiwi ou des bâtonnets de carottes, c'est angélique ! (Rires.) Et même s'ils le faisaient, s'ils remplaçaient des chips par un paquet de pruneaux secs, il resterait cette idée qu'il faut absolument pouvoir manger partout et à tout moment de la journée ! La société nous y conduit, hélas, mais ce n'est pas à l'école d'encourager ce genre d'habitudes. L'école primaire ne le fait pas: c'est très bien ! Le cycle ne le fait plus: c'est tant mieux ! Si les collèges doivent renoncer à leurs distributeurs de nourriture, les collégiens y survivront aussi, j'en suis persuadée !

C'est la raison pour laquelle nous n'allons pas soutenir cette motion. (Applaudissements.)

M. Eric Leyvraz (UDC). La «malbouffe», les repas pris à n'importe quelle heure, les boissons sucrées et les petits encas engendrent le surpoids et les maladies de l'âge liées à cette manière de vivre.

C'est tout jeune qu'il faut apprendre à apprécier les nourritures variées et saines. Une récente étude montrait que certains jeunes ne mangeaient en famille qu'une fois tous les dix jours... C'est pour cela que l'offre la plus accessible de nourriture doit présenter un équilibre diététique, une qualité nutritionnelle. C'est aussi un état d'esprit. Des jeunes en études aux USA me disaient qu'ils ne trouvaient que des boissons sucrées, même pas un verre d'eau plate, au restaurant de leur collège ! On voit peu à peu s'installer chez nous ce mauvais côté de l'American way of life !

Des distributeurs de nourriture saine, c'est une idée à creuser, un bon placement pour l'avenir, car une bonne santé, c'est le plaisir de vivre, et cela ne coûte rien à la collectivité !

Le groupe UDC soutiendra le renvoi de cette motion en commission de l'enseignement et de l'éducation.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Gilbert Catelain, à qui il reste une minute.

M. Gilbert Catelain (UDC). Merci, Madame la présidente...

La présidente. Deux minutes, excusez-moi !

M. Gilbert Catelain. Hier, la majorité de ce Grand Conseil a voté contre le renvoi de la motion sur les uniformes en nous disant, avec justesse, que ce n'est pas parce que les élèves porteront des uniformes que cela les empêchera de se rendre à l'école avec des accessoires, des chaussures de marque, etc.

Ici, nous sommes exactement dans le même contexte, à savoir que ce n'est pas parce que l'on interdira la distribution de nourriture et de boissons sucrées dans les établissements que les élèves n'apporteront pas ce type d'aliments dans les écoles. En effet, les écoles étant ouvertes dans notre canton, les élèves ont le loisir de sortir pour faire des courses dans le magasin du coin. On peut même imaginer que des marchands ambulants viennent approvisionner les élèves sur place...

Cela étant dit, le fond de la motion est totalement justifié. C'est vrai, nos jeunes ont de gros problèmes de consommation, de gros problèmes de surpoids: leurs capacités physiques sont en diminution depuis des années, et il convient sérieusement de faire quelque chose.

Je ne suis pas convaincu que l'invite qui nous est proposée apportera une amélioration quelconque. Quoi qu'il en soit, vous pouvez être sûrs que de la publicité pour le Coca-Cola sera faite via ces distributeurs - comme pour le tabac. Il y aura certainement du light, mais la publicité sera une incitation supplémentaire à aller en acheter à la sortie de l'école, et cette fois du sucré ! Il vaudrait mieux interdire les distributeurs et promouvoir la consommation du savoir à l'école !

Je ne vois pas pourquoi cette motion devrait être traitée en commission de l'enseignement: il s'agit d'un problème de santé publique. Alors, si vous voulez la renvoyer en commission, choisissez plutôt la commission de la santé.

M. Jacques Follonier (R). Voilà enfin une motion PDC d'une vraie portée et d'une grande envergure: nourrir des enfants avec de l'eau et des fruits secs pour lutter contre l'obésité et la surcharge pondérale... On ne peut qu'applaudir ! C'est vraiment une idée du XXIe siècle !

Je ne suis pas certain que ce soit la nourriture la plus appropriée pour les neurones de nos jeunes élèves, mais ce que je peux en tout cas dire, en lisant dans la motion que l'on ne peut pas supprimer les distributeurs automatiques parce que ce serait une solution trop «radicale»... (Remarques.) ...c'est que nous aurons de la peine à soutenir cette position, vous le comprendrez bien !

Cependant, je vous rappelle quand même que, grâce aux SI - les Services Industriels de Genève - nous avons la plus pure de Genève, la plus cristalline de Suisse, et que, qui plus est, celle-ci est gratuite ! Alors, fort de tous ces constats, je me demande quand viendra la motion PDC pour créer autour des écoles des zones d'interdiction concernant pour les McDonald's... On peut craindre tout et n'importe quoi si l'on entrait dans ce genre de démarche !

Je ne suis pas persuadé non plus, comme M. Catelain, qu'il faille renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement. En effet, nous avons déjà suffisamment de travail dans cette commission et le problème que cette motion soulève relève plutôt de la santé. Alors, si l'on veut nourrir la santé de ce genre de choses, j'y souscrirais... comme hier, peut-être du bout des lèvres.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Les invites de cette motion ne mangent pas beaucoup de pain , si j'ose dire... (Rires.) ...néanmoins, elle a le mérite de mettre en exergue les problèmes d'alimentation et de «malbouffe» qui se généralisent. C'est vrai, comme le disait Mme Favre, les trois quarts du monde ne mangent pas à leur faim et le quart restant mange mal. Donc, cela mérite tout de même une réflexion et quelques mesures.

Comme cela est indiqué dans la motion, deux établissements ont déjà introduit ces distributeurs qualifiés de «futés» parce qu'ils proposent des aliments dits «sains». Je pense donc qu'il serait intéressant d'entendre, lors d'auditions en commission, les diététiciennes du Service de la santé de la jeunesse qui sont chargées de ce projet. (Brouhaha.) Cela nous permettra de comprendre les obstacles et les résistances qu'il peut y avoir, car je me suis laissé dire que des problèmes de type économique se posaient aussi. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Les distributeurs traditionnels engendraient en effet des bénéfices et permettaient de créer des emplois pour les restaurants scolaires. Il faudrait par conséquent approfondir également cet aspect-là, en plus du problème de santé publique que cela représente.

Je saisis l'occasion d'aborder le sujet de l'alimentation pour rappeler que, dans la plupart des établissements du postobligatoire, le label «Fourchette Verte» a été introduit dans les restaurants scolaires. Il permet justement de proposer au moins un plat du jour équilibré et, dans ce sens, c'est aussi une mesure de prévention et de promotion de la santé dont il faut vraiment tenir compte. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) L'aspect sensibilisation à l'alimentation saine, à l'alimentation équilibrée se développe: par exemple, le Service santé de la jeunesse fait circuler une exposition et propose des ateliers santé. Peut-être faudrait-il en faire plus ? Différents types de mesures peuvent être prises: plus incitatives ou de sensibilisation. Quoi qu'il en soit, je crois qu'il faut aborder ce problème avec une vision globale des choses.

Cela dit, je suggère que cette motion soit renvoyée à la commission de la santé, comme l'ont souhaité quelques préopinants, parce qu'elle soulève surtout un problème de santé publique, même si des aspects d'éducation entrent en ligne de compte.

La présidente. Monsieur le député Roger Deneys, voulez-vous vous exprimer pour le temps qui reste, soit quarante-cinq secondes ? (M. Roger Deneys acquiesce.) Bien, je vous donne la parole.

M. Roger Deneys (S). Je voulais juste poser une question très précise à Mme von Arx-Vernon: j'aimerais savoir si, en hiver, les distributeurs comporteront, parmi les produits genevois, des longeoles et du gratin de cardon ? (Rires.) La réponse m'intéresse beaucoup.

La présidente. Cela tombe très bien: je dois passer la parole à Mme Anne-Marie von Arx-Vernon, qui va sans doute vous répondre.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Oui, bien sûr ! C'était une de mes préoccupations... M. Deneys avait pensé si fort à sa question que j'avais déjà préparé la réponse.

Madame la présidente, permettez-moi de rebondir sur les propos de Mme Favre qui sont tout à fait frappés au coin du bon sens. Je ne peux que lui donner raison... Quoi que - sauf que - si les distributeurs étaient supprimés, Madame Favre, ces mêmes jeunes, qui sont aujourd'hui accros aux produits sucrés, aux produits trop gras, les emporteront avec eux à l'école !

Alors, en proposant cette alternative aux jeunes, de leur offrir la possibilité de consommer des produits sains, nous prétendons - très modestement - participer à l'amélioration de leur alimentation. Parmi les produits genevois, Monsieur Deneys, nous pourrions leur proposer des pommes, des poires...

Des voix. Et des scoubidous ! (Brouhaha.)

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. C'est vous qui l'avez dit, ce n'est pas moi ! ... et aussi des gâteaux façon grand-mère ! Alors, en ce qui concerne les produits genevois, je me permets d'interpeller nos collègues radicaux et libéraux. En effet, ce sont les grands défenseurs de ces produits et je ne comprends pas pourquoi ils se défaussent devant une telle proposition, qui a trait aussi à l'une de leurs préoccupations. Mais voilà...

Madame la présidente, nous, nous voulons faire confiance aux jeunes en leur proposant d'autres produits. Vous savez, les jeunes évoluent ! Ils sont aujourd'hui confrontés à d'autres goûts - beaucoup de restaurants, les cantines, même les crèches... A propos de crèches, nous devons rendre hommage aux crèches de la Ville de Genève qui proposent des «ateliers goût» pour les enfants, précisément pour les sortir des schémas trop sucrés, trop salés, qui déforment le goût.

Madame la présidente, pour conclure, nous pensons qu'il est beaucoup plus raisonnable de renvoyer cette motion à la commission de la santé. (Brouhaha.)

M. Georges Letellier (Ind.). Je trouve que cette proposition de motion est une aberration, comme je n'en ai jamais entendue dans ce Grand Conseil ! (Applaudissements. Rires.) C'est le comble du ridicule ! Comment voulez-vous contrôler les marchandises de ces distributeurs, alors que, pour pouvoir les commercialiser, il faut une date de fabrication et une date de péremption sur chaque emballage ? Comment voulez-vous faire ?! Votre proposition est irréalisable, c'est tout ! Il est tout à fait inconscient de proposer des motions pareilles !

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. On peut le constater, l'école doit être de plus en plus contrôlée, surveillée et, finalement, absolument imperméable à l'influence extérieure... A l'heure de la «malbouffe», des déréglementations tous azimuts, on voudrait le retour de l'uniforme - qui n'a jamais existé - et qu'aucune nourriture autre que «labellisée» n'entre dans les écoles !

Plaisanterie mise à part, je tiens à évoquer le fait qu'il y a une forme de surenchère, non pas forcément dans les demandes mais, surtout, dans les effets d'annonce qui les accompagnent.

Mesdames et Messieurs les députés, vous savez ce qui est en cause. Il n'y a aucune boisson sucrée ni aucun mets sucré dans les écoles primaires. Au cycle d'orientation, tous les distributeurs de boissons sucrées ont été supprimés. Certes, il existe encore à l'orée du cycle d'orientation des ventes de petits pains qui ont de plus en plus tendance à être remplacés - c'est déjà le cas dans de nombreux cycles d'orientation - par des distributions de pain de seigle. de fruits secs, d'eau, etc. Et puis, dans les bâtiments du postobligatoire, il y a des boissons sucrées. Mais aujourd'hui, deux établissements font l'objet d'une étude, puisque des distributeurs de boisson saine, c'est-à-dire que de l'eau, et de nourriture saine ont été introduits.

Je pense que les initiatives sont nombreuses. En réalité, nous tendons aujourd'hui déjà vers ce que vous demandez, à savoir un très grand contrôle dans ce domaine. En effet, le Conseil d'Etat est très attaché à la lutte contre l'obésité: il compte beaucoup sur une grande consommation d'eau - d'eau de qualité; il compte aussi sur une distribution de nourriture saine - le cas échéant, par le biais de distributeurs de repas ainsi que par des promotions de produits du terroir, comme la distribution de pommes dans l'ensemble de nos écoles à la rentrée 2005.

Mesdames et Messieurs les députés, vous avez certainement tous de nombreuses bonnes intentions, mais je pense qu'il vaudrait la peine, avant de lancer des motions, de prendre en considération l'ensemble des éléments - et quelquefois les questions permettent de les intégrer - pour savoir si elles sont absolument nécessaires.

Quoi qu'il en soit, Mesdames et Messieurs les députés, il y a un certain nombre de limites à l'exercice qui veut que l'école soit complètement imperméable au reste du monde, alors que celui-ci évolue dans un sens exactement - j'allais dire «radicalement» - différent ! (Applaudissements.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition de renvoyer cette motion à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1702 à la commission de la santé est rejeté par 36 non contre 28 oui et 3 abstentions.

La présidente. Je vous soumets donc le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la proposition de motion 1702 est rejetée par 51 non contre 17 oui et 2 abstentions.