République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9843-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de MM. Philippe Guénat, André Reymond, Gilbert Catelain, Eric Bertinat, Yves Nidegger, Pierre Schifferli modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Aide à la maîtrise des dépenses)

Premier débat

La présidente. Madame la rapporteure Laurence Fehlmann Rielle, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ? Non ? Je passe la parole à M. Guénat.

M. Philippe Guénat (UDC). Merci, Madame la présidente. Que demande ce projet de loi ? Simplement, une comptabilisation des coûts engendrés par l'acceptation de nouvelles dépenses. Cela n'est pas révolutionnaire ! Toute entreprise le fait afin de savoir quels sont ses engagements et quelle situation financière elle doit prévenir. Même la Ville de Genève, pourtant sous la tutelle de l'extrême-gauche, le fait ! Alors vous pouvez imaginer ma surprise de voir le conseiller d'Etat Moutinot venir en personne, en grande forme, démolir et même ridiculiser ce projet, avec, il faut le dire, l'approbation totale de la présidence de la commission radicale de l'époque ! De telle manière que la commission - y compris les démocrates-chrétiens et l'autre député radical - prônant pourtant le contrôle des coûts, n'a pu ou voulu essayer d'apporter un amendement à ce projet. Seul le parti libéral a reconnu cette nécessité. Résultat des courses, aujourd'hui, nous entendons M. Hiler qui nous demande de nous préparer psychologiquement à une possible augmentation des impôts et que les socialistes et les Verts à l'unisson exigent une augmentation des impôts immédiate de 12% sur le revenu et de 340% sur la fortune.

Pour vous montrer que ce projet de loi n'est pas complètement désuet, j'aimerais vous rappeler que le PL 10029 du 3 mai, que nous avons reçu, est une demande de divers crédits supplémentaires de 539 millions, soit un demi-milliard, pour l'exercice 2006. Ce demi-milliard, évidemment, n'est pas budgétisé. Ce qui prouve donc qu'il nous faut un outil de pilotage - si ce n'est pas ce projet de loi, ce doit être un autre - que le Grand Conseil est totalement aveugle et qu'il nous faut absolument, dans ce Grand Conseil, une maîtrise des coûts.

Mme Catherine Baud (Ve). Ce projet de loi 9843 présenté par l'UDC n'a pas séduit la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, même s'il est louable de vouloir contrôler les investissements et leur cohérence sur le long terme. En effet, ce projet de loi propose d'instituer la remise, à chaque séance mensuelle du Grand Conseil, d'un tableau de bord actualisé de toutes les dépenses votées, et cela, sur une durée de quatre ans. Cela nécessite de toute évidence une organisation lourde et donc des frais importants qui ne sont pas justifiés au regard de l'intérêt de ce tableau qui est essentiellement informatif et absolument pas contraignant. De la même manière, vouloir instituer un tableau prospectif pour chaque projet de loi ouvrant un crédit d'investissement peut être intéressant mais constitue, là encore, une lourdeur considérable et donc un coût trop important au regard de son intérêt immédiat et à long terme, puisque la pratique actuelle chiffre déjà les projets de lois qui ont trait aux investissements. Donc la solution proposée par ce projet de loi n'est pas judicieuse et les Verts vous recommandent de suivre l'avis de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil et de ne pas entrer en matière.

M. Olivier Jornot (L). Lorsque nous assermentons des magistrats de l'ordre judiciaire, nous leur faisons jurer de respecter la loi et l'esprit de la loi. De temps en temps, l'esprit souffle sur cette assemblée, par exemple, lorsque nous votons dans une belle unanimité un projet de loi sur la constituante, unanimité qui n'est gâchée que par de faibles et peu nombreuses taches rouges sur notre tableau des votes, et puis, le reste du temps, nous sommes bien obligés de nous occuper de la lettre. C'est-à-dire regarder, par exemple, lorsque nous examinons un projet de loi, quelles seraient les conséquences concrètes de son adoption.

Il est vrai, Monsieur Guénat, que les libéraux, en commission des droits politiques, ont manifesté de la sympathie à l'égard d'un projet de loi qui a pour objectif de rappeler aux députés ce qu'ils font, en matière financière, lorsqu'ils votent. Mais, concrètement, ce que vous avez proposé est proprement irréaliste. L'article 7, où vous demandez que se trouve votre fameux état actualisé des dépenses, c'est celui qui donne mission au président du Grand Conseil d'adresser un ordre du jour à l'assemblée. La lettre a, c'est le lieu, l'heure et la date, la lettre b, c'est l'ordre du jour, et vous, vous demandez au président au Grand Conseil d'établir l'état des dépenses votées depuis le début de la législature. Mais ce n'est pas sa tâche, c'est irréaliste.

A l'article 125, lorsque vous demandez que tout projet de loi soit accompagné d'une kyrielle d'indications relatives à la planification des dépenses, vous vous situez à un article qui concerne les projets de lois des députés et, concrètement, vous demandez à ce parlement de renoncer à faire des projets de lois parce que la tâche serait insurmontable; c'est le travail de l'administration, le cas échéant, que de chiffrer avec tant de détails les conséquences des projets de lois d'investissement.

Les libéraux ne pourront donc pas vous soutenir dans cette modification de la loi portant règlement du Grand Conseil. Et s'ils se sont abstenus en commission et qu'ils continueront à le faire aujourd'hui, c'est parce que, au-delà de ces incohérences formelles qui rendent difficile l'adoption du projet de loi, les libéraux sont fondamentalement favorables à l'idée que ce parlement soit davantage sensibilisé qu'il ne l'est actuellement aux dépenses et aux conséquences des projets qu'il vote. Il y a là une nécessité à laquelle le débat en commission des droits politiques n'a pas suffisamment rendu justice, il faudra donc le reprendre et le poursuivre ailleurs et différemment.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse. Mes préopinants ont bien rappelé que l'outil qui est proposé par l'UDC est tout à fait inadéquat, même si, au départ, l'intention de vouloir maîtriser les dépenses est peut-être louable.

Il y a un point qu'il faut quand même souligner, c'est que les coûts pour l'administration seraient bien trop importants et il est assez étonnant que ce parti qui veut toujours faire des économies un peu partout, surtout sur les plus démunis, soit justement celui qui propose un instrument aussi lourd. Cela n'engendrerait absolument aucune économie, bien au contraire, donc l'objectif ne serait pas du tout atteint. Je vous engage par conséquent à refuser ce projet de loi.

M. Gilbert Catelain (UDC). En quelques mots, pour réagir un peu aux différentes interventions, je rappelle que le rôle principal de ce Grand Conseil est de voter le budget. Pour cela, il lui faut des outils, des perspectives, un plan financier sur la durée. Si nous prenons l'hôpital, nous constatons que, séance plénière après séance plénière, nous votons facilement quelques dizaines de millions de francs, sans avoir une vue d'ensemble de toutes les dépenses qui concernent ce seul établissement, sans avoir la moindre idée de ce que nous avons déjà voté, ou de ce que nous allons voter d'ici la fin de l'année pour cet hôpital.

Donc ce projet de loi avait pour seul objectif d'avoir une visibilité - et c'est la moindre des choses pour un parlement dont la fonction est de voter un budget cohérent - pour éviter de se retrouver dans la situation à laquelle la commission des finances va être confrontée, à savoir voter des dépenses complémentaires ou non, puisque la majorité d'entre elles n'ont pas été acceptées par cette commission. Car sur les plus de 500 millions de francs que le Conseil d'Etat nous demande de voter, pour le budget 2006, environ 350 millions n'ont pas été présentés à ce parlement et, dans le solde, une bonne partie a été refusée par la commission des finances. Tout cela, par manque de prévisibilité.

On nous dit que c'est trop cher, que ça va engendrer des frais. Je m'excuse, mais j'imagine qu'une République qui est bien conduite financièrement a une prévisibilité des dépenses ! On sait, mois par mois, quelles sont les charges, ce qui est affecté aux investissements, aux dépenses courantes, et on a une prévisibilité à court et moyen terme ! Si demain le Conseil ne l'a pas, c'est grave et ça voudra dire que ce parlement cautionne cette politique consistant à ne pas vouloir voir vers quels abîmes on s'enfonce.

Il y a un point sur lequel je suis d'accord avec mon éminent collègue du parti libéral, c'est qu'effectivement il aurait peut-être fallu utiliser un autre outil que l'article 7 du règlement du Grand Conseil. C'est possible, mais je rappelle que si l'UDC avait dû ne pas entrer en matière sur la loi sur la fonction publique déposée par l'Entente parce qu'elle n'était pas optimale, eh bien il l'aurait tout simplement rejetée, parce que tout n'était pas parfait dans cette loi, et d'ailleurs de nombreuses corrections ont dû y être apportées. On aurait donc pu attendre des partenaires de l'Entente qu'ils se fixent sur le but final et non pas sur le moyen, et qu'on trouve un compromis en commission. Ça n'a pas été le cas, donc j'imagine que l'Entente aura une solution à apporter à cette problématique, parce qu'il n'est plus acceptable que ce parlement reste aveugle par rapport à sa fonction principale qui est d'accepter et de voter un budget.

Mis aux voix, le projet de loi 9843 est rejeté en premier débat par 45 non contre 7 oui et 11 abstentions.