République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9955-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'intégration des personnes handicapées (K 1 36)

Premier débat

La présidente. Il a été convenu que ce projet de loi passerait à la séance des extraits et que chaque groupe s'exprimerait trois minutes. Madame la rapporteure, vous avez la parole.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse. Je ne sais pas de combien de temps je peux disposer... Je vais donc aller à l'essentiel.

Il s'agit d'un projet de loi qui modifie la loi sur l'intégration des personnes handicapées. Peut-être, pour en comprendre l'ampleur, un petit rappel historique. Il faut savoir qu'à partir de la fin des années 50 l'essentiel des établissements pour personnes handicapées a été mis en place par des parents et des proches, c'est-à-dire, en général, avec des fonds privés. C'est ce qui vous explique qu'aujourd'hui encore dix-sept des dix-neuf établissements pour personnes handicapées qui se trouvent à Genève sont dépendants d'associations ou de fondations privées. Cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas subventionnés par l'Etat, puisque, petit à petit, l'Etat a mis de l'argent, mais cela signifie qu'ils sont encore sous l'égide du privé.

Cela avait amené, il y a une dizaine d'années, Guy-Olivier Segond à se dire qu'il serait peut-être temps de prévoir un subventionnement transparent et équitable de ces établissements. Transparent, à savoir dont on connaît les règles, et équitable, c'est-à-dire que ces règles sont les mêmes pour tous, puisqu'au fond, à l'époque, certains étaient plus ou moins subventionnés - j'allais dire presque un peu à la tête du client: à la tête de l'association ou de la fondation qui gérait l'établissement... C'est ainsi, en élargissant à d'autres problématiques, que ce parlement a voté cette loi sur l'intégration des personnes handicapées, en 2003.

C'est cette loi qu'il s'agit de modifier aujourd'hui pour certaines raisons, essentiellement liées aux propositions du Conseil d'Etat, qui consistent à améliorer l'efficience de l'Etat et à faire des économies, non pas en touchant à la qualité des prestations, mais en rationalisant quelques-unes d'entre elles.

Ce projet de loi vous propose principalement des modifications de deux ordres. D'une part, la fusion administrative entre les deux établissements qui sont publics - et non pas privés - et qui gèrent des personnes handicapées, à savoir le CIP - le Centre d'intégration professionnelle - et les EPSE - les Etablissements publics socio-éducatifs. D'autre part, dans un second temps, quelques modifications générales de cette loi.

En ce qui concerne la fusion administrative, la commission des affaires sociales a pu constater qu'elle n'aurait absolument pas de conséquences pour les personnes prises en charge: il s'agit essentiellement de gagner en efficacité. Les besoins particuliers d'encadrement des personnes ne seront en aucun cas oubliés.

S'agissant des modifications générales de la loi, la première modification d'importance, c'est que cette loi va dorénavant s'appliquer à tous les établissements pour personnes handicapées, qu'ils soient publics ou privés, qu'ils soient subventionnés ou non, puisqu'il en existe encore quelques-uns qui ne le sont pas. Ce qui sous-entend une même surveillance pour tous, qui, en l'occurrence - et c'est ce que propose le projet de loi - soit essentiellement fondée sur les processus de contrôle interne mis en place dans les établissements.

La présidente. Il va falloir conclure, Madame la députée !

Mme Anne Emery-Torracinta. Oui ! Je terminerai rapidement en disant qu'il y a quelques mesures concernent le subventionnement. Je vous signale aussi - vous l'avez peut-être lu dans la presse - que le personnel a lancé une pétition tout récemment à propos de ce projet de loi. Il a été entendu en commission et ses remarques se trouvent dans le rapport. Quoi qu'il en soit, la commission a décidé, à l'unanimité, de soutenir le projet de loi et je vous suggère de le faire aussi.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'ai l'honneur de siéger dans la commission administrative des EPSE - Etablissements publics socio-éducatifs - ce qui me permet de vous confirmer qu'un travail remarquable y est effectué. Nous avons eu l'occasion de visiter ces établissements et nous avons pu constater que les personnes âgées, les jeunes et les moins jeunes sont vraiment bien accueillis. Plein d'activités sont proposées: il y a des boutiques un peu partout dans Genève, ce qui permet à quelques personnes de ces institutions de se confronter à la vie de tous les jours et leur donne l'occasion d'aller à la rencontre des gens.

Notre commission a déjà, depuis un certain temps, siégé avec l'autre commission administrative, c'est-à-dire celle du Centre d'intégration professionnelle. Le principal souci était le licenciement possible de certains employés. Or le Conseil d'Etat, lors de la réunion du 16 octobre 2006, nous a confirmé que ce ne serait pas le cas, ce qui fait que tout le monde a été rassuré.

Un nouveau bâtiment est en voie de construction à la Pallanterie. Ce projet a été décidé dernièrement. Nous espérons que sa réalisation sera rapide, ce qui augmentera le nombre de places. La plupart des personnes qui se trouvent actuellement à Belle-Idée n'ont rien à y faire, ce qui est malheureux ! Ce projet permettra de les placer dans les établissements adéquats, en fonction de leurs besoins, pour les aider au maximum et améliorer leur quotidien. Il faut que ces personnes puissent vivre le plus décemment possible en étant bien entourées.

Comme la commission des affaires sociales ainsi que les commissions du CIP et des EPSE l'ont fait, je vous encourage viviement à voter ce projet de loi à l'unanimité.

Mme Gabrielle Falquet (S). Le groupe socialiste a voté ce projet de loi à l'unanimité en commission. Nous sommes satisfaits de la nouvelle organisation proposée et d'accord avec les principaux objectifs et enjeux de cette loi.

Il faut relever deux points très importants. Comme l'a dit Mme la rapporteure, la fusion envisagée va obliger les personnes à être efficientes, tout en garantissant aux établissements concernés leur autonomie et la possibilité de répondre aux besoins particuliers de l'ensemble des personnes handicapées prises en charge.

L'autre point essentiel est le suivant: dans l'ensemble du système, les personnes handicapées seront accueillies dans ces institutions avec ou sans troubles psychiques ou handicaps physiques associés. Cela a été le sujet d'une discussion que nous avons eue lors des différentes séances: il est en effet important que les personnes qui ont des troubles psychiques soient reconnues.

D'autre part, il faut souligner que nous avons eu l'occasion d'être reçus dans les différents établissements. Ces visites nous ont énormément apporté: elles ont contribué à sensibiliser l'ensemble de la commission, ce qui explique le vote unanime de ce projet.

Je relèverai ici qu'il est primordial, lorsque des projets de ce type sont soumis au parlement, que des députés puissent se déplacer sur le terrain, discuter avec les personnes qui travaillent dans ces établissements et constater le travail remarquable - comme le disait Mme Borgeaud - qui y est effectué, pour pouvoir en prendre conscience, voter et décider en toute connaissance de cause.

Toutefois, je mettrai malheureusement un petit bémol à cette loi concernant le fameux article qui a été évoqué par Mme la rapporteur, s'agissant du personnel. L'article 43, alinéa 2, spécifie que: «Les personnes handicapées, les employés et les ouvriers travaillant à la production dans les ateliers, engagés et rémunérés par les EPI, sont soumis à des dispositions particulières fixées par le conseil d'administration en application du droit privé.» Lors de la séance de commission, nous avons souhaité que l'ensemble de ces personnes puissent bénéficier du même statut que les autres. Nous n'avons malheureusement, selon mon souvenir, pas obtenu le nombre précis des personnes concernées par cet article ni pu définir le travail qu'elles effectuaient. Nous avons essayé par le biais d'un amendement, mais nous n'y sommes pas arrivés, puisque celui-ci a été refusé.

Une pétition a été déposée en faveur de ces personnes...

La présidente. Il va falloir conclure, Madame la députée !

Mme Gabrielle Falquet. Oui, Madame la présidente, je conclus tout de suite ! ...pour qu'elles soient soumises au même statut. Elle demande entre autres que cet article ne permette pas à d'autres personnes d'être transférées au niveau du statut de fonction de droit privé. Il faut être attentif à ce point en particulier, qui justifie le dépôt de cette pétition.

Le groupe socialiste souhaite simplement que le Conseil d'Etat soit attentif à cette question, pour que cette loi...

La présidente. Il va falloir conclure, Madame la députée !

Mme Gabrielle Falquet. ...soit efficace et pour que nous n'ayons pas à réagir.

M. Pierre Kunz (R). Nous pouvons tous aujourd'hui nous féliciter de l'aboutissement de ce projet. Ce projet de loi qui a avancé à une vitesse totalement inattendue...

Pourquoi ? Tout d'abord, parce qu'il a été bien préparé et parce que c'est un bon projet moderne... (Rires.) ...conforme aux nécessités - mais, oui ! - aussi bien sociales que sanitaires et financières de notre temps.

Ensuite - et les membres de la commission ont pu s'en rendre compte - parce que le CIP comme les EPSE sont des entreprises qui nous sont apparues extrêmement bien gérées. Les gens qui y travaillent sont tout à fait motivés et, aussi, conscients des enjeux.

Enfin, parce que la commission sociale, notamment - et je me plais à le relever - grâce aux connaissances très approfondies de Mme Emery-Torracinta sur ces questions, a avancé à toute vitesse sur ce sujet. Et la commission - en tout cas, cela a été mon cas - a découvert ou, plutôt, s'est convaincue de la qualité exceptionnelle de la prise en charge qui est organisée aussi bien au CIP que dans les EPSE.

Donc, en résumé, les radicaux vous invitent à voter sans aucune restriction mentale ce projet: il est bon pour les bénéficiaires, il est bon pour les travailleurs, il est bon pour l'Etat !

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Permettez-moi tout d'abord de relever l'excellence du rapport de Mme Emery-Torracinta, qui résume magnifiquement le processus de professionnalisation dans le domaine du handicap. Durant ces cinq dernières décennies, nous sommes passés de la charité envers les personnes handicapées à la compassion qu'on leur devait - bien évidemment - au respect et, surtout, à la reconnaissance de leur place au sein de notre société.

C'est peut-être particulièrement important de le proclamer aujourd'hui, Madame la présidente: les personnes handicapées doivent aussi avoir le meilleur au sein de notre société !

Le travail de commission a été exemplaire - cela a été dit - grâce aux visites qui ont permis à certaines personnes, qui n'étaient pas confrontées à leur réalité, de comprendre la situation des personnes handicapées, l'importance de leur place dans la société et, également, leur rôle comme personnes actives.

Nous avons également relevé combien il est important que le travail soit très bien préparé, et de montrer que la fusion de deux centres d'excellence avec une seule commission administrative ne peut amener que plus d'efficacité. Pour le parti démocrate-chrétien, c'est un excellent exemple à suivre dans d'autres domaines du champ psycho-social: il est possible de faire des économies, rationaliser, sans porter atteinte à la qualité des prestations ! C'est pour cela, bien sûr, que le parti démocrate-chrétien et les autres partis ont voté ce projet de loi à l'unanimité. Nous vous invitons bien évidemment à en faire autant. Je me permets d'insister encore sur le fait que c'est un exemple que nous pourrons suivre dans d'autres domaines.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Les Verts soutiennent évidemment ce projet de loi. Cette réforme de la loi sur l'intégration des personnes handicapées va dans le sens d'une meilleure gestion des institutions d'accueil, sans toucher aux prestations sociales.

Il s'agit donc de l'application de la volonté du Conseil d'Etat d'améliorer l'efficience de l'Etat. Les travaux de la commission des affaires sociales ont par ailleurs été très bien réalisés. Je salue aussi, comme mes préopinants, le travail rigoureux de Mme la rapporteure.

Un seul bémol: nous souhaitons tout de même rendre le Conseil d'Etat et les députés conscients de l'importance de respecter la diversité des structures d'accueil. En d'autres termes, l'application de cette loi ne doit pas aller dans le sens d'une trop grande uniformisation des institutions: il faut leur donner des réponses plurielles et adaptées à chaque contexte.

Nous vous engageons donc à accepter ce projet de loi.

M. Pierre Weiss (L). Je vais tout d'abord faire mienne la remarque que vient de faire notre collègue, Mme Captyn. Il est effectivement très important que le pluralisme de l'offre existe dans les différents domaines de la vie de nos concitoyens, y compris dans celui, douloureux, que représentent pour leurs proches la vie des handicapés et leurs activités telles qu'elles sont permises, favorisées, dans les centres que nous avons eu le grand plaisir de visiter. Nous avons pu effectivement constater combien les personnes qui y travaillaient se dédiaient à leur tâche non seulement avec une déontologie professionnelle, mais aussi avec un amour de leur travail.

Cela dit, je voulais intervenir sur un autre point. Nous voyons, s'agissant des handicapés, combien nous sommes capables, dans ce Grand Conseil, d'être unis lorsqu'il s'agit de choses importantes - j'allais presque dire de «valeurs» !

Nous l'avons remarqué hier soir, où nous avons eu une discussion quasiment unanime sur les valeurs, qui était, me semble-t-il, très positive pour notre démocratie. Nous le constatons à nouveau aujourd'hui: elle est à l'honneur de ce parlement, qui sait donner des réponses adéquates lorsque des problèmes, des situations ou des difficultés, qui peuvent être essentiels, sont abordés. En tant que président de la commission, je voudrais remercier tous ceux qui ont contribué à donner cette réponse convergente et, en particulier Mme la rapporteure pour la qualité de son travail.

Mon bémol à moi porterait sur un point différent... En fait, et même si nous avons effectivement pu - involontairement - élever le débat, la chose est très simple: il ne s'agit que de mesures organisationnelles ! Il s'agit de fusionner des structures; il s'agit d'avoir un seul conseil; il s'agit, au fond, d'un projet de loi qui ne modifie en rien le fond de l'offre ou de la demande, qui ne modifie en rien les prestations offertes. A ce titre, les compliments et les autocongratulations qui parsèment ce débat devraient se mesurer à l'aune de la nature même du projet de loi: donc, un peu de modestie ! D'autant plus que nous avions adopté la loi essentielle il y a quelques années, loi qui était due à un autre conseiller d'Etat - je profite de le féliciter également au passage.

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député !

M. Pierre Weiss. Je conclurai en disant que nous adopterons ce projet de loi unanimement après avoir en avoir parlé sous des angles différents.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Ce projet, adopté à l'unanimité de la commission des affaires sociales, n'est toutefois pas un projet mineur. C'est un projet important. Ce projet, Monsieur Weiss, ne modifie pas en rien les prestations. En réalité, il permettra de les améliorer durant les prochaines années, dans une configuration financière difficile.

Ce projet dynamisera les deux établissements qui sont des établissements modèles: les EPSE et le CIP. Ils ont, en un temps record, anticipé les mesures d'application du projet que vous êtes en train de voter pour former, au 1er janvier de l'année prochaine, un unique établissement. Il permettra, dans une dynamique retrouvée, renouvelée, de continuer à fournir les prestations actuelles et de les améliorer encore dans le contexte que nous connaissons.

J'aimerais ici remercier la rapporteuse de ce parlement unanime. Je voudrais remercier également tous les collaborateurs et les collaboratrices concernés par cette loi et par les règles d'unification de surveillance qu'elles impriment. Il s'agit des collaborateurs et des collaboratrices des EPSE et du CIP, auxquels se joindront - je me permets de vous l'annoncer ici - ceux d'un atelier identique des HUG, l'atelier des Cordiers, qui sera également rattaché - plus rapidement, même, que nous ne l'avions imaginé - aux futurs établissements publics pour l'intégration. Si je tiens à les remercier, c'est qu'ils ont pris la réforme qui est proposée à bras le corps. Ils sont en train d'en faire un projet magnifique, qui marquera d'une pierre blanche la politique du handicap durant ces prochaines années. Une très grande fête sera organisée le 7 juin pour marquer le lancement des établissements publics pour l'intégration. Cette fête consacrant la réunion de ces institutions regroupera près de mille personnes: les collaborateurs et collaboratrices des établissements et les personnes handicapées.

Madame Falquet, vous avez évoqué la problématique de certains employés du CIP. Vous m'avez interpellé sur leur nombre: ils sont dix-sept. Sur leur fonction: ce sont des ouvriers de production qui travaillent dans les ateliers de production. Ces fonctions sont particulières: ces ouvriers de production sont censés assurer les pointes de production, lorsque les personnes handicapées ne sont pas en mesure de le faire. Je l'ai indiqué lors des travaux: nous n'avons pas l'intention sur ce point de changer la loi actuelle, car il n'y a aucune raison de le faire. Je tiens néanmoins à répéter ce que j'ai dit aux syndicats et à votre commission: nous n'avons pas pour but d'avoir des statuts précaires dans cet établissement, et j'ai demandé aux différents responsables, dans le cadre de la fusion, de réexaminer la situation pour voir si ces fonctions sont permanentes. Si c'est le cas, il faudra leur donner un statut de fonction permanente. Par contre, si ce sont vraiment des fonctions auxiliaires, non permanentes, il faudra appliquer d'autres règles. Cela sera examiné par le nouveau conseil, dans le cadre de la loi actuelle, sans que la situation de ces personnes ne se dégrade. Peut-être s'améliorera-t-elle, si l'on peut démontrer la permanence de leur activité...

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire. Je vous remercie d'avoir voté ce projet important en dix séances, car cela va nous permettre de mettre en route une réforme, qui, Monsieur Weiss, je vous l'assure, est bien moins anodine que vous ne l'imaginez.

Mis aux voix, le projet de loi 9955 est adopté en premier débat par 54 oui (unanimité des votants).

La loi 9955 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9955 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui (unanimité des votants).

Loi 9955