République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1733
Proposition de motion de MM. Eric Stauffer, Henry Rappaz, Sébastien Brunny : Un rapport d'experts accable les dirigeants de la Banque cantonale de Genève - manque de provisions, risques mal gérés et gages immobiliers surévalués- Initions les poursuites civiles !

Débat

M. Eric Stauffer (MCG). Le peuple souverain de Genève a le droit de savoir. Aujourd'hui, la population doit être sûre que ses représentants au parlement de la République et canton de Genève ne vont pas couvrir et/ou étouffer l'affaire de la débâcle de la Banque cantonale de Genève. Les citoyens contribuables de ce canton doivent obtenir la certitude que ce parlement fera tout ce qui est en son pouvoir pour récupérer les centaines de millions de francs qui ont été dilapidés. Le Mouvement Citoyens Genevois ne peut imaginer que ce même parlement qui, jadis, a fourni bon nombre d'administrateurs à cette banque, puisse aujourd'hui, devant le peuple qui l'a élu, refuser la présente motion, prétextant des motifs aussi fallacieux que les crédits surévalués qui ont été autrefois octroyés par la Banque cantonale de Genève. En conformité à l'éthique et au droit qui nous gouvernent, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir la présente motion.

M. Alberto Velasco (S). En lisant les considérants et certaines invites, je me suis demandé à quoi servait votre motion, Monsieur Stauffer. Parce que vous dites: «Vu que plusieurs dénonciations pénales ont été déposées par le député Eric Stauffer...», eh bien, si vous avez vraiment déposé des dénonciations pénales, Monsieur Stauffer, ce n'est plus le rôle de ce parlement de s'occuper de cette affaire ! Attendons que votre dénonciation soit finie et que, ma foi, le Palais de justice ait délibéré. Et ensuite, nous nous occuperons de cela ! Mais vous savez très bien qu'aujourd'hui le Palais de justice s'occupe de cette affaire de la Banque cantonale. Donc, il est logique que le Grand Conseil, pendant ce temps, lève le pied par rapport à cette histoire. C'est la logique ! Enfin, normalement, nos travaux se déroulent comme cela... C'est-à-dire que, quand la justice est requise pour une affaire, les députés attendent que ce pouvoir ait fini son travail pour que le leur prenne le relais, afin d'éviter les collusions ! Et vous, vous nous demandez dans une motion d'attaquer déjà ! Cela, ce n'est pas possible ! Donc, rien que pour ce fait-là, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons pas entrer en matière sur cette motion.

Quand même, puisque vous faites état d'un certain nombre de faits, je tiens à vous dire, Monsieur Stauffer, que les éléments que vous mentionnez ici, je les ai moi-même relevés à la commission des actifs de la Banque cantonale, et à plusieurs reprises. Et auparavant, d'autres commissions de ce Grand Conseil les ont déjà relevés. Vous parlez des sociétés de portage... Mais oui, je suis d'accord avec vous, les sociétés de portage, ce n'est pas normal. Mais ce que je peux vous dire, Monsieur Stauffer, c'est qu'il y a peut-être des personnes en lien direct avec vous - ou moins direct - qui sont lésées. C'est pour cela que vous déposez cette motion. Or je peux vous dire qu'à l'époque, s'il n'y avait pas eu ces sociétés de portage comme élément technique - sociétés de portage que je réprouve - la Banque cantonale serait tombée bien plus vite, Monsieur Stauffer ! Parce que ces sociétés de portage, en réalité, c'est ce que vous avez expliqué et que j'ai pu comprendre, elles ont été mises en place par certains administrateurs précisément pour que ces actifs qui ont été surévalués ne tombent pas dans l'escarcelle de certains à vil prix. C'est cela, la question ! Et ces sociétés de portage, qu'on le veuille ou non, ont permis que les pertes de la Banque cantonale ne soient pas de trois milliards et demi mais de beaucoup moins. M. le conseiller d'Etat David Hiler nous a bien dit ici que les pertes sont moindres parce que, effectivement, le marché était plus porteur. Et cela, c'est aussi parce qu'à l'époque ces éléments ne sont pas partis dans la nature à vil prix. Donc, ce que je veux dire, Monsieur Stauffer, c'est qu'en réalité votre motion est un coup d'épée dans l'eau. Et puis, fondamentalement, laissons la justice faire son travail...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Alberto Velasco. Oui, Madame la présidente, tout de suite. Laissons donc la justice faire son travail ! C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous, groupe socialiste, ne pouvons pas soutenir cette motion. Et nous ne la soutiendrons pas !

M. Guy Mettan (PDC). C'est la deuxième fois ce soir que nous sommes confrontés aux obsessions de M. Stauffer. Quand ce ne sont pas les frontaliers, c'est la Banque cantonale; et quand ce n'est pas la Banque cantonale, ce sont les frontaliers qui semblent obséder notre estimé collègue. Je dois dire que ses obsessions commencent franchement à nous fatiguer et, même, à nous insupporter. En effet, je crains que si M. Stauffer soit parvenu à rendre le portage populaire, il ne soit parvenu ce soir à rendre également l'«insup-portage» de ses motions populaire. Je prie donc M. Stauffer de cesser son harcèlement, parce que, s'il continuait, je pense que tous les membres de ce Grand Conseil seraient habilités à déposer une plainte pour mobbing auprès du Procureur général.

Il ne vous aura pas échappé que, en plus de nous insupporter par ses motions insensées, M. Stauffer nous fait la démonstration qu'il ne sait pas lire, puisqu'il nous persécute avec des motions dont les invites sont déjà réalisées. Le titre de cette motion est: «Initions les poursuites civiles». Et M. Velasco l'a parfaitement rappelé, les poursuites civiles sont déjà engagées, toutes les personnes en cause ou soupçonnées d'être en cause dans cette affaire sont déjà sous le contrôle de la justice et doivent répondre de leurs actes. Dès lors, je ne vois pas pourquoi nous devons, encore une fois ce soir, nous occuper de ces questions. Si bien que, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à envoyer cette motion là où elle doit aller, c'est-à-dire à la poubelle.

M. Olivier Wasmer (UDC). L'UDC était une des premières formations à dénoncer la débâcle de la BCG, il y a quelques années de cela, et je crois qu'effectivement tant le parlement, tant le Conseil d'Etat que la justice ont pris toutes les mesures utiles pour essayer de redresser la barre. Je pense qu'on est en bonne voie. Comme l'ont dit mes deux préopinants, dont je partage entièrement les avis, la justice est en train d'instruire le dossier pénal à l'encontre des principaux responsables de la BCG et le Grand Conseil a créé la Fondation de valorisation, dont le but, comme vous le savez, est de réaliser les immeubles qui appartenaient à la Banque cantonale. Ce qui me gêne le plus là-dedans, c'est que malheureusement, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés, M. Stauffer fait toujours feu de tout bois pour faire parler de lui ! Parce qu'il faut rappeler, si certains d'entre vous ne le savent ou ne s'en souviennent pas, nous sommes en période électorale ! Et comme l'a dit le député Stauffer à mon collègue de parti, André Reymond: «Je me fais élire à la mairie d'Onex, et c'est un tremplin pour le Conseil d'Etat.» Vous voyez les ambitions du député Stauffer ! Donc, il fait feu de tout bois pour essayer de se faire élire, pour faire parler de lui et, surtout, il le fait en prenant nos concitoyens pour des imbéciles ! Vous lirez, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, les références auxquelles fait allusion le député Stauffer, notamment à la plainte pénale qu'il a déposée, dont on ignore tout d'ailleurs à ce jour. On ignore si cette plainte pénale a donné suite à une nouvelle instruction. Je ne suis pas juge, je ne suis pas dans cette affaire et je l'ignore, mais je pense qu'elle a suivi déjà un «classement vertical» - comme pour la motion présente, parce qu'effectivement, comme l'ont dit mes préopinants, tout a été fait ! Et aujourd'hui, M. Stauffer ne parle de cette histoire de la BCG, que nous connaissons tous, que pour faire parler de lui. D'ailleurs, devant ce même parlement, nous avons évoqué à de nombreuses reprises les affaires de portage, nous avons évoqué à de très nombreuses reprises le fait que ni la commission de surveillance de la Fondation, ni la Fondation elle-même, ni le Conseil d'Etat ne pouvaient invalider des contrats, que c'était du ressort simplement des partenaires contractuels, et que, pour le surplus, les actions civiles en dommages et intérêts ont été introduites par le Conseil d'Etat sous les auspices du conseiller d'Etat Cramer. Il n'y a plus rien à faire !

Donc, je partage entièrement l'avis de mes collègues, pour dire qu'effectivement cette motion est totalement démagogique, pire encore: elle est totalement populiste. Et elle ne mérite qu'un seul classement, comme l'a dit mon collègue Mettan, c'est-à-dire la corbeille à papier.

Mme Michèle Künzler (Ve). J'aimerais tout d'abord rappeler à M. Stauffer les élections judiciaires de l'année prochaine: le poste de procureur sera ouvert, il pourra se présenter! Mais ce n'est pas le lieu, ici, de faire le travail de la justice. C'est au Palais de Justice de le faire ! Et je crois qu'il faut rappeler que personne, mais vraiment personne, ne s'est réjoui de l'affaire de la BCG. Bien sûr, nous sommes tous scandalisés d'avoir dû payer plus de deux milliards pour la débâcle. Mais personne ici n'est content de devoir payer cela, nous aurions pu connaître des investissements bien plus utiles ! Ce n'est pas vous qui les avez dénoncés, et vous utilisez ce scandale qui nous indigne tous pour faire votre propre publicité ! De plus, vous englobez dans votre motion des gens qui travaillent à la Fondation de valorisation, en dénigrant leur travail, alors que ce dernier a permis de diminuer quand même de beaucoup le risque potentiel ! Vous dites dans votre motion qu'on vend à vil prix les immeubles... Eh bien, si c'est à vil prix qu'on vend les immeubles, je ne sais pas pourquoi nous avons déjà eu cinq cents millions de plus. Cinq cents millions ! De mieux ! Puisque les prévisions de pertes s'élevaient à deux milliards sept cents millions, je vous rappelle ! Donc, là, il y a déjà une amélioration de cinq cents millions. Alors, ne dénigrez pas le travail de la Fondation, n'accusez pas les gens qui y travaillent - parce que c'est ce que vous faites. Entre les lignes, on peut très bien voir de qui vous parlez, c'est presque une accusation nominale, et c'est grave. Et nous en avons assez que vous utilisiez les scandales, que tout le monde réprouve, pour dire que ce n'est que vous qui les dénoncez ! Je l'ai toujours dit: votre parti est à la limite du fascisme, dans sa dérive populiste. C'est grave ! Vous faites partie de notre enceinte politique, mais vous dénigrez les institutions, vous dénigrez le politique, et c'est extrêmement grave parce que vous faites vraiment le lit du fascisme. (Applaudissements.)

M. Olivier Jornot (L). Que dire, que rajouter, après ces réquisitoires ? Je crains de ne vous livrer qu'une opinion extrêmement modérée. La dernière fois que j'ai pris la parole pour protester contre une motion de M. Stauffer, c'était pour me plaindre de plagiat, parce qu'il avait copié le texte d'un exposé des motifs d'autrui. Cette fois-ci, ce n'est pas le cas, il a copié son propre exposé des motifs, en nous livrant celui d'une motion dont nous avons déjà débattu ici et que nous avons rejetée le 17 mars 2006. C'est exactement le même exposé des motifs. Pour se prémunir d'un éventuel rejet de sa motion, M. Stauffer nous dit que ceux qui la rejetteront auront prétexté des motifs fallacieux... Vous aurez donc compris que tout ce que vous avez dit jusqu'à maintenant est fallacieux. Qu'est-ce qu'il y a dans cette motion ? Mes préopinants l'ont dit, dans une large mesure, il y a des choses amusantes: par exemple, l'invite qui demande au Conseil d'Etat de procéder à des saisies conservatoires sur les biens des personnes qui ont participé aux opérations de portage. Même M. Poutine, lorsqu'il saisit les biens de ses concitoyens, fait semblant d'utiliser les institutions judiciaires... Et puis, il y a aussi ce que Mme Künzler a évoqué, ces attaques quasi nominales contre des employés à qui l'on reproche de mal faire leur travail, et dont on dit qu'ils devraient être virés sur-le-champ.

Sur le point central, à savoir les poursuites, nous l'avons dit et redit - et j'éprouve, à vrai dire, la même lassitude que M. Mettan, à devoir sans cesse redire la même chose: l'Etat a agi, et de manière extrêmement forte, dans ce dossier. D'abord, en allant au pénal et en faisant instruire par une équipe de juges d'instruction, dont on rappellera qu'ils n'instruisent pas contre des personnes mais sur des faits, ce qui signifie que les personnes qui n'ont pas été inculpées ne l'ont pas été parce que les juges d'instruction ont estimé qu'il n'y avait pas matière à les poursuivre pénalement. Et puis, l'Etat a agi au civil, en réclamant 642 millions de francs aux réviseurs, plus 2,453 millions à titre de remboursement des dépenses, soit un total supérieur à 3 milliards. Cela a été fait, parce que l'Etat a choisi, en effet, de ne pas envoyer des myriades de poursuites à travers la République. Cela signifie donc, nous l'avons dit - nous le redisons et nous le redirons à chaque fois - que nous sommes en présence d'une motion totalement inutile ! Au mois de mars, il est vrai que nous avons rejeté cette motion au début de la reprise de la séance dite «de nuit». Nous l'avons peut-être mal rejetée, il serait convenant que nous la rejetions mieux ce soir. (Applaudissements.)

M. Frédéric Hohl (R). Je trouve que c'est dommage: on tombe tous dans le panneau, de faire beaucoup de publicité à un parti, et on n'arrête pas de nommer un député. On l'a nommé presque quarante fois jusqu'ici, à partir du moment où l'on a commencé ce débat.

C'est dommage que l'on n'ait pas traité en même temps que cette motion-ci la motion 1736, qu'on va examiner, j'imagine, dans deux ou trois séances, concernant la création d'une commission d'enquête parlementaire. Parce que c'est toujours le même argumentaire ! Donc, le rappel est simple: une procédure pénale ouverte, une procédure civile ouverte, une procédure administrative fédérale entre l'Etat et la commission fédérale des banques. En clair, la stratégie de l'Etat a été absolument parfaite: l'Etat a pris les dispositions pour mettre toutes les armes de son côté, pour être prêt dans ce dossier. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical, bien évidemment - comme, je l'espère, tout le monde - va refuser cette motion.

La présidente. Merci, Monsieur le député, la parole est à... Il va falloir choisir: soit M. Stauffer, soit M. Jeanneret ! (Brouhaha.) Ou peut-être que M. Stauffer pourrait se limiter dans son temps de parole et laisser s'exprimer ses collègues. (Remarques.) Alors Monsieur Stauffer, vous commencez. Ensuite M. Jeanneret poursuivra.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Madame la présidente. Vous voyez, en vous parlant gentiment ou énergiquement, le résultat est de toute façon identique.

Mesdames et Messieurs les députés, laissez-moi vous dire, avec le même calme que celui qui règne dans ce débat, que cela ne vous intéresse pas de savoir ce qui s'est passé et qui sont les vrais responsables à la BCGe. Laissez-moi vous dire aussi, Mesdames et Messieurs, et Madame la présidente, que, de 1990 à 1995, l'autorité de contrôle de la Banque cantonale de Genève, ce n'était pas la Commission fédérale des banques ou les réviseurs, c'était le Conseil d'Etat de l'époque ! Et qui était administrateur de la BCG?! Eh bien, c'est l'actuelle présidente de la Confédération ! Alors, ceci peut-être explique cela, Mesdames et Messieurs ! Les socialistes, c'était Mme Micheline Calmy-Rey; les PDC, c'était M. Ducret, qui était administrateur de la Banque cantonale; et pour les libéraux, c'était Martine Brunschwig-Graf,... (Brouhaha.) ... et puis, nous avons ici un éminent avocat qui défend les dirigeants de la BCG. Et nous avions, en plus, le dernier - qui en a fait les frais - c'est notre excellent conseiller d'Etat David Hiler qui était aussi administrateur. Mais, lui, il est arrivé vraiment vers la fin. Vous voulez des noms ?! Eh bien, je vous les donne !

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, cette motion, elle dit quoi? Elle invite le Conseil d'Etat à aller chercher les vrais responsables: ceux qui ont couvert les crédits fallacieux qui ont été octroyés par la Caisse d'Epargne dans les années 90 et qui n'ont fait que répercuter la situation. (Brouhaha.) Alors qu'est-ce qu'il y a maintenant, vous n'avez plus le courage ? Evidemment, nous avons d'éminents spécialistes ! Vous pouvez me critiquer, Mesdames et Messieurs, vous pouvez critiquer le MCG... Je laisserai répondre M. Jeanneret sur les propos insultants de Mme Künzler, mais, encore une fois: la population nous regarde. (Rires. Brouhaha.)

La présidente. La parole est à M. Claude Jeanneret, à qui il reste une minute quinze.

M. Claude Jeanneret (MCG). C'est largement suffisant, merci, Madame la présidente. Chers collègues, je pense qu'il y a des termes qui dépassent un brin ce que l'on peut entendre dans cette enceinte. Il est clair que le MCG poursuivra son action pour protéger le citoyen. Car ce que l'on oublie de dire, c'est que, lorsqu'on va réaliser le solde de la casse de la BCGe, on aura quand même encore deux milliards de dettes de plus ! A chaque fois qu'on vend la perte que l'on a, on doit emprunter pour la couvrir ! Donc, l'héritage que l'on laisse à nos enfants n'est pas à notre honneur. Je remarque que, dans toute l'enceinte, il n'y en a pas un qui a envie de trouver le vrai coupable et de le faire payer ! Ce qui est très grave. Et que l'on ose accuser des gens qui, par honnêteté, recherchent les vrais coupables et désirent faire payer ceux qui le doivent, que l'on ose dire que ceux qui sont vraiment citoyens et honnêtes sont des fachos, alors là, c'est inadmissible, et j'attends des excuses ! (Applaudissements.)

La présidente. La parole est à M. Roger Deneys, à qui il reste quarante-neuf secondes.

M. Roger Deneys (S). Ayant des préoccupations quant aux sujets évoqués tout à l'heure, de circulation et de voitures qui viennent à Genève, ayant beaucoup d'intérêt à retrouver les vraies responsabilités dans les questions de la Banque cantonale, je peux quand même dire à M. Stauffer que sa façon de s'exprimer et de prendre à parti le Grand Conseil et les citoyens me fait penser qu'il n'a pas besoin d'une ceinture verte, mais plutôt d'une camisole de force. (Rires. Applaudissements.)

La présidente. Monsieur Stauffer, le MCG ayant épuisé son temps de parole, je la donne à... (Remarque de M. Eric Stauffer.) Non, malheureusement pas ! La parole est à M. le conseiller d'Etat Robert Cramer. (Remarque de M. Eric Stauffer. Protestations.)

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Effectivement, jeter l'opprobre sur les institutions, prendre à parti toute une catégorie de gens avec lesquels nous vivons au quotidien, cela n'est pas protéger les citoyens, c'est faire autre chose, et c'est jouer à un jeu qui est fort regrettable, et que, pour ma part, je découvre dans cette enceinte - j'y ai pourtant été parlementaire pendant quelques années.

Concernant la Banque, si l'on peut trouver un mérite à ce débat, c'est de se rendre compte à quel point, dorénavant, chaque député de ce Grand Conseil est averti en cette matière, de sorte que mon intervention sera extrêmement brève. Mais j'aimerais rappeler quelques points saillants qui ont déjà été évoqués par plusieurs d'entre vous.

Nous n'avons pas attendu une quelconque directive pour intervenir dans ce dossier. Le Conseil d'Etat a été le premier à se manifester. D'abord par l'inquiétude, exprimée par l'ancienne présidente du département des finances, aujourd'hui présidente de la Confédération, qui a tiré la sonnette d'alarme en écrivant à la Commission fédérale des banques pour lui dire qu'il y avait un certain nombre de rumeurs, un certain nombre d'informations qui pouvaient nous revenir, qui nous faisaient concevoir quelques inquiétudes au sujet de la Banque cantonale. Eh bien, la Commission fédérale des banques, et c'est pour cela que le Conseil d'Etat estime que par là elle a engagé sa responsabilité et celle de la Confédération, la Commission fédérale des banques, en peu de mots, nous a dit: «Circulez, il n'y a rien à voir ! Il y a une autorité de contrôle, et cette autorité, c'est la Commission fédérale des banques.» Quelques mois plus tard, la débâcle de la Banque cantonale apparaissait au grand jour. Le Conseil d'Etat a fait faire une expertise, réalisée à la demande de notre gouvernement, qui a fait apparaître que cette déconfiture n'était pas simplement causée par de mauvaises affaires, mais qu'il y avait un certain nombre de comportements que l'on ne doit pas attendre dans le cadre d'une banque. Et cela nous a amenés, dès le 28 mars 2001, à déposer une plainte pénale. Non seulement, comme nous le faisons usuellement, nous avons dénoncé des faits au Procureur général, mais nous avons également déposé une plainte pénale, dans le cadre de laquelle nous nous sommes constitués partie civile. En d'autres termes, nous avons réservé pour le compte de l'Etat le droit d'intervenir individuellement contre chaque personne dont la procédure pénale révélerait qu'elle a pu avoir un comportement illicite. Et à ce stade, le juge d'instruction a déjà procédé à un certain nombre d'inculpations. Six personnes sont inculpées par le juge d'instruction et auront très vraisemblablement, pour autant que le Procureur général estime qu'il y a lieu de prendre des réquisitions contre elles, à répondre de leur comportement devant la justice pénale de notre canton.

Mais dans le même temps, le Conseil d'Etat, outre le fait qu'il a considéré que ceux qui devaient être punis devaient être dénoncés, eh bien, le Conseil d'Etat est intervenu de la façon la plus efficace possible pour essayer de défendre les intérêts économiques de notre collectivité, et c'est ainsi qu'il a engagé une procédure contre la fiduciaire, contre la société de révision qu'est Ernst & Young SA. Que n'avons-nous pas entendu dire lorsque nous avons engagé cette procédure ! Sachez que, à ce jour, nous avons finalement gagné tous les procès qui ont jalonné cette procédure civile. Nous avons dû aller jusqu'au Tribunal fédéral pour faire écarter de la procédure la prétention d'Ernst & Young de voir se joindre à ce dossier des dizaines de personnes, ce qui manifestement avait pour but de noyer le poisson et de rendre la procédure ingérable. Nous avons obtenu que la procédure civile continue quand bien même il y avait une procédure pénale, en d'autres termes qu'on ne suspende pas la procédure civile dans l'attente du résultat de la procédure pénale, et ces obstacles procéduraux écartés, nous sommes maintenant en train, comme disent les juristes, de plaider sur le fond, c'est-à-dire d'engager véritablement le procès qui doit avoir lieu. Dans le cadre de ces procès, il est bien évident que toute la problématique évoquée par la motion, et qui est celle des sociétés de portage, est un des éléments importants qui est examiné, aussi bien par le juge pénal que par le juge civil. Le juge pénal a fondé une partie de ses inculpations sur cette problématique; le juge civil, dorénavant, est saisi d'une expertise extrêmement détaillée qui a été faite dans le cadre de la procédure pénale et où il apparaît que les sociétés de portage ont joué un rôle important dans le préjudice économique subi par notre collectivité.

C'est donc dire que tout ce que l'on s'avise de nous demander aujourd'hui, le 9 janvier 2007, date à laquelle cette motion a été déposée, a été fait non seulement depuis bien longtemps mais a déjà produit des effets. Au-delà, comme j'avais eu l'occasion de le dire lorsque nous avions examiné une première fois des propositions qui demandaient au Grand Conseil de créer une commission d'enquête pour investiguer sur ces questions, je le redis: ce type de motions, au fond, n'ont qu'un seul effet. C'est de créer des écrans de brouillard, c'est de diluer les responsabilités et d'offrir des échappatoires à ceux qui actuellement sont en train de répondre de leurs actes, soit dans le cadre de la procédure civile, soit dans la procédure pénale. Ce genre de motions font peut-être parler - mais de moins en moins - de leurs auteurs, mais, surtout, elles sont de mauvais coups dirigés contre la collectivité genevoise, et sont autant d'échappatoires que l'on offre aux gens pour qu'ils ne répondent pas de leur comportement.

Voilà la raison pour laquelle je vous demande de rejeter cette motion, et je vous demanderai également de rejeter toute autre motion qui va dans ce sens, parce que le Conseil d'Etat, pour sa part, qui a été le premier à intervenir dans ce dossier, entend bien que les responsables répondent de leurs actes. (Applaudissements.)

Mise aux voix, la proposition de motion 1733 est rejetée par 77 non contre 8 oui.

La présidente. Je salue à la tribune des élèves de l'école André-Chavanne, qui suivent avec beaucoup d'attention nos travaux dans le cadre de l'éducation citoyenne, et je les en félicite. (Applaudissements.)