République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 138
Initiative populaire 138 : "S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes"
IN 138-B
Rapport de la Commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire 138 « S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes»

Débat

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Nous allons nous prononcer sur la recevabilité de cette initiative, donc sur sa forme, et non sur son fond. L'initiative 138 a été lancée par la «Coordination enseignement» quelques mois après l'initiative 134. Ces deux initiatives traitent du même sujet, la refonte du cycle d'orientation. Elles sont cependant totalement antinomiques, l'initiative 138 devant vraisemblablement servir d'antidote à l'initiative 134. Pour rappel, ce plénum a accepté la validité de l'initiative 134, intitulée «Pour un cycle qui oriente», et l'a renvoyée à la commission de l'enseignement. Cette dernière, si vous procédez de la même manière pour la 138, se propose d'étudier les deux initiatives en parallèle.

Lors du débat de préconsultation, quelques doutes ont été émis sur la conformité au principe de l'unité de la matière. En effet, cette initiative ne se centre pas seulement sur le cycle d'orientation mais s'étend à l'articulation entre l'école primaire et le cycle d'orientation, et entre le cycle d'orientation et l'enseignement secondaire postobligatoire. Cependant, le Tribunal fédéral, dans un précédent jugement, relève qu'il suffit qu'il y ait un rapport de connexité entre les diverses propositions. C'est le cas, puisque toutes les propositions ont pour but de garantir une formation pour les jeunes qui sont concernés par des difficultés scolaires. La commission législative s'est aussi questionnée sur la compatibilité de l'initiative 138 avec le nouvel article constitutionnel au niveau fédéral sur l'harmonisation scolaire, mais n'y a pas trouvé de contradiction.

Il vous est donc recommandé, Mesdames et Messieurs, de suivre le préavis de la commission législative et de déclarer valide cette initiative. Le Conseil d'Etat, quant à lui, a émis le souhait de présenter un projet de loi valant contre-projet à cette initiative.

La commission de l'enseignement se réjouit de se plonger dans ce sujet. En effet, j'ai vraiment l'impression qu'elle a la chance de vivre un moment passionnant, de réfléchir aux objectifs de l'école qui concernent tous les adolescents habitant Genève. Il est assez préoccupant de penser que c'est une des premières fois, je crois, qu'une situation aussi complexe se présente à nous: nous avons deux initiatives sur un même sujet, mais qui le traitent totalement différemment, et il pourrait arriver que ces deux initiatives, si la commission de l'enseignement ne les examine pas en même temps, soient votées chacune, l'une après l'autre. Et qu'arriverait-il ? Le deuxième vote risquerait d'annuler le premier. C'est pourquoi nous vous remercions d'avoir accepté l'urgence; parce qu'il semble à la commission de l'enseignement beaucoup plus raisonnable de traiter ces deux initiatives en même temps et, vraisemblablement, de pouvoir revenir ici avec un contreprojet.

M. Jacques Follonier (R). Cette initiative me pose un problème. En fait, elle m'en pose même deux. Le premier concerne le titre. Si tant est que la première initiative dont Mme la rapporteure vous a parlé s'intitule «Pour un cycle qui oriente», l'initiative 138 a pour titre «S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes». Or, c'est une initiative qui se veut adaptée au cycle, qui veut prévoir une modification du cycle. Mais finalement, le titre, non seulement n'en parle pas, mais induit carrément en erreur, car effectivement, qui serait contre le fait qu'on s'organise contre l'échec scolaire et qu'on ait une formation adéquate pour tous ? Ceci n'a aucun rapport avec le cycle et je crains que les signataires n'aient pas forcément compris ce qu'ils soutenaient en signant cette initiative.

Dès lors, je suis assez peu convaincu par l'unité de la matière. Non seulement par cela, mais en plus par le fait que, parmi les trois articles qui sont modifiés, deux touchent certes le cycle d'orientation, mais le premier vise l'ensemble de l'enseignement, qu'il soit primaire, secondaire, voire postobligatoire, ou même universitaire. Or, je vous laisse voir comment nous allons mettre en place une politique contre l'échec scolaire à l'université... C'est quelque chose qui me laisse assez songeur. Donc, j'ai de la peine à comprendre où se trouve l'unité de matière dans cette initiative et je regrette le peu d'esprit critique qu'a montré le Conseil d'Etat dans l'analyse de l'unité de matière. Néanmoins, il l'a déclarée recevable; et la commission législative en a fait de même. Dès lors, je vous remercie de renvoyer cette initiative à la commission de l'enseignement, tout en sachant que le contre-projet pourrait être aussi vaste que l'initiative qui nous est proposée aujourd'hui.

M. François Thion (S). Je voudrais d'abord remercier Mme Hagmann, qui a rapidement exposé le rapport de la commission législative de manière qu'on puisse ensuite renvoyer cette initiative à la commission de l'enseignement, puisque cette dernière l'attend, c'est vrai, pour la traiter en même temps que l'initiative 134.

J'aimerais ensuite dire que les socialistes sont satisfaits de la prise en considération de l'initiative 138 par la commission législative. Au vote, il y a eu unanimité, en tout cas aucune opposition, simplement deux abstentions, une libérale et une de l'UDC, qui visiblement sont des abstentions que je qualifierai de purement idéologiques.

L'initiative 138, je le rappelle, a pour objectif de lutter contre l'échec scolaire. C'est pour nous, socialistes, une priorité. Nous nous réjouissons donc de pouvoir en discuter à la commission de l'enseignement, dont les travaux, je crois, vont commencer tout de suite après Pâques, en parallèle avec l'initiative 134, dont les conséquences, vous le savez, pourraient être catastrophiques pour l'école genevoise.

M. François Gillet (PDC). Pour le groupe démocrate-chrétien, la validité de cette initiative ne fait aucun doute, nous souscrivons donc pleinement aux conclusions du rapport que Mme Hagmann vient de nous présenter. Concernant cette initiative 138, le groupe démocrate-chrétien ne peut qu'adhérer aux objectifs du titre, qui sont de lutter contre l'échec scolaire et de garantir une formation pour tous. En revanche, notre groupe est sceptique quant aux solutions proposées par cette initiative pour réformer le cycle d'orientation, tout comme il l'était d'ailleurs à l'égard des propositions faites dans l'initiative 134. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il est indispensable de travailler à un contre-projet et nous sommes prêts à le faire en commission de l'enseignement. Et comme Mme Hagmann l'écrivait dans son rapport, cette dernière a effectivement du pain sur la planche, c'est pourquoi il est urgent que nous puissions commencer à y travailler et nous vous remercions d'accepter les conclusions du rapport.

M. Claude Aubert (L). Les libéraux vont accueillir avec plaisir cette initiative au sein de la commission de l'enseignement, mais j'aimerais simplement vous annoncer quand même une bonne nouvelle, c'est qu'il faut, à une période où l'on ne s'occupe que d'échec et de ce qui va mal, se dire que, probablement, deux tiers de nos écoliers et écolières réussissent leurs études et qu'il est donc délicat de devoir centrer tout l'édifice scolaire uniquement sur la lutte contre les échecs. Nous ne devons pas oublier qu'il faut aussi s'occuper des deux tiers qui réussissent leurs écoles et qu'il est nécessaire d'avoir une égalité de traitement entre les différents écoliers. Mais tout cela, je n'ai pas le droit d'en parler, parce que le sujet de mon intervention devrait porter sur le thème de la recevabilité, et je m'excuse, Madame la présidente, d'avoir dévié. (Rires.)

La présidente. Vous êtes tout excusé, Monsieur le député !

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. J'aimerais parler très rapidement des questions formelles.

La première d'entre elles est une question juridique sur l'unité de la matière. Je souhaiterais relever à cet égard que, finalement, des dispositions légales nouvelles qui toutes s'inscrivent dans la LIP ne peuvent pas être en opposition et représenter une menace pour l'unité de la matière. Autrement, on pourrait dire que, si la LIP était présentée sous l'angle d'une initiative, elle serait déclarée non conforme au principe d'unité de la matière. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, sur un plan strictement juridique, je crois que notre Conseil a d'abord apprécié cet élément - parce que je réponds sur la base du rapport du Conseil d'Etat - et surtout a estimé que, en cas de doute, fidèle à sa doctrine, il préférait voir le peuple se prononcer plutôt qu'un certain nombre d'instances politiques ou judiciaires trancher à sa place.

Mesdames et Messieurs les députés, le second aspect formel que je mentionnerai est l'élaboration d'un contre-projet, cela afin d'évoquer avec vous le principe d'un certain nombre de priorités pour traiter une telle élaboration et un tel plan de contre-projet. Je veux relever d'abord que nous souhaitons travailler vite et bien. Cela ressemble à un slogan, mais travailler vite s'inscrit dans la réalité de ce soir par le renvoi du texte en commission de l'enseignement et de l'éducation, renvoi qui permet ainsi à cette dernière, saisie des deux textes, de plancher directement sur le sujet. Et puis, travailler bien, c'est éviter - leçon que je tire en termes d'échec de la tentative d'élaboration d'un contre-projet du Conseil d'Etat - de procéder sans consultation préalable de la commission. A cet égard, j'ai remarqué que la commission de l'enseignement et de l'éducation, comme le Conseil d'Etat, estimait qu'un certain nombre de discussions préalables à cette élaboration étaient infiniment nécessaires.

Troisième remarque formelle: ne pensons pas, Madame la rapporteure, que, si nous groupons les deux initiatives - et, certes, la décision de ce soir le permet - dans une même et simple votation, nous allons éviter les ennuis. Tel n'est pas le cas, puisque, vous le savez très bien, si deux initiatives sont votées en même temps, le peuple doit pouvoir voter oui à toutes les deux, ce qui veut dire qu'immanquablement, celles-ci étant opposées entre elles, il conviendrait d'ajouter une question subsidiaire: «Laquelle des deux initiatives préférez-vous ?» Comme pour chaque initiative, et à partir du moment où elles n'ont pas le même champ du point de vue légal, il est possible d'opposer un contre-projet, il pourrait y avoir deux initiatives, deux contre-projets et trois questions subsidiaires ! (Exclamations.) En termes de débat clarificateur, Mesdames et Messieurs les députés, il nous faudra réfléchir !

Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 138 est adoptée par 61 oui (unanimité des votants).

Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 138 est adoptée par 60 oui (unanimité des votants).

Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 138 est adoptée par 59 oui contre 1 non et 2 abstentions.

Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 138 est adoptée par 55 oui et 8 abstentions.

Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 138 est adoptée par 63 oui (unanimité des votants).

Mise aux voix, la validité de l'initiative 138 est adoptée par 59 oui contre 1 non et 5 abstentions.

L'initiative 138 est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

L'initiative 138-A est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 138-B.