République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1365-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la pétition "Sécurité et qualité de vie à Chancy"
Rapport de Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC)

Débat

Le président. Le rapporteur était Mme Stéphanie Ruegsegger. Quelqu'un la remplace-t-il ? (Remarque.) C'est M. François Gillet. Très bien, je vous prie de prendre place à la table des rapporteurs. Désirez-vous ajouter quelque chose au rapport ? Ce n'est pas le cas.

M. Christian Brunier (S). Depuis un certain nombre d'années, nous voyons arriver des pétitions des habitants de Chancy: de temps en temps, elles proviennent d'une partie de la population qui veut vraiment défendre un développement harmonieux basé sur les transports publics; parfois, elles proviennent de l'autre groupe de la commune de Chancy, qui est pour un développement plutôt tourné vers la fermeture du village à l'automobile et la construction d'une route de contournement. Il y a eu plusieurs projets, en voici un nouveau, et je crois que cela soulève un vrai problème.

Beaucoup de voitures traversent aujourd'hui le village de Chancy et ses habitants s'en plaignent pour plusieurs raisons: pour des raisons environnementales, de pollution, pour des raisons de nuisances sonores et aussi pour des questions de sécurité routière. Nous sommes d'accord avec eux. J'aimerais juste souligner que les moyennes des passages automobiles à Chancy sont au-dessous de la moyenne des transits automobiles de toutes les rues de la ville de Genève. Il faut être conscients de cela. Souvent, la droite est très sensible à la modération de trafic dans les villages, par contre,... (Protestations.) ... quand on vous demande de prévoir les mêmes plans de protection en ville de Genève, alors là, vous devenez des pro-bagnoles ! J'aimerais juste dire qu'il faudrait être cohérent dans les mesures de modération de trafic. (Brouhaha.) La modération de trafic à la campagne, c'est très bien, mais il faudrait aussi le faire partout en ville de Genève. Ce n'est pas important que dans les villages où vous vivez, Mesdames et Messieurs les députés de la droite !

Il y a plusieurs mesures préconisées dans cette pétition. Interdire les poids lourds de plus de 3,5 tonnes dans le village: cela semble évident, nous soutenons bien sûr cette mesure; améliorer la sécurité routière: bien entendu, nous soutenons également cela; il y a aussi des mesures de modération de vitesse, que nous soutenons encore. Mais j'aimerais que vous souteniez les mesures de ce type en ville de Genève aussi, où il y a la même fréquentation automobile.

Cette pétition demande une chose qui semble à première vue un remède: au lieu de faire passer les voitures au centre du village, faisons une route de contournement. Cela, le parti socialiste s'y oppose. Pourquoi ? Parce que c'est une fausse bonne idée. Je vous rappelle que, chaque fois que nous avons fait une route de contournement d'un village à Genève ou dans n'importe quelle ville de Suisse, eh bien, nous n'avons pas résolu les problèmes de transport ! Bien au contraire, nous avons fait une sorte d'aspirateur à voitures et nous avons généré beaucoup plus de circulation.

J'aimerais vous parler d'une étude qui a été menée en Suisse au niveau national, sur neuf routes de contournement: six en Suisse alémanique, une au Tessin et deux en Suisse romande. L'étude démontre que, dans tous les cas, il y a eu beaucoup plus de voitures: une moyenne de 105% d'augmentation du trafic motorisé dans la même zone. C'est donc un déplacement du problème ! Qui est souvent momentané, puisque les zones en question sont en général en plein développement. Et, si l'on écarte la circulation des villages, ces derniers prennent très vite de la densité et l'on retrouve la circulation en plein milieu alors qu'on a investi des sommes considérables.

Un chiffre, Mesdames et Messieurs les députés: dans les vingt ans... (Brouhaha.) Dans les vingt ans à venir, la Suisse va dépenser près de 7 milliards pour réaliser des routes de contournement de villes ou de villages. Sept milliards en vingt ans ! Eh bien, si l'on investissait la même somme dans les transports publics... (L'orateur est interpellé.) Si l'on investissait la même somme dans les transports publics, alors on résoudrait vraiment les problèmes auxquels les villages sont confrontés ! Arrêtons de construire des routes de contournement qui ne servent à rien, qui génèrent beaucoup de trafic supplémentaire et qui n'encouragent absolument pas la mobilité douce ! Investissons l'argent dans les transports publics ! C'est la priorité dans un pays relativement exigu et c'est le seul moyen de concrétiser une politique de développement durable. C'est un principe que vous avez voté. Mettez-le aujourd'hui en application ! (Applaudissements.)

Le président. La liste est close. Sont encore inscrits: M. Pierre Weiss, M. Gilbert Catelain, Mme Emilie Flamand, M. Eric Stauffer, M. André Reymond, M. François Gillet et M. le conseiller d'Etat Robert Cramer. Est-ce vraiment la peine, Mesdames et Messieurs ?! La parole est à M. Pierre Weiss.

M. Pierre Weiss (L). Il est parfois difficile de mesurer l'importance des problèmes d'un canton comme celui de Genève. Il est d'autant plus difficile de le faire lorsque l'on habite en ville et que l'on ne connaît pas le village dont on parle, Monsieur Brunier. Si vous connaissiez un peu mieux le village de Chancy, vous sauriez que les rues de ce village sont fort étroites; vous sauriez que les camions peinent à s'y croiser; vous sauriez les dangers qui menacent les habitants. Il se trouve que je suis le seul «survivant» des nombreux représentants des députés de la Champagne élus lors de la précédente législature...

Des voix. Oh ! (Exclamations.)

M. Pierre Weiss. L'un a été élu au Conseil d'Etat, et je suis heureux de le voir présider ce Conseil d'Etat aujourd'hui, un autre est parti pour Berne - d'autres, peut-être, le rejoindront...

Des voix. Ah ? (Chahut.)

M. Pierre Weiss. Certains sont retournés dans leur commune, actuellement je suis le seul... (Brouhaha.) Je suis le seul à pouvoir vous dire, connaissant bien le dossier, combien ce problème est sérieux pour les 210 personnes qui ont signé cette pétition. Il y a du mépris dans votre bouche, j'ai été choqué par ce mépris !

M. Christian Brunier. Il faut essayer ce que j'ai proposé !

M. Pierre Weiss. Monsieur Brunier, je ne vous ai pas interrompu, et vous essayez de le faire maintenant: je ne me laisserai naturellement pas déstabiliser par vos méthodes habituelles ! Il y a dans votre bouche du mépris pour les habitants de Chancy, concernant leurs conditions de vie. Ces conditions de vie sont quasiment inacceptables ! Le nombre de camions qui traversent cette commune est à leurs yeux, et je les comprends, d'une importance qui dépasse ce qui est acceptable... (Brouhaha.) Les dangers pour les habitants, pour les enfants de la commune de Chancy, sont trop grands. Vous disqualifiez... (Brouhaha. L'orateur est interpellé.) Non, je n'en ai pas besoin, Monsieur Gros ! (Rires.)

Je vous rappelle que, depuis 1993, il y a une demande de la commune de Chancy pour la construction d'une route de contournement. Cette route de contournement est hautement nécessaire. Dans une récente interview parue dans la «Tribune de Genève»... (Remarques.) ... l'ancien maire de la commune de Chancy - notre ancien collègue à M. Portier et à moi-même, M. Buhler - a rappelé qu'un crédit extrêmement modéré, de l'ordre d'un million, aurait permis à l'époque de pallier le problème qui se pose pour la commune de Chancy. Les tergiversations du Conseil d'Etat ont empêché la construction de la route de contournement. Aujourd'hui, le maire actuel de la commune de Chancy évalue à environ 14 millions le coût de la construction d'une route d'évitement. Voilà à quoi conduisent les retards dans la prise en considération des désirs et des besoins des communes de la Champagne ! Voilà à quoi l'on se trouve devoir faire face lorsque l'on ne prend pas ses responsabilités ! (Brouhaha.)

Monsieur le président du Conseil d'Etat, je crois que les cinq invites qui se trouvent dans cette pétition méritent de notre part une autre écoute que celle que la gauche de ce parlement leur prête. Il s'agit effectivement d'éviter que cette commune soit traversée par des véhicules de plus de 3,5 tonnes; il s'agit effectivement de permettre que les piétons trouvent des cheminements, pour qu'ils puissent notamment se rendre à l'école sans danger; il s'agit d'éviter que des excès de vitesse soient commis dans cette commune par des frontaliers... (Exclamations.) Je m'adresse ici à des oreilles attentives à ces propos... Les frontaliers traversent en grand nombre la commune aux heures où ils doivent se rendre à leur travail. J'aimerais aussi que le projet de contournement qui reste pendant soit pris en considération et soit donc étudié avec une grande attention par notre Conseil d'Etat.

J'avais dit un jour... (Rires. Exclamations.) Je me permets de me citer moi-même ! J'avais dit naguère à M. le conseiller d'Etat Cramer qu'un accident à Chancy en valait un à Champel... M. Brunier ne me contredira pas. Aujourd'hui, il s'agit de prendre cette pétition au sérieux.

Par conséquent, le groupe libéral se détermine comme étant favorable au renvoi au Conseil d'Etat, pour que des mesures efficaces soient prises en faveur de cette commune du canton. Je vous remercie. (Applaudissements. Bravos.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Je suis un peu désolé de la tournure des débats. Chacun s'emporte ! Je me demande si le Conseil d'Etat n'a pas lui-même allumé la mèche en tenant tout à l'heure des propos totalement inacceptables. Peut-être parce qu'il n'avait pas lu la motion, pas compris les invites ou, en tout cas, pas lu l'exposé des motifs. Parce qu'accuser ce parlement de dépenses...

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Cinquante millions !

M. Gilbert Catelain. Il a peut-être trop bu ce soir, je ne sais pas... (Remarques.) Peut-être parce qu'il n'a pas lu correctement. Car, si vous lisiez correctement, vous verriez, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'on ne vous demande pas de financer la partie française, mais de financer la partie cantonale sur le territoire suisse... (Protestations.)

Le président. Monsieur Catelain, nous ne sommes pas à ce point de l'ordre du jour !

M. Gilbert Catelain. Oui, je vais revenir tout de suite à la pétition !

Le président. Non, pas tout de suite: immédiatement ! (Rires.)

M. Gilbert Catelain. Mais justement ! Je pense que cette pétition ne va pas demander les 21 millions que le Conseil d'Etat nous a demandés hier, puisqu'on peut trouver des solutions très simples pour donner satisfaction aux habitants de Chancy. Il y a d'ailleurs suffisamment de juristes dans cette enceinte pour faire appliquer des lois. Et il y en a une que vous pouvez faire appliquer dès demain: les camions, théoriquement, ont l'interdiction de passer par Chancy. S'ils y passent, c'est parce qu'une loi n'est pas appliquée, et on aurait pu la faire appliquer depuis longtemps déjà dans ce canton !

La deuxième possibilité était d'élargir les heures d'ouverture de la route de Chancy: cet élargissement n'a jamais été demandé officiellement par le canton, c'est resté au niveau de l'OTC. Cette deuxième mesure aurait pu être mise en oeuvre très rapidement, d'autant plus qu'elle relève de la compétence du Canton.

Je n'ai donc aucune objection à ce que l'on renvoie cette pétition, puisque des mesures simples peuvent être prises assez rapidement.

Mme Emilie Flamand (Ve). Cette pétition soulève un problème bien réel, nous pouvons d'ailleurs soutenir plusieurs de ses invites - sur ce point je pourrais presque être d'accord avec M. Weiss. Toutefois, c'est sur la cinquième invite, qui demande la route d'évitement, que le bât blesse. Les Verts sont, de manière générale, opposés aux solutions du type routes d'évitement ou traversées de villages en tunnel. En effet, nous considérons que les problèmes de circulation doivent être traités à la racine. Une route d'évitement ne résout rien, elle soulage un endroit mais en sacrifie un autre, à des coûts exorbitants. Les solutions d'évitement ne servent à rien: ce sont des emplâtres sur des jambes de bois. Elles masquent les problèmes de circulation existants et repoussent à plus tard la recherche de véritables solutions sur le long terme.

Or les solutions à long terme existent, elles sont multiples, ce sont des mesures qui visent à diminuer durablement la circulation et non pas à la dévier; ce sont des mesures telles que le développement des transports publics, la construction de P+R en amont des grands axes, la modération du trafic dans les villages.

Pour conclure, plus de sécurité à Chancy: oui ! Moins de trafic: oui, mais pas avec les moyens demandés par cette pétition. Pour ces raisons, nous voterons le dépôt sur le bureau et vous recommanderons d'en faire autant. (Applaudissements. Bravos.)

Le président. La parole est à M. Eric Stauffer. (Protestations.) Mesdames et Messieurs les députés, vous vous tenez tranquilles, ou je lève la séance ! (Exclamations.)

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président ! Eh bien, à entendre certains commentaires pour le moins injurieux, je trouve que je suis relativement calme et que je respecte bien la forme. Cela étant dit, je tiens à saluer la déclaration de M. Robert Cramer, qui a juste raison à cent pour cent ! (Remarques. Brouhaha.) Il faut le dire, parce que c'est l'irresponsabilité de certains qui a fait que Genève a aujourd'hui un déficit record, le premier au niveau Suisse.

Pour en revenir à la pétition qui nous intéresse, j'ai entendu beaucoup de choses... C'est vrai, Chancy - je connais, les rues y sont étroites... (Brouhaha.) ... le trafic y est difficile. Néanmoins, Mesdames et Messieurs, ce trafic est devenu intolérable pour les habitants de Chancy, non pas à cause des résidents, mais parce qu'il y a un trafic frontalier... (Exclamations.) Et je salue encore une fois le courage de M. Cramer, qui a décidé, comme cela a été annoncé par la presse, de fermer certaines douanes pour canaliser le trafic frontalier sur une autoroute de contournement, que nous avons financée en partie.

Il serait très opportun que M. le conseiller d'Etat envisage aussi la fermeture de Chancy, ce qui libérerait les habitants de Chancy de l'excès de trafic. Quand j'entends que les camions de 3,5 tonnes traversent sans cesse le village de Chancy, je me dis que le nouveau port franc de Genève est peut-être à Chancy... Mais je ne le crois pas, Mesdames et Messieurs, je crois que c'est un trafic frontalier qui fait que ces camions passent par la douane de Chancy.

Partant de ce principe, c'est notre responsabilité, premièrement, de préserver les deniers publics de Genève et, deuxièmement, d'obliger la route de contournement. Mais du côté français, à la charge des Français. Parce que, Mesdames et Messieurs, c'est bien joli de dire: «nous voulons construire ceci et cela», mais je n'ai pas vu la réciprocité ou, en tout cas, pas la volonté politique de nos amis français d'investir... (Protestations.) ... dans les infrastructures pour faire une région franco-valdo-genevoise. Tant que nous, groupe MCG, ne verrons pas cette volonté de la part de nos amis français... (Brouhaha.) ... nous nous opposerons à dépenser les deniers publics des Genevois pour favoriser le trafic de nos amis frontaliers. (Applaudissements.)

M. André Reymond (UDC). Ce problème de Chancy, on en parle effectivement depuis plus de cinq ans, et nous savons que les problèmes de circulation de Chancy et d'autres communes sont régulièrement soumis à ce Grand Conseil. C'est vrai qu'à Chancy il y a eu des décès, des accidents, qu'il y a un problème de sécurité, et que les habitants en ont assez de cette traversée bruyante aux heures de pointe... Mais j'aimerais tout de même rappeler que Genève restera un centre régional et que les Européens habitant en dehors de nos frontières viendront travailler à Genève, cela que nous le voulions ou non. Les faits sont là et nous devrons vivre avec cela.

Je tiens aussi à souligner l'effort que M. Cramer a fait concernant le tram 17... (L'orateur est interpellé.) ...Oui, il y a beaucoup de louanges pour vous, Monsieur le conseiller d'Etat. Je veux toutefois souligner qu'une motion de l'UDC, qui demandait que le Conseil d'Etat fasse de la promotion pour les places de stationnement - notamment sur la ligne de chemin de fer Evian-Thonon-Annemasse, pour toutes ces petites gares qui ont énormément de places - est restée sans suite. Cette motion demandait que le Conseil d'Etat fasse de la promotion pour que les automobilistes qui viennent chez nous utilisent la ligne de chemin de fer. Il en est de même pour Pougny-Chancy, il y a déjà quarante places qui... (Brouhaha.) ... ne sont pas toutes occupées, et je pense que le Conseil d'Etat peut, concernant cette région, avoir une influence positive pour que de la promotion soit faite quant à ces places de stationnement. (Remarques. Brouhaha.)

Je tiens aussi à citer aux groupes de gauche, Verts ou Socialistes, qui veulent des transports publics, l'exemple de Zurich. (Brouhaha.) Je me permets me permets toujours de le citer: à Zurich, si on augmentait la capacité ferroviaire de 30%, eh bien, la diminution du trafic sur la route ne serait que de 4%. Souvent, on cite aussi Paris en exemple - c'est une ville merveilleuse, il y a des RER, il y a des métros... Mais n'oubliez pas qu'à Paris les transports collectifs ne représentent que les 30%; les 70%, ce sont quand même du transport privé.

Concernant la route de contournement, M. Cramer va nous rappeler le problème de la moraine- c'est difficile d'éviter, parce qu'il y a cette fameuse moraine... Mais il y a cependant un problème de circulation ! Certains disent que les places de stationnement à Genève vont coûter un maximum: je me permettrai juste de souligner que l'extension du parking du Mont-Blanc ne coûtera rien du tout au contribuable. Que vous sachiez aussi une chose, que... (Remarque de M. Robert Cramer.) Mais oui, Monsieur le conseiller d'Etat, mais permettez-moi d'avoir un avis qui différera un petit peu du vôtre ! Mesdames et Messieurs les députés, sachez que la complémentarité des transports publics et des transports privés doit exister !

Le groupe UDC propose de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat qui en fera le meilleur usage possible.

M. François Gillet (PDC), rapporteur ad interim. Je ne referai pas le débat qui vient de se dérouler. Simplement, j'aimerais vous signaler, surtout à celles et ceux d'entre vous qui sont des citadins - et ceux parmi nous qui ont eu, ou qui ont encore, des responsabilités sur le plan communal vous le confirmeront - qu'une des préoccupations premières des habitants des communes périphériques du canton est bel et bien la sécurité routière, et notamment la sécurité des enfants. J'aimerais donc attirer votre attention sur le fait que de déposer simplement sur le bureau du Grand Conseil les craintes et les préoccupations de 210 habitants de Chancy n'est pas admissible. Pour cette raison, je vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. La pétition qui fait l'objet de nos discussions est en réalité beaucoup plus nuancée que les débats que nous avons eus. Permettez-moi tout d'abord de vous indiquer un certain nombre de données - je n'emploie pas le mot «rappeler», parce que je crois qu'elles sont assez largement ignorées. Chancy est un village qui a été véritablement traumatisé par la circulation des camions. Pourquoi ? Parce que Chancy se situe dans cette zone du canton où il y a un grand nombre de gravières. Il y a eu une période d'exploitation intensive des gravières à proximité de Chancy, de sorte que la circulation des camions était très importante. J'ai ici des chiffres. On m'indique que, dans les années 90, il y avait jusqu'à 300 camions par jour qui traversaient Chancy. Il est évident que c'est extrêmement spectaculaire. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Eh bien, à peu près 700 passages de camions ont été observés pour toute l'année 2005. Vous avez bien entendu ces deux chiffres: pendant toute l'année 2005, il y a eu autant de camions qui ont traversé Chancy qu'en deux jours et demi dans les années nonante. C'est donc dire que l'image qu'on se fait à Chancy de ce qu'est la circulation de camions ne correspond pas à la réalité. L'image est dictée par la situation très difficile que le village a dû traverser et la réalité, qui est aujourd'hui observable à travers les chiffres, est bien différente.

Sept cents camions en une année, ce n'est pas grand-chose. Cela revient à deux camions par jour. Par ailleurs, la circulation dont on parle, à travers le village de Chancy, c'est aujourd'hui à peu près 5000 à 6000 véhicules. Très concrètement, entre 2000 et 2005, il y a eu une augmentation de 14,5% de la circulation. C'est beaucoup, mais c'est exactement identique à ce que l'on peut observer sur toutes les routes du canton. Chancy n'est pas un village sinistré par la circulation automobile. Il a été sinistré dans les années nonante par la circulation des camions. Aujourd'hui, 5000 à 6000 véhicules, c'est beaucoup moins que ce que l'on trouve dans à peu près chaque quartier de la ville de Genève, c'est l'équivalent de ce que l'on trouve dans les plus petits villages du canton de Genève. Ce sont les chiffres ! Pour le reste, ma foi, les gens vivent effectivement avec cette image très forte de la circulation de camions qu'ils ont dû connaître pendant les années nonante, mais au fond c'est historique.

Dans le même temps que je vous dis cela, je vous indique également que c'est très volontiers que le Conseil d'Etat accepte de recevoir cette pétition. Pour quelles raisons ? Pour des raisons diamétralement opposées à celles qui motivent ceux qui ont déposé cette pétition. Vous devez savoir, Mesdames et Messieurs les députés, que le Conseil d'Etat considère - il vous l'a dit à travers un rapport qu'il vous a transmis - que, assurément, le contournement de Chancy est un objectif, mais qu'il n'est pas prioritaire pour ce canton. Un jour on devra le réaliser, mais avant cela, il y a d'autres ouvrages à construire, comme la traversée de Meyrin, celle de Vésenaz, la route des Nations que vous avez votée, etc. Il y a plusieurs ouvrages routiers d'importance cantonale qui sont plus essentiels que le contournement de Chancy. Eh bien, depuis que l'on sait à Chancy que le Conseil d'Etat est d'accord de faire ce contournement, mais après avoir réalisé d'autres ouvrages, on s'oppose, figurez-vous, à des mesures de modération du trafic !

J'ai ici une note de l'administration où l'on m'indique que l'office cantonal de la mobilité souhaitait, avec les autorités de Chancy, poursuivre des études pour modérer le trafic sur la route de Bellegarde, pour mieux sécuriser Chancy. Les autorités de Chancy ne le veulent plus, parce qu'elles jouent la politique du pire, parce qu'elles souhaitent - c'est un peu le sens de l'intervention de M. Weiss - que l'on réalise à tout prix ce contournement coûteux pour la collectivité, et qui est loin d'être une priorité cantonale. En effet, bien d'autres endroits dans ce canton sont bien plus sinistrés que Chancy ! C'est en ce sens que j'accepte cette pétition, parce qu'avec votre appui, elle nous fournira des arguments supplémentaires à l'égard des autorités de Chancy pour leur dire: non à un contournement immédiat; oui à des mesures efficaces de protection des habitants de Chancy et de modération du trafic. Du reste, je crois, Monsieur Gillet, que c'était le sens de votre intervention. (Applaudissements.)

Le président. Nous avons deux propositions: l'une, de renvoi au Conseil d'Etat; l'autre, de dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Je vais donc mettre ces deux propositions face à face: ceux qui sont favorables au renvoi au Conseil d'Etat voteront oui; ceux qui voteront non soutiendront le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des transports (renvoi de la pétition 1365 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 47 oui contre 20 non et 2 abstentions.