République et canton de Genève

Grand Conseil

R 522
Proposition de résolution de Mmes et MM. Anne Mahrer, Loly Bolay, Mario Cavaleri, Patricia Läser, René Stalder, Caroline Bartl concernant la composition du Bureau
R 523
Proposition de résolution de Mmes et MM. Anne Mahrer, Loly Bolay, Mario Cavaleri, Patricia Läser, René Stalder, Caroline Bartl concernant la composition du Bureau

Débat

M. Gabriel Barrillier (R). Nous sommes saisis de deux résolutions qui sont censées nous permettre de sortir du psychodrame - ou du vaudeville - dans lequel se trouve le Bureau depuis quelques mois. Nos collègues du Bureau ont sollicité l'avis de la commission législative. Ils ne l'ont pas suivi complètement, c'est leur droit le plus strict, mais ils ont pris soin de communiquer les conclusions des commissaires à chaque groupe. C'est donc en pleine connaissance de cause que notre groupe a pris position à une large majorité en répondant non à la résolution 522 et non à la résolution 523.

M. Christian Luscher (L). Pour bien comprendre de quoi l'on parle et pour ne pas vous faire perdre votre temps, on est bien d'accord qu'il s'agit seulement de savoir si l'objet est porté à l'ordre du jour ou non... Ou si l'on s'exprime sur le fond de ces deux résolutions ?

La présidente. C'est cela, sur le fond.

M. Christian Luscher. Je vous remercie. Alors, deux remarques: d'abord, la résolution 522 nous semble incongrue et contraire à la loi. Il n'est évidemment pas question de mettre en cause une élection faite par le Grand Conseil, Mme Borgeaud a été élue, elle doit évidemment siéger au Bureau. La résolution 523 a l'air un tout petit peu plus compliqué à la base, mais la commission législative est arrivée dans sa majorité à la solution suivante, en dépit des menaces de poursuites juridiques qui nous ont été faites au Grand Conseil, si l'on n'allait pas dans le sens de ce qui nous était préconisé par le MCG.

Nous avons débattu de façon théorique, non pas pour prendre une décision à l'encontre du MCG, car c'est un débat académique, c'est un débat que l'on doit sortir de son caractère passionnel. Il s'agit de prendre des décisions de principe qui, je m'empresse de le dire, peuvent avoir des conséquences bien plus sérieuses que la simple question de savoir si un membre du MCG doit se trouver au Bureau.

Madame la présidente, Messieurs les juges... (Remarque.) Euh, pardon,... (Rires.) ... déformation professionnelle, je vous prie de m'excuser...

La présidente. Je vous rappelle que vous disposez de trois minutes !

M. Christian Luscher. Trois minutes. Donc, la situation juridique ressort des articles 30 et 29 de la loi portant règlement du Grand Conseil. L'article 30 est relativement simple: «L'élection du Bureau a lieu chaque année pour une période de douze mois. La première élection intervient au début de la législature.» Or nous avons procédé - nous Grand Conseil - à une élection, au début de cette législature, à un moment où Mme Borgeaud était membre du MCG.

Il en résulte que ce jour-là - il faut faire un arrêt photographique sur cette élection - ce jour-là, dis-je, notre Grand Conseil a élu un membre par groupe. La loi prévoit que nous devons suppléer à un siège vacant lorsqu'il devient vacant, mais aujourd'hui personne ne peut sérieusement prétendre qu'il y a un siège vacant. A ma connaissance, personne n'a quitté le Bureau depuis le moment de cette élection et il n'y a pas de siège vacant, puisque le Bureau est composé du même nombre de membres et de la même identité des personnes que lorsque nous avons voté.

Et puis, je vous rappelle qu'il s'agit d'une élection, et non pas d'une désignation ! Le système que l'on nous propose aurait pour effet que chaque groupe puisse décider de nous imposer tel ou tel membre, et si nous ne sommes pas d'accord avec la solution préconisée... (Brouhaha.) Madame la présidente, je vous prie de me laisser encore trente secondes, car c'est un sujet extrêmement important. Cela signifie que, si nous ne sommes pas d'accord avec la solution préconisée, nous nous dirigeons vers des dérives et des abus extrêmement graves. (Brouhaha.) Je vous donne un tout petit exemple: dès l'instant où M. Stalder n'est pas d'accord avec notre parti ce soir, nous allons l'exclure de notre parti, et puis nous ne serons plus représentés au Bureau du Grand Conseil. Nous pourrons donc exiger, lors de la prochaine session, que l'un de nos membres accède au Bureau...

La présidente. Votre temps de parole est écoulé. (Remarques.)

M. Christian Luscher. Madame la présidente, c'est quand même important, juste trente secondes... Nous pourrons ensuite pardonner M.  Stalder, le réintroduire dans notre groupe, et nous aurons donc deux membres du parti libéral au Bureau de Grand Conseil, etc. Mais, ce que nous votons ce soir..

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Christian Luscher. Mesdames et Messieurs, avant de vous prononcer sur ce sujet, prenez au moins la précaution de lire la loi, car ce que nous votons ce soir aura des effets sur le Conseil d'administration et sur les commissions où il y a des représentations politiques ! Il suffira désormais d'exclure quelqu'un qui est élu pour que nous puissions, par ce stratagème, placer plus d'une personne dans les conseils d'administration et dans les groupes. Et retenez bien ce que je vous dis ce soir !

La présidente. Il vous faut conclure !

M. Christian Luscher. Ce sont des décisions qui peuvent provoquer de très graves dérives. Je vous remercie de votre immense attention !

Mme Carole-Anne Kast (S). J'essaierai de respecter le temps de parole, et si tel n'est pas le cas j'en appellerai à votre indulgence. Concernant les deux points qui nous occupent, je vais encore une fois faire la très belle démonstration que, lorsqu'on dit deux juristes, il peut y avoir trois avis... Je partage le point de vue de M. Luscher sur la première des deux résolutions: il est évident que l'on ne peut pas «dé-élire» quelqu'un que l'on a élu pour une année, et par conséquent cette résolution n'a pas lieu d'être.

Concernant la deuxième, les conclusions de l'analyse du texte juridique amènent le groupe socialiste à défendre exactement la position inverse. M. Lucher lit le texte de loi avec une vision «perverse», dans la mesure où il cherche à voir comment le texte de loi peut être faillible. La démonstration qu'il nous a faite tient debout et, effectivement, un groupe qui veut tricher et manipuler le parlement pourrait utiliser ces deux articles pour mettre en place un système inique.

Personnellement, lorsque j'essaie d'interpréter une loi, je ne me positionne pas comme vient de le faire M. Luscher et j'essaie plutôt de comprendre quel était l'esprit du législateur. Cet esprit est d'instaurer un Bureau où chaque groupe a au moins un représentant, afin que ce Bureau puisse organiser les séances du Grand Conseil - notre ordre du jour - et essayer de prévoir les débats de sorte que ceux-ci soient efficaces. Et dans ce sens, il paraît évident que, si un groupe n'a pas de représentant au Bureau, l'esprit de la loi est violé.

Par conséquent, le groupe socialiste ne cherchera pas à interpréter la loi en prenant en compte la manière dont certaines personnes manquant de morale pourraient l'exploiter au maximum, mais en pensant plutôt à comment le Bureau peut travailler de la manière la plus efficace pour diriger les travaux du Grand Conseil.

C'est pourquoi nous avons décidé de soutenir le MCG pour qu'il puisse obtenir en élection partielle un représentant au Bureau du Grand Conseil.

La présidente. La parole est à M. Guillaume Barazzone, qui souhaite s'exprimer au nom de la commission législative. Est-ce correct Monsieur le député ?

M. Guillaume Barazzone (PDC). Tout à fait, Madame la présidente. Deux minutes, puisque... (Remarques. Brouhaha.)

La présidente. C'est de toute manière trois minutes par groupe !

M. Guillaume Barazzone. Je ferai même plus court, mais il me semble important de relater la discussion que nous avons eue à la commission législative, dans la mesure où le Bureau a mandaté cette commission pour avoir un avis. Si vous ne voulez pas m'entendre, je me tais, mais je crois qu'il est important de résumer tout cela.

S'agissant de la résolution 522, il est clair que Mme Borgeaud peut, si elle le souhaite, rester au Bureau. Il n'y pas de base légale qui nous permette d'organiser ce que Mme Kast appelait une «dé-élection». Mme Borgeaud a été élue en novembre, donc la résolution 522 me surprend un peu puisqu'en l'état du droit actuel nous n'avons même pas à nous interroger.

S'agissant de la deuxième résolution, qui vise à organiser l'élection d'un membre du MCG, une minorité de la commission législative a considéré qu'en vertu de l'article 29, alinéa 1, de la loi portant règlement du Grand Conseil, qui stipule que le Bureau du Grand Conseil est composé d'au moins un membre par groupe, cette disposition devait trouver application dans la durée, et non pas seulement - comme disait M. Luscher - lors de l'élection en novembre, une fois par année, et donc quatre fois par législature, comme le prévoit un autre article.

Donc, deux interprétations sont possibles: l'une, qui est celle de la majorité de la commission, considère que c'est uniquement au moment de la votation et de l'élection, soit en novembre, que doit se poser la question de savoir si M. Untel ou Mme Unetelle est ou n'est pas membre d'un parti politique; et l'autre, qui est celle de la minorité de la commission, qui considère que c'est tout au long d'une période donnée que chaque groupe devrait avoir un représentant au sein du Bureau. Je termine ici, mais M. Mettan s'exprimera au nom du groupe PDC.

La présidente. Il reste à M. Mettan une minute et cinq secondes.

M. Guy Mettan (PDC). M. Barazzone ne s'exprimait pas au nom de notre parti mais au nom de la commission législative. Cela dit...

La présidente. C'est de toute façon trois minutes par groupe !

M. Guy Mettan. Cela dit, je tâcherai d'être bref. Le PDC ne remettra pas en question la résolution 522, on l'a déjà assez dit, et nous avons déjà voté pour Mme Borgeaud, il n'est donc pas question de remettre en cause ce vote. Tout au plus, cette résolution est tautologique ou pléonastique avec ce que l'on a déjà fait, mais elle n'est absolument pas illégale.

Concernant la résolution 523, nous la soutiendrons également. Comme cela a été brillamment exposé par M. Luscher et rappelé par Mme Kast, il y a la lettre de la loi, et il y a l'esprit. Alors, si les brillants avocats peuvent nous interpréter la lettre de la loi de façon très restrictive, il y a l'esprit. Et l'esprit est très clair: il faut que chaque parti ait au moins un représentant au Bureau.

Nous sommes partisans de défendre l'esprit d'une loi, c'est une question d'éthique. Selon la loi, il faut que chaque parti puisse avoir son représentant, d'autant plus que nous sommes tous parfaitement conscients dans ce Grand Conseil que nous avons élu Mme Borgeaud contre l'avis de son parti. Nous le savions au moment où nous l'avons élue, il est par conséquent assez logique que nous en prenions acte, que nous en assumions la responsabilité et que nous nous mettions en conformité avec l'esprit de la loi.

En guise de conclusion, je pense que ce pataquès mérite peut-être une réflexion, ou un changement, ou bien une modification de cet article dans les années à venir, pour éviter que ce genre de chose se reproduise.

Mme Morgane Gauthier (Ve). Voyons comment la loi est interprétée par mes préopinants ! Entre s'octroyer un droit de parole sous prétexte que l'on est président d'une commission ou se permettre de dépasser son temps de parole parce que c'est important, je me dis que chacun ici peut lire la loi comme il le veut. Mais ce qu'il y a d'important, ce n'est pas loi, c'est la constitution, et elle est bien au-dessus de notre loi portant règlement du Grand Conseil.

Lors de la rédaction de la loi et, ensuite, du dépôt d'un amendement voulant modifier la loi portant règlement du Grand Conseil, ce cas de figure n'a pas été imaginé. Dans un sens, heureusement ! Parce que cela ne devrait pas se reproduire. Vous parlez de tricherie ou d'exclusion en donnant l'exemple d'un groupe qui pourrait exclure et réintégrer un député dans le but d'avoir plusieurs membres au Bureau... Mais ce n'est pas possible, parce que la loi ne prévoit pas la réintégration d'un membre. Elle en prévoit l'exclusion, mais pas la réintégration. Cela n'est donc pas possible !

Ce qui nous semble important ce soir, c'est de voter ces deux résolutions, car nous avons un ordre du jour extrêmement chargé et le Bureau et le parlement doivent fonctionner. Alors, avançons et votons ! (Applaudissements.)

M. Roger Golay (MCG). Nous ne nous prononcerons pas sur la résolution 522; quant à la résolution 523, nous allons faire une déclaration. Chers collègues, la question posée est simple: ce parlement est-il au-dessus des lois ? L'esprit de l'article 29 de la loi portant règlement du Grand Conseil est de garantir à chaque partie une représentation au Bureau. La lecture de certains, qui prétendent que Mme Borgeaud étant membre de notre parti au moment de son élection suffit à satisfaire l'exigence de l'article 29, est non seulement erronée mais tendancieuse, parce qu'elle est soutenue par ceux qui sont à l'origine de cette situation.

C'est oublier d'une part que Mme Borgeaud n'a pas été présentée par notre groupe, mais contre notre candidat et que, d'autre part, elle n'est plus membre de notre formation et siège désormais en Indépendante. C'est donc à deux titres qu'elle ne peut en toute logique pas prétendre nous représenter.

Mme Borgeaud siégeant en Indépendante, cela veut bien dire que le siège qui revient de droit au MCG est désormais vacant. Ce cas de figure est couvert par l'article 31 du règlement de notre Grand Conseil. Nous ne demandons pas autre chose que l'application du règlement et, en particulier, de l'article 29 qui nous garantit un siège au Bureau.

Nous devons tous tirer les enseignements de cette situation. En gage de notre loyauté, nous prenons solennellement l'engagement de présenter un candidat n'ayant jamais brigué ce poste auparavant. En ce qui concerne la majorité que vous figurez, l'enseignement est d'admettre qu'objectivement nous ne sommes plus valablement représentés au Bureau et qu'il faut procéder à cette élection.

L'article 29 ne pose aucun problème d'interprétation: il est clair et garantit à toutes les forces politiques présentes d'avoir leur mot à dire dans la conduite du parlement. Ce droit est imprescriptible.

Mais le Bureau a également pour fonction de représenter le pouvoir législatif dans de très nombreuses manifestations officielles. Nous refuser l'accès au Bureau reviendrait à prétendre que notre parti et 9% des votants de cette république n'ont pas à être représentés officiellement. Cela reviendrait à dire que nos électeurs valent moins que les vôtres, et une telle vision serait surréaliste.

La force démocratique se mesure surtout à la capacité de ses autorités à respecter la loi. Il serait inconcevable que l'autorité qui dicte la loi ne la respecte pas. Le respect de la loi est le meilleur fertilisant de la démocratie. Nous avons donné un gage d'apaisement: nous attendons le vôtre.

M. Yves Nidegger (UDC). Personne, bien évidemment, ne peut remettre en cause la validité du vote de ce Grand Conseil, pas même le Grand Conseil lui-même. Mme Borgeaud a été élue pour une année, il n'y pas à y revenir.

S'agissant de l'autre aspect, il a été dit que l'esprit de la loi voulait - et c'est vrai - que chaque parti dispose d'un relais au Bureau du Grand Conseil. Un principe général dit également que personne ne peut invoquer sa propre turpitude à l'appui d'un droit. Et si une personne est élue par son parti et que ce parti n'en veut plus et la jette à la poubelle, grand bien lui fasse, mais cela ne change absolument rien à l'esprit qui veut qu'un droit peut être invoqué, pour autant que l'on soit de bonne foi et que l'on n'en abuse pas.

Nous n'allons pas ici soumettre cette assemblée - et cela n'a déjà que trop duré - aux caprices d'un groupe qui ne s'organise pas à l'interne et qui peut changer de position n'importe quand. (L'orateur est interpellé.) Si, si ! Personne ne peut invoquer sa propre turpitude, et c'est cela qui est invoqué aujourd'hui par le MCG.

La présidente. Je mets aux voix l'invite de la proposition de résolution 522 qui vous est présentée sous forme de question, à laquelle je vous prie de répondre par oui ou par non, ou de vous abstenir. Voici le texte: «Le Bureau invite le Grand Conseil à se prononcer sur la question suivante: l'exclusion, dont le Grand Conseil a pris acte le 30 novembre 2006, de Mme Sandra Borgeaud du groupe Mouvement Citoyens Genevois constitue-t-elle un motif de remise en cause de son élection au Bureau par le Grand Conseil le 16 novembre 2006?».

Mise aux voix, la proposition de résolution 522 est rejetée par 68 non et 14 abstentions.

L'objet est clos.

Mme Sandra Borgeaud conserve ses fonctions de Secrétaire du Bureau du Grand Conseil.

La présidente. Le Grand Conseil ne remet donc pas en cause l'élection de Mme Borgeaud au Bureau. Je mets aux voix la résolution 523, je vous lis l'invite: «Le Bureau invite le Grand Conseil à se prononcer sur la question suivante: le Grand Conseil doit-il procéder, dans ce cas particulier, à l'élection intermédiaire d'un secrétaire du Bureau pour cette année?».

Mise aux voix, la résolution 523 est adoptée par 44 oui contre 36 non et 5 abstentions.

Résolution 523

L'élection intermédiaire d'un secrétaire du Bureau du Grand Conseil est acceptée.

La présidente. Tel que prévu au point 18, nous procéderons ainsi à une élection intermédiaire.